M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Que ce débat ait lieu à l’article 1er ou à l’article 2, peu importe : il se situe de toute façon au cœur de nos préoccupations et de celles des usagers de La Poste.

Nous avons déjà esquissé ce débat en commission, certains considérant que les agences postales communales représentent un moyen terme intéressant ; d’autres, dont je fais partie, estimant au contraire qu’elles sont un pis-aller au regard de l’ancienne organisation de La Poste, bien qu’elles puissent rendre des services.

Tout le problème est de savoir si cette évolution ne résulte pas, de manière générale, d’une pénurie de financement du service public. Lorsque les municipalités acceptent, en toute indépendance, la présence d’une agence postale communale, il faut reconnaître qu’elles voient également dans cette activité parallèle l’opportunité de justifier la présence de personnels qu’elles ont souvent du mal à payer. Dans le même temps, toute réduction de la voilure s’accompagne d’une diminution de la clientèle.

Il me semble qu’un parallèle pertinent peut être établi entre le délitement du maillage national de bureaux de plein exercice que l’on constate à La Poste et ce qui s’est passé dans la gendarmerie, lorsqu’on a supprimé une brigade sur deux.

M. Alain Fouché. Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Mirassou. Plutôt que de faire appel à la brigade du canton voisin, parfois très éloignée, les usagers ont renoncé à porter plainte, ce qui a permis aux promoteurs de la réforme de la justifier après coup. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Ce qui est en cause, ce sont les moyens que l’on donne au secteur public. Là encore, il y a, d’un côté, les optimistes modérés et, de l’autre, les pessimistes, dont nous sommes, qui constatent le nivellement par le bas de la conception du service public, lequel s’accélérera inévitablement en cas de changement de statut, l’effet d’aubaine se manifestant avec davantage d’acuité.

Pour l’ensemble de ces raisons, ces amendements sont parfaitement justifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Nous sommes effectivement au cœur d’un débat profond, qui oppose plusieurs conceptions de la République.

Les maires ne veulent pas être pris en otage. Ils ont le choix entre une agence postale communale ou plus rien du tout…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous exagérez !

M. Roland Courteau. C’est la réalité !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous avez une bien piètre idée du fonctionnement des commissions départementales !

M. François Fortassin. Évidemment, ils acceptent l’agence postale communale. Celle-ci fonctionne : tant mieux ! Il me semble toutefois que La Poste aurait été mieux inspirée de proposer aux maires le marché suivant : l’agence postale s’installera dans la mairie, qui constitue le meilleur lieu d’accueil que l’on puisse trouver dans la commune, mais le service postal restera assuré par nos propres agents. Ce faisant, La Poste aurait opté pour une posture offensive et pour une solution de continuité. À l’inverse, en se contentant d’une contribution financière, elle laisse aux municipalités le soin de faire fonctionner les agences.

M. Alain Fouché. Elle forme aussi les personnels !

M. François Fortassin. Qu’on le veuille ou non, c’est une autre conception de nos principes républicains. Et il ne s’agit pas d’une opposition droite-gauche, car nous sommes nombreux à penser qu’il existe une organisation propre à la République française. Aujourd’hui, en bradant cet héritage, vous faites offense à notre histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous voulez dire que les collectivités territoriales suppléent les carences de l’État, vous avez parfaitement raison ! (M. le rapporteur s’inscrit en faux.) Mais combien de temps vont-elles pouvoir remplir ce rôle, étant donné que vous les étranglez financièrement ?

Nous avons beaucoup parlé des zones rurales ; je voudrais maintenant évoquer les zones urbaines. À Paris, les bureaux de poste ne connaissent aucune désaffection, les files d’attente ayant augmenté proportionnellement à la diminution du nombre de guichets.

Si vous voulez dire que la déstructuration du service public a déjà commencé, vous avez raison ! Jusqu’à présent, la diminution du nombre de guichets n’était pas vraiment visible à Paris ; elle le devient ! Pour réduire le nombre de guichets, on va même jusqu’à casser des bureaux de poste qui avaient été refaits voilà trois mois… Bonjour le gaspillage !

Avant, il y avait davantage de guichets mais, comme beaucoup étaient fermés faute de personnel, les usagers pestaient contre les employés, pensant sans doute qu’ils s’amusaient en coulisse… Maintenant, les seuls guichets qui restent bien en vue sont ceux de la Banque Postale. Les guichets d’accueil ont pratiquement disparu et les files d’attente s’allongent, en dépit de l’intervention d’un agent qui essaye tant bien que mal d’orienter les usagers vers les automates.

Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, les salariés du bureau de poste de Château-Rouge ont fait une grève de quinze jours pour dénoncer les suppressions d’effectifs. Ils ont fini par gagner, les suppressions d’emplois prévues ont été annulées. Dans le même temps, une agence dédiée au retrait des colis ouvrait à la station de métro Simplon. Voilà un bel exemple d’amélioration du service public : on diminue le nombre de personnes dans les bureaux de poste et l’on doit aller à la RATP pour retirer ses colis ! C’est formidable, n’est-ce pas ?

M. Laurent Béteille. C’est très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes convaincus que le changement de statut de La Poste va, hélas ! accentuer ce genre d’évolutions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Comme l’ont montré certaines interventions, en particulier celle de M. Fortassin, ce débat illustre les divergences profondes qui nous opposent sur ce texte.

On peut multiplier les professions de foi – tout le monde s’accorde d’ailleurs pour dire que La Poste est un service public essentiel, et tout le monde promet qu’elle restera publique –, il n’en demeure pas moins que deux méthodes s’opposent.

Dans le contexte actuel de mondialisation, de directives européennes, de libéralisation généralisée et d’inversion des rapports de force au détriment des services publics, particulièrement en France, il y a ceux qui pensent qu’il faut laisser aller les choses et faire confiance et ceux, dont nous sommes, qui considèrent qu’il convient de faire très attention et de poser de solide garde-fous pour contrer la tendance naturelle à la remise en cause du service public.

On nous reproche d’être pessimistes, mais, quotidiennement, nous constatons que nos craintes sont fondées.

Je vous invite, mes chers collègues, à prendre un peu de recul : depuis l’Ancien Régime, l’histoire de la poste est marquée par un accroissement continu de la couverture territoriale. Regardez donc la chronologie, notamment celle qui figure sur Wikipedia : le progrès humain s’est accompagné d’une augmentation du nombre de bureaux de poste, siècle après siècle.

Aujourd’hui, alors que nous pensons avoir atteint le summum d’un certain développement humain, le nombre des bureaux diminue, et vous appelez cela la modernisation ! Mais c’est quoi, pour vous, la modernité ?

M. Alain Gournac. Il n’y a personne dans les bureaux !

M. David Assouline. Vous savez, mon cher collègue, l’insatisfaction est encore plus grande quand il y a trop de monde, comme Mme Borvo Cohen-Seat vient de le montrer. Les gens font la queue et les personnes âgées finissent par rebrousser chemin et rentrer chez elles, épuisées.

M. Alain Gournac. Arrêtez !

M. David Assouline. Avant, les files d’attente n’étaient pas aussi longues. Pourtant, nous n’avons pas connu à proprement parler d’explosion démographique. C’est donc bien la diminution du nombre de guichets qui explique ce phénomène.

Ce débat est très concret. Il apparaît clairement que le maintien d’un EPIC permettra d’aller à l’encontre de cette tendance déjà générale à la remise en cause du service public, dont vous ne mesurez sans doute pas les effets. On en reparlera dans quelques années !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bien sûr !

M. David Assouline. Quant à nous, nous gardons les yeux ouverts et estimons que ces précautions sont indispensables à la lumière de ce qui s’est passé ces vingt dernières années. On sait ce à quoi conduit ce genre d’évolution : voyez l’exemple de France Télécom !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. La discussion qui s’est engagée à ce stade du débat aurait davantage trouvé sa place à l’article 2, qui comporte un grand nombre de réponses aux questions que vous avez soulevées, les uns et les autres.

Cela étant, ces échanges ont conféré une dimension humaine au débat sur l’avenir de la Poste. Chacun d’entre vous, qu’il soit élu d’une zone rurale ou d’une zone urbaine, a évoqué sa propre expérience. La diversité de ces expériences reflète la diversité des territoires qui sont ici représentés.

Par ailleurs, il est sans doute avantageux pour un membre du Gouvernement d’être aussi un élu local. Parlementaire pendant plus de vingt ans, j’ai été confronté à ces situations. En tant que ministre délégué à l’aménagement du territoire, je vous ai proposé la création de pôles d’excellence rurale, afin, notamment, de promouvoir les services publics. Nous avons instauré une aide de 5 000 euros à destination des communes rurales, afin de soutenir celles d’entre elles qui souhaitaient ouvrir des services publics, notamment des agences postales communales ou des bureaux de poste, ou bien des épiceries.

Citons encore les aides du fonds national d’aménagement et de développement du territoire.

Avant ce soir, je vous communiquerai la liste des maires, toutes tendances confondues, qui, au cours de cinq dernières années, ont fait appel à ces moyens de l’État ou aux diverses aides proposées par La Poste pour répondre du mieux possible à leurs problèmes.

Un certain nombre de maires, avec beaucoup de volontarisme, ont ainsi sollicité l’aide de La Poste, de l’État ou des collectivités locales pour mener à bien des projets. De fait, certains présidents de département et de région abondent parfois les aides de l’État.

Certains d’entre vous affirment que les services publics sont moins nombreux qu’auparavant. J’ignore ce qu’il en est dans chacun de vos départements, mais, dans celui que j’ai présidé durant quelques années, le nombre des services publics situés en zone rurale a augmenté de 40 % au cours des dix dernières années, qu’il s’agisse de crèches, d’écoles maternelles, de bureaux de poste, etc. Voilà cinq ans, mon département comptait 188 bureaux de poste ; il en compte 208 à ce jour ! Comment peut-on affirmer que les bureaux de poste sont aujourd’hui moins nombreux ?

Hier soir, M. Collombat m’a profondément blessé en déniant au maire de Nice que je suis la qualité d’homme de la ruralité. Pourtant, celui-ci étant un élu du Var, nous avons siégé ensemble au conseil régional. De fait, il sait très bien que, depuis vingt ans, je suis d’abord l’homme d’un petit village, Saint-Étienne-de-Tinée, situé en bordure du parc national du Mercantour, que j’ai été très longtemps le conseiller général du canton et le député de cette circonscription, qui compte 72 communes rurales. Je suis maintenant le maire d’une ville qui compte un vignoble, des activités agricoles et des hameaux qui se sont organisés par rapport à leur problématique de services publics.

Hier, Paul Blanc, élu des Pyrénées-Orientales, rappelait que j’étais venu inaugurer, voilà trois ans, dans son village de Sournia, situé au pied du pic du Canigou, son centre de service public, qui compte notamment un bureau de poste. Il ajoutait que, depuis lors, l’activité de cette agence postale communale avait doublé.

M. Daniel Raoul. Et alors ? C’est un contre-exemple !

M. Jacques Mahéas. Oui, c’est un contre-exemple !

M. Christian Estrosi, ministre. Je vous ai écoutés très attentivement et j’ai pris connaissance de toutes vos expériences, qui, pour certaines d’entre elles, sont intéressantes.

Certains maires, de gauche comme de droite, me disent que, depuis plus de trente ans, leur village ne comptait plus ni pompe à essence, ni épicerie, ni dépôt de pain, ni poste,…

M. Didier Boulaud. Ni crémière ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ni saucisson ! (Mêmes mouvements.)

M. Christian Estrosi, ministre. …et qu’il était impossible d’y acheter du beurre et des journaux.

Le soutien financier de La Poste leur a permis de rouvrir à la fois une agence postale et une épicerie et d’offrir ainsi une vraie mission de service public. L’épicier y trouve son avantage, car le chiffre d’affaires qu’il réalise au titre de son activité principale ne lui permet pas de vivre.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Exactement !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. La seule conjonction de ces deux activités – épicerie et poste – en un même lieu permet de faire renaître dans un canton rural ou dans une commune des services répondant aux besoins de la population et qui avaient disparu depuis vingt ou trente ans.

Voilà pourquoi des maires de toutes tendances politiques, sans étiquette, socialistes, communistes, UMP,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Centristes ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi, ministre. …de manière originale, au cas par cas, ont pris l’initiative, ou ont répondu à une proposition – de faire revivre des services qui avaient disparu.

Aussi, je ne comprends pas que M. Bourquin affirme que des milliers de postes de facteurs ont été supprimés. Au mieux, vous vous montrez excessif, monsieur le sénateur, au pire, vous mentez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À cet égard, je remercie Béatrice Descamps, qui a parfaitement résumé la situation réelle et énuméré les réponses concrètes qui ont été proposées à un certain nombre de maires.

Didier Guillaume indique, quant à lui, que les horaires d’ouverture sont inadéquats, qu’ils ne correspondent pas aux besoins des gens, qu’ils ont été restreints.

M. Didier Guillaume. C’est vrai !

M. Christian Estrosi, ministre. Or, dans le cas où le service postal est disponible dans une épicerie ou dans une mairie, il est parfois possible de retirer un courrier recommandé six jours sur sept, voire sept jours sur sept, de huit heures à vingt et une heures. La population bénéficie aussi d’un meilleur service. C’est cela, la réalité !

Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué les zones urbaines. Les situations y sont diverses. Je connais ainsi des zones urbaines dont les bureaux de poste, de petite taille, étaient éparpillés, avec des horaires d’ouverture inadaptés. Grâce à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, il a été possible d’aménager un grand centre postal, dont les larges missions lui permettent de répondre au cas par cas aux demandes de la population et des comités de quartier.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous déplorez que la RATP ait signé une convention avec La Poste aux termes de laquelle il est désormais possible aux usagers du métro de retirer un colis ou de déposer un recommandé auprès d’un guichet installé, à ce jour, dans une seule station. Pour ma part, je considère que nombre de nos concitoyens sont pleinement satisfaits par ce type de service, par cette diversité d’offres que leur propose La Poste depuis quelques années.

Vous dites, en particulier monsieur Assouline, que les files d’attente s’allongent, que des milliers de postes de facteur ont été supprimés,…

M. David Assouline. Nous avons des chiffres précis !

M. Christian Estrosi, ministre. …que les horaires d’ouverture ne correspondent plus aux besoins, bref que tout va mal.

M. David Assouline. N’est-ce pas vrai ?

M. Christian Estrosi, ministre. Dans le même temps, monsieur Assouline, vous réclamez le maintien de l’EPIC, au motif que c’est la structure qui fonctionne le mieux. Pardonnez-moi de vous dire que vos propos sont totalement contradictoires, car si La Poste devait conserver son statut actuel, elle ne pourrait pas se moderniser. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le nouveau statut de La Poste aggravera la situation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Martial Bourquin, pour un rappel au règlement.

M. Martial Bourquin. Mes chers collègues, je vous invite, pendant les suspensions de séance, à vous rendre sur le site Twitter. C’est ce que je viens de faire et j’ai consulté la page de Christian Estrosi. Permettez-moi de citer quelques-unes des phrases que l’on peut y lire : « Les sénateurs socialistes et communistes font de l’obstruction mais considèrent qu’ils travaillent trop. Que peuvent en penser les Français ? »

M. Didier Boulaud. C’est nul !

M. Martial Bourquin. « Le référendum d’initiative populaire : socialistes et communistes en ont rêvé, notre majorité l’a instauré. » Si seulement !

M. Roland Courteau. Depuis le temps que l’on attend le projet de loi organique !

M. Martial Bourquin. « L’obstruction parlementaire continue. Le PS et le PC n’ont pour seul projet d’avenir qu’un référendum. »

Plus grave : « Patriat, PS. Raconter autant de salades en séance, me solliciter pour accompagner ses projets et se coller à moi sur la photo Bourgogne. Gonflé ».

M. Didier Boulaud. Drôles de mœurs et de manières !

M. Martial Bourquin. Je vous rappelle que c’est un ministre qui écrit : « Je commence le bêtisier : Bourquin, PS : “efficacité du service publique mais cette efficacité pas au détriment du service publique”. »

Monsieur Estrosi, je suis un autodidacte, comme vous. Mais, dans l’expression « service public », public s’écrit avec un « c » et non pas avec « que ». Le Gouvernement parle de l’identité nationale. Je considère que l’orthographe fait partie de l’identité nationale.

M. Alain Gournac. C’est minable !

M. Patrice Gélard. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

M. Martial Bourquin. Lorsqu’on est un élu de la nation, que l’on siège au Parlement, et a fortiori quand on est ministre, on se doit de respecter les parlementaires…

M. Didier Boulaud. C’est un devoir !

M. Martial Bourquin. … de respecter les opinions différentes.

Un sénateur de l’UMP. Pas l’obstruction !

M. Martial Bourquin. Toujours sur le site Twitter, vous ajoutez qu’à minuit et demi vous n’aviez toujours aucune proposition des sénateurs socialistes et communistes. N’avez-vous pas entendu Michel Teston et plusieurs orateurs socialistes et communistes, qui ont consacré la moitié de leur intervention à faire des propositions dans le cadre de l’EPIC ?

M. Nicolas About. Sur quel article se fonde ce rappel au règlement ?

M. Martial Bourquin. Nous avons le devoir de nous respecter ! On n’a pas le droit de brocarder des élus de la nation. Si, un jour, des extrêmes, de droite ou de gauche, mettent en cause notre démocratie, ce sera le fait de tels comportements.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin. Tout le monde a le droit au respect, monsieur le ministre !

Je viens de téléphoner à François Patriat : il m’a indiqué que le pylône qui a été inauguré en Bourgogne a été financé par le conseil régional.

M. Didier Boulaud. Évidemment !

M. Martial Bourquin. Vous venez inaugurer, en Bourgogne, un pylône financé par le conseil régional de Bourgogne. Vous figurez donc sur la photo à côté du président de région. Vous ne pouvez pas le brocarder comme vous l’avez fait ! J’ai l’intervention littérale de François Patriat, hier : il a simplement posé la question des zones blanches.

On ne peut, dans cet hémicycle de la Haute Assemblée, se comporter de la sorte ! Je suis profondément indigné ! De tels comportements doivent cesser, car ils ne font que renforcer les extrêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur Bourquin, je m’efforce de faire en sorte que tout le monde puisse s’exprimer dans le débat, y compris au titre d’un rappel au règlement. Néanmoins, vous n’avez pas fait un rappel au règlement.

M. Alain Gournac. Exactement !

M. le président. Je vous ai laissé terminer votre intervention, car j’ai vu que vous y attachiez de l’importance.

Mes chers collègues, je vous demande désormais de respecter scrupuleusement les temps de parole qui vous sont impartis. En outre, lorsque vous demandez la parole pour un rappel au règlement, veuillez m’indiquer sur quel article de notre règlement vous vous fondez. Celui-ci est suffisamment large pour accueillir l’expression de votre imagination. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je n’avais que cette question à poser, monsieur le président. Vous l’avez fait, et je vous en remercie.

Pour le reste, chacun a la liberté d’utiliser les médias qu’il souhaite pour annoncer sa part de vérité.

M. Bourquin devrait lui aussi se montrer plus respectueux à mon égard. Lorsque je lis la manière dont je suis brocardé…

M. Martial Bourquin. Je ne brocarde jamais un intervenant !

M. Christian Estrosi, ministre. … dans un certain nombre d’articles, dans L’Humanité, dans Libération, lorsque j’entends ce qui se dit dans des studios de radios ou sur des plateaux de télévision, je constate que chacun utilise les médias dont il dispose pour exprimer ses vérités.

Monsieur Bourquin, par votre intervention, vous venez de m’inciter à recourir davantage encore à un média utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Je vous remercie vivement d’en avoir fait la promotion. Cela permettra à un plus grand nombre de personnes de se connecter à Twitter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP)

M. le président. La parole est à M. Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement no 25.

M. Thierry Foucaud. La libéralisation des services postaux telle qu’elle a été engagée par la Commission européenne ne peut servir à vous exonérer de vos responsabilités, sauf à dire clairement que la voix de la France n’est pas entendue dans l’enceinte bruxelloise.

Votre Gouvernement est bien engagé dans une politique très libérale de privatisation des services publics aux seules fins de donner au marché une capacité accrue à transformer les services rendus à notre population en dividendes pour des actionnaires.

Je préfère anticiper les réfutations qui ne manqueront pas d’affluer sur certaines de ces travées au prétexte que l’actionnaire resterait l’État. Il suffit de se tourner vers les pratiques qui sont déjà en vigueur entre la SNCF et son actionnaire : 321 millions d’euros de dividendes versés en deux ans. Les salariés en butte à une direction hermétique à tout dialogue social et les usagers abandonnés sur les quais, faute de matériels en ordre de marche ou de personnels en nombre suffisant, apprécient assez peu cette gouvernance censée faire entrer notre pays dans la modernité mercantile.

Et nous-mêmes, avertis par ces précédents, ne souhaitons pas poursuivre avec La Poste cette fuite en avant destructrice du « vivre ensemble » symbolisé par le système social français imaginé par le Conseil national de la Résistance.

Permettez que j’entre maintenant dans le détail des conséquences déjà en cours de ce changement de statut de l’entreprise et de ses personnels.

Des dizaines de tournées de distribution du courrier sont supprimées, ce qui se traduit par une distribution du courrier tous les deux ou trois jours.

On constate des restrictions d’ouverture des bureaux, en particulier dans les quartiers dont les habitants supportent les inégalités les plus criantes en matière de logement, d’emploi, d’accès à des services publics de qualité.

La gestion patrimoniale conduit à abandonner des locaux jugés obsolètes dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise. Dans les faits, il s’agit souvent d’opérations lucratives sur le marché de l’immobilier, s’accompagnant d’une diminution du nombre de bureaux et de l’installation des agents dans des locaux exigus où l’ensemble des services ne peut plus être rendu.

Par ailleurs, il faut savoir que l’augmentation du nombre de points poste dans certains secteurs, que vous évoquiez tout à l’heure, répond à une diminution considérable du nombre de bureaux de poste.

C’est aussi la fermeture des bureaux de poste dans les zones rurales, avec l’obligation pour les maires de devoir choisir entre la disparition pure et simple de la présence postale sur leur territoire ou la création de « maisons des services publics », dans lesquelles seuls certains des services postaux peuvent être rendus par des fonctionnaires territoriaux, en échange d’une dotation de l’entreprise La Poste.

C’est encore le projet avancé de faire payer l’oblitération du courrier en fonction non plus de son volume ou de son poids, mais du trafic.

C’est enfin une gestion des personnels qui, à l’image de celle de France Télécom ou de pôle emploi, est entrée dans une démarche de productivité effrénée, qui nie toute autre dimension qu’industrieuse à ses salariés et qui utilise à cette fin des méthodes que l’on croyait jusqu’ici réservées aux patrons de choc tels que les affectionne Laurence Parisot, voire aux patrons voyous d’ateliers clandestins.

Le résultat, ce sont évidemment les luttes que mènent les postiers avec leurs organisations syndicales, relayées par des collectifs de citoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement no 28.

Mme Odette Terrade. Pour justifier le vote de cet amendement par les sénateurs du groupe CRC-SPC je m’appuierai sur les enseignements que nous avons retirés de l’examen de ce texte en commission.

La commission a remplacé dans l’alinéa concerné un « ou » par un « et » : grand pas selon d’innombrables dépêches, en réalité peu de chose puisque cette substitution ne garantit pas une présence de l’État au sein du capital.

Cette manœuvre était donc uniquement destinée à faire accepter la transformation du statut de La Poste, prélude à sa privatisation. Nous ne sommes pas dupes et nous considérons que cette disposition n’est qu’une précision rédactionnelle. Ce qui nous rassure assez peu.

Il en aurait été certainement autrement si un amendement déposé en commission avait été accepté. Cet amendement, qui n’émanait pas de notre groupe, je le précise, disposait que le capital de La Poste était détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations. Cet amendement aurait pu être considéré comme une simple formalité, puisque vous justifiez ce projet de changement de statut justement pour permettre à la Caisse des dépôts et consignations d’entrer dans le capital de La Poste.

Le rejet de cet amendement par la commission, l’avis défavorable émis par le rapporteur, ont sonné pour nous comme un aveu.

Une autre modification effectuée par la commission est, elle, importante. La commission a estimé que la rédaction initiale du projet de loi, qui mentionnait que La Poste pouvait être détenue par l’État ou des personnes morales du secteur public, était trop large et permettait, notamment, que des sociétés détenues en partie par des investisseurs privés puissent entrer dans le capital de La Poste.

Nous voyons bien que le projet du Gouvernement était non pas, malgré les déclarations d’intention, de sécuriser l’appartenance publique du capital de La Poste, mais bien de passer en société anonyme. C’est la clé du projet de loi.

Selon le rapport de notre collègue Pierre Hérisson, la transformation de La Poste en société anonyme n’appelle pas nécessairement sa privatisation. Il cite l’exemple d’autres sociétés anonymes étant 100 % publiques, telles que Radio France ou France Télévision.

Pourtant, il me semble que la comparaison est difficilement tenable au regard des secteurs d’activités qui sont fondamentalement différents. Excusez-moi, mais les convergences de situations sont plus à chercher dans des grands services publics en réseau, comme France Télécom ou GDF, que dans des services publics culturels. Nous considérons donc qu’il s’agit d’un argument de mauvaise foi.

Au final, nous estimons qu’aucune garantie sérieuse ne nous a été donnée sur l’avenir de La Poste. Nous voterons donc le présent amendement qui, conformément aux résultats de la votation citoyenne, demande le retrait du projet de changement de statut de La Poste, que nous considérons comme un préalable à son inéluctable privatisation.