M. Charles Revet. Des statistiques viennent d’être publiées à ce sujet. Selon l’INSEE, 291 000 entreprises ont été créées sous ce régime au 1er décembre dernier. L’objectif de 200 000 entreprises fixé pour l’année 2009 a donc été largement dépassé. On peut se réjouir de ces statistiques, et l’on voit concrètement la simplification que le statut de l’auto-entrepreneur apporte à celles et ceux qui s’établissent sous ce régime. (Mme Odette Terrade s’exclame.)

Toutefois, ces données statistiques doivent être relativisées. C’est le constat qui ressort, me semble-t-il, du rapport excellent et objectif de notre collègue Élisabeth Lamure. En effet, des auto-entreprises demeurent inactives, et certaines n’ont fait que se substituer à des créations d’entreprise individuelle qui auraient de toute façon eu lieu, mais sous un autre régime.

Si le statut d’auto-entrepreneur encourage les bonnes volontés et est à l’origine d’une véritable floraison d’initiatives, l’ampleur de son succès inquiète, en particulier les instances représentatives de l’artisanat.

En effet, les chambres de métiers craignent une hémorragie de leurs membres. Elles se demandent désormais si le statut d’artisan ou d’entrepreneur habituel pourra continuer de financer les charges et les cotisations et s’inscrire dans la pérennité.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rencontré les représentants des artisans. Les engagements que vous avez pris en juin dernier ont été tenus puisque, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un amendement visant à prévoir qu’une personne exerçant une activité à titre principal sous le régime de l’auto-entrepreneur doit s’inscrire au répertoire des métiers.

Néanmoins, des problèmes subsistent. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de mes collègues et moi-même avions déposé un amendement complémentaire, le 18 décembre dernier, prévoyant l’inscription au répertoire des métiers des auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal et à titre complémentaire. En effet, qu’elle s’exerce à titre principal ou secondaire, l’activité réglementée au sens de l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 peut présenter les mêmes risques pour les consommateurs. Il serait donc logique que l’exercice de cette activité fasse l’objet d’une immatriculation au répertoire des métiers, indépendamment de son caractère principal ou complémentaire, ladite immatriculation faisant obligation au créateur d’entreprise d’attester d’une qualification minimale – j’insiste sur ce point.

Il faut également poser la question des limites du statut d’auto-entrepreneur et des conditions de sortie de ce statut, car on ne peut être indéfiniment auto-entrepreneur.

Une véritable réflexion doit être menée sur ce sujet et un vrai texte législatif est aujourd’hui nécessaire.

Le 18 décembre dernier, au Sénat, M. Éric Woerth, ministre du budget, a dit qu’il n’était pas très favorable à l’extension de cette obligation à ceux qui exercent sous le statut d’auto-entrepreneur à titre complémentaire.

Il faut pourtant revoir cette question de près afin de ne pas fragiliser les chambres de métiers et de l’artisanat, ainsi que les autres structures représentatives de ces différents métiers, réseau formidable d’artisans de toutes professions à qui il convient de rendre hommage.

Il semble qu’une évaluation de l’auto-entrepreneuriat s’impose, et ce de façon assez urgente.

En l’absence de contraintes et de charges, tout dispositif est forcément d’une plus grande efficacité. Comment pourrait-il en être autrement ? Les auto-entrepreneurs, parce qu’ils sont exonérés d’un certain nombre d’obligations, échappent aux conditions d’une concurrence loyale aux yeux des artisans, qui sont, eux, sur le terrain, soumis à toutes les contraintes afférentes à l’exercice de leur activité. Une telle situation ne saurait durer indéfiniment, sauf à voir bientôt l’auto-entrepreneuriat se substituer progressivement à des pans entiers de l’économie de proximité. On voit de plus en plus de personnes, notamment des retraités, développer une activité parallèle sous le statut d’auto-entrepreneur.

Passe encore le cas de l’auto-entrepreneur qui effectue quelques heures de jardinage chez ses voisins. Mais quid de celui qui réalise une installation électrique ou de plomberie s’il n’est pas en mesure de fournir la garantie décennale pourtant indispensable ?

Il faut donc absolument reprendre à la base un régime qui concerne un éventail de nouvelles activités et élaborer une véritable loi afin de gérer le succès du statut d’auto-entrepreneur. Si ce statut peut être la meilleure des choses, les abus doivent être évités.

À cela s’ajoute aujourd’hui le problème de la sous-traitance auto-entrepreneuriale, qu’il ne faut surtout pas négliger.

Pour éviter un certain nombre de dérives, qui ne seraient pas conformes à l’idée que nous nous faisons d’une croissance saine et équilibrée, vous allez devoir, monsieur le secrétaire d’État, mettre bon ordre à tout cela. À l’évidence, nous avons besoin, je le répète, d’une loi en la matière.

Mes collègues et moi-même serons attentifs aux conclusions du comité d’évaluation que vous avez convoqué pour ce début d’année, en présence des organisations professionnelles,

De même, nous serons attentifs aux dispositions du décret, actuellement soumis au Conseil d’État, instituant une vérification des qualifications professionnelles pour les artisans, comme pour les auto-entrepreneurs, car l’auto-entrepreneur doit avoir les mêmes compétences que celui qui décide d’exercer un métier sous un autre statut.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à remercier l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions, quels que soient les points de vue qui ont été défendus, sur le bilan de la loi de modernisation de l’économie.

Je veux également saluer le travail réalisé par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, en particulier par son rapporteur Elisabeth Lamure, dans le cadre de la préparation de ce débat. La constitution d’un groupe d’études spécifique, en amont de ce débat, a contribué à enrichir et à densifier nos échanges, d’autant que ce groupe est largement représenté aujourd’hui avec la présence dans cet hémicycle, notamment, de Claude Biwer, François Fortassin, Bariza Khiari, Daniel Raoul et Odette Terrade. Je salue également Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, qui a assisté à l’ensemble de nos débats.

La loi de modernisation de l’économie a suscité un certain nombre de commentaires et de débats,…

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … comme le montre la palette des interventions de ce soir, lesquelles témoignent de la richesse de ce texte et de ses conséquences sur l’économie française.

Le vote de cette loi est intervenu, rappelons-nous, deux mois avant le déclenchement de la crise financière, dont nous continuons aujourd’hui à subir les effets.

Mme Nicole Bricq. C’était en juillet 2007 !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Bien que nul ne puisse se prévaloir d’avoir anticipé la survenue de cette crise et son ampleur, la loi de modernisation de l’économie a aidé très concrètement notre économie à mieux passer l’orage.

Qu’il s’agisse de la réduction des délais de paiement, salutaire pour la trésorerie de nos petites entreprises, ou de la création du statut d’auto-entrepreneur, qui a été un moyen de rebondir ou d’obtenir des revenus complémentaires – j’y reviendrai dans quelques instants –, ou encore de l’instauration de la négociabilité, à l’origine d’une baisse des prix en grandes surfaces, la loi de modernisation de l’économie, loin de son objet premier, s’est révélée être une redoutable et efficace arme anti-crise.

Pour autant, je ne voudrais pas circonscrire cette loi à sa seule dimension conjoncturelle. En effet, la loi de modernisation de l’économie avait pour objet, vous vous en souvenez tous, de réformer en profondeur notre économie dans une perspective résolument structurelle. Ce caractère structurel explique la nécessité d’apprécier les résultats de la loi dans la durée. Pour autant, et c’est l’enjeu de ce débat, nous pouvons d’ores-et-déjà dresser un premier bilan.

Concernant les délais de paiement, si j’en crois les différentes interventions, notamment celles de Mme le rapporteur ou de M. Bizet, le bilan est, à de très rares exceptions près, tout à fait positif, et ce contrairement aux propos de Mme Terrade.

Comme l’a rappelé notamment Jean Bizet, j’ai eu l’occasion de recevoir la semaine dernière le rapport de l’Observatoire des délais de paiement, des mains du président de cette instance, Jean-Paul Betbèze.

Les résultats ne portent que sur l’année 2008, mais ils donnent déjà des indications très précieuses. Ainsi, nous constatons, dès 2008, une réduction de 2,2 jours des délais clients et de 3,5 jours des délais fournisseurs pour l’ensemble des entreprises françaises. Les acteurs ont donc anticipé l’arrivée de la LME.

Quant à 2009, je vous livre les résultats de trois enquêtes concordantes.

Selon la première, menée par l’Association Française des Credit Managers et Conseils, la moitié des entreprises de leur échantillon ont vu leurs délais de paiement baisser de plus de dix jours.

La deuxième enquête, conduite par les services de mon ministère et fondée sur un panel de 1 200 entreprises, conclut à une réduction des délais de paiement de onze jours.

La dernière étude en date, menée par Euler Hermes SFAC et représentant le point de vue des assureurs-crédit, évalue la réduction des délais de paiement entre huit et dix jours.

Comme vous le voyez, ces études convergent vers le même résultat : en 2009, les délais de paiement se sont réduits significativement en France, d'une dizaine de jours environ. Je rappelle que, à l’époque, nous avions justifié la réduction par la loi de ces délais par le fait que nous avions un retard de dix jours par rapport à la moyenne européenne, soit 67 jours de délai en France contre 57 jours chez nos voisins. Si l’on en croit les trois études précitées, nous sommes revenus dans la moyenne européenne, ce dont nous pouvons nous féliciter.

La loi de modernisation de l’économie prévoyait également les fameuses dérogations.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L’objectif était de tenir compte de cycles économiques différents dans certains secteurs, l’harmonisation étant toutefois prévue au plus tard au 1er janvier 2012 pour l’ensemble des entreprises françaises.

Quel est le bilan de ces accords dérogatoires ? Ils sont aujourd'hui au nombre de trente-neuf et couvrent 20 % seulement de l’économie française. Autrement dit, 80 % de l’économie nationale est actuellement soumise à l’application de la réduction des délais de paiement telle qu’inscrite dans la loi.

Madame Khiari, je vous indique que je ne suis pas favorable à des dérogations législatives en matière de réduction des délais de paiement.

La proposition de loi d’Hervé Gaymard, que plusieurs d’entre vous ont citée et dont le Sénat débattra cette semaine, concerne le secteur du livre et est motivée par la régulation très particulière de ce secteur culturel. Le Gouvernement y est favorable, étant entendu qu’elle a vocation à demeurer une exception.

En réponse à une question de votre rapporteur, je suis convaincu que la réduction des délais de paiement est une bonne chose également pour le secteur agricole.

Pour faciliter la transition, et conformément à l’avis de l’Autorité de la concurrence, la durée de l’accord dérogatoire correspondant s’étend sur la plus longue période possible, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2012. Les paliers ont été multipliés pour rendre la transition plus facile pour l'ensemble du secteur, par exemple en différenciant les délais de paiement des productions végétales de ceux des productions animales.

Pour cette raison, mon collègue Bruno Le Maire et moi-même demeurons vigilants sur l’application de la loi de modernisation de l’économie au secteur agricole.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce secteur a connu une période difficile. Nous prendrons des mesures si elles se révèlent nécessaires pour accompagner la réforme des délais de paiement.

M. Gérard César. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J’ai souhaité que, dès 2009, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes vérifie, dans les entreprises, le respect des délais de paiement. En 2009, la DGCCRF a ainsi effectué près d’un millier de contrôles sur l’application de la loi à ce sujet. Le bilan de ces contrôles est très satisfaisant.

Mme Nicole Bricq. Ne supprimez pas ses effectifs si elle travaille si bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Selon la DGCCRF, près de 90 % des entreprises contrôlées respectaient les délais de paiement prévus par la LME. En 2010, nous poursuivrons ces vérifications, madame Bricq.

J’en profite pour vous rassurer, ainsi que Mme Khiari et Mme Terrade qui se sont également inquiétées de l’avenir de la DGCCRF. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Le regroupement des services de l’État, à l’échelon régional, dans un nouvel ensemble, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ou DIRRECTE, et, à l’échelon départemental, au sein des directions départementales de protection des populations n’affaiblira en rien l’action des agents de terrain.

Mme Nicole Bricq. On en reparlera !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce seront les mêmes agents, avec les mêmes compétences, qui effectueront les mêmes contrôles.

Mme Nicole Bricq. Mais comment ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ils recevront toujours, madame Bricq, leurs instructions du ministre chargé de la consommation par le biais des préfets. En réponse à votre question, leur action à l’échelon national continuera donc à être coordonnée.

Mme Nicole Bricq. On en reparlera !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Dans son rapport, Mme Lamure soulève la question de la différence de sanction applicable pour les délais de paiement LME et les délais de paiement de caractère supplétif, en l’absence de contrat. Le dépassement du délai prévu par la LME est de caractère civil, alors que celui du délai supplétif prévu en l'absence de disposition contractuelle relève de sanctions pénales.

Je suis favorable à une modification législative pour requalifier en sanction civile le non-respect du délai supplétif, comme le propose Mme le rapporteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, la LME a eu un impact décisif sur la trésorerie des fournisseurs, et donc sur la santé de nos entreprises, en premier lieu des petites et moyennes entreprises.

J’en viens à un sujet que vous avez été nombreux à évoquer : la création du régime de l’auto-entrepreneur.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Comme l’a parfaitement souligné Mme Lamure, le régime de l’auto-entrepreneur répond à une véritable attente sociétale. Si tel n’était pas le cas, pour quelles raisons plus de 300 000 personnes auraient à ce jour déclaré leur qualité d’auto-entrepreneur ? Nous avons largement dépassé l’objectif de 200 000 auto-entrepreneurs fixé par le Gouvernement pour l’ensemble de l’année 2009.

Quelles sont les raisons de ce succès ? Cette création permet de faire sauter un grand nombre de verrous qui bloquaient la création d’entreprises et que l’on croyait éternels dans notre pays.

Madame Bricq, messieurs Raoul et Revet, vous avez longuement évoqué la problématique de l’artisanat et vous avez fait référence au groupe de travail mis en place avec les organisations professionnelles. J’ai décidé de donner suite aux propositions issues de ce groupe sur deux points : la qualification professionnelle et l’accompagnement de ces nouveaux créateurs d'entreprise par les chambres de métiers et de l’artisanat au travers de leur immatriculation.

M. Charles Revet. C’est très important !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Dès le 1er avril, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs sera contrôlée avant la création de leur entreprise, comme vous le souhaitiez, monsieur Revet.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce n’était pas le cas, je vous le rappelle, pour les artisans eux-mêmes. Le décret prévu par la loi initiée par Jean-Pierre Raffarin en 1996 n’avait jamais été pris.

C'est une avancée notable, attendue depuis longtemps par les organisations artisanales. Les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal seront affiliés à la chambre des métiers pour bénéficier de mesures d’accompagnement.

À mes yeux, il s’agit de deux garanties majeures. Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà, car il faut conserver au régime de l’auto-entrepreneur sa souplesse et sa simplicité, qui sont les gages de son succès.

Au demeurant, madame Demontès, monsieur Collin, il n’y a pas de concurrence déloyale. Je vous rappelle que, en moyenne, l’auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs. Il s’en acquitte simplement dans un cadre simplifié.

Par ailleurs, certains d’entre vous ont relevé, avec une certaine délectation, dirais-je, que nombre d’auto-entrepreneurs ne réalisaient pas de chiffre d’affaires. Dans le même temps, sans craindre la contradiction, ces mêmes intervenants nous ont indiqué les risques de concurrence déloyale de l’auto-entreprise et le tort que portaient ainsi les auto-entrepreneurs aux autres entrepreneurs. Or de deux choses l’une : en l’absence de chiffre d’affaires, il ne peut y avoir de concurrence déloyale.

Mme Nicole Bricq. Ce ne sont pas les mêmes !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En revanche, si celle-ci existe, il ne faut pas stigmatiser l’ensemble des 300 000 auto-entrepreneurs qui ont décidé de se retrousser les manches et de tenter leur chance !

Par ailleurs, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est attentif à la préservation et au renforcement de ce tissu économique de proximité que représente le monde de l’artisanat. Nul ne fera de moi un agresseur de ce secteur.

Pour cette raison, je présenterai en conseil des ministres, le 27 janvier prochain, un projet de loi portant sur la création de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, ou EIRL, connue jusqu’à présent sous le nom d’entreprise à patrimoine affecté. Cette révolution dans notre droit des entreprises était attendue depuis des dizaines d’années par le monde des entrepreneurs individuels, en particulier par les artisans et les commerçants.

Mme Nicole Bricq. C’est une séance de rattrapage !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En quelques mots, ce nouveau statut permet de distinguer les actifs personnels de l’entrepreneur, d’une part, et ceux qui sont spécialement affectés à l’exercice de son activité professionnelle, d’autre part.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En cas de faillite, le patrimoine professionnel, et lui seul, sera donc saisi. Une nouvelle barrière à l'envie d'entreprendre disparaîtra. Ceux qui souhaitent entreprendre n’auront plus à craindre pour leurs biens personnels.

J’avoue être très fier de porter cette réforme.

Mme Nicole Bricq. C’est toujours ça !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous avez évoqué, madame Bricq – encore vous, ce qui prouve votre contribution éminente au débat –, le risque d’abus et de dérives qui découlent du succès du statut de l’auto-entrepreneur. Ce régime, il est vrai, est à ce jour en cours d'appropriation par la société française. Comme toute novation forte, l’usage de cette nouvelle possibilité d'entreprendre se stabilisera progressivement.

À cet égard, je souhaite insister sur un point particulier : la spécificité du régime de l'auto-entrepreneur n’en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail, madame Demontès.

Vous avez longuement évoqué, madame Lamure, la nécessaire amélioration de l’outil statistique sur les auto-entrepreneurs. J’en prends bien évidemment acte. Ce nouveau régime nécessite de nouveaux instruments d'analyse.

En réponse à votre question, monsieur Collin, je réunirai au début du mois de févier un groupe de travail d'évaluation du régime, où les organisations professionnelles seront représentées. Comme l’ont demandé la commission et son rapporteur, le Gouvernement remettra à la fin de ce semestre un rapport statistique précis sur le régime de l’auto-entrepreneur. Nous disposerons à cette date des chiffres concernant la première année d’application.

Madame le rapporteur, monsieur Raoul, monsieur Fortassin, vous vous êtes également interrogés sur les auto-entrepreneurs n’ayant pas déclaré de chiffre d’affaires. J’ai déjà livré mon sentiment à ce sujet. Toutefois, j’attire votre attention sur le fait que nombre d’entre eux se déclarent au moment où ils débutent leur activité. En effet, ils ne sont tenus de déclarer leur chiffre d’affaires qu’après avoir prospecté leurs clients, livré leurs prestations et effectivement encaissé leur rémunération, ce qui suppose toujours un certain délai.

De plus, le régime de l’auto-entrepreneur est d’une grande souplesse, puisque, en l’absence de chiffre d’affaires, aucune pénalité n’apparaît. L’auto-entrepreneur ne paie de charges que s’il encaisse un chiffre d'affaires. En d’autres termes, les salariés, ou les travailleurs saisonniers, peuvent choisir, certains trimestres, de ne pas mener d’activité complémentaire en tant qu’auto-entrepreneur.

C’est tout l’objet de ce nouveau régime. En réalité, c’est un « droit à entreprendre » qui est ainsi créé, et chacun pourra activer ou non chaque trimestre, selon ses souhaits. De même que le fait d’être titulaire d’un permis de chasse n’oblige pas à chasser tous les jours, le statut d’auto-entrepreneur n’obligera pas à entreprendre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Comparaison n’est pas raison !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il s’agit d’une simple faculté d’entreprendre, et c’est très bien ainsi. La société française doit s’ouvrir à l’activité et libérer les énergies,…

Mme Nicole Bricq. Ah ! Cela faisait longtemps !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … qui sont souvent bridées par un certain nombre de contraintes.

À la fin du mois d’avril, nous aurons une vision claire des résultats des chiffres d’affaires des auto-entrepreneurs pour l’année 2009. Nous estimons que, à cette date, nous serons proches d’un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros, ce qui – on en conviendra – constituerait un réel succès pour une première année d’existence. En effet, 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, cela représente près de 200 millions d’euros de rentrées fiscales et sociales ; il faut également en tenir compte.

Madame Dini, vous avez évoqué à juste titre les préoccupations du régime de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, la CIPAV, concernant l’auto-entrepreneur. Je vous rappelle que, dans le cadre de la loi du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous avons subordonné, par le biais d’un amendement, l’octroi d’un trimestre de retraite pour les auto-entrepreneurs réalisant un chiffre d’affaires minimal. En d’autres termes, le trimestre de retraite ne sera pas versé si ce seuil n’est pas atteint. Cela limitera très fortement le problème de compensation que vous avez soulevé.

Du reste, nombre d’auto-entrepreneurs ont signalé des difficultés de gestion, qui sont liées non pas à leur statut, mais à des problèmes de gestion téléphonique et de délai de réponse de la CIPAV. Je souhaite que les dirigeants s’efforcent d’améliorer cette situation.

Comme vous avez été nombreux à le souligner, la LME a effectivement réformé en profondeur les relations et négociations commerciales. Sur ce point, mon évaluation de la situation est beaucoup moins noire que celle qui a été dépeinte, par exemple, par Mme Bricq.

Certes, nul ne conteste qu’il existe encore des abus et des déséquilibres dans les relations commerciales. J’ai été le premier à en prendre acte en décidant d’assigner devant le juge civil neuf enseignes de la grande distribution en octobre dernier.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est une première historique dans notre pays ! Vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Bizet.

Mais ces assignations ne témoignent pas de l’échec de la LME, bien au contraire. C’est bien parce que cette loi nous permet de disposer d’un arsenal de contrôle et de sanctions que j’ai pu prendre une telle initiative.

En ce domaine, la LME a apporté des progrès décisifs. En effet, les marges arrière ont été largement dégonflées, passant de 32 % en moyenne à 11 %, pour retrouver un niveau comparable à celui qui est enregistré dans les pays voisins, avec une baisse des prix de la grande consommation.

En outre, de nouveaux outils de contrôle et de sanctions ont été créés. Une nouvelle donne a été proposée aux producteurs, fournisseurs et distributeurs par la LME. À la liberté de négociation répond la responsabilité dans la contractualisation des relations commerciales. Et comme je considère justement qu’une plus grande liberté implique une plus grande responsabilité, je serai très attentif à ce qu’il n’y ait pas de clauses déséquilibrées dans les contrats qui sont actuellement en cours de négociation. À présent que les tarifs peuvent être négociés, les pratiques feront systématiquement l’objet d’enquêtes approfondies pouvant donner lieu à poursuites par l’État.

Comme cela a été souligné, nous avons créé une brigade de contrôle dédiée à la LME. Contrairement à ce qui a été affirmé, nous avons augmenté de 50 % les moyens d’enquête consacrés à cette mission. En effet, quarante agents supplémentaires sont venus renforcer les quatre-vingts agents déjà en poste.

Mme Nicole Bricq. Pas sur les mêmes postes !