M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Dispositions modifiant la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature

Discussion générale (suite)
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(Non modifié)

Article 1er

Article 1er
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Article 2

(Non modifié)

Après l’article 4 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4-1. – Les magistrats siégeant dans la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature sont, outre son président :

« 1° Le premier président de cour d’appel mentionné au 2° de l’article 1er, pendant la première moitié de son mandat ;

« 2° Le procureur général près une cour d’appel mentionné au 2° de l’article 2, pendant la seconde moitié de son mandat ;

« 3° Le président de tribunal de grande instance mentionné au 3° de l’article 1er, pendant la seconde moitié de son mandat ;

« 4° Le procureur de la République près un tribunal de grande instance mentionné au 3° de l’article 2, pendant la première moitié de son mandat ;

« 5° Les deux magistrats du siège mentionnés au 4° de l’article 1er, pour toute la durée de leur mandat ;

« 6° Les deux magistrats du parquet mentionnés au 4° de l’article 2, pour toute la durée de leur mandat. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

(Non modifié)
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(Non modifié)

Article 2

Article 2
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Article 3

(Non modifié)

À l’article 5 de la même loi, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».  – (Adopté.)

(Non modifié)
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Article 4

Article 3

Après l’article 5 de la même loi, sont insérés deux articles 5-1 et 5-2 ainsi rédigés :

« Art. 5-1. – L’avocat qui siège dans les trois formations du Conseil supérieur de la magistrature est désigné par le président du Conseil national des barreaux, après avis conforme de l’assemblée générale dudit conseil.

« Art. 5-2. – Les nominations des personnalités qualifiées mentionnées à l’article 65 de la Constitution concourent à une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Elles sont soumises, dans les conditions prévues par cet article, à la commission compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 5-1. - L'avocat qui siège dans les trois formations du Conseil supérieur de la magistrature est élu par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, permettez-moi de vous dire que l’interprétation que vous avez faite de mes propos dénote un a priori idéologique. Nous n’éprouvons aucune défiance à l’égard des magistrats. La défiance que vous avez relevée dans mes propos visait le pouvoir politique qui lui-même manifeste souvent une certaine défiance envers la magistrature.

L’amendement n° 2 vise à renforcer la légitimité de l’avocat qui siège dans les formations du Conseil supérieur de la magistrature.

Même si la commission des lois a amélioré le texte en précisant que cet avocat serait désigné par le président du Conseil national des barreaux après « avis conforme » de l’assemblée générale de ce conseil, il nous paraît plus cohérent qu’il soit élu par ladite assemblée.

C’est déjà ce qui se fait pour le membre du Conseil d’État et il me semble que, pour l’avocat comme pour d’autres membres, il est plus légitime d’être élu par ses pairs.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Collombat, Frimat et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

est

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

élu par le Conseil national des barreaux.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je vais abonder dans le sens de Mme Borvo Cohen-Seat.

Alors que le représentant des avocats est désigné, les représentants des magistrats et le représentant du Conseil d’État sont élus. Même si un progrès a été réalisé puisque notre commission a prévu que la désignation de l’avocat interviendrait après avis conforme de l’assemblée générale du Conseil national des barreaux, et non plus après avis simple, cela nous semble insuffisant. Par conséquent, nous demandons que l’avocat, lui aussi, soit élu.

Nous rejoignons ainsi les avis exprimés par M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation et par M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, lors de leur audition devant la commission. Nous nous trouvons donc en excellente compagnie et je ne doute pas que, mes chers collègues, que vous aurez plaisir à nous rejoindre.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Collombat, Frimat et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'avocat qui siège au sein du Conseil supérieur de la magistrature est nommé dans la magistrature, à titre temporaire, dans les conditions prévues à l'article 41-10 et suivants de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Je ne sais pas si les organisations syndicales de magistrats ont réclamé la présence d’un avocat au CSM ; en tout cas, elles ne s’y sont pas opposées mais elles ont posé deux conditions.

La première tient au mode de désignation de l’avocat, dont M. Collombat vient de parler.

La seconde a trait au choix même de cet avocat. Celui-ci ne peut pas exercer sa profession pendant la durée de son mandat, ni être membre d’un cabinet associé qui plaiderait également.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui est en lien avec l'amendement n° 10 présenté à l’article 4 et dans lequel il est spécifié que l’avocat ne peut pas exercer. Comme il n’exerce pas, il doit percevoir une indemnité substantielle. Aussi, nous proposons, par l’amendement n° 11, que, conformément au statut de la magistrature, cet avocat, qui est désigné en tant que tel, soit, après sa désignation, détaché pour un temps au sein de la magistrature afin de recevoir une rémunération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur l’amendement n° 2, qui tend à organiser la désignation de l’avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature par élection en lieu et place de sa désignation après avis conforme de l’assemblée générale du Conseil national des barreaux sur proposition de son président, la commission estime que l’élection n’apporte pas davantage de garanties que la procédure d’avis conforme.

Cette procédure s’apparente à une ratification par l’assemblée générale du choix du président. Cela signifie que le président, s’il n’avait pas l’avis conforme, serait obligé de formuler une nouvelle proposition.

Je signale que, comme nous l’ont fait observer très largement les avocats, la procédure d’élection présenterait quand même des inconvénients sérieux. Elle imposerait l’organisation d’une campagne électorale lourde et elle présenterait également un risque de déstabilisation du président du Conseil national des barreaux.

C’est pourquoi il semble préférable de conserver la procédure proposée par la commission. L’avis est donc défavorable.

Concernant l’amendement n° 9, l’avis est encore plus défavorable, parce que, cette fois-ci, l’avocat serait élu non par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux, mais par le Conseil national des barreaux lui-même. Autrement dit, l’ensemble des avocats en activité et des avocats honoraires seraient amenés à prendre part à cette élection, qui serait donc une opération extrêmement lourde.

Quant à l’amendement n° 11, qui consiste à faire nommer de droit l’avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature comme magistrat exerçant à titre temporaire, la commission considère que cette proposition est inconstitutionnelle puisqu’elle aurait pour conséquence immédiate de rompre l’égalité entre magistrats et non-magistrats imposée par le constituant.

Par ailleurs, cet amendement n’a effectivement de cohérence que si on le met en relation avec un autre amendement de nos collègues socialistes qui vise à interdire à l’avocat d’exercer sa profession. Or, sur ce point, nous pensons que la commission a trouvé une solution plus nuancée.

Enfin, d’après mes renseignements, l’avocat siégeant au CSM percevra une indemnité de 4 300 euros par mois. Ce n’est peut-être pas extraordinaire mais cela ne justifie pas qu’en outre il soit fait magistrat à titre temporaire !

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements.

Concernant les amendements nos 2 et 9, je ne reprendrai pas les arguments de M. le rapporteur. J’ajouterai simplement qu’il existe quand même une garantie importante puisque l’avocat sera désigné par le président du Conseil national des barreaux qui lui-même est élu par l’ensemble des avocats et que désormais un avis conforme de l’assemblée générale dudit conseil est requis. Toutes les garanties en la matière sont donc apportées et le retrait de ces amendements n’y changerait rien.

Quant à l’amendement n° 11, il présente un risque important d’inconstitutionnalité. Nous voyons bien, en la matière, que le constituant n’a nullement voulu restreindre l’exercice de la profession, sinon il l’aurait précisé puisque, dans d’autres cas, cette incompatibilité existe.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

M. Pierre-Yves Collombat. D’habitude, je suis plutôt sensible aux arguments de M. Jean-René Lecerf mais, en l’occurrence, je suis un peu étonné qu’il confonde une élection, où l’on est libre de se présenter, et une désignation, fut-elle entourée de toutes les garanties ; ce n’est quand même pas la même chose.

Je sais bien que nous sommes en régime consulaire (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) puisque, comme le disait Sieyès, « le pouvoir vient d’en haut et la confiance vient d’en bas ». Mais tout cela n’est guère démocratique. Preuve en est que, pour les magistrats, par exemple, une procédure d’élection est prévue.

Donc, très franchement, les arguments de fait et de droit ne nous paraissent pas convaincants.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Nous soutenons l’amendement n° 2 présenté par Mme Borvo Cohen-Seat.

En effet, je ne suis pas convaincu par les arguments de M. le rapporteur, c’est rare mais cela arrive. Il nous est proposé de prévoir que l’avocat sera désigné par le président du Conseil national des barreaux après avis conforme de l’assemblée générale dudit conseil et l’on nous explique que cela permettra de faire l’économie d’une lourde campagne électorale. Je connais la composition du Conseil national des barreaux, qui regroupe quelques dizaines de confrères avocats. Mieux vaut une campagne forte menée auprès de quelques dizaines de personnes qu’une campagne officieuse, qui, de toute façon, aura lieu.

On nous explique également que la désignation par le président après avis conforme équivaut à un vote du Conseil national. Pourquoi, alors, ne pas en revenir à la formule démocratique la plus simple : candidature puis élection par le Conseil national des barreaux ? Pourquoi manifester une défiance par rapport à un choix qui est important puisque l’on veut absolument un avocat dans le Conseil supérieur de la magistrature ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Nous considérons que la motivation de cette disposition n’est pas transparente, ce que nous regrettons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première et seconde phrases

Supprimer les mots :

concourent à une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Elles

La parole est à Mme le ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je propose, par cet amendement, de supprimer le rappel de la représentation équilibrée des hommes et des femmes, parce que cet objectif est déjà prévu dans notre Constitution. C’est donc une redondance par rapport à ce qu’impose la Constitution.

Par ailleurs, cela risquerait de souligner la disparité entre hommes et femmes puisque la commission des lois a fait le choix de ne prévoir la parité que pour les six personnalités qualifiées et non pour les autres membres. De toute façon, il y a un moment où l’on est en porte-à-faux.

C’est la raison pour laquelle il me paraît inutile de rappeler l’objectif de parité, qui figure déjà dans la Constitution. Nous savons bien que, de toute façon, sur les nominations, le souci de parité est très souvent exprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission diverge du Gouvernement sur ce point.

D’abord, si l’on s’interroge sur le nombre de femmes ayant été désignées depuis la réforme de 1994 parmi les personnalités extérieures, le compte est vite fait : …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Zéro !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est exact. Or, le moins que l’on puisse dire est que ce corps de magistrats se féminise de manière importante, comme peuvent s’en rendre compte tous ceux qui ont parfois le plaisir d’aller enseigner à l’École nationale de la magistrature. (Sourires.)

Par ailleurs, la commission ne fait pas exactement la même lecture que le Gouvernement de l’article 1er de la Constitution. Cet article prévoit que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ; il est bien écrit que c’est la loi qui favorise cet égal accès. Lorsque, dans le préambule de la Constitution, par exemple, il est inscrit que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », c’est un appel de la Constitution au législateur pour réglementer le droit de grève. Nous prenons donc l’article 1er de la Constitution comme un appel au législateur pour tenter de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à ces responsabilités professionnelles.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le deuxième alinéa de l’article 6 de la même loi est ainsi rédigé :

« Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, exercer la profession d’officier public ou ministériel ni aucun mandat électif ni, à l’exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l’article 65 de la Constitution, la profession d’avocat. Ce dernier ne peut toutefois, pendant toute la durée de son mandat, plaider devant les tribunaux ni agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

, à l'exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà débattu de cette question à l’article précédent. Nous considérons en effet qu’il n’est pas possible que l’avocat continue à exercer sa profession, car cela risque d’entraîner un conflit d’intérêts préjudiciable à l’impartialité des décisions du CSM.

La solution proposée par la commission des lois atténue certes ce risque. Pour ma part, je ne propose pas que l’avocat soit rémunéré davantage, je considère que, pendant la durée de son mandat, il ne doit pas exercer sa profession.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Collombat, Frimat et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

, à l'exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution,

II. - Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Mon amendement a le même objet que celui de Mme Borvo Cohen-Seat. Je l’ai déjà défendu précédemment.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme le ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement tend à supprimer les restrictions professionnelles imposées à l’avocat membre du CSM, car une telle disposition risque d’être inconstitutionnelle.

Je ne reviendrai pas sur l’avis donné par M. le rapporteur sur les précédents amendements, mais il me semble que la règle qui peut être imposée à l’avocat c’est essentiellement le respect de la déontologie, règle qui s’applique d’ailleurs à l’ensemble des membres du CSM. Cela doit conduire l’avocat à se déporter lorsqu’il estime être intéressé à l’affaire ou que sa présence fait peser un risque de partialité sur la décision.

Nous voulons unanimement, me semble-t-il, éviter tout risque de suspicion s’agissant des décisions du CSM. Pour autant, il n’est pas nécessaire d’interdire l’exercice de la profession d’avocat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les amendements nos 3 et 10 sont diamétralement opposés à l’amendement n° 25. Je serais tenté de citer le proverbe In medio stat virtus pour justifier la position de la commission des lois.

Les amendements nos 3 et 10 tendent à interdire à l’avocat qui est nommé membre du CSM d’exercer sa profession durant son mandat. Une telle disposition nous semble contraire à la volonté du constituant : si ce dernier avait voulu qu’il s’agisse d’un avocat honoraire, il aurait clairement exprimé cette volonté. En l’espèce, il nous est difficile d’exiger cette condition. Cela étant, si le Conseil national des barreaux souhaitait, dans sa grande sagesse, désigner un avocat honoraire ou un avocat près de le devenir, nous ne nous en plaindrions pas nécessairement.

De plus, les garanties ajoutées par la commission des lois au texte initial paraissent suffisantes pour éviter, autant que faire se peut, que l’avocat ne soit placé, du fait de sa pratique, dans une situation de conflit d’intérêts. En effet, il lui est fait interdiction, pendant toute la durée de son mandat, de plaider devant les tribunaux ou d’agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure.

Rappelons également que, pour tous les autres cas litigieux, les règles exigeantes de déport maintenant définies à l’article 10-1 de la loi organique par un amendement de la commission auront vocation à jouer.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 3 et 10.

L’amendement du Gouvernement tend à supprimer l’impossibilité pour l’avocat d’exercer intégralement ses fonctions d’avocat et de plaider. Cet amendement ne recueille pas non plus l’avis favorable de la commission, et ce pour deux raisons.

Premièrement, la commission n’est pas convaincue que cette disposition encoure le grief d’inconstitutionnalité. Elle n’empêche pas l’avocat de continuer à exercer sa profession, elle fixe simplement des limites : nous ne souhaitons pas que l’avocat soit amené à plaider ou à exercer un rôle de conseil juridique dans une procédure en cours. En revanche, l’avocat d’affaires aura toute possibilité de continuer à travailler sur les dossiers qu’il suit, s’il ne plaide pas lui-même. Il n’a pas à se faire omettre du barreau : il peut parfaitement demeurer avocat.

Deuxièmement, tous les magistrats que la commission des lois a auditionnés ou avec lesquels je me suis entretenu, qu’il s’agisse des plus hauts d’entre eux ou des représentants des organisations syndicales – l’Union syndicale des magistrats, le Syndicat de la magistrature ou Force ouvrière magistrats –, ont unanimement attiré notre attention sur une situation qui pourrait poser problème : un plaideur constate que le conseil de son adversaire est membre du CSM et que la solution du litige qui l’oppose audit adversaire passera par un juge dont la carrière est susceptible d’être influencée de façon décisive par l’avocat de son adversaire.

Cela remet en cause ma conception de la justice ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission, la justice ne doit pas seulement être juste - sur ce point, je fais totalement confiance à la déontologie de l’avocat – ; elle doit également donner toutes les apparences de la justice. Ici, tel n’est pas le cas. La solution proposée par la commission n’est peut-être pas extraordinaire, mais elle est, me semble-t-il, la plus respectueuse des parties en présence et de l’idée que l’on se fait de la justice et de la volonté du constituant. Cher Patrice Gélard, si le constituant avait prévu la désignation d’un professeur de droit, cela aurait effectivement évité quelques problèmes…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À condition qu’il ne soit pas avocat !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Effectivement !

La commission émet donc un avis défavorable sur les trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 25.

M. Jean-Pierre Michel. Nous partageons l’avis de M. le rapporteur en ce qui concerne l’amendement du Gouvernement. Pour ma part, je ne crois pas que le renvoi à des règles déontologiques soit suffisant.

Le CSM est saisi, chaque année, d’environ 8 000 dossiers relatifs à l’avancement ou à la mutation de magistrats. N’évoquons que l’avancement : l’avocat membre du CSM devra peut-être se déporter très souvent. En effet, supposons qu’il ait à plaider devant un magistrat ayant fait l’objet d’un avancement l’année précédente : il pourra se présenter avant l’audience au cabinet du juge pour lui faire remarquer que son avancement a été rendu possible grâce à son vote.

J’estime donc que les règles déontologiques sont totalement insuffisantes. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Nous sommes favorables à l'amendement de notre collègue Jean-Pierre Michel.

Quelques dizaines d’années passées dans les salles d’audience m’ont permis d’acquérir une certaine expérience. Mettons-nous à la place du justiciable : manifestement, il lui est difficile de considérer qu’un avocat membre d’un cabinet ou d’une SCPet appartenant au CSM puisse être neutre.

On parle de transparence et d’indépendance. Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention au futur avocat qui siégera au CSM. Je ne doute pas que le président du CNB, après avoir recueilli l’avis conforme de l’assemblée générale, fera un bon choix.

Il n’en reste pas moins qu’autoriser l’avocat à exercer une activité professionnelle posera assurément un problème. Il aura à donner des avis sur la carrière des magistrats, à prendre des positions très importantes. Je le répète, je ne doute pas de la déontologie de l’avocat, de son sens de l’État et de la justice, mais l’apparence est fondamentale en la matière.

Même s’il est vrai que la Constitution évoque l’avocat, cela revient à mettre le doigt dans un engrenage tout à fait néfaste à l’image que l’on veut donner d’une justice parfaitement transparente et indépendante. C’est la raison pour laquelle ce point est beaucoup plus important qu’il n’y paraît.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Si l’on veut que l’avocat occupe toute sa place au sein du CSM, il ne faut pas qu’il puisse être soupçonné, à tort, je l’espère, de conflit d’intérêts.

Je me suis rallié à la rédaction proposée par la commission, parce que j’estimais qu’il fallait fixer des limites, mais je crains que nous n’ayons pas épuisé le débat.

Toutes les incompatibilités avec l’exercice de la profession d’avocat s’appliquent « directement » ou « indirectement ». Pour prendre un exemple, les associés des cabinets d’avocats sont soumis à ces règles d’incompatibilités ; c’est le cas pour les parlementaires, entre autres.

Interdire à l’avocat de plaider ou d’être le conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure est une bonne idée, mais, je le répète, je crains que nous ne soyons pas au bout de l’exercice.

M. le président. La parole est à Mme le ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Ces amendements outrepassent la volonté du constituant. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, si celui-ci avait voulu interdire aux membres du CSM d’être avocats, il l’aurait mentionné explicitement, comme il l’a fait dans d’autres cas. Il est de mon devoir de signaler que les dispositions figurant dans ces amendements risquent d’être considérés comme inconstitutionnelles.

Je comprends tout à fait la préoccupation de M. le rapporteur qui est d’éviter qu’un justiciable ne puisse soupçonner un juge dont la promotion, ou éventuellement la sanction, aurait dépendu du CSM.

Toutefois, la demi-mesure proposée par la commission ne règle pas totalement le problème. D’abord, cela a été souligné, si l’avocat est membre d’un cabinet, comme c’est le cas aujourd'hui, la suspicion pourrait peser sur l’ensemble du cabinet. Or il n’est pas possible de bloquer tout le cabinet.

C'est la raison pour laquelle il vaudrait mieux s’en tenir à la solution que j’ai suggérée, c'est-à-dire des règles connues de tous, notamment des justiciables : l’avocat ne peut pas siéger lorsqu’il y a un risque de conflit d’intérêts. Mais, pour le reste, les choses doivent être claires : le constituant n’a pas voulu que l’avocat ne puisse pas continuer à exercer sa profession. Dont acte ! Si des problèmes déontologiques se posent, ils doivent être réglés par le rappel des règles de déontologie.

Monsieur le rapporteur, telle est ma proposition pour que la loi soit la plus compréhensible possible ; je le répète, elle répond parfaitement, me semble-t-il, aux préoccupations que vous avez exprimées.