Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je comprends très bien les arguments de notre collègue Paul Blanc et les propos qu’ont tenus les uns et les autres sur l’emploi des travailleurs handicapés. Toujours est-il que la fonction publique au sens large est confrontée à bien des difficultés.

Autant j’approuve que des pénalités soient appliquées si un corps ayant réellement la capacité d’accueillir en son sein des personnes handicapées, par exemple parmi les personnels administratifs, ne respecte pas son obligation légale en la matière, autant je considère que cette règle est inapplicable dans d’autres cas. Ainsi, le service départemental d’incendie et de secours de mon département va devoir payer un million d’euros pour ne pas l’avoir respectée. Mais comment pourrait-on embaucher des personnes handicapées en qualité de sapeur-pompier professionnel ?

Mme Catherine Procaccia. À moins de les affecter au standard téléphonique ! Je ne vois pas comment ils pourraient être employés autrement !

M. Michel Mercier. Il vaudrait sans doute mieux instaurer une taxe ou un impôt en lieu et place de cette pénalité.

J’ajoute que 180 de nos pompiers ne pouvant pas intervenir sur les sinistres sont en voie de reclassement, sans pour autant être considérés comme des personnes handicapées. Le cumul de ces deux situations n’est pas sans conséquences.

Puisque vous avez pris l’engagement de remettre de l’ordre, monsieur le secrétaire d'État, il serait bien que vous vous penchiez sur les cas que je viens d’évoquer.

M. Alain Gournac. C’est la même chose dans les Yvelines !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne sous-estime pas l’intérêt de la discussion générale, mais les échanges que nous avons en cet instant l’attestent, l’examen des amendements constitue un moment fort du débat budgétaire. C’est à cette occasion que nous pouvons évoquer concrètement un certain nombre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que le maximum doit être fait pour les personnes handicapées. Pour autant, suffit-il de graver dans la loi un certain nombre de dispositions en leur faveur ? Je ne le crois pas. Le cas cité par Michel Mercier est significatif. Comment la fonction publique peut-elle recruter par voie de concours tout en réservant un certain nombre de postes aux personnes handicapées ? Ce n’est pas si simple !

De même, me vient à l’esprit l’exemple d’un maître d’ouvrage public responsable de l’aménagement d’une salle de sports contraint de respecter les diverses normes d’accessibilité aux personnes handicapées, et ce alors que, manifestement, elles ne pourront pas pratiquer les sports pour lesquels cette salle est conçue. Il est absurde, dans ce cas précis, d’engager de telles dépenses publiques.

Faisons preuve d’un peu de discernement si l’on veut rendre compatibles nos objectifs de solidarité et notre souci de préserver les deniers publics.

La discussion des amendements déposés sur l’article 79 a permis d’apporter un éclairage particulier sur ces fonds d’un montant total de 650 millions d’euros. Les cotisations qui les alimentent sont un facteur de renchérissement du coût du travail et, dans certains cas, peuvent accélérer la délocalisation d’emplois. Veillons à la cohérence des dispositions que nous votons.

Je remercie Paul Blanc d’avoir soulevé ce problème, mais c’est l’usage des fonds publics qui est en cause. Il ne suffit pas de prévoir des dispositions d’ordre punitif, consistant à infliger des sanctions à un employeur dès lors que celui-ci ne respecte pas loi lui faisant obligation d’employer au moins 6 % de personnes handicapées.

Soyons solidaires de nos compatriotes handicapés. Tout doit être fait pour eux, mais pas nécessairement au prix de contraintes légales. Espérons qu’au moins la trésorerie de ces fonds est placée en bons du trésor et contribue ainsi au financement du déficit public…

Cela étant dit, les amendements tendant à supprimer l’article 79 ne sont pas justifiés. C’est pour cette raison qu’il faut les repousser.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-127 et II-149.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 79.

(L'article 79 est adopté.)

Article 79
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 81

Article 80

I. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est abrogée à compter du 1er janvier 2009.

II. – Les allocataires qui, à la date mentionnée au I, bénéficient de l’allocation prévue par l’article L. 5423-7 du code du travail continuent à la percevoir jusqu’à l’expiration de leurs droits. Les coûts afférents au maintien du bénéfice de cette allocation restent à la charge du fonds de solidarité mentionné à l’article L. 5423-24 du même code.

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-128 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Godefroy, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-150 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement no II-128.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 80 vise à supprimer la prise en charge par l’État de l’allocation de fin de formation, l’AFF, qui avait été créée en 2001. L’année dernière, un prélèvement de 200 millions d’euros sur le fonds unique de péréquation en avait permis le financement. Cette année, le Gouvernement opte pour sa suppression afin d’économiser 169 millions d’euros.

Le motif avancé par le Gouvernement est que certains chômeurs seraient tentés de retarder leur entrée en formation parce que l’allocation de fin de droits permet de toucher 57,4 % du salaire antérieur au lieu de ne percevoir que l’allocation spécifique de solidarité.

Cette suppression, je le rappelle, est consécutive à celle de l’allocation équivalent retraite, qui permettait aux chômeurs en fin de droits ayant validé cent soixante trimestres mais n’ayant pas soixante ans de bénéficier d’une allocation supérieure de moitié à l’allocation spécifique de solidarité.

J’indique au Sénat que l’ASS simple « s’élève », si j’ose dire, à 442 euros par mois. Comme vous pouvez le constater, nous sommes assez loin des montants remboursés au titre du bouclier fiscal !

Au moment où se déclenche une vague considérable de plans sociaux, le Gouvernement prend les devants pour limiter de toutes les façons possibles ses engagements et pour les transférer soit sur l’assurance chômage, via l’allocation d’aide au retour à l’emploi, la formation et un dispositif qui devient purement assurantiel, soit sur les régions qui relaient déjà l’AFF après quatre mois.

Nous nous opposons donc à ce nouveau désengagement de l’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement no II-150.

Mme Annie David. L’article 80 prévoit un nouveau désengagement de l’État, toujours en matière de formation professionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, vous entendez mettre fin à l’allocation de fin de formation, l’AFF, qui est destinée aux demandeurs d’emploi en fin de droits poursuivant une formation.

Dans un contexte de crise et d’explosion du chômage, ce désengagement nous apparaît comme une très mauvaise mesure. Elle était néanmoins prévisible dans la mesure où, en décembre 2006, vous aviez limité le versement de cette allocation aux seules formations concernant les métiers en tension.

À ce propos, les sommes théoriquement incluses dans le budget du Pôle emploi en direction de la formation seront-elles réservées aux seules formations relatives aux métiers en tension ou respecterez-vous les choix faits par les salariés dans leur projet personnalisé ?

Par ailleurs, nous craignons qu’il ne s’agisse que d’une diminution de crédits et que le Pôle emploi ne satisfasse pas l’intégralité des demandes de formation.

En réalité, c’est bien à toute la formation professionnelle que vous entendez vous attaquer et votre acharnement à l’encontre de l’AFPA en est la preuve. Vous commencez par diminuer son budget de 40 %, même s’il ne s’agit pas de crédits de fonctionnement. Pour autant, nous savons que la direction de l’AFPA proposera bientôt une multiplication du nombre de formations de courte ou de très courte durée, au détriment de ce qui faisait sa force, c’est-à-dire des formations qualifiantes de longues durées.

Nous savons également que, malgré une demande forte, certains modules de formation seront supprimés, d’autres réduits, ce qui provoque l’inquiétude des petites et très petites entreprises, notamment.

Je suis membre de la mission sénatoriale sur la formation professionnelle. À ce titre, j’ai rencontré, avec M. Jean-Claude Carle, les artisans de la vallée de l’Arve. Spécialisés dans le décolletage, ils s’inquiètent de la fermeture annoncée des formations de l’AFPA dans ce domaine.

Parallèlement à cette diminution des crédits, on assiste à un désengagement du ministère du travail dans la certification. Cela permettra d’offrir aux entreprises privées ne disposant pas de la capacité de proposer des formations certifiées la possibilité de concurrencer l’AFPA. Car l’objectif est bien la mise en concurrence de l’AFPA, comme l’atteste votre volonté de procéder à des appels d’offres.

Vous nous répondrez sans doute que la législation européenne vous y oblige puisque, dans un avis du 18 juin 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que la formation professionnelle était une activité économique, dans toutes ses composantes. L’AFPA doit donc être qualifiée d’entreprise au sens du droit communautaire.

Il est grand temps de cesser de vous cacher derrière une Europe libérale qui prend les mesures que vous l’avez autorisée à prendre en adoptant les traités de Maastricht, de Nice, ou de Lisbonne.

Pourtant, vous le savez, aucune structure ne peut concurrencer l’AFPA. Elle est la seule à proposer des formations de longue durée, qualifiantes et reconnues comme telles, offrant tout à la fois une formation, des services gratuits associés – l’hébergement, par exemple –, un suivi médical, la restauration, mais aussi un accompagnement personnalisé des stagiaires.

Les résultats sont là : sept stagiaires sur dix accèdent à un emploi dans les six mois qui suivent leur formation, 74 % considèrent avoir atteint l’objectif qu’ils s’étaient assignés, 73 % des entreprises clientes estiment que le projet contracté a été réussi, 81 % des stagiaires obtiennent un titre professionnel à l’issue de leur formation.

Il ne s’agit donc pas tant pour vous de mettre les missions en concurrence que de partager les financements publics avec le privé.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite avoir des précisions sur les 220 sites de l’AFPA, qui sont dans des situations très diverses. Si l’État est en général propriétaire des bâtiments, les terrains appartiennent parfois aux communes, parfois à l’État, parfois à l’AFPA elle-même. Il semble que l’on envisage de transférer la propriété des biens immobiliers et des terrains à l’AFPA. Or, selon l’intersyndicale, avec qui je me suis entretenue et que M. Guy Fischer a rencontrée à Vénissieux, si ce transfert ne s’accompagne pas d’une augmentation substantielle de la dotation de l’État, l’AFPA ne sera pas en mesure de financer les frais d’entretien, de rénovation et de maintenance qui lui incomberont.

Je voudrais donc savoir où en sont ces projets et si vous entendez doter l’AFPA des moyens financiers supplémentaires correspondant à ce nouveau poste de dépenses ?

Il est clair que la suppression de l’AFF aurait des conséquences sur la poursuite des activités de l’AFPA et sur la mise en œuvre de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Je rappelle que le financement de l’AFF a été pris en charge par l’État en 2001, alors que l’UNEDIC était déficitaire. Il apparaît légitime d’en revenir à un partage des tâches raisonnable, dans lequel chacun assume sa part de responsabilité. Il n’appartient pas à l’État de financer des dispositifs de formation destinés aux demandeurs d’emploi.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-128 et II-150.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 80.

(L'article 80 est adopté.)

Article 80
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel après l'article 81

Article 81

Mme la présidente. L’article 81 a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Article 81
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Défense

Article additionnel après l'article 81

Mme la présidente. L'amendement n° II-38, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allégements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi.

Ce rapport s'attachera notamment à exposer :

a) le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en œuvre ;

b) les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ;

c) les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. L’efficacité des allégements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi doit faire l’objet d’une évaluation par le Gouvernement. Il faut en effet savoir combien d’emplois sont effectivement créés grâce à ces dispositifs.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en quinze ans, les exonérations générales de cotisations sociales auront représenté un total de plus de 200 milliards d’euros, ce qui est considérable.

Or l’efficacité de ce dispositif au regard de la politique de l’emploi n’est pas mesurée. On donne beaucoup d’argent, mais on ne sait pas toujours à quoi il sert ni quels sont les résultats réels des dispositifs que l’on finance.

De plus, l’effet sur l’emploi de la politique d’exonération de charges sur les bas salaires fait l’objet d’un débat qui n’est pas tranché. Cette politique est-elle utile ou non et, dans l’affirmative, combien d’emplois ont-ils été créés ou maintenus ?

Je rappelle que les études disponibles du Conseil d’orientation pour l’emploi, de la révision générale des politiques publiques ainsi que l’avis de la Cour des comptes n’aboutissent pas à des résultats convergents quant à l’intérêt économique des allégements généraux de charges.

Toutes les mesures que nous décidons coûtent de l’argent. Cet argent, nous l’empruntons. En empruntant, nous augmentons la dette, donc le poids du service de la dette. À terme, c’est tout le budget de l’État qui pourrait être dédié au service de la dette !

On ne peut pas faire n’importe quoi ! On décide qu’il ne faut pas travailler plus de 35 heures ; c’est bien joli, mais quelles sont les conséquences d’une telle décision sur l’emploi et sur l’efficacité économique ? Nous vivons tout de même sur une planète où l’on ne peut pas multiplier les dépenses sans qu’il y ait, en regard, des recettes pour les financer !

Mme Annie David. Sur cette planète, il y a surtout des hauts revenus d’un côté et le SMIC de l’autre !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Si l’on supprime les recettes, je vous laisse imaginer ce que va se passer ! Il faut garder les pieds sur terre, mes chers collègues !

Mme Annie David. Mais bien sûr !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Nous ne serons jamais d’accord parce que vous ne savez pas comment cela fonctionne ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Annie David. Ben voyons !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Vous croyez qu’il y a de l’argent disponible et qu’il suffit de s’en servir pour tout payer, mais ce n’est pas vrai ! Ayez un peu le sens des finances !

M. Jean Desessard. Et les banquiers, ils savent comment ça marche ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Les banquiers, ils n’ont plus d’argent, vous le savez bien ! (Rires sur les mêmes travées.)

Je propose donc que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l’efficacité des allégements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi.

Prenons un exemple. On dépense 55 milliards d’euros pour l’emploi et les allégements de cotisations. C’est une somme importante. Parallèlement, nous discutons pendant une demi-heure d’une mesure évaluée à 30 millions d’euros. C’est l’histoire du garage à vélos : on dépense 30 millions d’euros pour le garage et on oublie le financement de l’usine qui fabrique les vélos !

On dépense parfois beaucoup d’argent pour peu de chose alors que l’on n’en consacre pas suffisamment à des actions utiles. Il faut savoir à quoi sert l’argent que nous dépensons.

Dans ce rapport que je propose, le Gouvernement s’attacherait notamment à exposer le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en œuvre, les méthodes envisagées pour réduire la charge sur les finances publiques – ce qui leur ferait le plus grand bien – et présenterait les dispositifs alternatifs de soutien à l’emploi et aux entreprises.

Le soutien à l’emploi ne se limite pas à une aide aux chômeurs. Pour qu’il y ait des emplois, encore faut-il qu’il y ait des entreprises capables d’embaucher. Or, si les entreprises supportent des coûts de travail exorbitants, si elles ne vendent plus, elles ne pourront pas embaucher. Il faut donc les aider à investir pour développer des produits nouveaux : elles embaucheront des salariés qui fabriqueront ces produits. Si ma société fabriquait le même avion qu’il y a vingt ans, elle n’en vendrait plus. Il faut investir pour développer des produits nouveaux et être compétitif sur le marché international.

Cela fera certes un rapport supplémentaire, mais l’importance des montants en jeu justifie une évaluation claire de cette politique.

Je souhaite par ailleurs que le Gouvernement se décide un jour à fixer une échéance aux dispositifs qu’il prévoit. Pour l’heure, on ne fait qu’additionner les mesures et on ne précise jamais combien de temps elles vont s’appliquer. On pourrait fort bien décider que tel allégement s’appliquera deux ou trois ans. Mais, dans les faits, on n’ose pas fixer un terme.

Je souhaite que le Gouvernement étudie la suppression d’un certain nombre d’allégements. Cela permettrait de transférer ces sommes sur d’autres actions et de réduire le recours à l’endettement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Cet amendement vise à demander au Gouvernement d’élaborer un rapport évaluant l’efficacité des allégements de charges.

Nous avons, pour notre part, souligné l’importance d’une évaluation des crédits de la politique de l’emploi, a fortiori en matière d’allégements de charges. Il faut en effet raisonner à partir de données objectives.

Dans cet esprit, je soumettrai au Parlement, à la rentrée, un programme d’évaluation chiffrée sur l’ensemble des crédits de la politique de l’emploi. Cela me permettra, je l’espère, de présenter l’année prochaine à la commission des finances des résultats sur l’efficacité des différentes mesures que nous prenons, dont les allégements de charges.

M. Jean Desessard. L’année prochaine, vous aurez changé de ministère et nous n’aurons rien du tout !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-38.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 81.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Défense

Article additionnel après l'article 81
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et articles 59 decies, 59 undecies, et 59 duodecies).

La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, j’avais qualifié le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008 de « budget de transition », de « budget d’attente ».

En effet, nous attendions les conclusions de la révision des programmes et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Aujourd'hui, nous attendons la restructuration des armées et la prochaine loi de programmation militaire, qui amèneront forcément des changements considérables dans l’organisation générale de nos forces.

En 2007, je saluais, et je salue toujours, une professionnalisation réussie. À mes yeux, c’est un très bon travail. C’est surtout le témoignage renouvelé de la qualité de nos militaires et de la persévérance dont ils savent faire preuve pour accomplir les tâches les plus difficiles. Nous nous réjouissions alors tous de voir enfin une loi de programmation militaire « respectée de bout en bout ».

Mais répéter que la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 était « respectée » revenait à évacuer deux preuves pourtant manifestes du contraire.

Je pense au non-respect de la programmation à la fois des effectifs – l’exécution de tous les budgets a systématiquement conduit à des sous-effectifs constants et importants – et des engagements en termes de matériel militaire, ce qui est encore plus grave.

Chaque année, le financement des opérations extérieures, les OPEX, opérait des prélèvements massifs sur les crédits du titre 5, qui n’étaient, dès lors, pas exécutés. En outre, des crédits ont fait l’objet de reports, voire d’annulations pures et simples. Aussi, au terme de deux lois de programmation successives, est apparue une « bosse » programmatique de matériel correspondant à un besoin de financement massif, mais impossible à atteindre, de 21 milliards d’euros.

Le montant des sous-exécutions s’est élevé à 13 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 1997-2002 et à 8 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2003-2008.

Monsieur le ministre, une telle bosse programmatique, ingérable, des investissements militaires de matériel constituait à elle seule une raison majeure d’une révision drastique de la programmation.

Par conséquent, je souhaite poser les questions suivantes. Comment avez-vous pu, dans de telles conditions, aboutir à reprogrammer une bosse de 1,7 milliard, pour la seule période 2009-2010 ? Cette mesure résoudra-t-elle définitivement le problème ?

Ce regard difficile, pénible et préoccupant dans le rétroviseur est indispensable si nous voulons comprendre les raisons qui ont conduit le Gouvernement à nous proposer une révision draconienne du format de nos armées et de son organisation.

Pour nous – je parle en l’occurrence de ceux d’entre nous qui soutiennent la politique du Gouvernement –, approuver les crédits de la mission « Défense » pour 2009 revient à comprendre, par anticipation, les orientations du projet de loi de programmation militaire qui nous sera bientôt présenté.

La révision des programmes est aujourd’hui achevée. Le Livre blanc a repris l’essentiel des conclusions qui s’imposaient : nous devons réviser notre stratégie, pour en adopter une plus moderne, en admettant que le « modèle d’armée 2015 » n’est pas à notre portée compte tenu des moyens prévus pour l’atteindre.

Monsieur le ministre, la restructuration des armées que vous conduisez avec une détermination indispensable et digne d’éloges est la traduction des contraintes issues de ces textes et des réalités.

Je ne dis pas que la France n’est plus en mesure de financer les actions prévues, ni même que ses moyens ont diminué. Simplement, voilà quelques années, en visant un modèle pour 2015 et en affichant de grandes ambitions en termes d’effectifs, d’achats de matériels et de capacités de projection, les gouvernements n’ont pas été réalistes. Leurs programmes dépassaient, et de très loin, les capacités financières du pays. Aujourd'hui, c’est à nous qu’il appartient de rectifier le tir.

Pouvait-on maintenir les effectifs de la programmation militaire au niveau où ils étaient auparavant ? Pouvait-on atteindre un taux du maintien en condition opérationnelle des matériels supérieur à 50 %, sachant que, pour l’instant, seuls les matériels destinés aux OPEX bénéficient d’un taux suffisant ? Pouvait-on conserver tous les programmes majeurs de matériel, alors même que leurs coûts de fabrication et de possession croissent d’une manière incoercible, car ils sont entraînés par la sophistication elle aussi croissante de ces équipements ? Pouvait-on s’obstiner à vouloir détenir dans tous les domaines la meilleure qualité, et en abondance ? La réponse est non !

Un tel chemin n’était plus praticable. Monsieur le ministre, vous avez le mérite de vous être engagé sur la voie difficile d’une révision majeure.

Pour autant, comme vous le soulignez, et comme le Président de la République l’a garanti, la masse des crédits mis à la disposition de votre ministère est considérable et ne diminue pas cette année.

Avec 30,4 milliards d’euros de ressources budgétaires, auxquels s’ajoutent – je vais y revenir – 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, votre budget atteint 32 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à l’année dernière.

Ces crédits considérables font du budget de la défense le troisième en importance du présent projet de loi de finances et absorbent 1,6 % du produit intérieur brut.

Vous comptez donc sur 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles sans lesquelles – il faut bien le dire – votre budget boiterait bas.

Ces ressources proviennent, pour 1 milliard d’euros, des cessions immobilières de sites dont le ministère de la défense n’a plus besoin. À titre dérogatoire, le produit de ces cessions est laissé à la disposition du budget propre de la défense, ce qui est rare et précieux.

Toutefois, comme les programmes de cessions de cette nature ne peuvent pas avoir d’effet immédiat sur le plan financier, le financement est également assuré par un montage mettant en jeu plusieurs intervenants, dont la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, la Caisse des dépôts et consignations et une autre structure de portage restant à créer. C’est elle qui empruntera et qui assurera le financement relais vous permettant de disposer des valeurs de cession dans le courant de l’année 2009.

Monsieur le ministre, ce système est ingénieux, mais n’est-il pas fragile ? Êtes-vous assuré de son bon fonctionnement ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Sans problème !

M. François Trucy, rapporteur. L’autre partie des ressources exceptionnelles, soit 600 millions d’euros, provient de la vente de fréquences hertziennes, en particulier de celles du réseau Félin, dont vous nous assurez que l’armée n’avait plus besoin.

Êtes-vous également assuré de recevoir ces paiements en 2009 ? Quels sont les acheteurs éventuels ?

Notre deuxième préoccupation majeure concerne les effectifs.

La restructuration des armées, telle qu’elle est décidée, prévoit une baisse considérable des effectifs de 54 000 emplois à temps plein entre 2009 et 2014.

En 2009, cette réduction tire son origine, pour les deux tiers, de la révision générale des politiques publiques et, pour le troisième tiers, du Livre blanc.

Cette diminution progressive touchera toutes les armes et s’effectuera d’une manière linéaire. Ainsi, en 2009, seront supprimés 8 250 emplois, dont 8 000 pour la seule mission « Défense ».

Il est extrêmement difficile pour les armées de gérer de telles réductions tout en maintenant, comme chacun l’exigera évidemment, les disponibilités opérationnelles, la formation permanente, les effectifs des OPEX et la qualité des recrutements.

Chacun peut donc imaginer l’extraordinaire difficulté de cette opération, pourtant essentielle à la réussite de la restructuration.

Monsieur le ministre, si les armées parviennent à gérer année après année cette réforme des effectifs, elles le feront – vous le savez bien – à flux tendu, sans aucune marge de manœuvre. Toute exigence supplémentaire de réduction des effectifs en cours de route venant du Gouvernement causerait une atteinte directe et dramatique à la disponibilité et au caractère opérationnel de nos troupes.

Nul ne peut laisser les armées sous la menace d’une exigence de réductions supplémentaires, qu’il serait impossible de réaliser sans conséquences graves. Monsieur le ministre, le Sénat sera extrêmement vigilant sur ce point.

Quelle garantie pouvez-vous nous apporter que ces engagements seront respectés ?

La création et la mise en place des bases de défense, qui représentent une très importante innovation dans le système d’organisation de nos armées, nous intéressent vivement. Mais, monsieur le ministre, nous aimerions vous entendre nous rappeler aujourd’hui ce que vous en attendez et comment vous pourrez mener cette « réforme dans la réforme ».

Si nous désirons conserver une armée jeune, moderne, bien équipée, disponible et opérationnelle, comment faut-il s’y prendre ? Quelle est la méthode ? Plus de départs et des recrutements constants ? Ou des départs inchangés et de fortes réductions des recrutements ? Il y a là, sous-jacente, une option fondamentale. Quelle est la vôtre, monsieur le ministre ?

Telles sont, monsieur le ministre, les principales réflexions et interrogations sur le projet de budget pour 2009 de la mission « Défense », que partagent de manière très cohérente les trois co-rapporteurs spéciaux de la commission des finances. À présent, mes collègues Jean-Pierre Masseret et Charles Guené vont traiter plusieurs problèmes qu’ils ont étudiés avec grand soin dans le cadre de la répartition des rôles que nous avons élaborée entre nous.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de vos réponses. Toutefois, je vous informe d’ores et déjà que la commission des finances a, sur notre proposition, émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2009. (Applaudissements.)