M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n° 129 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, vous parlez d’un accord avec les partenaires sociaux, mais nous savons bien ce qui se cache derrière le mot « accord ». Dès l’instant où tous les partenaires sociaux s’entendent, cela veut dire que l’on a suivi la voie médiane. Il n’est donc pas interdit aux parlementaires d’essayer d’aller un peu plus loin.

M. Xavier Darcos, ministre Bien sûr que non ! Rien n’est interdit aux parlementaires !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est donc ce que nous avons fait. Il s’agissait d’un amendement d’appel, et je conçois parfaitement que, l’accord étant intervenu au mois d’octobre, je sois amené à retirer mon amendement. Mais il faudra aller plus loin.

M. le président. L'amendement n° 129 est retiré.

Monsieur Fischer, l’amendement n° 381 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. M. Vasselle a souligné une erreur de mes collaborateurs. Sur le fond, nous avons défendu nos idées. Je déteste faire des erreurs, et je vais donc retirer cet amendement.

Néanmoins, monsieur le ministre, je vous trouve un peu dur ! M. le rapporteur a en effet émis, au nom de la commission, sous réserve de rectification, un avis favorable sur les amendements nos 130 et 382 !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est parce que je défends les petites entreprises, monsieur Fischer !

M. le président. L'amendement n° 381 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 416 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n°130 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Je pense quand même que M. le ministre pourrait accepter cet amendement ! La commission a émis un avis favorable. Informer le CHSCT n’est pas trop demander ! Nous avons retiré un amendement un peu plus tôt, et il me semble donc vraiment que vous pourriez accepter cette avancée peu complexe, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Godefroy, il n’y a pas de CHSCT dans les entreprises de moins de cinquante salariés ! Je suis prêt à être favorable à beaucoup de choses, mais je ne peux pas déclarer l’impossible !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je souhaiterais simplement répondre à l’objection, pertinente comme toujours, de M. le ministre. La rectification suggérée par la commission prévoit que, dans les entreprises dépourvues de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués du personnel sont informés.

M. le président. Pour la clarté des débats, je me permets de relire le texte tel qu’il a été rectifié : « Une subvention ne peut être accordée à une entreprise que si le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut les délégués du personnel, ont été informés des mesures de prévention préalablement à leur mise en œuvre. »

M. Xavier Darcos, ministre. Vous êtes un pédagogue accompli, monsieur le président !

M. le président. Je sens donc une maturation favorable… (Sourires.)

Je mets aux voix les amendements identiques nos 130 rectifié et 382 rectifié.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 42, modifié.

(L'article 42 est adopté.)

Article 42
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Article 43

Articles additionnels après l'article 42

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 134, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Chevé, Alquier et San Vicente-Baudrin, MM. Daudigny, Le Menn, Teulade, Jeannerot, Desessard, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 471-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des mêmes peines, sans préjudice de celles prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal, l'employeur ou son représentant qui n'a pas remis au salarié, lors de son départ de l'établissement, l'attestation d'exposition aux risques chimiques et produits dangereux telle que prévue par la réglementation en vigueur. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. La question du suivi sanitaire des salariés est particulièrement importante pour plusieurs raisons.

Il s'agit tout d'abord de déterminer quelle a été leur exposition, dans une ou plusieurs entreprises, à des produits dangereux. Le premier objectif est bien entendu d'éviter, si tel a été le cas, qu'ils n'y soient à nouveau soumis, dans l'absolu et en termes de seuil d'exposition. C'est une question de santé individuelle qui doit être évidente pour chacun.

Ensuite, il s'agit, en fonction de ces temps d'exposition, de déterminer la pénibilité dont ils ont été victimes. En fonction de celle-ci, doit pouvoir être déterminé dans l'avenir un dispositif de compensation, sous forme par exemple de retraite anticipée ou de système de réparation.

Pour mettre en œuvre ces systèmes, une bonne connaissance de la carrière des personnes potentiellement concernées est nécessaire. Je vous renvoie à cet égard au très complet rapport du député UMP Jean-Frédéric Poisson sur la pénibilité.

Enfin, la bonne gestion de finances sociales exige de savoir, en cas de survenue d'une maladie dont la cause pourrait être professionnelle, à la suite de quelle exposition, quand et chez quel employeur, le dommage prend son origine.

En effet, le modèle de document comprend à la fois un volet exposition rempli par l'employeur et un volet médical rempli sous la responsabilité du médecin du travail, qui facilite le lien entre l'exposition et l'éventuelle maladie.

La généralisation effective de ce document permettra que les maladies professionnelles soient désormais mieux reconnues. Il s’agit là de répondre à la préoccupation de responsabilisation affirmée par les partenaires sociaux et reprise par l’article 42 du projet de loi.

Aujourd’hui, la délivrance de ce document reste aléatoire, alors que, pour toutes les raisons que nous indiquons, elle devrait être systématique.

Nous souhaitons donc que l’attestation d’exposition aux substances dangereuses soit désormais obligatoire.

M. le président. L'amendement n° 383, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 471- 4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des mêmes peines, sans préjudice de celle prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal, l'employeur ou son représentant qui n'a pas remis au salarié, lors de son départ de l'établissement, l'attestation d'exposition aux risques chimiques et produits dangereux telle que prévue par la règlementation en vigueur. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement, auquel j’accorde une grande importance en tant qu’élu de la vallée de la chimie Saint-Fons–Vénissieux–Feyzin, vise à rendre plus effectives et plus diversifiées les sanctions prononçables en cas de méconnaissance par l’employeur de son obligation de remettre au salarié une attestation d’exposition aux risques chimiques et aux produits dangereux.

Cette volonté est le fruit d’un constat.

Comme vous le savez, la commission Diricq a souligné à nouveau l’importance de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles et sa non-résorption, ce qui est le plus gênant.

Cela a d’ailleurs été rappelé à la tribune par Gérard Dériot, rapporteur de la commission pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous savons tous que la sous-déclaration des maladies professionnelles résulte, pour une large part, du manque d’information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu’elles manipulent et qui, une fois malades, méconnaissent leurs droits au regard de la sécurité sociale.

La crainte de perdre son emploi peut aussi retenir le salarié de faire valoir ses droits en tant que victime.

Cependant, quand s’ajoute à cela une résistance des employeurs, voire un refus catégorique de leur part de remettre l’attestation d’exposition aux agents nocifs, cela devient un véritable parcours du combattant.

Il faut donc contraindre l’employeur qui refuse de remettre cette attestation à son salarié pour ne pas voir ses cotisations augmenter ; il faut aussi protéger la victime et sanctionner les auteurs de violations du code du travail.

La loi s’est engagée dans cette voie, mais de manière insuffisante. Posons-nous la question : les employeurs concernés remettent-ils tous cette attestation à leurs ex-salariés ? Non. Et toutes les études le disent. Par conséquent, les sanctions actuellement prévues sont insuffisantes.

Certes, elles existent, et nous n’en dresserons pas le catalogue, mais nous pensons qu’il faut y ajouter celles qui sont prévues par les articles L. 471–4 du code de la sécurité sociale et 434–13 à 434–15 du code pénal.

Cet élargissement des incriminations possibles permettrait en outre une meilleure individualisation des sanctions pour ajuster celles-ci en fonction de la gravité de la faute commise par l’employeur.

L’argument selon lequel il existe déjà des règles sanctionnant ce manquement à une obligation légale ne résiste pas à l’analyse des faits et des chiffres. Il faut renforcer les sanctions existantes tant que cette non-remise de l’attestation demeurera trop fréquente.

Le Gouvernement, qui, souvent, sait mettre en avant les victimes quand il cherche à faire passer une réforme, pourrait, dans ce domaine, trouver matière à légiférer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par ces deux amendements, nos collègues souhaitent appeler notre vigilance sur le comportement des entreprises et contraindre celles-ci à respecter leurs obligations légales et réglementaires en matière d’information des salariés sur les risques liés à certaines activités professionnelles.

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À cette fin, monsieur Godefroy, monsieur Fischer, vous demandez un renforcement des sanctions.

Pour notre part, nous considérons que le dispositif répressif est aujourd’hui suffisamment dissuasif. Si, à l’avenir, il apparaît que la multiplication des manquements appelle un renforcement des sanctions, il sera toujours temps d’agir. Pour le moment, une telle nécessité n’est pas établie.

C’est la raison pour laquelle nous considérons que ces amendements sont satisfaits par le droit en vigueur. Aussi, monsieur Godefroy, monsieur Fischer, peut-être accepterez-vous, après avoir sensibilisé le Gouvernement et la majorité sur cette question, de retirer chacun votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. MM. Godefroy et Fischer ont raison de nous appeler à être vigilants, et je ne leur conteste aucunement cette initiative. Cependant, la législation et la réglementation actuelles, déjà extrêmement contraignantes, prévoient des sanctions claires. En outre, la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012, que nous avons signée récemment, prévoit de mettre en place, dès janvier 2010, dans cinq régions, dont la vôtre, monsieur Fischer, un système de traçabilité des expositions centrées sur les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.

Les partenaires sociaux se sont accordés sur le bien-fondé de cette démarche, qui s’inscrivait d’ailleurs dans le prolongement du rapport Lejeune, qui nous a été remis en décembre dernier.

Vous le savez bien, monsieur Godefroy, monsieur Fischer, vous qui connaissez bien ces sujets.

Aussi, vos amendements étant, me semble-t-il, satisfaits, vous pourriez les retirer sans nuire aux intérêts que vous défendez. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 134 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je maintiens mon amendement, non pour vous ennuyer, mais parce que la question du suivi des expositions est pour moi fondamentale, et ce pour deux raisons.

J’évoquerai, dans un premier temps, l’amiante.

Si, dès l’origine, il avait été possible d’assurer la traçabilité de toutes les personnes qui ont été exposées à l’amiante, celles-ci n’auraient pas aujourd’hui toutes les peines du monde à reconstituer leur carrière et à faire valoir leurs droits parce qu’elles ne sont pas sur la liste des entreprises qui ont été répertoriées alors qu’elles y ont travaillé. Un accès individuel n’est pas possible.

C’est le passé, me direz-vous. Eh bien sachez que la situation des personnes qui travaillent aujourd’hui dans les entreprises de désamiantage est loin d’être parfaite. Je ne porte pas de jugement, mais il me semblerait normal que ces salariés puissent se voir remettre des certificats ou être inscrits dans un carnet de suivi.

Tout à l’heure, mon collègue Guy Fischer évoquait la région dont il est l’élu. Dans ma région, la Basse-Normandie, outre les constructions navales, nous avons notre « vallée de la mort », située à Condé-sur-Noireau.

Aussi, le suivi et la traçabilité sont essentiels pour la protection des travailleurs.

J’en viens maintenant à la question du nucléaire.

Lorsque des salariés sont exposés à de faibles doses de radioactivité sur le site qui les emploie, ils bénéficient d’un arrêt de travail. Mais l’industrie nucléaire recourant largement aux entreprises sous-traitantes, il est parfaitement possible que ces mêmes salariés continuent de travailler sur d’autres sites. C’est pourquoi il est très important d’assurer un suivi des expositions.

Monsieur le ministre, il n’y a aucun différend entre nous et nous partageons les mêmes soucis. Comme je l’ai dit, je maintiens mon amendement, même si je sais très bien qu’il ne sera pas adopté. Mais il est indispensable d’assurer le suivi et la traçabilité des salariés pour leur permettre de faire valoir leurs droits.

Une entreprise de construction navale a été reconnue coupable pour avoir exposé ses salariés à l’amiante. Toutes les personnes qui ont travaillé sur son site de production peuvent donc faire valoir leurs droits auprès du fonds commun des accidents du travail, le FCATA, et du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Seulement, les premières victimes de l’amiante, les premiers « désamianteurs », ainsi les femmes de ménage employées par des entreprises d’intérim voilà vingt ou vingt-cinq ans, sont confrontées à une double difficulté : d’une part, elles ne parviennent pas à retrouver la trace des entreprises qui les ont employées, lesquelles ont parfois disparu, d’autre part, elles sont dans l’incapacité de reconstituer leurs carrières.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable, monsieur le ministre, d’imposer aux entreprises d’assurer le suivi de leurs salariés qui ont été exposés ou qui ont travaillé sur un lieu exposé.

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 383 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Ma position est identique à celle que vient d’exprimer Jean-Pierre Godefroy.

Si nous sommes si sensibles à cette question, monsieur le ministre, c’est parce que nous pensons à toutes les victimes qui, aujourd’hui, cherchent, avec des difficultés croissantes, à faire valoir leurs droits.

En outre, cette question nous renvoie à notre propre histoire. J’en veux pour preuve l’humanité qui se dégage des propos de Jean-Pierre Godefroy.

Mon père, lui, est décédé à la suite de son exposition non pas à l’amiante, mais aux esters de glycol. À l’époque, les usines Gillette, pour fabriquer la rayonne, qui est une soie artificielle, utilisaient des produits qui ont malheureusement « tué » des générations d’ouvriers, dont des descendants de rescapés du génocide arménien, nombreux dans certaines villes de l’agglomération lyonnaise.

En mémoire de toutes ces victimes, et par respect pour l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, que nous avons reçue, je maintiens moi aussi mon amendement. Le Gouvernement a fait un premier pas, mais il faut poursuivre dans cette voie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 383.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 386, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les douze mois suivants l'entrée en vigueur de la loi n°            du                de financement de la sécurité sociale pour 2010, le Gouvernement transmet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les modalités juridiques et pratiques de l'évolution du régime d'indemnisation forfaitaire vers un régime de réparation intégrale des accidents du travail et maladies professionnelles et son impact financier.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Par cet amendement, nous souhaitons que soit établi un rapport sur les conséquences juridiques et financières du passage d’un régime d’indemnisation forfaitaire vers un régime de réparation intégrale de tous les préjudices issus des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C’est une question dont nous parlons depuis longtemps, souvent sans succès. Pourtant, à l’heure où se profile le risque majeur de la fiscalisation des indemnités journalières des victimes d’accidents du travail, ce débat retrouve sa brûlante actualité.

Montant de l’indemnisation des AT-MP et régime fiscal de ces derniers sont des sujets indissociables.

En effet, la loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail a représenté un progrès pour les mutilés du travail.

Mes chers collègues, vous me pardonnerez de personnaliser un instant mon propos, mais mon père était membre de cette fameuse Fédération des mutilés du travail, devenue depuis lors la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH.

La loi d’avril 1898 facilitait la reconnaissance d’un accident en accident du travail à partir du moment où les faits se produisaient sur le lieu ou à l’occasion du travail. En contrepartie de la faible exigence quant au lien de causalité, les victimes du travail n’étaient pas intégralement indemnisées de leur préjudice. C’est là l’origine de l’indemnisation forfaitaire.

Vous nous dites que les partenaires sociaux sont attachés à cette indemnisation forfaitaire et qu’ils ne souhaitent pas se diriger vers la réparation intégrale. En êtes-vous sûrs ? Dites plutôt que l’on fait comprendre aux représentants des salariés que l’équilibre trouvé n’est pas susceptible de remise à plat sans hausse substantielle des cotisations tant salariales que patronales.

Pourtant, il faut rappeler que cette réparation forfaitaire était une manière de faire accepter cette idée par les employeurs avant d’aller vers une réparation totale. Rappelez-vous comme les congés payés semblaient incongrus avant 1936 !

Au regard des principes de la responsabilité civile, l’indemnisation forfaitaire fait figure d’exception. Quand une faute est la cause d’un dommage, il y a réparation de tous les préjudices, et cela devrait être vrai en matière d’AT-MP.

Le rapport dont nous demandons l’établissement à travers cet amendement permettra, nous l’espérons, d’apporter une réponse à la hauteur des attentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Fischer, il est inutile de demander un rapport puisque votre souhait est quasiment satisfait.

Je vous rappelle que les partenaires sociaux avaient écarté cette option en 2007, sous réserve de l’amélioration du système. Or, des dispositions ont été votées dans le PLFSS pour 2009 et reprises dans la convention d’objectifs et de gestion, la COG.

Dans ces conditions, je pense que vous pouvez sans aucune appréhension retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, un accord a été conclu. Cet accord a été qualifié de compromis historique, pour reprendre le terme qui a été utilisé au Sénat, et je pense que l’ancien ministre du travail doit s’en souvenir.

Cet accord a été traduit dans le PLFSS pour définir la traçabilité, la légitimité et le caractère préjudiciel des compensations prévues.

Monsieur Fischer, votre demande étant satisfaite, le plus simple serait de retirer cet amendement qui est redondant.

M. le président. Monsieur Fischer, l’amendement no 386 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement no 386 est retiré.

Articles additionnels après l'article 42
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Articles additionnels après l'article 43

Article 43

I. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est fixé à 880 millions d’euros pour l’année 2010.

II. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est fixé à 315 millions d’euros pour l’année 2010.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les victimes de l’amiante sont les grandes oubliées du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, il n’est aujourd’hui plus possible d’ignorer l’ampleur de ce drame sanitaire. L’exposition à l’amiante a déjà provoqué 35 000 décès et 60 000 à 100 000 autres décès sont attendus d’ici à 2030.

Depuis plusieurs années, les rapports et les propositions de réforme se succèdent sans qu’aucune suite n’y soit jamais donnée. Les rapports du Sénat, en 2005, et de l’Assemblée nationale, en 2006, ont ouvert la voie à une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l’amiante, non sans considérer leur coût financier.

L’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, la Cour des comptes, le groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec et le Médiateur de la République ont souligné les carences des dispositifs de préretraite – le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA – et d’indemnisation des victimes – le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

En ce qui concerne l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, la disparité des règles entre les différents régimes d’assurance maladie et leur manque de coordination aboutit à traiter de manière très inéquitable les victimes de l’amiante, voire à les priver de toute indemnisation, parce qu’elles relèvent d’un régime ne prévoyant pas cette allocation ou parce qu’elles dépendent d’entreprises sous-traitantes, alors même qu’elles exercent leur activité dans une entreprise listée. Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement restreint le traitement de cette question à son aspect purement financier. Or les règles de l’irrecevabilité financière – l’article 40 de la Constitution – nous empêchent, nous parlementaires, de proposer par amendement les évolutions positives attendues par les milliers de salariés qui ont été confrontés à l’amiante. Comme nous le verrons à l’article suivant, hormis la demande de rapports, notre marge de manœuvre est inexistante. Cela veut dire qu’en matière d’amiante, seul le Gouvernement peut aujourd’hui prendre une initiative. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement d’appel.

Monsieur le ministre, j’espère vraiment que vous allez vous emparer de ce dossier – ce que n’ont pas fait vos prédécesseurs –, que vous allez vous décider à agir afin de rendre tout à la fois plus justes les conditions d’attribution des « allocations amiante » et pérennes les modalités de financement des « Fonds amiante ».

C’est à vous de prendre l’initiative. Mais faites-le devant la représentation nationale et non par décret. Car c’est bien par décret que vous vous apprêtez, s’agissant de l’ACAATA, à réduire l’assiette servant de base de calcul à la préretraite spéciale accordée aux salariés exposés à l’amiante. Ce faisant, vous allez contre un arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation, stipulant que tous les éléments de rémunérations, y compris les indemnités pour des jours de congés payés, pour des RTT non pris ou pour des jours cumulés sur des comptes épargne-temps devaient être pris en compte dans l’assiette de calcul de l’allocation.

Si ce projet de décret devait aboutir, ce serait une véritable double peine pour les victimes de l’amiante.

Monsieur le ministre, lorsque nous avons abordé tout à l’heure les bonifications de retraite pour les femmes, vous avez indiqué vouloir suivre l’avis de la Cour de cassation. J’ai alors fait observer que, pour ce qui concernait la fiscalisation des indemnités journalières, vous n’aviez pas été dans le sens de la Cour de cassation. Et je constate que, pour les salariés de l’amiante, vous n’allez pas non plus dans le sens de la Cour de cassation.

Il est bien difficile de comprendre quand la Cour de cassation a raison et quand elle a tort, quand il faut légiférer pour aller contre ses arrêts et quand doit-on se plier à ses jugements, qui n’ont d’ailleurs aucun caractère obligatoire ni définitif.

Toutes les victimes de l’amiante espèrent que l’arrêt de la Cour de cassation sera respecté. Je vous supplie, monsieur le ministre, de ne pas revenir sur cet arrêt, de ne pas amputer par décret les conditions de fixation de l’ACAATA. Et si une décision doit être prise, faites-le après discussion avec la représentation nationale, et non par décret.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je tiens à expliquer les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 43.

Même si la commission semble juger convenables les sommes prévues dans l’article 43 compte tenu « des moyens financiers de la branche et des besoins de financement des fonds », nous estimons au contraire qu’elles sont insuffisantes.

Que les moyens financiers de la branche AT-MP et de la Sécurité sociale dans son ensemble soient insuffisants, c’est une certitude. Nous dénonçons cette situation avec constance, comme vous n’avez pas manqué de le constater. Mais que les besoins des victimes de l’amiante soient satisfaits est une affirmation que nous n’acceptons pas.

Alors que le rapport de M. Jean-Jacques Jégou souligne la « situation très préoccupante » du FCAATA, l’article 43 se limite à reconduire la même dotation que celle de l’année dernière.

Nous déplorons le refus de rétablir la contribution au FCAATA des entreprises. Pour justifier la suppression de cette contribution, on prétend que les sommes étaient difficiles à recouvrer et que cette contribution ne rapportait pas autant que prévu : 34 millions d’euros au lieu de 120 millions d’euros.

Il aurait fallu la modifier pour la rendre plus efficiente. Les difficultés n’étaient pas insurmontables. Aujourd’hui, pour refuser le rétablissement de cette contribution, on nous dit que les sommes ainsi perdues sont entièrement compensées, puisque la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a augmenté de 30 millions d’euros la dotation de la branche AT-MP du régime général. Tout irait-il donc très bien ? Non !

D’abord, c’est vraiment une compensation a minima puisque les études retenaient une somme comprise entre 30 et 120 millions d’euros. Les économies priment sur les victimes de l’amiante !

Ensuite, ce transfert n’est pas neutre puisque la charge des conséquences financières de ces maladies professionnelles passe du portefeuille des employeurs à celui de la collectivité. Encore un bel exemple de solidarisation des charges à sens unique !

De plus, cela apporterait des ressources à l’heure où nous en manquons cruellement et où la prétendue chasse aux niches sociales ou traque aux dépenses vous conduit à fiscaliser les indemnités journalières des accidentés du travail : un véritable scandale.

C’est la même logique qui prévaut concernant le montant de la contribution au FIVA : le strict maintien des dotations de 2009. Pourtant les besoins sont énormes.

Les indemnisations tardent. Les victimes, lassées d’attendre, finissent par renoncer à saisir ce Fonds et à être indemnisées ou alors elles optent pour la voie judiciaire – plus de 13 % des victimes font ce choix.

Le fonctionnement même du Fonds aurait nécessité une hausse de ce budget. En effet, malgré la mise en place d’une cellule spéciale chargée de traiter les dossiers en souffrance, les stocks ne se résorbent que très lentement.

Pour les victimes et leurs familles, ces délais sont très difficiles à vivre et à comprendre.

Ce sont donc des regrets et une vive déception que nous exprimons à la lecture des montants des dotations contenues dans l’article 43 du présent PLFSS.

Une remise à plat du dispositif amiante, FIVA et FCAATA, semble de plus en plus nécessaire. Espérons que des moyens supplémentaires seront véritablement mis en place.