Articles additionnels après l'article 66 bis
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures
Demande de seconde délibération

Article 67

I. - La perte de recettes pour les régimes sociaux est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Supprimer cet article.

II. - En conséquence, supprimer la division Chapitre V et son intitulé.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite la suppression de l’article 67 ; il lève le gage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 67, la division Chapitre V et son intitulé sont supprimés.

Seconde délibération

Article 67
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Seconde délibération

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, la commission des lois demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 15 bis.

Mme David a attiré notre attention, hier soir, sur une erreur de référence à l’article 15 bis qui nous avait échappé : le I mentionne le troisième alinéa de l’article L. 2323-47 du code du travail, alors que devait être visé le quatrième alinéa.

Le Sénat ayant adopté l’article 15 bis conforme, la commission des lois demande une seconde délibération afin de corriger cette erreur de référence.

J’indique qu’elle est prête à rapporter.

M. le président. Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, tout ou partie d’un texte peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération ?

M. André Santini, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable et il félicite Mme la sénatrice.

Demande de seconde délibération
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Article 15 bis

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par le Gouvernement.

Il n’y a pas d’opposition ?...

La seconde délibération est ordonnée.

Nous allons procéder à la seconde délibération de l’article 15 bis.

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6 du règlement :

« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

Seconde délibération
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 15 bis

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 15 bis dans cette rédaction :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 2323-47 est ainsi rédigé :

« Le rapport, modifié le cas échéant à la suite de la réunion du comité d’entreprise, est tenu à la disposition de l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis du comité, dans les quinze jours qui suivent la réunion. » ;

2° Après le mot : « sont », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2323-56 est ainsi rédigée : « tenus à la disposition de l’autorité administrative dans un délai de quinze jours suivant la réunion. ».

L'amendement n° A-1, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du 1° de cet article, remplacer le mot :

troisième

par le mot :

quatrième

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il s’agit simplement d’une rectification de décompte d’alinéas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Santini, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis, modifié.

(L'article 15 bis est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen de l’article soumis à la seconde délibération.

Vote sur l'ensemble

Article 15 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous voici arrivés au terme de l’examen de ce texte très complexe, disparate et protéiforme.

Je veux tout d’abord souligner l’attention apportée par M. le rapporteur, Bernard Saugey, à certaines propositions formulées par les uns et les autres. Les apports constructifs ont été pris en compte. Je citerai, en particulier, la disposition relative au PACS, qui a été présentée par notre collègue Richard Yung. Cette mesure très importante permettra de répondre à l’attente de nombre de nos compatriotes qui se trouvent dans des situations difficiles pour avoir conclu un PACS ou un partenariat de même nature dans un pays étranger.

Je citerai aussi l’apport de notre collègue Jean-Pierre Godefroy relatif à la protection des stagiaires en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Plusieurs de nos propositions concernant les collectivités locales ont été prises en compte, qu’il s’agisse du fonctionnement des assemblées, des commissions permanentes ou de l’organisation d’un certain nombre de manifestations ou d’actions.

Enfin – et ce sera le dernier point positif, monsieur le rapporteur – il est très important, à notre sens, que le Sénat ait, à la quasi-unanimité, remis en cause la décision qui avait été prise par le Gouvernement dans une ordonnance, visant à annuler deux articles sur les « contrats obsèques », qui avaient été adoptés à l’unanimité, je le rappelle, tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale, et de surcroît avec l’accord du Gouvernement.

Malheureusement, ces quelques points positifs ne nous permettent pas de formuler une appréciation positive sur l’ensemble du texte.

D’abord, certaines mesures posent problème. En particulier, nous partageons les inquiétudes qui se sont manifestées sur les nouvelles dispositions relatives au cadastre, qui doit rester un document public de référence. Il est risqué, me semble-t-il, d’aller dans la voie qui a été acceptée par la majorité de notre assemblée.

Ensuite, mes chers collègues, nous ne pouvons nous satisfaire d’un texte dont l’objet n’est pas défini. S’il ne s’agissait que de simplification, nous pourrions le comprendre, mais cette proposition de loi aborde, en fait, quantité de sujets de fond. Nul ne peut en disconvenir !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous en avez profité !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j’ai commencé mon intervention en soulignant les apports positifs !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, mais ce n’était pas de la simplification !

M. Jean-Pierre Sueur. Un tel texte pose de réels problèmes, car il porte sur tout, et un grand nombre de mesures vont au-delà de la simplification.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas dire une chose et son contraire !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes également très réservés par rapport à la prolifération des ordonnances : c’est un excès au troisième ou au quatrième degré ! Je ne sais pas si quelqu’un a compté le nombre d’ordonnances qui ont fait l’objet, dans ce texte, d’une habilitation ou d’une ratification,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut bien procéder aux ratifications !

M. Jean-Pierre Sueur …mais il y en a eu des tombereaux ! Cela pose une véritable question sur cet objet législatif ou para-législatif que sont les ordonnances une fois qu’elles sont ratifiées.

L’autre jour, un éminent conseiller d’État me faisait observer l’évolution qui a eu lieu en matière de recours aux ordonnances. Lorsque le général de Gaulle signait des ordonnances, il s’agissait d’un acte fort, qui pouvait être contesté – François Mitterrand a également été contesté à cet égard –, mais il était suffisamment rare et grave pour être considéré comme important. Nous en sommes arrivés à l’excès inverse : aujourd’hui, les ordonnances sont si nombreuses que se développe une sorte de « littérature grise », qui ne relève ni de la loi ni du règlement. Je pense que nous devrions moins légiférer …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour une fois, je suis d’accord avec vous !

M. Jean-Pierre Sueur. … et nous cantonner au domaine de la loi tel qu’il est défini par la Constitution. Nos lois – et a fortiori les ordonnances – comportent de nombreuses dispositions qui ne relèvent pas du domaine législatif stricto sensu. Or, lorsqu’elles sont ratifiées, les ordonnances ont force de loi. Il serait infiniment préférable que ces mesures soient inscrites dans des textes réglementaires.

Enfin, outre les réserves que j’ai émises sur la nature même de cette proposition de loi et sur l’excès d’ordonnances qui la caractérise, deux dispositions, particulièrement importantes à nos yeux, nous conduiront à voter contre.

Il s’agit, en premier lieu, de l’article 63. Nous pensons en effet qu’il n’est pas justifié de changer à ce point le code de procédure pénale afin de rendre possible le fait que le procureur de la République puisse mettre en œuvre simultanément la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et la convocation devant le tribunal correctionnel ; nous nous en sommes déjà expliqués.

En second lieu, nous ne saurions accepter une autre disposition adoptée ce soir et tendant à reporter d’un an l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 5 mars 2007 relatives à la collégialité de l’instruction. Ni sur le fond ni sur la forme, nous ne pouvons accepter cette manière de procéder !

Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre l’adoption de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce soir, je serais tentée d’émettre un vœu pieux.

Une sénatrice UMP. Profitez-en, nous sommes en période de carême ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’espère que cette loi dite « de simplification » sera la dernière du genre et que les futurs textes de simplification et de clarification du droit s’en tiendront vraiment à leur objet.

Certes, nous avons pu apporter quelques petites améliorations : nous avons pu sauver l’Office national des forêts, le cadastre ; ma collègue Annie David a fait la preuve de sa profonde connaissance du code du travail.

Mais ces mesures ne suffiront pas à rendre acceptable cette proposition de loi. Nous avons ratifié un nombre incalculable d’ordonnances tout en habilitant le Gouvernement à nous en présenter de nouvelles ; nous avons adopté des modifications très importantes, notamment l’amendement relatif aux pôles de l’instruction.

Nous sommes donc farouchement opposés à cette proposition de loi et nous voterons contre.

M. Ivan Renar. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Très majoritairement, le groupe du RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Nous avons bien noté l’intérêt et l’utilité de nombre de dispositions adoptées, mais les débats ont confirmé les craintes que j’avais exprimées dans mon intervention lors de la discussion générale en démontrant le risque de dérives que recèle le recours à de tels textes.

Ce qui s’est passé avec l’amendement relatif aux pôles de l’instruction est particulièrement éclairant : la stabilité minimale de l’édifice législatif a été mise à mal et ce simple fait justifie très largement notre abstention.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 130 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 187
Contre 138

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Santini, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier sincèrement. Ce texte difficile, diffus, a fait l’objet d’une discussion rapide à l’Assemblée nationale, dans un contexte politique tout à fait différent. Cette rapidité explique sans doute le fait qu’il n’ait peut-être pas été « peigné », comme le Sénat a l’habitude de le faire.

Je regrette que nous n’ayons pas pu aller plus loin dans la négociation, car de nombreuses mesures auraient pu faire l’objet d’un consensus. Mais un arrière-fond idéologique motive toujours certains refus.

Je tiens à remercier le président de la commission des lois, le rapporteur, mon ami Bernard Saugey, les rapporteurs pour avis ainsi que tous ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Cependant, nous aurions pu travailler mieux, même M. Sueur, dont nous apprécions le talent, la compétence et la rhétorique !

M. Jean-Pierre Sueur. On fera mieux la prochaine fois !

M. André Santini, secrétaire d’État. Effectivement, ce type de texte risque de revenir devant le Parlement ! Mais il ne constitue pas forcément une mauvaise solution. Nous avons évoqué en aparté certains thèmes comme l’indivision : comment nous en sortir sans un véritable coup de rein juridique ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre. Ce texte était aride, mais votre talent a rendu sa discussion agréable.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures
 

6

 
Dossier législatif : proposition de résolution européenne au nom de la commission des Affaires européennes  sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes
Discussion générale (suite)

Respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes

Adoption d’une résolution européenne

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l’article 73 bis du règlement par M. Hubert Haenel, sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes (proposition nos 204, texte de la commission n° 259, rapport n°258).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution européenne au nom de la commission des Affaires européennes  sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes
Discussion du texte de la résolution

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, il nous faut insister sur un point : la France n’est pas seule dans son combat en faveur de la diversité linguistique dans l’Union européenne !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Les entorses au multilinguisme au sein des institutions communautaires suscitent chez nos amis allemands, espagnols, portugais et italiens la même exaspération.

Aussi la présente proposition de résolution est-elle l’occasion bienvenue de réaffirmer avec force que le respect de la diversité linguistique est bien une affaire d’intérêt général européen. Je tiens donc à remercier chaleureusement les membres de la commission des affaires européennes et, en particulier, son président, de leur vigilance et de leur détermination en la matière.

La tendance lourde à l’unilinguisme anglophone méconnaît en effet la devise même d’une Union européenne qui aspire à « l’unité dans la diversité ». Comprendre le projet européen dans sa langue est la condition sine qua non pour s’y reconnaître et y adhérer ! Ce n’est pas en ignorant sa pluralité linguistique et culturelle que l’Europe pourra légitimement espérer, un jour, parler d’une seule et même voix sur la scène internationale.

Parce que l’Union européenne est productrice de règles de droit qui leur sont directement opposables, les États membres et les citoyens européens doivent être en mesure d’en prendre connaissance dans leur langue.

En même temps, le multilinguisme institutionnel répond à un besoin de transparence démocratique : cela suppose, en particulier, que les parlements nationaux, gardiens du respect de la subsidiarité dans l’Union européenne, soient en mesure de débattre dans leur langue et dans des délais raisonnables de tout document de travail communautaire susceptible de les renseigner sur le processus décisionnel européen.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. C’est essentiel !

M. Jacques Legendre, rapporteur. Or la présente proposition de résolution se fonde précisément sur deux entorses au multilinguisme qui pénalisent fortement notre assemblée – les autres aussi - dans son suivi des affaires européennes:

D’une part, les rapports de progrès de la Commission européenne sur les pays candidats potentiels à l’entrée dans l’Union ne sont disponibles qu’en anglais. Or faut-il rappeler que l’Allemagne comme la France participent activement aux missions européennes de stabilisation dans ces pays en y envoyant des soldats et des policiers ?

D’autre part, certains documents préparatoires à l’avant-projet de budget communautaire sont soit exclusivement disponibles en anglais, soit traduits systématiquement en retard.

Le défaut de traduction de certains documents de travail de la Commission empêche ainsi clairement les parlements nationaux de faire entendre leur voix dans le processus décisionnel européen, sur des sujets d’une importance aussi aiguë que l’élargissement ou le budget communautaire. Cela perpétue l’inconfortable impression d’un processus décisionnel à caractère bureaucratique ou limité aux seules enceintes intergouvernementales.

Le fonctionnement commode des institutions ou encore le coût prétendument exorbitant des services de traduction et d’interprétation sont régulièrement avancés pour excuser les nombreuses infractions au respect de la diversité linguistique. C’est pourquoi il me semble impératif d’évacuer tout malentendu.

En termes relatifs, le coût total de la traduction et de l’interprétation dans une Union à vingt-trois langues officielles, toutes institutions confondues, ne représenterait, en moyenne, que 2,20 euros par citoyen et par an !

Quant au fonctionnement commode des institutions, il ne saurait raisonnablement servir de prétexte à des discriminations fondées sur la langue. Permettez-moi de citer quelques exemples édifiants si, d’aventure, on était tenté de céder au « tout anglais » pour des raisons de « commodité ».

Dans ses activités à caractère international, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, doit se prononcer sur des documents presque exclusivement rédigés en anglais. En termes de respect de la pluralité des approches nationales sur un sujet aussi délicat que la protection des données personnelles, c’est redoutable !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Tout à fait !

M. Jacques Legendre, rapporteur. La Commission européenne a encouragé les États membres à rendre multilingue l’accès sur leur territoire national au numéro européen d’appel d’urgence unique, le 112. Elle a bien fait, mais, de son côté, elle a lancé un site d’information sur le 112 dont la page d’accueil était, du moins au départ, uniquement disponible en anglais !

Néanmoins, malgré la persistance de ces infractions linguistiques, je souhaite écarter tout sentiment de fatalité. Mon rapport se veut autant à charge qu’à décharge, et c’est pourquoi je tiens à saluer les efforts des pouvoirs publics français pour tenter de rétablir un équilibre satisfaisant entre les langues, même si les difficultés demeurent encore et toujours très aiguës.

Le plan pluriannuel d’action pour le français en Europe, géré par l’Organisation internationale de la francophonie, a permis de développer une offre de formation au français en direction des fonctionnaires communautaires. Les moyens affectés à ce plan restent cependant très insuffisants et je suis convaincu de la nécessité de le faire très rapidement monter en puissance pour répondre à une demande croissante d’apprentissage du français. À mon sens, la coopération bilatérale en matière de formation des fonctionnaires nationaux et européens doit être considérablement renforcée, en particulier avec les nouveaux entrants.

Je tiens également à saluer les efforts de la présidence française de l’Union européenne. Le Conseil a ainsi adopté les 20 et 21 novembre 2008 une résolution sur le multilinguisme qui appelle, notamment, à lancer une réflexion sur la mise en place d’un éventuel programme européen spécifique de soutien à la traduction. Il faut s’en réjouir, car, selon les mots d’Umberto Eco, « la langue de l’Europe, c’est la traduction ».

Je note que, dans sa dernière communication sur le multilinguisme, la Commission insiste sur la nécessité de développer les compétences linguistiques des citoyens européens par l’apprentissage obligatoire de deux langues étrangères. Auteur d’une recommandation du Conseil de l’Europe sur la diversification des compétences linguistiques des citoyens européens, je ne peux que me réjouir de cet engagement.

La période récente ne peut cependant que nous encourager à la plus grande vigilance sur cette question : au Royaume-Uni, le caractère obligatoire de l’apprentissage des langues étrangères a été supprimé au motif de la lutte contre l’absentéisme scolaire ; je constate avec surprise que cette obligation pourrait prochainement ne plus s’appliquer au collège en Italie.

Le texte proposé par la commission des affaires européennes va dans le bon sens en soulignant que nous ne sommes pas seuls dans ce combat et qu’il y va de l’adhésion de tous les citoyens au projet européen. Notre commission a choisi de le compléter sur certains points afin d’exhorter le Gouvernement à la plus grande vigilance dans la prévention des discriminations fondées sur la langue.

Tout d’abord, nous avons souhaité préciser en préambule que le respect du multilinguisme institutionnel conditionne l’exercice effectif de la citoyenneté européenne, en garantissant à tous les ressortissants communautaires un droit égal d’accès à la réglementation européenne et de contrôle démocratique de ses institutions.

Il a également été précisé que l’émergence d’un véritable espace public européen multilingue passe par le développement des compétences linguistiques des citoyens, notamment des fonctionnaires communautaires. À ce titre, la France se doit d’être exemplaire dans la mise en œuvre de l’enseignement obligatoire d’au moins deux langues étrangères. C’est une exigence portée de longue date par notre commission au travers de deux rapports d’information établis en 1995 et 2003.

Ensuite, la commission a précisé un certain nombre d’initiatives susceptibles d’être mises en œuvre pour promouvoir le multilinguisme.

Il faut encourager la mise en place de mécanismes d’évaluation et de contrôle communautaires spécifiquement dédiés à la question du multilinguisme institutionnel et à la prévention des discriminations fondées sur la langue. Nous demandons donc au Gouvernement d’inviter les institutions communautaires à faire preuve de plus de discipline. Elles pourraient, par exemple, être appelées à rendre régulièrement compte devant le médiateur européen, dans le cadre de rapports annuels ou biannuels, de leurs efforts en faveur du multilinguisme institutionnel.

Le Gouvernement doit exiger des institutions communautaires qu’elles clarifient les critères présidant à la traduction de certains de leurs documents de travail. Il s’agit de mieux prendre en compte la portée politique de ces documents en ne se limitant plus à de simples critères d’ordre formel, sans pour autant exclure les documents scientifiques ou techniques ayant un impact politique majeur, notamment en matière environnementale, comme l’a très justement rappelé notre collègue Marie-Christine Blandin.

Il importe de permettre aux parlements nationaux de disposer, dans des conditions d’égalité et dans les meilleurs délais, de toutes les informations nécessaires pour exercer efficacement leur mission de contrôle de l’action communautaire.

Un signal fort en faveur du respect du multilinguisme dans le processus d’élargissement doit être adressé aux autorités communautaires, en particulier à la direction générale de l’élargissement de la Commission européenne.

Les candidats à l’entrée dans l’Union européenne devraient, au minimum, pouvoir conduire leurs négociations d’adhésion dans la langue de leur choix parmi les langues de travail de la Commission européenne, et, par la suite, traduire l’acquis communautaire à partir de cette langue. Actuellement, on leur impose l’anglais.

Se limiter aux seules langues de travail de la Commission n’est sans doute pas encore complètement satisfaisant, en particulier du point de vue de nos alliés de langue latine. Mais rien ne saurait jamais justifier que l’on se résigne à l’usage exclusif de l’anglais comme solution de facilité. Dans le cas de pays appartenant à la francophonie institutionnelle, comme la Roumanie ou la Bulgarie, c’est de notre point de vue inacceptable.

Enfin, notre engagement en faveur du multilinguisme institutionnel ne doit pas être interprété par nos partenaires européens comme un caprice franco-français. C’est pourquoi je souscris pleinement à la volonté exprimée par la commission des affaires européennes de voir la France et l’Allemagne se rapprocher dans ce combat.

Néanmoins, afin de prévenir toute crispation chez nos partenaires européens, notamment nos alliés de langue latine, notre commission a choisi d’appeler à un rapprochement plus large avec tous les gouvernements sensibles à l’avenir du multilinguisme en Europe.

Mes chers collègues, je vous propose donc d’adopter les conclusions de notre commission sur la proposition de résolution de la commission des affaires européennes.

Il s’agit d’envoyer ensemble un signal fort au Gouvernement et aux institutions communautaires en faveur du multilinguisme en Europe. Ce signal sera accueilli très favorablement, à n’en point douter, par l’ensemble de nos partenaires européens dont la langue est négligée dans le processus décisionnel communautaire. (Applaudissements.)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le président Hubert Haenel de cette proposition de résolution, ainsi que la commission des affaires culturelles et son président-rapporteur, Jacques Legendre, du travail qu’ils ont accompli.

À l’issue des travaux de la commission des affaires culturelles, la proposition de résolution présentée par la commission des affaires européennes a été considérablement enrichie. Nos deux commissions ont ainsi œuvré efficacement ensemble à la défense d’un principe, la diversité linguistique, qui est essentielle pour l’Europe que nous voulons bâtir.

Permettez-moi de rappeler brièvement les conditions dans lesquelles la commission des affaires européennes a été appelée à proposer au Sénat cette proposition de résolution.

C’est notre collègue Alex Türk, président de la CNIL, mais aussi du groupe des « CNIL » européennes, qui nous a alertés, dans un premier temps, sur la composition d’un groupe d’experts sur la protection des données. Ce groupe était composé de cinq personnes qui, pour quatre d’entre elles, étaient issues soit de sociétés américaines, soit de cabinets d’avocats dont les principaux établissements sont également situés aux États-Unis.

La commission des affaires européennes a jugé inacceptable qu’un groupe d’experts ainsi composé puisse être chargé de formuler des propositions dans un domaine particulièrement sensible. C’est en effet la conciliation entre la protection des libertés publiques et la sécurité publique dans l’Union européenne et dans chacun de ses États membres qui est en cause.

Après avoir entendu Alex Türk, la commission a donc décidé de proposer au Sénat l’adoption d’une première proposition de résolution européenne. Je souligne qu’il s’agissait là de la première application de l’article 88–4 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Nous pouvons en effet désormais, mes chers collègues, adopter des résolutions européennes sur la base de documents non législatifs émanant des institutions de l’Union européenne, même si ces derniers n’ont pas été transmis au Parlement.

Avant la révision, la délégation pour l’Union européenne n’aurait pas pu déposer une proposition de résolution sur ce sujet, car les seuls documents disponibles étaient un appel à candidatures en vue de mettre en place le groupe d’experts ainsi que le compte rendu de sa première réunion, documents généralement de faible importance que le Gouvernement ne transmet pas aux assemblées.

Toujours est-il que la vigilance du président de la CNIL et de votre commission des affaires européennes a eu un résultat immédiat. Le vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot, a décidé de dissoudre ce groupe d’experts.

Mais un autre point sur lequel Alex Türk avait appelé notre attention et qui figurait dans cette première proposition de résolution renvoie à notre débat d’aujourd’hui et demeure valable pour l’avenir.

L’appel à candidatures de la Commission européenne avait en effet prévu que la langue de travail de ce groupe d’experts serait l’anglais et que, au cas où les participants aux réunions s’entendraient en vue d’ajouter d’autres langues de la Communauté pour les communications écrites et orales, la Commission européenne n’offrirait aucune infrastructure ou service d’interprétation ou de traduction. Une telle pratique est évidemment inacceptable.

Je rappelle que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclame, dans son article 22, que l’Union respecte la diversité linguistique et interdit, dans son article 21, toute discrimination fondée sur la langue. Avec le traité de Lisbonne, cette charte revêtira un caractère obligatoire et des procédures pourront être engagées sur son fondement.

Il est donc particulièrement choquant que la Commission européenne, qui devrait être la gardienne du multilinguisme dans le fonctionnement des institutions, fasse ainsi la promotion de l’unilinguisme !

C’est pourquoi nous demandons que la Commission européenne, lorsqu’elle met en place de tels groupes d’experts, veille au respect du multilinguisme. Dans le cas contraire, le Gouvernement français devrait très clairement indiquer qu’il ne pourrait que s’opposer à toute proposition de la Commission européenne qui ne serait pas élaborée à partir d’une réflexion conduite dans le respect de ce principe.

Cela m’amène à la seconde proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes, celle qui nous occupe aujourd’hui, sur le respect de la diversité linguistique. Pourquoi, au-delà de la question du groupe d’experts que je viens d’évoquer, la commission des affaires européennes a-t-elle jugé nécessaire de présenter une telle proposition de résolution ?

Notre collègue Alex Türk a attiré notre attention sur la régression de l’usage du français dans les institutions européennes et sur la généralisation de l’anglais. Il nous a cité trois exemples récents qui ne peuvent que nous faire réagir.

Comment accepter qu’une conférence européenne sur la protection des données puisse avoir l’anglais pour seule langue, sans qu’aucune traduction soit assurée ?

Est-il supportable que l’on demande à la France d’assumer le coût des traductions nécessaires dans le cadre de la procédure d’évaluation « Schengen » qui sollicite à la fois le ministère de l’intérieur et la CNIL ?

Que dire de cette situation dans laquelle, dans un nombre croissant d’instances européennes, par exemple le groupe des « CNIL » européennes, de plus en plus de membres s’expriment en anglais, même si cette langue n’est pas leur langue maternelle, ce qui pose un problème sérieux au service de traduction ?

Plus grave encore, pouvons-nous accepter que de plus en plus de hauts fonctionnaires français s’expriment désormais en anglais dans des réunions au niveau européen ? Comme le rappelle le rapport de Jacques Legendre, des circulaires, en 1994 et en 2003, ont pourtant précisé leurs obligations en matière d’usage du français.

Cela me conduit à vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de rappeler au Sénat les consignes qui sont données dans ce domaine à nos fonctionnaires qui représentent la France dans les instances européennes. Les manquements sont-ils sanctionnés ?

Enfin, je veux insister sur la question des documents qui servent de base aux décisions qui sont arrêtées par les institutions européennes. Notre collègue Alex Türk nous a indiqué qu’au sein même de la CNIL, dont le quart des activités a un caractère international, les documents juridiques sur lesquels les membres doivent se prononcer sont désormais rédigés en anglais. En conséquence, les homologues anglais de la CNIL disposent, par le biais de la langue, d’un pouvoir exorbitant d’arbitrage juridique.

Désormais, nous devons malheureusement faire le même constat pour une partie des documents qui sont transmis aux parlements nationaux.

Comment admettre que des rapports de progrès de la Commission européenne sur les pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne soient disponibles exclusivement en langue anglaise lorsque nous sommes amenés à les examiner ?

Est-il acceptable que des documents budgétaires, tel le document consacré aux agences communautaires et publié avec l’avant-projet de budget pour 2009 en mai 2008, soient disponibles dans la seule langue anglaise ?

Je prendrai un autre exemple, celui du récent rapport de Jacques de Larosière sur la supervision financière dans l’Union européenne. Voilà bien un sujet essentiel dans le contexte actuel de crise économique et financière, qui ne peut être laissé entre les mains des seuls spécialistes et dont les parlementaires doivent se saisir. Or nous disposons pour l’heure uniquement d’un document publié en anglais !

Tout cela est-il le signe d’un fonctionnement normal des institutions européennes ? La commission des affaires européennes ne le pense pas. C’est pourquoi elle a proposé au Sénat cette proposition de résolution européenne.

Je veux souligner que cette tendance à l’unilinguisme au sein des institutions de l’Union européenne a été également dénoncée par nos collègues du parlement allemand. C’est ainsi que, en décembre dernier, le président du Bundestag a adressé au président du Sénat la motion qui avait été adoptée à l’unanimité, le 16 octobre 2008, par cette assemblée sur la politique de l’Union européenne en matière de traduction. Cette motion rejoint en grande partie le problème soulevé par notre collègue Alex Türk.

La motion du Bundestag relève que « au cours des dix-huit derniers mois, le Bundestag allemand a, à de multiples reprises, fait savoir clairement à la Commission européenne que la traduction intégrale de l’ensemble des documents de l’Union était une demande primordiale pour l’Allemagne ».

Nous devons agir de concert avec les autres États membres attachés à cette diversité linguistique pour obtenir que celle-ci soit effectivement respectée dans le fonctionnement de l’Union.

Mes chers collègues, l’Union européenne se fonde sur « l’unité dans la diversité ». Cette diversité s’exprime, notamment, dans le multilinguisme, qui constitue une richesse et non un fardeau. Comme je l’ai rappelé, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclame le respect de la diversité linguistique et interdit toute discrimination fondée sur la langue.

Force est pourtant de constater que le respect de la diversité linguistique et la prohibition de toute discrimination fondée sur la langue sont de moins en moins assurés dans le fonctionnement des institutions européennes.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, il est urgent d’agir pour que l’Europe que nous bâtissons réponde aux aspirations de nos peuples. La diversité linguistique est un pilier essentiel de cette Europe que nous voulons faire vivre. Elle est un atout et non ²un obstacle !

En adoptant cette proposition de résolution, le Sénat dira très clairement qu’il juge cette dérive inacceptable et demandera au Gouvernement de mettre tous les moyens en œuvre pour faire vivre la diversité linguistique de l’Europe. (Applaudissements.)