M. Alain Milon. Il faudra profiter de l’examen des articles pour aborder la question de l’augmentation des prélèvements, notamment de la CRDS. Il importera, ensuite, de réfléchir à l’élargissement de l’assiette de certains prélèvements pour toutes les catégories de revenus. Il conviendra, enfin, de définir un meilleur ciblage des allégements de charges.

Mes chers collègues, n’ayons aucun tabou, ni entre nous ni vis-à-vis de nos concitoyens. Faisons œuvre de pédagogie et sachons parler vrai pour faire prendre conscience à ces derniers des efforts à fournir afin de financer de la manière la plus juste et la plus responsable notre protection sociale. Il y va de la pérennité de notre système, à condition, évidemment, que nos concitoyens souhaitent qu’il soit pérenne.

Un autre sujet nous semble important : la convergence tarifaire doit permettre de mieux gérer les établissements hospitaliers, publics comme privés.

Monsieur le ministre, voici ce que j’affirmais l’an dernier, lors de l’examen du PLFSS pour 2009 : « […] pour réussir la convergence public-privé, il conviendra de prendre en compte les spécificités de l’hôpital public et leur impact sur les coûts : la gestion de la précarité qui génère des coûts induits importants, non pris en compte par les tarifs ; l’organisation de la permanence des soins qui, dans la plupart des villes moyennes, est assurée essentiellement par l’hôpital public ; la gestion par le seul hôpital public des spécialités coûteuses – réanimation, néonatalogie –, régies par des normes réglementaires draconiennes nécessaires au fonctionnement des unités publiques et privées, et dont les suppléments de tarifs s’avèrent insuffisants. »

Nous ne souhaitons pas que les efforts de convergence soient abandonnés.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Alain Milon. Pouvez-vous nous confirmer la réalisation de rapprochements tarifaires dans certaines activités de chirurgie dès l’année prochaine ?

L’occasion me sera donnée d’évoquer le rendez-vous de 2010 pour notre régime de retraite lors du débat qui sera organisé à la demande de la commission des affaires sociales.

Mais l’une des mesures phares du volet « retraite » de ce PLFSS pour 2010 réside dans le maintien de la majoration d’assurance pour enfant dans le régime général, même s’il a fallu modifier ce dispositif pour tenir compte d’un arrêt de la Cour de cassation. Michèle André et Jacqueline Panis en ayant excellemment parlé, je ne m’étendrai pas sur le sujet.

En ce qui concerne le volet « famille », le Gouvernement propose de poursuivre la création d’offres de garde supplémentaires, ce qui est indispensable pour répondre aux besoins de nombreuses familles. Nos collègues députés ont souhaité que l’agrément donné par le conseil général puisse se faire pour deux enfants dès la première demande, dès lors, bien sûr, que la qualité de l’accueil est assurée. Nous saluons cette initiative de nature à apporter une sécurité aux assistantes maternelles et à accroître le nombre de places. En outre, l’extension du prêt à taux zéro aux assistantes maternelles est un bon signal et favorisera, nous l’espérons, les vocations.

Nous nous félicitons également de ce que le volet « médico-social », qui sera défendu par Sylvie Desmarescaux, bénéficie d’une hausse de 5,8 %. Nous nous réjouissons de la sécurisation de la prise en charge des frais de transport des adultes handicapés dans les MAS, les maisons d’accueil spécialisées, et les FAM, les foyers d’accueil médicalisés, qui seront intégrés aux budgets des établissements.

Monsieur le ministre, l’effort sur la création de places dans le cadre du plan Alzheimer doit être poursuivi. Au-delà, la prise en charge de la dépendance est l’un des chantiers majeurs annoncés par le Président de la République. Pourriez-vous nous faire connaître l’état de la réflexion du Gouvernement sur la mise en place d’un cinquième risque ?

À l’évidence, le contexte économique ne facilite pas la tâche du Gouvernement, qui doit soutenir les plus fragiles et engager des réformes structurelles pour préserver notre protection sociale. Ces réformes sont indispensables pour adapter notre sécurité sociale aux besoins de nos concitoyens, au regard notamment de l’accroissement de l’espérance de vie, faute de quoi le système risque d’être mis en péril.

Monsieur le ministre, vous porterez, j’en suis sûr, une attention particulière à quelques-uns de nos amendements. Dans ces conditions, vous pouvez compter sur notre soutien sans faille ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à première vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est catastrophique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. En seconde analyse, cependant, il n’apparaît pas totalement désespérant. (Mêmes mouvements.)

M. Nicolas About. Quel drôle de constat, me direz-vous, face à un texte qui entérine un dérapage sans précédent des comptes sociaux. Ce PLFSS pour 2010 innove, hélas ! en termes de contre-performances : c’est la première fois que le déficit augmente autant d’une année sur l’autre ; c’est la première fois que l’ACOSS aura à supporter une dette cumulée de 65 milliards d’euros ;…

M. François Autain. C’est le budget des records !

M. Nicolas About. …c’est la première fois que l’on enregistrera deux années successives de recul de la masse salariale ;…

M. François Autain. Absolument !

M. Nicolas About. …c’est la première fois qu’on ne parle même plus d’un retour à l’équilibre.

M. François Autain. C’est le budget « Guiness »!

M. Nicolas About. Les chiffres ont déjà été largement martelés, leur ampleur est immense : le déficit consolidé des quatre branches atteindra 24,7 milliards d’euros en 2009, contre 10,2 milliards d’euros en 2008. Il aura donc plus que doublé en un an.

M. Jacky Le Menn. C’est rassurant…

M. Nicolas About. La cause est connue : la crise, plus précisément l’impact de la récession sur la masse salariale et, dans une plus faible mesure, sur les revenus du capital.

Concernant la masse salariale, le calcul est vite fait. Un point de masse salariale représente environ 2 milliards d’euros. Puisque celle-ci devrait reculer de 2 % cette année alors qu’elle avait crû en moyenne de 4,1 % entre 1998 et 2007, ce sont bien 12 milliards d’euros de recettes qui s’envolent.

Du côté des revenus du capital, la crise financière et la chute des transactions immobilières feraient passer le rendement social du capital de 15,6 milliards d’euros en 2008 à 12,2 milliards d’euros en 2009, soit une perte de 3,4 milliards d’euros.

Ainsi, la dégradation de la conjoncture coûterait plus de 15 milliards d’euros à la sécurité sociale. Autrement dit, l’essentiel de l’emballement du déficit lui serait imputable.

Le caractère essentiellement conjoncturel de l’explosion des déficits sociaux emporte trois conséquences.

Premièrement, il n’y a rien d’étonnant à anticiper une dégradation de la situation encore supérieure l’année prochaine.

Le projet table sur une diminution de 0,4 % de la masse salariale en 2010 et une perte de recettes de 9 milliards d’euros. Dans ces conditions, au regard de la croissance, même contenue, des dépenses, le déficit augmentera mécaniquement de 7 milliards d’euros, pour atteindre 30,6 milliards d’euros.

M. François Autain. C’est vrai !

M. Nicolas About. De tout cela, le PLFSS pour 2010 ne fait pas mystère. En cela, il est crédible.

M. Nicolas About. Mais en cela seulement.

Deuxièmement, en effet, il est difficile de croire aux hypothèses ultravolontaristes sur lesquelles le Gouvernement bâtit ses prévisions pluriannuelles postérieures à 2010.

Mme Annie David. Eh oui ! Elles sont insincères !

M. Nicolas About. En cela, nous rejoignons totalement la position du rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Merci, mon cher collègue !

M. Nicolas About. Que la croissance caracole à 2,5 % à partir de 2011, à la limite, pourquoi pas ? Il est permis au Gouvernement d’espérer ; c’est peut-être même, d’ailleurs, son devoir. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales sourit.) Mais que la masse salariale augmente de 5 % à partir de ce moment-là, voilà qui laisse songeur !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pantois !

M. Nicolas About. La masse salariale n’ayant crû, en moyenne, que de 4,1 % entre 1998 et 2007, on ne voit pas sur quelles bases elle pourrait, demain, battre de tels records.

Mme Christiane Demontès. L’intervention du Saint-Esprit !

M. Jacky Le Menn. Le miracle de la foi !

Mme Annie David. Vous allez donc voter la motion que je présenterai, monsieur About !

M. Nicolas About. Cela laisse à penser que la fixation d’une telle croissance procède beaucoup plus d’une logique de variable d’ajustement que d’un « prospectivisme » éclairé.

Là-dessus, certains parlent d’insincérité. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Nicolas About. C’est exagéré, puisque les perspectives dessinées par le texte pour l’année prochaine sont réalistes. C’est après que cela dérape.

M. François Autain. C’est de la naïveté !

M. Nicolas About. Alors, puisque nous innovons cette année, peut-être assistons-nous à l’émergence d’un nouveau concept, celui de sincérité de court terme ou de sincérité à date butoir. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, comme je l’annonçais en préambule, le présent PLFSS nous paraît receler des raisons de ne pas totalement désespérer. Et ce, sans même s’adonner à des vaticinations hasardeuses.

En effet, j’en arrive à la troisième conséquence du caractère essentiellement conjoncturel de la dégradation des soldes.

Dire que la récession est responsable de 65 % du déficit cumulé de 2009, c’est dire, en miroir, que le déficit structurel, lui, ne représente que 35 % de ce déficit et qu’il ne s’est pas accru.

M. François Autain. C’est rassurant !

M. Nicolas About. Ce qui est extrêmement encourageant, comme le fait remarquer notre collègue François Autain, et je l’en remercie.

Sous ses apparences de bérézina, le PLFSS pour 2009 est, en réalité, un texte paradoxal, un texte de contrastes : contraste entre son volet recettes, qui fait apparaître la dégradation dont j’ai parlé jusqu’ici, et son volet dépenses, qui, au contraire, fait montre d’une relative maîtrise.

C’est évidemment en matière d’assurance maladie que tout se joue. Ce projet consacre l’un des plus faibles dépassements de l’ONDAM jamais enregistrés depuis sa création en 1996 : 300 millions d’euros. Je rappelle, pour mémoire, que le dépassement de l’ONDAM a été depuis 1997, en moyenne, cinq fois plus élevé.

L’objectif de dépenses d’assurance maladie sera en 2009 très proche de celui que nous avions voté en 2008. Certes, les mesures de régulation budgétaire ne seront pas étrangères à ce résultat. Mais celui-ci est aussi et, surtout, indéniablement imputable à l’effort de maîtrise médicalisé entrepris depuis quelques années.

C’est également la première fois que la progression des dépenses est maîtrisée à un niveau aussi bas, proche de 3 %, ce qui crédibilise l’ONDAM toujours très volontariste fixé pour 2010 à 3 %.

Alors, face à ce constat à la fois alarmiste et contrasté, que faut-il faire ? Confrontés à l’emballement des déficits sociaux dans une période de grave récession, quelle est la marche à suivre ?

M. Nicolas About. Je vous laisse la responsabilité de cette appréciation, monsieur Autain !

Nous sommes face à un dilemme. D’un côté, il paraît insupportable de voir filer les déficits sans rien faire. De l’autre, est-il vraiment responsable de prétendre tout de suite les enrayer, au plus fort de la crise, quitte à pressurer un système déjà exsangue, quitte donc à nous priver de toute capacité de rebond ?

Face à ce qui semble une aporie, deux voix apparemment contradictoires s’élèvent dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, nous comprenons parfaitement le bien-fondé de l’option gouvernementale. En science macroéconomique, c’est un principe de base : il ne faut surtout pas contraindre le système quand la croissance est en berne. Il faut, au contraire, laisser agir les stabilisateurs automatiques, le jeu naturel de la redistribution sociale. Toute autre action est contre-cyclique.

M. Jean-Pierre Michel. Prenez votre temps !

M. Nicolas About. C’est dans cette voie de sagesse macroéconomique que vous vous êtes engagés. Dans ce PLFSS, ni hausse des prélèvements ni coupe brutale. Et, dans cette optique, il est bien normal que le déficit se creuse en période de récession.

Mais, face à cela, la commission des finances et la commission des affaires sociales opposent une autre logique, tout aussi macroéconomique.

Ne rien faire aujourd’hui contre les déficits qui se constituent, c’est se priver demain de toute marge de manœuvre, c’est mettre en route une bombe à retardement qui pourrait in fine avoir raison de l’ensemble de notre système de protection sociale.

Déjà, avec une ligne de trésorerie de 65 milliards d’euros, on change l’ACOSS en une banque, ce qui n’est pas franchement sa vocation. D’où la proposition de notre rapporteur général d’entrer, a minima, dans « une logique des petits pas » en transférant dès maintenant 20 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui implique un relèvement de 0,15 % de la CRDS, donc un accroissement de la pression fiscale, dont vous ne voulez pas.

Pour notre part, nous entendons les deux arguments ; l’un et l’autre nous semblent pertinents.

C’est pourquoi, en bons centristes que nous sommes (Sourires.), nous voulons vous proposer une solution intermédiaire susceptible de les concilier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ne peut-on pas dissocier, au sein du déficit de la sécurité sociale, ce qui relève du structurel, c’est-à-dire de notre incapacité à réformer, de ce qui relève de l’impact de la conjoncture ?

Il paraîtrait normal que le déficit structurel, 10 milliards d’euros, continue d’être supporté par l’ACOSS en 2010, avant de pouvoir être transféré à la CADES dès la sortie de crise. Parallèlement, il paraîtrait tout aussi normal et sain que l’État prenne à sa charge tout le déficit imputable à la récession. Le retournement conjoncturel est un choc national. Il revient à l’État, et non à la sécurité sociale, de le supporter et d’y réagir. Sur le plan des principes, c’est une question de bon sens.

Dans ces conditions, peut-on envisager, madame, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’engage aujourd’hui à prendre à la charge de l’État, dans le projet de loi de finances, les 15 milliards d’euros correspondant au déficit conjoncturel des quatre branches ? En échange de quoi, nous n’aurions plus à toucher maintenant à la CRDS. Je vois que Mme la ministre est favorable à cette proposition…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Ne déduisez rien de mon sourire !

M. Nicolas About. C’est là, pour nous, le point clef des discussions que nous allons avoir. Par-delà la nécessité de réagir à la gravité de la situation actuelle, il nous faudra aussi rapidement nous interroger sur les fondamentaux de notre système de protection sociale. Nous devrons dépasser la question du conjoncturel et du structurel. Certes, la dégradation de la conjoncture a creusé le déficit. Mais si les fluctuations de la masse salariale ont un tel impact sur les comptes sociaux, c’est bien parce que nous n’avons pas suffisamment réformé leurs modalités de financement.

Ce système, au départ exclusivement assurantiel et mis en place à une époque de plein emploi et de forte croissance, n’est plus viable.

Or, pour réformer le financement de la protection sociale, deux grandes voies ont déjà commencé à être parallèlement explorées. Et nous nous réjouissons de voir le PLFSS pour 2010, par-delà son option attentiste fondamentale, poursuivre dans de bonnes directions, par petites touches.

La première consiste à rénover le système, c’est-à-dire à moderniser l’assiette des cotisations sociales. C’est ce que fait très timidement le texte qui nous est soumis en s’attaquant aux petites niches sociales que sont les plus-values sur les valeurs mobilières ou certains contrats d’assurance vie, pour un gain respectivement attendu de 110 et 273 millions d’euros.

La logique est la même en ce qui concerne les retraites « chapeau ». Il n’est pas équitable de demander toujours plus d’efforts à l’immense majorité de nos concitoyens quand on laisse dans le même temps subsister des dispositifs manifestement exorbitants du droit commun au profit des plus aisés.

M. Guy Fischer. Ah, quand même !

M. Nicolas About. Vous allez m’inquiéter si vous m’approuvez !

Aussi ne pouvons-nous que souscrire au dispositif de l’article 14 du projet de loi, qui double le taux de prélèvement sur les contributions employeurs aux retraites supplémentaires.

De même, nous sommes favorables à la proposition de notre rapporteur général d’instituer un plafond à l’exonération complète de charges sociales dont bénéficient les rentes versées au titre de ces retraites. Cette proposition est plus claire que le dispositif de taxation progressif imaginé par le rapporteur général de l’Assemblée nationale que nos collègues députés ont fini par rejeter en séance.

Mais, ce faisant, on s’attaque à la question par deux biais différents et, peut-être, de manière insuffisamment coordonnée. En effet, si l’amendement de notre rapporteur général est adopté, comment les deux parties de l’article 14 s’articuleront-elles ? Les entreprises continueront-elles de payer la contribution sur les sommes versées au-delà de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, alors même que la raison d’être de cette contribution est de compenser les exonérations de charges ?

C’est pourquoi nous vous proposerons d’aller plus loin et d’aborder la question dans sa globalité, comme nous vous avons déjà proposé de le faire dans une proposition de loi que nous avons déposée en mai dernier.

Cette proposition, nous vous la reformulerons sous la forme d’un amendement en vertu duquel toutes les rentes versées au titre des retraites « chapeau » seraient chargées. Par rapport à l’ « amendement Vasselle », nous supprimerions donc la notion de plafond. Dans le même temps, l’amendement porte, très logiquement, suppression de la contribution de compensation. Ainsi, réglerions-nous, à notre avis, la question de la bonne manière.

C’est toujours dans cette optique de rénovation des assiettes sociales que s’inscrit la suppression du droit à l’image collective des footballeurs. C’est pourquoi, sur le fond, nous y souscrivons totalement. Cependant, pour ce qui concerne les modalités de sa mise en œuvre, nous comprenons parfaitement qu’un délai soit nécessaire. Nous soutenons, en conséquence, l’amendement de pacification que notre collègue Jean-Jacques Jégou a fait adopter par la commission des finances.

Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, elles n’en demeurent pas moins encore très partielles. Il nous faudra, dès la sortie de crise, prendre à bras-le-corps le dossier des niches sociales. Il n’est qu’à évoquer le rapport de la Cour des comptes de 2007 pour se convaincre du caractère incontournable de cette question structurelle.

M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit ! Puis, on laisse tout tomber !

M. Nicolas About. Le second axe de réforme du financement de la protection sociale est la poursuite de sa fiscalisation, une fiscalisation encore insuffisante. En effet, si elle est aujourd’hui une nécessité économique, elle se justifie également sur le plan des principes. Songeons seulement à la question des cotisations maladie et famille qui continuent de peser sur la compétitivité des entreprises et l’emploi, alors qu’elles financent un risque universel.

Là encore, le PLFSS pour 2010 porte une avancée, qui, pour n’avoir que peu d’impact à l’échelle des équilibres généraux, n’en est pas moins emblématique de la prise de conscience qui s’est opérée ; je veux parler de la hausse de 6 % des prix du tabac en 2010.

Dernier indice de ce que nous voulons interpréter dans le texte comme une volonté politique de procéder rapidement à une réforme structurelle du financement de la sécurité sociale : le doublement du « forfait social ». C’est un indice de taille parce que ce forfait, dont le passage de 2 % à 4 % devrait rapporter 380 millions d’euros et qui peut s’analyser comme une flat tax assise sur des bases en voie d’universalisation, se situe au carrefour des deux grandes pistes de réforme que nous avons dressées, entre rénovation des assiettes sociales et fiscalisation du système.

Ainsi, ces touches impressionnistes pourraient préfigurer ce qu’il nous faudra accomplir dans les années à venir en matière de financement.

Mais réformer structurellement notre système de protection sociale n’implique pas uniquement de revoir ses modalités de financement.

Les efforts doivent évidemment être poursuivis aussi du côté des dépenses. Le déficit structurel demeure beaucoup trop élevé. D’importantes mesures peuvent et doivent être prises en matière de santé et de retraites.

Pour ce qui est de l’assurance maladie, la loi HPST a substantiellement réformé le secteur hospitalier. Des gains peuvent en être attendus dans les années à venir en termes de maîtrise médicalisée.

Sur ce sujet, un point du PLFSS pour 2010 est, à nos yeux, source d’inquiétude : la convergence tarifaire. Avec la commission des affaires sociales, nous soutenons le maintien d’un fort volontarisme politique pour que cette convergence ait lieu le plus vite possible.

Cependant, il nous semble que le débat se focalise un peu trop sur la convergence intersectorielle et occulte la question capitale de la convergence intrasectorielle. Pourtant, en la matière, les progrès à réaliser sont gigantesques. Rendons-nous compte : les écarts au sein de la catégorie des cliniques privées seraient de 30 % ! Il en va de même, voire plus, au sein des hôpitaux.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est dans le rapport de la Cour des comptes.

M. Nicolas About. Absolument !

Ces écarts font apparaître une amplitude tarifaire ahurissante entre le plus cher des hôpitaux et la clinique la moins onéreuse. C’est ce qu’avaient révélé les auditions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, conduites il y a seulement deux ans.

Pour faire avancer la convergence, ne peut-on, dans un premier temps, cibler les actes les plus aisément comparables ? Des gains de productivité sont encore possibles à l’hôpital. Pour ce faire, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, la Cour des comptes et le rapport d’Yves Cannac d’avril 2006 ont ouvert nombre de pistes extrêmement intéressantes.

Et ce, évidemment, sans négliger du tout les missions de service public qui incombent à l’hôpital, ni la revalorisation des Missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, ou MIGAC, qui en est le corollaire, tout en refusant de faire de celles-ci un outil de compensation de la mauvaise gestion de certaines structures hospitalières.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Nicolas About. Si la loi HPST a beaucoup fait en matière hospitalière, il nous semble que, pour ce qui concerne le secteur ambulatoire, elle s’est arrêtée au milieu du gué. Je n’aurai, pour le justifier, qu’à rappeler les propositions que nous avons formulées au moment de son examen et qui, hélas ! n’y ont pas été insérées.

Ces propositions s’articulaient autour de trois axes : premièrement, promouvoir la formation au métier de médecin généraliste de premier recours, en particulier, en organisant une véritable spécialité en quatre ans ;…

M. Nicolas About. …deuxièmement, rénover le cadre de la coopération entre professionnels de santé, comme le préconisait déjà le rapport Berland, en organisant la délégation d’actes entre professionnels de santé et en créant de nouvelles professions médicales intermédiaires ; enfin, troisièmement, promouvoir l’exercice regroupé et pluridisciplinaire de la pratique ambulatoire en développant des centres de santé et, surtout, des maisons de santé pluridisciplinaires.

Pour ce qui est des retraites, le sentiment est le même : depuis 2003, nous n’avons eu de cesse de répéter que l’effort réalisé ne pouvait couvrir que 60 % du besoin de financement des décennies à venir. Cette réalité s’impose aujourd’hui avec toute son urgence. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu’espérer que le fameux rendez-vous de 2010 en soit véritablement un. Notre système de retraite ne supportera plus un nouveau rendez-vous manqué.

La solution que nous défendons depuis 2003 est la mise en place d’un système participatif de retraites par points. Dominique Leclerc défend aussi une telle réforme. Nous espérons être entendus au moment voulu.

En conclusion, nous attendons, pour cette année, que l’État prenne à sa charge la dette conjoncturelle aujourd’hui supportée par l’ACOSS et qu’il engage, pour les années à venir, d’importantes réformes structurelles en vue d’éviter que de telles situations ne se reproduisent, quel que soit l’état de la conjoncture.

Il ne me reste plus qu’à féliciter Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Jean Arthuis, président de la commission des finances, ainsi que l’ensemble des rapporteurs, pour l’excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, voilà quelques mois, lors du vote du projet de loi HPST, je vous interrogeais sur la validité d’une loi d’organisation du système de soins qui n’abordait pas la question de son financement. Vous m’aviez alors répondu qu’il ne fallait pas tout confondre, que les choses viendraient en leur temps, que le PLFSS serait l’occasion d’obtenir des réponses de fond à la seule question qui vaille : peut-on continuer à financer la sécurité sociale à crédit ?

Nous y sommes, mais, après ce que j’ai entendu ce matin, je crains que les réponses tant attendues ne soient pas au rendez-vous. Nous nous trouvons en effet devant un texte empreint de fatalisme et de résignation, alors même que la situation n’a jamais été aussi grave et que les déficits n’ont jamais été aussi importants.

Les représentants des organismes gestionnaires que nous rencontrons dans nos auditions sont effarés de l’insouciance qui règne. Les élus de votre propre majorité sont, au fond d’eux-mêmes, consternés par tant d’inaction. L’opposition vous somme de prendre vos responsabilités. Les assurés sociaux sont pantois devant des gouvernants qui prennent les risques les plus insensés sur leur dos.

Oui, madame la ministre, nous vivons un moment surréaliste.

Pourquoi une telle attitude ? Quel est donc cet impératif qui vous contraint à ne rien faire alors que la sécurité sociale s’écroule sous nos yeux ? Le calendrier électoral est-il la seule chose qui importe pour l’actuelle majorité ?

À l’heure où nous parlons, les chiffres sont pourtant sans appel : l’enlisement est total.

Certes, la crise économique est responsable d’un déficit des recettes, mais nous ne partons pas de rien. Il suffit de faire l’addition des déficits depuis 2003 pour s’en convaincre. L’absence de mesures de rééquilibrage des comptes au fil des années n’a fait qu’amplifier le déficit global. À cet égard, le cycle 2008-2010 s’annonce comme un triste record.

Ainsi, 2008 aura été une année de rechute : le déficit, supérieur de 20 % aux prévisions, a replongé à 10,2 milliards d’euros et la branche vieillesse a confirmé sa dégradation constante depuis 2005. Ce chiffre de 10,2 milliards d’euros, correspondant à une période « normale », constitue le plancher des besoins de financements permanents nécessaires au régime général pour approcher l’équilibre en période de stabilité. C’est sur ce montant irréductible que nous attendons de votre part des solutions, car le temps presse.

Quant à 2009, c’est l’année de l’escalade ! Le déficit, qui atteint plus de 23 milliards d’euros, acte avec dureté l’entrée dans la crise, une crise qui déprime les recettes de CSG, amenuise les recettes des cotisations assises sur les salaires et réduit les produits des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. La récession et le chômage sont passés par là et font des ravages.

Je me souviens qu’il y a un an nous examinions un PLFSS pour 2009 dans lequel le déficit attendu du régime général était évalué à 10,5 milliards d’euros.

M. Woerth, qui faisait ce matin la leçon à sa majorité, savait ce qui se préparait ; il connaissait la violence de la dépression qui frappait le pays et son impact prévisible sur les recettes, mais, disait-il, « il faut prendre le temps nécessaire à l’analyse », il faut attendre pour « dégager une tendance raisonnable et claire »… « Le retour à l’équilibre demeure plus que jamais notre objectif », concluait-il, en reprenant un leitmotiv déjà ancien.

Jamais projet de loi de financement de la sécurité sociale n’aura semblé aussi insincère,…