Mme la présidente. Il vous faut songer à conclure, mon cher collègue !

M. François Fortassin. Oui, madame la présidente !

Lorsque la neige est particulièrement abondante, comme cet hiver, et que les stations sont abondamment enneigées, il n’y a pas de problème. Mais, certaines années, lorsque la neige n’est pas au rendez-vous, seule la neige de culture permet de garantir le bon fonctionnement des stations de ski. Elle est aussi nécessaire à ces stations que l’irrigation à l’agriculture des pays secs. Et si les opérations de fabrication de cette neige sont menées correctement, elles reviennent ni plus ni moins à stocker de l’eau.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.

M. Jacques Muller. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat fait dans cet article 28, relatif à l’agriculture, correspond à la réalité, et nous en sommes heureux. Il est tout à fait important de reconnaître dans la loi que les processus intensifs comportent des risques.

Le cap proposé mérite également la plus grande attention. L’objectif fixé dans cet article, à savoir « produire suffisamment », est bien différent de l’objectif « produire le plus possible », en vigueur à une certaine époque. Il est également inscrit que l’agriculture participe à la constitution de la trame verte et bleue, au maintien de la biodiversité, et qu’elle est invitée à un mouvement de transformation. Nous partageons tout à fait ces idées.

Les difficultés concernent plutôt le degré de précision du cap qui nous est indiqué. Le principe de l’adoption d’une agriculture durable est désormais inscrit dans la loi. Or la dimension sociale et socio-territoriale est absente de ce texte, alors même qu’elle fait partie intégrante de l’agriculture durable.

Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de citer ce document du ministère de l’agriculture (M. Jacques Muller brandit un fascicule.), diffusé dans tous les lycées agricoles de France et de Navarre, à savoir La méthode IDEA, qui expose les « indicateurs de durabilité des exploitations agricoles » : « L’agriculture durable doit être une agriculture économiquement viable, écologiquement saine et socialement équitable. [...] Une agriculture socialement équitable préfère l’installation des jeunes à l’agrandissement. Elle essaie de participer au maintien de l’emploi sur son territoire. La course à l’agrandissement élimine de nombreux producteurs et dévitalise ces territoires. Aussi, la contribution à l’emploi d’un système agricole doit être appréciée de manière précise ».

Cette dimension est absente du projet de loi, et il conviendra de l’y inscrire. En effet, la priorité va non pas seulement à la protection de l’environnement, mais aussi au ménagement et à l’aménagement du territoire, auxquels doit contribuer l’agriculture.

Par ailleurs, en tant qu’agronome, j’estime que le principe de transformation affiché n’est pas suffisamment précisé dans cet article. Jusqu’à présent, l’agriculture, avec les dérives que l’on a connues, reposait sur la mécanisation et la « chimisation », deux piliers qui ont permis d’améliorer son efficacité.

Si nous voulons que l’agriculture opère un tournant, nous devons inscrire clairement dans la loi que la biodiversité et les écosystèmes ne sont pas des contraintes avec lesquelles il faut se débrouiller, mais qu’ils doivent constituer des facteurs de production. D’un point de vue scientifique, cela porte un nom : l’agriculture intégrée, dont la définition est très précise. Il s’agit non pas d’une agriculture biologique à 100 %, mais d’une agriculture reposant sur la valorisation des écosystèmes, la rotation des cultures, etc.

L’autre difficulté pour traduire dans les faits la nécessaire transformation de l’agriculture concerne les moyens financiers.

Je le dis clairement, il faut cesser de traiter les agriculteurs en boucs émissaires, car ils travaillent exactement selon ce que leur ont prescrit les politiques agricoles. Si nous reconnaissons aujourd’hui qu’il existe des problèmes, et si nous voulons les résoudre, nous devons infléchir ces politiques.

Nous n’avons pas les moyens, au sein de cette assemblée, de changer la politique agricole européenne, mais nous pouvons au moins faire en sorte que la déclinaison française de cette politique commune respecte autant que possible les objectifs du texte.

J’en viens à une autre difficulté technique : la certification. Aujourd’hui, les consommateurs sont noyés sous les certifications et les divers labels : label rouge, label bio, etc.

Pour renforcer la qualité de l’agriculture, nous n’avons pas besoin de créer de nouvelles certifications. Il nous suffit de nous appuyer sur les outils qui existent. J’y insiste, le document du ministère de l’agriculture que je viens de citer fournit tous les éléments permettant d’évaluer la durabilité des systèmes de production agricole. Je propose que nous nous référions à ces indicateurs pour infléchir la répartition « à la française » des aides distribuées aux agriculteurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, sur l’article.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les récents événements climatiques qui ont touché l’ensemble du Sud-Ouest ont eu des conséquences néfastes non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour l’ensemble de l’économie locale, et notamment pour notre agriculture.

Ce secteur géographique est régulièrement pénalisé par de nombreuses catastrophes naturelles. Mon intervention concerne donc ce dernier point, qui est en lien à la fois avec l’article 28, relatif à l’agriculture, et avec l’article 39, relatif à la prévention des risques majeurs.

Je souhaiterais que l’on s’attarde quelques instants sur le financement de la politique de prévention, et notamment sur la question spécifique du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».

Comme vous le savez, le régime d’assurance dit « de catastrophe naturelle », institué par la loi du 13 juillet 1982, a fait de l’assurance contre les catastrophes naturelles une extension obligatoire des contrats « dommages aux biens et pertes d’exploitation ». Il s’agit d’un système mixte qui implique l’État et les assureurs.

Le régime CATNAT d’indemnisation des catastrophes naturelles est alimenté par une prime ou cotisation additionnelle appliquée au montant de la prime ou de la cotisation principale des contrats « dommages aux biens et pertes d’exploitation ». Cette tarification solidaire, fixée par arrêté, est égale à 12 % du montant des cotisations de base des contrats.

Depuis 1995, date de création du fonds Barnier, une partie des sommes allouées au régime CATNAT sert au financement du Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Le taux de prélèvement servant au financement du fonds Barnier est imputé sur les cotisations additionnelles CATNAT. Initialement de 2 %, ce taux de prélèvement alimentant le fonds Barnier a été revu régulièrement à la hausse, passant en trois ans de 2 % à 4 %, puis à 8 %, et enfin à 12 %.

En effet, l’article 154 du projet de loi de finances pour 2009, adopté le 17 décembre dernier, prévoit de porter le taux de prélèvement exercé sur le régime d’assurances des catastrophes naturelles alimentant le fonds Barnier de 8 % à 12 %. Ainsi, le financement de ce fonds vient dorénavant grever le régime des CATNAT de l’ordre de 12 %, contre 2 % à l’origine, ce qui constitue à terme des sommes conséquentes.

Il convient, dès lors, de s’interroger sur cette augmentation qui, en définitive, ne fait que refléter les dérives de ce fonds, ainsi que sur les raisons structurelles de ces dérives.

En effet, les missions du fonds, depuis la création de ce dernier, n’ont cessé de s’étendre. Initialement, le fonds Barnier devait permettre l’indemnisation des personnes faisant l’objet d’une expropriation de leurs biens exposés aux risques naturels prévisibles. Depuis lors, divers textes législatifs et réglementaires n’ont eu de cesse de lui attribuer de nouvelles missions telles que l’information des citoyens sur les risques naturels, les études et travaux relatifs aux plans de prévention des risques, les PPR, ou encore les opérations de reconnaissance des cavités souterraines ou marnières.

Par conséquent, comme l’indique un récent rapport de la Direction générale de l’environnement, force est de constater que, au gré d’un élargissement continu de ses missions, dépassant sa vocation première de renforcement de l’action de l’État en matière de prévention, ce fonds « intervient de plus en plus en substitution des crédits budgétaires » alloués à la politique publique de prévention des risques naturels.

L’analyse de l’évolution des moyens budgétaires consacrés par l’État à la prévention des risques naturels montre que le développement de ces cofinancements correspond à une débudgétisation d’une partie non négligeable de la politique de prévention des risques naturels et non, comme initialement prévu, à un renforcement de l’action de l’État en ce domaine.

Dès lors, la dérive, observée et avérée, des missions du fonds conduit inéluctablement à l’épuisement rapide de ses réserves et à l’inadéquation entre recettes et dépenses. Par conséquent, procéder à une augmentation corrélative de ses ressources, et donc du taux de prélèvement, ne constitue qu’une solution d’appoint, reflétant une politique au fil de l’eau. Preuve en est, l’article 154 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit une augmentation des dépenses du fonds de 74 millions d’euros par an alors que les ressources annuelles de ce dernier augmentent de l’ordre de 53 millions d’euros par an.

Si l’objectif visé en termes de prévention est louable, il s’avère néanmoins que le dispositif actuel implique, comme nous venons de le voir, un choix arbitraire entre prévention et indemnisation. En effet, le système de prélèvement prévu actuellement par le code de l’environnement est un prélèvement « interne » sur les primes additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle. Il en résulte que les sommes affectées au « fonds Barnier » diminuent d’autant les ressources destinées à indemniser les victimes de catastrophes naturelles.

À l’heure du changement climatique, comme en témoignent les récents événements qui ont marqué le Sud-Ouest, ne convient-il pas de s’interroger sur cette concurrence, voire cette dissonance, entre prévention et indemnisation ?

En définitive, la contribution de plus en plus significative du « fonds Barnier » à la politique publique de prévention impose une nécessaire réforme structurelle de ce fonds afin d’en retracer les contours et de lui rendre une réelle lisibilité politique et technique. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer sur le mode de financement futur de ce fonds et sur les missions qui lui seront conférées.

Mme la présidente. L’amendement n° 221, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

population,

insérer les mots :

en s’appuyant sur les principes de souveraineté et de sécurité alimentaire,

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Affirmer que « la vocation première et prioritaire de l’agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population » est un retour au bon sens, au bon sens paysan pourrait-on même dire ! Voilà deux ans à peine, le discours ambiant était différent : les agro-carburants allaient révolutionner l’agriculture et abonder le revenu de la ferme France, les OGM se chargeaient du reste grâce à des volumes de production inespérés. C’était penser sans compter avec le monde impitoyable des spéculateurs. (M. le rapporteur manifeste sa désapprobation.) La suite, nous la connaissons : une crise alimentaire mondiale, une flambée des cours des céréales, la quasi-totalité des secteurs de production en crise. Les précisions qu’apporte cet amendement sont donc loin d’être superflues ou superfétatoires.

Parlons de la souveraineté alimentaire, tout d’abord. Le nombre des personnes sous-alimentées s’élevait à 923 millions en 2007, à un milliard environ aujourd’hui : ces chiffres appellent une autre conception des agricultures nationale, européenne et mondiale. Chaque pays doit se préoccuper de produire en priorité des cultures lui permettant de nourrir sa population, ou y être aidé. Certes les biotopes, les climats, le niveau de développement agronomique ne permettent pas tout, tout de suite, mais il est urgent de tendre vers cet objectif. Là où les cultures d’exportation ont remplacé les cultures vivrières, la misère et la famine se sont accrues.

La souveraineté alimentaire est donc un objectif qu’il convient de s’assigner pays par pays. À ce titre, l’exemple des pays d’Asie est éloquent : ce continent héberge 75 % des personnes souffrant de malnutrition, il ne possède que 30 % des terres cultivées et 14 % des terres cultivables mondiales ; avec 1,14 milliard de paysans, il est le continent le plus sous-alimenté.

Quant à la sécurité alimentaire, elle implique à la fois de s’assurer des stocks nécessaires mais aussi de veiller à la qualité alimentaire. Les stocks, quand ils existent, sont également l’objet privilégié des spéculateurs et de la politique agressive de quelques pays qui prônent la guerre alimentaire au niveau mondial. Quand les stocks n’existent pas, il est de la responsabilité des pays de les constituer pour parer à toute éventualité, d’ordre climatique en particulier.

Nous sommes loin de cette vision de l’agriculture mondiale, et ce n’est pas l’Organisation mondiale du commerce qui résoudra les problèmes ; au contraire, elle les exacerbe en mettant en concurrence les pays, les agriculteurs, les industries, les services...

Il nous paraît donc utile d’intégrer cet amendement au texte du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je voudrais remercier M. Le Cam de contribuer à l’oubli des discours d’antan sur la notion de « souveraineté limitée » !

Cependant, l’article 28 fait déjà référence à la véritable notion de souveraineté, en évoquant l’exigence de « répondre aux besoins alimentaires de la population », les « impératifs de production quantitative », de « sécurité sanitaire » et la nécessité de « produire suffisamment ».

Dès lors, il paraît sage de ne pas surcharger inutilement le texte du projet de loi. La commission invite donc au retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Au-delà du respect des principes de sécurité et de souveraineté, il faudrait également en appeler aux principes énoncés par la Charte de l’environnement, notamment aux principes de prévention des atteintes à l’environnement et de réparation des dommages.

Par conséquent, il ne me paraît pas opportun d’alourdir encore cet article, et je vous propose, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 221 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Puisque nous discutons de dispositions qui encadrent les objectifs quantitatifs de l’agriculture, il me paraît très important que la souveraineté et la sécurité alimentaire figurent effectivement dans le texte de ce projet de loi, car il s’agit d’une question d’indépendance politique et stratégique.

Nous savons aujourd’hui que l’agriculture et l’alimentation sont considérées par certains comme des armes : il est important que la France déclare clairement qu’elle ne joue pas sur ce terrain.

Il convient également de rappeler que l’agriculture est toujours la base du développement, comme l’atteste l’évolution historique de notre pays. Ce pourrait également être le cas des pays du Sud, à condition que leurs agricultures vivrières ne soient pas détruites par l’exportation de nos surplus, surtout lorsqu’elle est appuyée par des subventions !

Je tiens à rappeler un fait important : historiquement, les campagnes ont nourri les villes. Or, dans les pays qui souffrent de la faim, les villes nourrissent les campagnes, à partir des importations.

Il est donc extrêmement important de sacraliser ces principes, sur lesquels se fondait clairement la politique agricole commune lancée en 1962.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 221.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 746, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Mon soutien à l’amendement précédent s’explique aussi par les motifs qui nous ont amenés à déposer le présent amendement.

Aujourd’hui, si l’on raisonne quantitativement et non qualitativement, le grand défi de l’agriculture française n’est pas de produire plus, puisque notre balance commerciale est déjà excédentaire en termes de productions agricoles, mais de rééquilibrer les productions : il nous faut réduire notre immense déficit en protéines. En effet, le problème majeur de notre agriculture tient à la dépendance dans laquelle nous nous trouvons à l’égard du soja brésilien et américain : nous l’avions déjà mesuré en 1973, lors de l’embargo. Écrire dans la loi qu’il faudra produire plus dans les années à venir est donc hors sujet.

Réduire notre déficit actuel en protéines s’impose comme une priorité : j’y insiste, car une partie de notre politique agricole consiste encore, malheureusement, à subventionner nos excédents de céréales et de lait qui viennent peser sur les agricultures des pays du Sud. Le concept de l’agriculture « pétrole vert » de la France date des années soixante-dix ; aujourd’hui, en 2008, garantir la souveraineté alimentaire est devenu le problème prioritaire, même pour notre pays. En ce qui le concerne, il s’agit de combler le déficit de production de protéines végétales, et non pas de produire plus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le membre de phrase que les auteurs de l’amendement souhaitent supprimer aurait pour effet, selon eux, d’inciter l’agriculture française à développer à l’infini ses exportations et menacerait ainsi la souveraineté alimentaire des pays pauvres.

Hier soir, tard dans la nuit, j’ai regardé une émission évoquant des exportations massives d’huile de palme en provenance d’Indonésie ! C’est un vaste sujet…

Cela dit, le membre de phrase litigieux a juste pour objet de rappeler que l’accentuation de la pression démographique mondiale dans le futur contraindra l’agriculture à satisfaire les besoins d’un nombre de plus en plus important d’habitants. Il s’agit d’un phénomène d’ordre mathématique, si j’ose dire, dont on ne peut guère contester la réalité !

Je suis donc très étonné que les auteurs de cet amendement proposent cette suppression, et je souhaiterais qu’ils retirent leur amendement. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Dans l’esprit des rédacteurs du projet de loi, il ne s’agit pas de développer une stratégie de développement à l’infini des exportations françaises, mais bien de faire face à un constat : sur les vingt dernières années, la seule population française a augmenté de dix millions d’habitants, et elle sera encore amenée à croître.

J’espère que mes explications vous rassureront, monsieur le sénateur, et je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Muller, l’amendement n° 746 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

M. le rapporteur n’a pas répondu à ma question. Bien sûr, nous savons que la population mondiale est appelée à croître, mais le problème de fond, c’est que les pays puissent se nourrir eux-mêmes. Le défi que nous devons relever aujourd’hui consiste à combler notre déficit en protéines : il ne s’agit pas d’un problème quantitatif.

La population française va encore augmenter de quelques millions d’habitants, mais ce n’est pas le problème principal de notre agriculture. Dire qu’il faudra répondre à une demande accrue ne répond pas au véritable défi alimentaire. Vous citiez l’Indonésie, monsieur le rapporteur : le défi que nous devons relever consiste à permettre à des pays de ce type de développer leur agriculture vivrière plutôt que d’exporter de l’huile de palme et à éviter de leur « balancer » – pardonnez l’expression ! – des excédents pesant sur leur agriculture vivrière. C’est une réalité !

Qu’a fait l’Europe pour assurer son indépendance alimentaire ? Elle a créé, en 1962, la politique agricole commune fondée sur l’augmentation des prix intérieurs et l’établissement de barrières protectionniste aux frontières. Tant que les pays du Sud ne pourront pas en faire autant, ils resteront asservis à la production agricole des pays du Nord.

J’estime que ce projet de loi, qui fixe un cap à notre agriculture, doit être clair sur l’évolution quantitative de notre production agricole : il faut réduire notre dépendance à l’égard du soja américain, brésilien ou argentin. Tel est le vrai défi !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Je suis sidéré de constater, une fois de plus, la faible mémoire de l’homme, en général, et du Français, en particulier : voilà cinquante ans, la France et l’Europe souffraient encore de la faim ; il ne faudrait pas l’oublier !

Monsieur Muller, vous connaissez les chiffres et vous savez que les agricultures française et européenne – elles sont intégrées, désormais – sont, structurellement, les moins exportatrices des agricultures mondiales. (M. Jacques Muller acquiesce.) Il en va de même de l’agriculture des États-Unis, quoi qu’on en pense. Les agricultures les plus agressivement exportatrices sont les agricultures argentine, australienne et brésilienne. (M. Jacques Muller en convient.)

Si j’ai parlé tout à l’heure de l’Indonésie, ce n’était pas innocemment. Je ne voudrais pas créer d’incident diplomatique, mais certaines vérités méritent d’être rappelées : voilà un pays qui affame délibérément sa population pour exporter de l’huile de palme. La France n’y est pour rien ! Par conséquent, inscrire dans une loi française – il ne s’agit en effet pas d’une loi mondiale, monsieur Muller ! – que l’agriculture doit être exemplaire, c’est très bien ! Mais elle l’est déjà ! L’agriculture française n’est pas structurellement exportatrice, elle a vocation à nourrir les Européens – c’est ce qu’elle réussit d’ailleurs à faire, avec les agricultures de ses partenaires –, et, si ses légers excédents sont certes exportés, cela ne répond pas à sa mission première.

Je souhaiterais que vous n’oubliiez pas cette donnée fondamentale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 746.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 487, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Pour cela, il est indispensable de préserver les surfaces agricoles, notamment en limitant leur consommation et leur artificialisation. 

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. L'agriculture doit faire face à une raréfaction du foncier agricole, avec la perte de 60 000 hectares de terre cultivable chaque année.

Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il s'alourdit chaque jour un peu plus, parce que l'artificialisation est difficilement réversible. Le phénomène est cumulatif et beaucoup d'exploitations agricoles sont rattrapées par l'étalement urbain, le mitage ou la réservation de nouvelles emprises foncières pour des activités ou des usages différents de l'agriculture.

L'artificialisation des terres agricoles correspond d'abord à une consommation excessive d'espace agricole. Face à ce que l’on peut qualifier de gaspillage, comment pourra-t-on répondre aux enjeux du développement durable, assurer l'alimentation humaine, lutter contre le réchauffement climatique, fournir des bioénergies et des biomatériaux et préserver la biodiversité sans un minimum de surfaces agricoles et forestières ?

Il est urgent d’intervenir. Une politique de protection des terres agricoles est nécessaire pour répondre aux enjeux du développement durable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. L’objectif défendu par cet amendement est tout à fait louable, et je ne peux pas dire le contraire.

Néanmoins, le projet de loi comporte déjà des dispositions fixant un objectif de préservation des espaces naturels agricoles. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous en parlons !

En voici une preuve supplémentaire, si besoin était : le II de l’article 7 fixe comme objectif au droit de l’urbanisme la lutte « contre la régression des surfaces agricoles et naturelles » et « contre l’étalement urbain ».

Dans ces conditions, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La question de l’artificialisation des sols est effectivement un enjeu majeur, qu’il s’agisse du climat ou de la biodiversité. Nous perdons effectivement l’équivalent d’un département à peu près tous les dix ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.

En outre, la préservation des terres agricoles permettra à des jeunes de s’installer pour pratiquer ce qu’on peut appeler une agriculture de périphérie, c’est-à-dire une agriculture située à la périphérie des bourgs, contribuant au développement de formes d’agriculture nouvelles et de circuits courts.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 487.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. César, Bizet, Doublet, Laurent, Cornu, Pointereau, Bailly, Vasselle, Grignon, Lefèvre, B. Fournier et Gilles.

L'amendement n° 624 est présenté par M. de Montgolfier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour défendre l’amendement n°123 rectifié.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l’article 28.

Cet alinéa, uniquement déclaratif, n'apporte absolument rien au texte. Il n’indique notamment aucune orientation en vue d'une programmation d'actions et donne, en outre, une image extrêmement négative de l'agriculture.

Aujourd’hui, au regard des coûts d’intrants pour les cultures, les agriculteurs sont aussi, bien sûr, des gestionnaires, et s’inscrivent tous dans une agriculture raisonnée.

Cet alinéa, qui fait référence aux « processus intensifs de production », n’a donc pas lieu d’être.