Mme Éliane Assassi. Les membres de mon groupe sont attachés au mode de scrutin proportionnel, qui assure la représentativité du peuple dans nos assemblées démocratiques, et qui est en outre le seul à permettre l’application du principe de parité, consacré par la Constitution.

Ce mode d’élection permet de reconnaître le peuple dans sa diversité, accordant aux sensibilités politiques la place qui leur est due en fonction de leur poids électoral respectif. Cette représentation permet également d’éviter la réduction du débat politique que le bipartisme induit par le scrutin majoritaire, limitant alors le champ de l’expression et de l’opposition politique à un combat binaire pour la conquête du pouvoir.

Le juriste et homme politique britannique James Bryce affirmait que, si les institutions sont au corps politique ce que le squelette est à l’organisme humain, les partis politiques en constituent les muscles et les nerfs !

Ce sont bien les partis politiques, dans leur diversité, qui assurent le bon fonctionnement de la démocratie, qui la font vivre. Il est donc de notre responsabilité de favoriser l’émergence de modes de scrutin qui reflètent le plus fidèlement possible le vote populaire. Il est de notre devoir d’assurer un mode de scrutin qui, pour reprendre l’expression de James Bryce, ne « décharne » pas notre squelette institutionnel, ou du moins ce qu’il en restera après le dépeçage en règle qu’entame la majorité !

Le scrutin proportionnel assure l’égalité des voix, c’est-à-dire l’égalité des citoyens devant les choix politiques, et il est en cela essentiel. Mais il est également le seul à permettre l’application de la parité entre les hommes et les femmes, consacrée de manière constitutionnelle depuis 1999.

Le scrutin majoritaire a le défaut de n’imposer qu’une alternance entre un candidat et un remplaçant de sexes différents ; or, dans la plupart des cas, le candidat est un homme et le remplaçant une femme. Ce mode de scrutin n’assure donc, malheureusement, qu’un semblant d’égalité entre les sexes. Ainsi, aujourd’hui, seuls les conseillers régionaux et les conseillers municipaux des villes comptant plus de 3 500 habitants sont issus d’une application stricte de la parité, grâce au scrutin de liste.

Alors même que la réforme des collectivités territoriales proposée à notre assemblée prévoit la refonte du conseil régional au profit d’un conseil territorial commun avec les départements, et que les communes se voient privées de leurs compétences, le risque est grand d’assister à un recul de la féminisation des assemblées locales et à la perte d’influence du conseil municipal, seule assemblée locale dans laquelle les femmes auraient encore une place.

Pour toutes ces raisons, qui relèvent de l’équité et du bon fonctionnement démocratique, nous souhaitons que le scrutin proportionnel soit garanti dans les institutions représentatives de nos collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, comme plusieurs autres déposés aux articles 1er à 3, porte sur des dispositions du droit électoral qui relèvent en réalité du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, déposé en même temps que le présent texte, mais qui concerne spécifiquement les questions électorales et sera débattu au Parlement au mois de mai ou juin.

Les préoccupations qui s’expriment à travers ces amendements sont tout à fait importantes, qu’il s’agisse de la parité ou de la juste représentation des populations des territoires, par exemple, et je n’en conteste pas la légitimité. Il conviendra cependant d’en discuter lors de l’examen du texte qui leur est spécialement dédié.

C’est la raison pour laquelle, sans statuer au fond, la commission des lois a souhaité le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui portent sur des dispositions du code électoral.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Bien entendu, nous débattrons en temps voulu des qualités de la représentation proportionnelle, car elle n’en est pas dépourvue : tout dépend en fait de la dose de proportionnelle introduite dans un scrutin mixte. Mais il n’est guère opportun d’en discuter à l’occasion de l’examen de ce texte ; nous en reparlerons lors de la discussion de la future loi électorale.

Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je prends acte des propos du rapporteur et du ministre, qui ne me surprennent pas : comme d’habitude, il est toujours urgent d’attendre !

En refusant d’inscrire le principe de la représentation proportionnelle dans nos institutions, le Gouvernement tente de limiter toute forme d’opposition politique. Là encore, vous choisissez d’imposer des modes de représentation injustes, qui déforment la réalité politique et sociale de notre pays. Vous choisissez, en quelque sorte, d’étouffer la diversité politique française, de nier le principe d’équité et de décrédibiliser l’application de la parité. J’estime que, ce faisant, vous portez de graves atteintes à la démocratie.

Je vous rappelle qu’en matière d’élections les réalités sociales l’emportent sur les modes de scrutin, et l’histoire a très rarement donné raison aux majorités qui, jouant aux apprentis sorciers, ont pris des libertés tant avec le découpage électoral qu’avec les modes de scrutin.

Nous continuerons, pour notre part, à dénoncer cette réforme foncièrement antidémocratique et porteuse de mépris à l’égard de nos concitoyens, qui écrase la richesse de la diversité du peuple français en restreignant son expression politique.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je soutiens l’amendement présenté par nos camarades du groupe CRC. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous sommes favorables à la représentation proportionnelle et à la parité entre les hommes et les femmes. Avec un scrutin de liste, en effet, l’égalité de représentation entre les sexes est presque assurée, avec près de 50 % de femmes élues, alors que le scrutin uninominal porte difficilement aux responsabilités 5 % à 10 % de femmes.

Pour ce qui est de la représentation de la diversité politique, les écologistes sont bien placés pour en parler. Alors qu’ils représentent seulement 0,5 % des conseillers généraux, dans les conseils régionaux, en revanche, leur représentation atteint 8 %, ce qui correspond à notre score aux dernières élections. Lors des prochaines élections régionales, nous devrions encore améliorer ce résultat du fait de notre position au sein de certaines listes, qui nous permettra de bénéficier de la prime majoritaire de 25 %. Au demeurant, même dans ce cadre, notre représentation est quelque peu sous-estimée...

Mais ne mégottons pas ! Ce score de 8 % traduit en fait une représentation politique normale, puisqu’elle est le résultat de la proportionnelle introduite dans le mode d’élection des conseillers régionaux. En revanche, le système uninominal qui s’applique lors de l’élection des conseillers généraux prive les conseils généraux de toute représentation politique écologiste.

Vous nous direz que ce n’est pas très grave et que cette représentation est inutile, puisque vous faites de l’écologie à notre place ! Vous nous permettrez cependant d’en douter, car vos options politiques en matière de croissance, entre autres, diffèrent fortement des nôtres.

C’est donc parce que nous souhaitons une représentation de la diversité politique que nous soutenons l’amendement défendu par nos collègues du groupe CRC.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 645 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi crée le mandat de conseiller territorial. Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité.

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Nous entamons l’examen du titre Ier, intitulé « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale », dont la mesure emblématique, chacun l’a bien compris, est la création du conseiller territorial.

L’amendement déposé et soutenu par l’ensemble du groupe Union centriste, conforme à nos vœux et à nos déclarations depuis de longues années, vise à préciser dès maintenant les principes que devra respecter le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Quel que soit le mode de scrutin qui sera retenu à l’issue de la réflexion et de la discussion qui se sont engagées, il ne saurait être question de déroger à ces principes.

Ces principes sont simples et, à nos yeux, fondamentaux.

Il s’agit tout d’abord de garantir la représentation de nos territoires. C’est le scrutin uninominal qui le permettra le mieux.

Il s’agit, ensuite, d’affirmer dès maintenant le caractère mixte du futur scrutin. Ainsi, nous tenons à ce que soit inscrite dans ce texte l’existence d’une part substantielle de proportionnelle. C’est à cette condition que les exigences constitutionnelles d’expression du pluralisme politique et de participation équitable des partis à la vie démocratique de la nation seront garanties. Sans la garantie expresse de cette part de proportionnelle dès aujourd’hui, le respect de ces exigences ne serait pas assuré.

Il s’agit, enfin, et c’est également fondamental, d’affirmer dès maintenant notre attachement à la parité, qui sera aussi confortée par cette part de proportionnelle.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, il ne s’agit pas de préjuger des modalités d’élection, mais d’en fixer les grands principes, sans lesquels le groupe Union centriste ne peut se prononcer sur la création du conseiller territorial.

M. le président. Le sous-amendement n° 685, présenté par MM. Collin et Mézard et Mme Escoffier, est ainsi libellé :

Second alinéa de l'amendement n° 645 rectifié, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Nombreux sont ceux dans cette assemblée qui, à plusieurs reprises, ont dénoncé les inconvénients découlant du saucissonnage des textes. On nous a dit ainsi, s’agissant des modalités d’élection du futur conseiller territorial, contre la création duquel nous nous sommes élevés en déposant un amendement de suppression, qu’elles relevaient d’un autre texte que celui-ci et qu’on aborderait ce sujet plus tard. Mais cela, c’était bon pour l’opposition… (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.)

Nous en arrivons inéluctablement à poser, dès ce soir, la question du suffrage et des modalités de l’élection. Le groupe Union centriste le fait avec un amendement, certes intéressant, mais qui constitue, selon nous, la quintessence du compromis – ce n’est pas péjoratif, c’est une simple constatation ! –, lequel ne résout que rarement les questions fondamentales et permet même toutes les confusions.

Une question reste notamment en suspens, sauf peut-être dans la négociation du compromis : celle du nombre de tours de scrutin. Il nous a donc paru important de déposer un sous-amendement sur ce point, au moment où nous abordons le sujet des modalités de l’élection.

Nous persistons dans notre opposition à la création du conseiller territorial, qui, selon nous, doit être supprimé. Mais, dans l’hypothèse où la majorité adopterait le principe de cette création, il nous semble nécessaire, pour dissiper toute confusion, de préciser que celui-ci sera élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, seul moyen de garantir la représentation de la diversité des territoires et d’assurer une proximité entre les électeurs et leurs élus.

Au-delà du clivage entre majorité et opposition sur le texte, il en existe un autre portant sur le système électoral, et en particulier sur la question du scrutin proportionnel.

Nous sommes opposés à ce mode de scrutin. Nous considérons qu’il induirait une diminution du nombre de cantons, une dilution du lien entre les élus et leurs électeurs.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Or, selon nous, il ne saurait y avoir d’élus sans territoire.

L’amendement n° 645 rectifié laisse la possibilité de n’instituer qu’un seul tour de scrutin, ce qui est totalement contraire à la tradition républicaine du scrutin uninominal, qui est à deux tours. Bien évidemment, tout le monde connaît les avantages du scrutin à deux tours : élimination au premier tour et choix au second.

L’expression du lien entre un homme, une femme et le territoire est fondamentale.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jacques Mézard. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de voter le sous-amendement n° 685.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 645 rectifié tend à inscrire dans la loi non pas les modalités de l’élection des futurs conseillers territoriaux, mais les grands principes sur lesquels cette élection doit être fondée, afin d’apporter les garanties nécessaires en termes de représentation territoriale, démographique, d’expression pluraliste politique et de parité.

Sans trancher le débat futur, ses auteurs rappellent les orientations qui devront être suivies, sachant qu’il faudra concilier les différents objectifs énoncés.

Dans la mesure où cet amendement vise non pas à imposer une option précise, mais à fixer le cadre légitime de la réflexion, à l’instar de l’article 35 du présent projet de loi pour ce qui concerne la détermination des compétences des collectivités, la commission des lois émet un avis favorable.

Le sous-amendement n° 685 ayant été déposé après la réunion de la commission, cette dernière n’a pu l’examiner.

Pour ma part, je considère qu’il est contraire à la position de la commission sur l’amendement n° 645 rectifié ; il rompt l’équilibre que tend à assurer cet amendement entre les exigences essentielles, à savoir la juste représentation des territoires et des populations, ainsi que la parité. De plus, il tranche la question du mode de scrutin qui relève du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. À titre personnel, j’émets par conséquent un avis défavorable sur ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. L’amendement n° 645 rectifié, dans sa première phrase, prend acte de la création du conseiller territorial, ce qui est tout à fait conforme aux intentions du Gouvernement et à l’article 1er.

Il précise ensuite que le mode d’élection du conseiller territorial assure à la fois la représentation démographique, celle des territoires et la parité. Il invoque à ce titre le mixage de deux modes de scrutin : majoritaire et proportionnel. Je ne peux y être défavorable, en raison du mode de scrutin prévu dans le projet de loi que le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat pour l’élection du conseiller territorial.

Le sous-amendement n° 685 vise à exclure le scrutin proportionnel et à prévoir un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection du conseiller territorial. Il précise surtout que le « conseiller territorial assure la représentation des territoires ». Je ne peux pas émettre un avis favorable, car le conseiller territorial assure la représentation des citoyens avant celle des territoires.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 685.

M. Philippe Adnot. Je suis défavorable à la création du conseiller territorial. De fait, l’amendement n° 645 rectifié comme le sous-amendement n° 685 entérinent cette création. Par conséquent, je ne peux qu’y être opposé.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme vient de le préciser M. Adnot, ce sous-amendement entérine la création du conseiller territorial. L’amendement n° 645 rectifié, quant à lui, vise le scrutin uninominal – à combien de tours ? –, l’expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel, ainsi que la parité. En quelque sorte, il va dans le sens du Gouvernement. Nous le savons, puisque nous connaissons le projet gouvernemental, même si nous n’en discutons pas. Les membres du groupe CRC-SPG sont opposés à ces textes.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je demande à comprendre ! Lorsque notre collègue Collombat, hier soir, a présenté un amendement pour fixer un cadre et des principes généraux dans la loi, il lui a été répondu que son texte était sans objet. En l’espèce, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous nous expliquez qu’il existe une nuance entre les principes et les modalités du mode d’élection.

M. Adnot a fort justement indiqué que nous ne devions pas nous prononcer sur le mode d’élection du conseiller territorial, alors que ce dernier n’est pas encore créé.

Depuis des semaines, chaque fois que tel ou tel évoque le mode d’élection du conseiller territorial, on nous rétorque qu’il n’est pas temps de traiter ce sujet, car une loi spécifique en fixera les modalités. Quel accord a donc été conclu pour que cet amendement n° 645 rectifié soit aujourd'hui présenté et reçoive l’avis favorable du Gouvernement ? Où se situe la limite entre les principes et les modalités des élections ?

Nous sommes non plus dans une discussion parlementaire, mais dans un labyrinthe, dans du pudding !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, on se moque de nous !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde a pu le constater. Que ce soit au mois de décembre ou depuis le début du présent débat, chaque fois que, dans la discussion générale ou dans la discussion des articles, nous posons une question sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux, on nous rétorque : « c’est hors sujet », « ce n’est pas l’heure ».

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que le gouvernement auquel vous appartenez a constamment dit cela.

Or, tout à coup, on change de position : nous devons examiner l’amendement présenté par M. About, ainsi que le sous-amendement soutenu par M. Mézard qui viseraient non pas les modalités de l’élection, mais les principes des modalités ou les modalités des principes. Enfin, qu’est-ce que cela veut dire ?

En fait, c’est très simple : les centristes ont formulé une demande et, en contrepartie d’une réponse favorable, ils « avaleront » la création du conseiller territorial. Au demeurant, monsieur About, votre requête est vaine : vous n’obtenez rien !

M. Jean-Pierre Sueur. Le fait qu’il y ait une part de scrutin majoritaire et une part de scrutin proportionnel figure déjà dans le texte.

M. Nicolas About. Ce texte est-il voté ?

M. Jean-Pierre Sueur. Certes non, mon cher collègue. Mais votre demande ne sert à rien. Aucune garantie n’est apportée quant au scrutin à deux tours.

M. Nicolas About. Alors, où est le problème ?

M. Jean-Pierre Sueur. Pour notre part, étant opposés au conseiller territorial, nous ne voterons aucun amendement ou sous-amendement qui entérine sa création, pour les raisons que nous avons longuement expliquées.

Par ailleurs, de deux choses l’une, monsieur le ministre : soit on entre dans le débat électoral et l’on détermine, dans le cas où le conseiller territorial serait créé, les conditions de son élection, le nombre de sièges à pourvoir dans chaque département et dans chaque région, le mode de scrutin – proportionnel ou non –, le nombre de tours et on attend les propositions du Gouvernement ; soit on n’en parle pas du tout. Mais, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tenir deux discours en même temps.

Ne nous menez pas en bateau en disant le contraire de ce que vous avez toujours soutenu. Il y va de la dignité du débat parlementaire.

Mmes Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Pouvez-vous m’expliquer, monsieur le président, pourquoi est présenté un sous-amendement qui « cannibalise » l’amendement auquel il se rattache ?

Imaginons que les Verts déposent d’excellents amendements auxquels s’oppose la majorité.

M. Nicolas About. Imaginons !

M. Jean Desessard. Elle déposera alors systématiquement un sous-amendement qui cannibalisera l’amendement.

M. Nicolas About. Nous ne ferions jamais cela !

M. Jean Desessard. Le dépôt d’amendements permet l’expression des parlementaires, mais si sont déposés des sous-amendements qui, au lieu d’apporter une modification à l’amendement, vont dans le sens contraire, le système est biaisé.

J’en viens au fond. Sous le gouvernement Jospin, en qualité de responsable des élections au sein des Verts, j’avais organisé un colloque sur la proportionnelle rassemblant des communistes, des socialistes, des écologistes, des centristes et des radicaux de gauche. Se sont alors exprimés pour la proportionnelle « à l’allemande », intégrale, soutenue par les écologistes, les communistes et les centristes. Les socialistes étaient partagés. Je n’avais pas compris la position des radicaux de gauche, qui étaient favorables à une proportionnelle « à l’irlandaise ». Cinq ans après, grâce à vous, monsieur Mézard, qui venez de vous déclarer opposé à la proportionnelle, j’ai compris ! (Sourires.) Je vous en remercie. Mais je me demande bien les raisons d’une telle position.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’ont pas d’élus !

M. Jean Desessard. Quoi qu’il en soit, je voterai contre le sous-amendement n° 685, visant à instaurer le scrutin uninominal.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais éclairer nos collègues qui se demandent pourquoi l’amendement que j’ai défendu et celui qu’a soutenu M. About n’ont pas connu le même sort : mes chers collègues, dans un cas, il s’agit d’un amendement socialiste, dans l’autre, d’un amendement centriste !

J’hésite entre deux expressions pour qualifier l'amendement n° 645 rectifié : c’est soit « fausse barbe », soit « bon jean », pour reprendre le nom du remède qu’utilisait ma grand-mère pour soigner les aigreurs d’estomac de ses petits enfants et les aider à digérer…

En effet, le seul objet de cet amendement, c’est d’aider les centristes à digérer le projet de loi qui leur est présenté. Nous n’avons aucune raison de nous prêter à cette mascarade.

M. Nicolas About. Dites-le, que vous êtes opposés à la proportionnelle !

M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues de la majorité, je ne voudrais pas employer de grands mots, mais, honnêtement, cette manipulation n’est pas très reluisante.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite m’exprimer de nouveau, mais cette fois sur l’amendement n° 645 rectifié, car celui-ci a reçu une appréciation très différente du sous-amendement qui tend à le modifier !

Sur le sous-amendement n° 685, la commission a émis un avis défavorable. Nous pouvons discuter ce choix, mais reconnaissons que la commission est logique avec elle-même, ainsi d'ailleurs qu’avec la position du Gouvernement, qui refuse, semble-t-il, de débattre du mode de scrutin à l'occasion de l’examen de ce texte, au motif que cette question sera évoquée plus tard.

En revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 645 rectifié, j’ai entendu que la commission avait émis un avis favorable ! Mes chers collègues – passez-moi l’expression –, les bras m’en tombent !

Peut-être ai-je eu une absence lors des réunions de la commission des lois,…

M. Nicolas About. C’est pardonnable ! (Sourires sur les travées de lUnion centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … dont il n’est pas facile de suivre intégralement les débats lorsque l’on appartient à un groupe aussi peu important en nombre que le mien.

M. Jean Desessard. C’est encore plus difficile pour nous ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, je constate qu’il est désormais possible de discuter du mode de scrutin au cours de l’examen de ce texte, dès lors que c’est M. About qui dépose un amendement.

Donc acte ! M. About, président du groupe Union centriste, a le droit, lui, d’évoquer le mode de scrutin, ce qui est refusé aux autres. C’est entendu !

M. Nicolas About. Je n’ai pas évoqué le mode de scrutin, mais seulement des principes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Finalement, que fait M. About ?

Certes, les dispositions de son amendement traduisent les inquiétudes qui s’expriment chez les élus, y compris centristes, quant à la création et à l’élection des conseillers territoriaux.

M. Nicolas About. Bingo ! Vous avez tout compris !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Néanmoins, de façon tout à fait remarquable, il tend à entériner le mode de scrutin que nous proposera plus tard le Gouvernement ; nous le savons, puisque nous disposons déjà de ce projet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de lUnion centriste.)

M. Nicolas About. Pas du tout ! Vous avez encore eu un moment d’absence…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il suffit pour s’en convaincre de lire le texte de cet amendement : « La présente loi crée le mandat de conseiller territorial. Dont acte, mes chers collègues ! Le mode d’élection du conseiller territorial assure, au niveau départemental, la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l’expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité par la combinaison de ces deux modes de scrutin. » (Protestations sur les travées de lUnion centriste.)

M. Nicolas About. C’est faux ! Ce n’est pas ce qui est écrit !

Mme Éliane Assassi. Comment cela ? Ne nous prenez pas pour des idiots !

M. Pierre Fauchon. Vous ne lisez pas l’amendement rectifié !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que nous proposez-vous ? Un scrutin uninominal à un tour avec 20 % des sièges attribués à la proportionnelle. Monsieur About, vous êtes tout à fait en phase avec le Gouvernement ! Vous cautionnez le système électoral du projet de loi n° 61, et la commission des lois accepte que l’on détermine le mode de scrutin dans le présent texte. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur Desessard, merci pour la proportionnelle « à l’irlandaise » ; mais, à l’évidence, nous ne sommes pas ici à la pêche au saumon, mais plutôt à la pêche aux voix !

Quel est l’objet du sous-amendement n° 685 ? Que la situation soit claire et qu’on appelle un chat un chat ! Parlons-nous du système électoral, oui ou non ?

En effet, l’amendement n° 645 rectifié est entouré d’une hypocrisie manifeste. Nous avons tous compris quel était le but de la manœuvre, qui est tout à fait autorisée, d'ailleurs, car chacun fait ce qu’il veut et vote comme il l’entend. Toutefois, on ne peut pas à la fois nous demander de ne pas parler du mode de scrutin et faire passer de cette façon, avec l’accord de la commission, un amendement qui, très clairement, pose la question du mode électoral !

Pour notre part, nous avons voulu faire toute la lumière sur la situation et, je le répète, appeler un chat un chat. En effet, soit nous débattons des élections, soit nous n’en parlons pas.

Pour ce qui est du fond et du choix du mode de scrutin, je répéterai que nous avons voulu, à travers ce sous-amendement, dénoncer vigoureusement le système électoral qui est proposé.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 685.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que le Gouvernement et le rapporteur à titre personnel sont défavorables à ce sous-amendement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

………………………………………………………

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?...

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 134 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 17
Contre 316

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 645 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous sommes opposés au sous-amendement n° 685, parce que nous considérons que le scrutin régional, tel qu’il existe aujourd'hui, présente de nombreux avantages : il permet à la fois de prendre en compte le pluralisme politique, de mettre en place des exécutifs stables, grâce auxquels il est possible de gouverner,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de respecter la parité !