M. François Fortassin. Monsieur le ministre, je vous en donne acte, vous avez lancé à l’automne dernier les assises des territoires ruraux, et je vous en remercie aussi, car l’événement a suscité la participation de plus de 80 000 personnes. C’est dire combien ces assises étaient attendues !

Les principales préconisations de ces assises ont été annoncées par le Président de la République lors du discours prononcé à Morée, dans le Loir-et-Cher, le 9 février dernier.

Dans les grandes lignes, nous ne pouvons qu’approuver certaines déclarations particulièrement alléchantes : accessibilité améliorée des zones rurales ; initiatives innovantes dans le transport individuel ; développement économique ; commerces, consommation de produits locaux et mise en place de circuits courts ; amélioration des services publics à travers les maisons de santé, les maisons d’assistantes maternelles et les agences postales, entre autres ; réduction de la fracture numérique et soutien au très haut débit, comme l’a préconisé la DATAR, dans un rapport récent ; modernisation des commerces et de l’artisanat, même si, à cet égard, il est difficile de mobiliser le FISAC de façon satisfaisante.

Vous me permettrez, monsieur le ministre, de formuler une proposition qui entrerait dans le cadre de la solidarité territoriale : couvrir les parkings des supermarchés et les toits des grands entrepôts de panneaux photovoltaïques, les bénéfices tirés de la vente de l’électricité ainsi produite étant affectés à un FISAC départemental, afin – disons-le clairement – de soutenir les commerces dans les bourgs ruraux.

M. René-Pierre Signé. Quelle imagination !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, ma question est la suivante : quels fonds allez-vous débloquer pour honorer les propositions qui ont été formulées ? Sans moyens affectés, en effet, le discours du Président de la République restera une brillante allocution, à quelques semaines d’élections régionales dont les observateurs les plus avertis se plaisent à dire qu’elles ne seront peut-être pas si faciles pour votre camp ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’agacement sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé les ambitions et les directions que le Président de la République a tracées pour le monde rural. Vous avez parfaitement rendu compte des propos tenus par le chef de l’État à Morée !

Je vous remercie aussi de votre suggestion relative à l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit des supermarchés. Dans deux heures, je recevrai les responsables d’une entreprise qui, peut-être, s’installera dans l’un des départements de notre pays les plus touchés par la crise économique et qui fabrique justement des panneaux photovoltaïques souples destinés aux toits des usines et des grands magasins. Vous serez donc peut-être bientôt satisfait !

J’en viens aux crédits qui seront débloqués. Un CIACT sera réuni par le Premier ministre d’ici à la fin du mois d’avril, afin d’acter et de financer un certain nombre de mesures.

Nous avons assurément l’obligation d’avancer et de réussir. Certaines des mesures annoncées par le Président de la République sont d’application immédiate. Il s'agit, par exemple, de la création des pôles d’excellence rurale, pour lesquels 190 dossiers avaient été déposés à la DATAR vendredi dernier, dont 70 le dernier jour de l’appel à candidature. Cela prouve que ce dispositif est un succès.

De même, un accord vient d’être signé, sous l’autorité de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, entre les opérateurs de téléphonie mobile, qui s’engagent à couvrir en 3G toutes les zones rurales d’ici à 2013. Cette mesure concrète est extrêmement positive, parce qu’un tel réseau n’est pas encore accessible partout.

D’autres mesures ne sont pas d’application immédiate ; elles seront fixées dans le cadre du CIACT.

En ce qui concerne la fracture numérique, le sénateur Hervé Maurey est chargé de définir et de proposer une méthode…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. … qui permette, au-delà de la mise en œuvre du grand emprunt, de financer l’installation d’un réseau de très haut débit.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique, en quelques dizaines de secondes…

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, vous m’avez répondu avec beaucoup de talent, mais vos réponses sont tout de même partielles.

En effet, si l’on voulait équiper le territoire national en fibre optique pour le très haut débit, il faudrait y consacrer pratiquement tous les fonds du grand emprunt ! Je crains que nous ne soyons assez loin du compte, mais je ne doute pas que notre collègue Hervé Maurey fera preuve d’une très grande imagination pour régler ces problèmes !

M. Claude Biwer. Certainement !

M. le président. Faisons confiance à notre collègue Hervé Maurey.

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, l’avenir des territoires ruraux peut passer par des mesures nouvelles, certes, mais aussi, tout simplement, par l’amélioration des dispositifs existants.

À cet égard, les zones de revitalisation rurale, ou ZRR, contribuent depuis 1995 à créer des activités dans nos territoires ruraux, ou du moins à faire naître les conditions favorables à leur développement, en attirant des professionnels grâce à des exemptions fiscales et à des exonérations de cotisations sociales. Toutefois, ces mesures n’atteignent pas complètement leur objectif.

Un rapport récent des corps d’inspection de l’État le montre bien sur un point qui me tient particulièrement à cœur : le maintien des activités en milieu rural.

Nous voulons tous attirer des entreprises nouvelles. Toutefois, nous savons que la première des priorités, dans bien des territoires ruraux, c’est d’abord de retenir ceux qui y vivent, c'est-à-dire l’artisan, le boucher, le médecin qui possède son cabinet, bref les activités et les emplois qui existent encore et qui structurent la vie locale.

Or l’exonération fiscale sur les bénéfices réalisés en ZRR ne profite qu’aux seules entreprises nouvelles, et celles-ci sont définies de manière excessivement restrictive.

Un jeune qui reprend une entreprise locale ne participe-t-il pas à la revitalisation du territoire ? Faut-il que l’administration lui refuse le bénéfice des mesures liées aux ZRR pour des motifs difficiles à expliquer et au risque de le voir partir devant l’accumulation des charges ?

Il me paraît donc nécessaire – les auteurs du rapport que j’ai cité formulent la même proposition – d’étendre l’exonération fiscale à ceux qui reprennent une entreprise ou élargissent son activité, ce qui contribuerait également à simplifier l’attribution des aides.

Monsieur le ministre, vous avez montré ces derniers mois votre grande capacité d’écoute, et votre engagement, lors des assises des territoires ruraux. Vous cherchiez des mesures de bon sens : en voilà une…

M. le président. Veuillez poser votre question !

M. Rémy Pointereau. … à laquelle vous serez, je l’espère, particulièrement sensible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez souligné que les ZRR constituaient une mesure concrète pour aider au maintien de l’activité économique dans les territoires ruraux, ce qui est tout à fait exact.

Je voudrais rappeler que, chaque année, le dispositif des ZRR coûte 500 millions d'euros, puisque les exonérations sociales représentent 400 millions d'euros et les exemptions fiscales, 100 millions d'euros. Ce système me semble bon et pertinent, mais il doit être amélioré.

En particulier, le problème de la transmission des entreprises n’a pas encore été réglé. Il s'agit, bien sûr, d’une question essentielle pour le maintien de l’activité artisanale ou des PME dans les territoires ruraux. C'est la raison pour laquelle, dans son discours de Morée du 9 février dernier, le Président de la République m’a confié, ainsi qu’à Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat et des PME, le soin de trouver une solution, dans le cadre des ZRR, pour la transmission de ces entreprises.

Nous travaillons actuellement sur ce sujet avec le ministère de l’économie ; le CIACT du mois d’avril prochain, qui sera consacré à la mise en œuvre des assises des territoires ruraux, permettra d’avancer sur ce sujet que je considère comme essentiel.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je suis tout à fait satisfait de votre réponse, même si je crois qu’il faut continuer à libérer les énergies sur nos territoires.

Nous l’avons tous compris, la boîte à outils est là, mais il faut assouplir les dispositifs, car l’administration n’en fait pas toujours la même lecture dans tous les départements.

Il est vrai que les ZRR apportent un soutien indispensable aux zones fragiles et qu’elles répondent à un véritable besoin, constaté sur le terrain. Il est vrai aussi qu’elles souffrent d’un manque de notoriété. Il faudrait communiquer mieux sur cette action. L’évaluation qui a été réalisée dernièrement devrait permettre, je l’espère, de rendre plus lisible le système.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, je vous le rappelle, l’espace rural c’est 70 % du territoire, plus de 14 millions d’habitants, plus de quatre millions de foyers et un quart de l’industrie française, avec tous les emplois qui y sont liés.

Le haut et le très haut débit constituent à l’évidence des enjeux majeurs ; nous devons saisir l’occasion qui nous est offerte. Qu’est-ce que le « haut débit » ? Ce sont des connexions allant de 2 à 100 mégabits par seconde, et même au-delà.

Comment assurer l’accès de tous au haut débit ? Le Fonds national pour la société numérique, que vous avez créé, monsieur le ministre, dispose de 4,5 milliards d'euros. Or la répartition de ces crédits ne laisse à l’espace rural peu dense que 1 milliard d'euros. Pour 70 % du territoire et 4 millions de foyers, une telle somme sera à l’évidence terriblement insuffisante, surtout compte tenu de la demande, qui est immense !

La distribution de ce fonds semble déjà engagée. Quelque 250 millions d'euros seraient consacrés à la desserte, en cinq ans, de 750 000 foyers, sur un total de quatre millions. Il resterait donc 750 millions d’euros, qui financeraient des projets d’initiative publique.

Monsieur le ministre, je vous demande de nous préciser si cette somme sera consacrée à la desserte, branchement final, ou à la collecte, c'est-à-dire la construction, l’infrastructure, le socle essentiel ? François Fortassin vient de communiquer les chiffres pour le département des Hautes-Pyrénées. La semaine dernière, un contrat d’équipement et d’investissement de 29 millions d'euros a été signé. Le coût global de ce projet s’élève à 60 millions d'euros pour 2011, valeur 2010.

Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.

Premièrement, dans quelle proportion l’État prendra-t-il en charge la dépense pour la collecte et s’agira-t-il de prêts ou de subventions ?

Deuxièmement, comment l’État l’intégrera-t-il dans les projets d’infrastructures déjà engagés ?

Troisièmement, quels sont les critères de sélection des projets établis par le Fonds national pour la société numérique ?

Pour l’espace rural, des problèmes importants se posent qui sont autant d’enjeux.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Josette Durrieu. Je pourrais citer le numérique à l’école, qui est une priorité absolue, la santé et la télémédecine, dont il a déjà été question, l’information géographique, et tant d’autres encore.

Monsieur le ministre, internet est un levier essentiel. On n’a pas le droit de susciter de faux espoirs. La demande qui est formulée aujourd'hui est légitime.

M. le président. Ma chère collègue…

Mme Josette Durrieu. J’en ai terminé, monsieur le président.

M. le président. Madame Durrieu, je ne fais que protéger le temps de parole des autres intervenants.

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Je remercie Mme Durrieu de ses questions extrêmement précises, qui montrent sa grande connaissance du problème.

M. Michel Mercier, ministre. Si vous ne cessez de m’interrompre, monsieur Signé, je ne pourrai pas apporter les précisions que le Sénat me demande.

M. René-Pierre Signé. Cela peut vous rendre service ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le président, j’entends faire de mon mieux si M. Signé, que je connais depuis longtemps, ne m’empêche pas de répondre ! (Sourires.)

M. Alain Gournac. C’est sa spécialité !

M. Michel Mercier, ministre. Le très haut débit pour tous constitue un objectif du Gouvernement sur lequel il ne faillira pas. Certes, nous ne pourrons pas atteindre l’objectif en un instant, d’un coup de baguette magique. Cela n’est pas possible. C'est la raison pour laquelle une procédure a été mise en place.

Dès le 29 juillet dernier, le Premier ministre a demandé aux préfets d’établir, en liaison avec les élus locaux, les collectivités locales, les conseils généraux et régionaux, des schémas de couverture numérique. C’est à partir de ces schémas que nous entendons travailler. Une aide de 3 millions d’euros a été accordée aux préfets pour mettre en place l’ingénierie nécessaire.

La somme débloquée au titre du grand emprunt sert en quelque sorte à amorcer le processus. Nous savons parfaitement que les 750 millions d’euros que vous avez évoqués ne seront pas suffisants. D’où la mission confiée à votre collègue Hervé Maurey sur le déploiement du très haut débit.

Actuellement, nous sommes dans une phase de consultation des élus et des opérateurs. Le Gouvernement entend faire en sorte que les territoires ruraux soient desservis en même temps que les autres territoires, et non après. Tel est notre but, et nous viendrons régulièrement vous rendre compte de l’avancée des travaux.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour la réplique, en une minute maximum, afin que notre collègue Simon Sutour puisse poser sa question.

M. Michel Boutant. Je vais faire l’impossible, monsieur le président.

Monsieur le ministre, entre le Gouvernement et le monde rural, l’incompréhension est totale !

Je crois le monde rural sacrifié sur l’autel de la rentabilité. Au registre des technologies modernes, haut débit et téléphonie mobile sont deux exemples parlants. Comment la fiscalité générée par 20 % de la population peut-elle permettre l’équipement de 80 % du territoire sans le concours péréquateur de l’État ? De surcroît, le Gouvernement appelle le monde rural à financer les grands équipements structurants, comme les lignes à grande vitesse ou les routes nationales.

Si rien n’est fait, monsieur le ministre, nous serons face à une véritable rupture, avec deux France : une France qui aura accès rapidement aux technologies les plus en pointe, aux soins, à la justice, une autre qui devra se contenter de suivre le progrès de loin.

L’équité à laquelle aspire le monde rural, les départements la permettaient, et parfois la permettent encore. Mais pour combien de temps ?

M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.

M. Michel Boutant. Avec la réforme territoriale, vous entravez, vous cassez leurs initiatives. Vous abandonnez le monde rural, déjà très touché dans son activité agricole – crise du lait, crise de la viande, crise des fruits et légumes –, et, du coup, vous le désespérez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Certes, l’avenir des territoires ruraux est conditionné par une volonté politique nationale, ainsi que le Président de la République l’a exprimée dans son discours de Morée, qui doit se traduire par des mesures concrètes comme le haut débit ou les maisons médicales.

Monsieur le ministre, au nom de la Lozère,...

M. Daniel Raoul. C’est où, la Lozère ? (Sourires.)

M. Jacques Blanc. ... j’invite le Gouvernement à organiser le prochain comité interministériel pour l’aménagement et la compétitivité du territoire dans ce territoire de montagne qui peut être un laboratoire expérimental.

Toutefois, cet avenir est aussi conditionné par les capacités de la politique européenne.

Aujourd'hui, l’Europe se trouve dans une période clé où se préparent les décisions budgétaires d’après 2013. Par ailleurs, le traité de Lisbonne a fait de la cohésion territoriale, donc de l’aménagement du territoire, un objectif prioritaire de la politique européenne. Encore faut-il que celui-ci se concrétise dans les décisions budgétaires.

Au moment où le débat sur la politique régionale a été ouvert par des rapports inquiétants, qui ont plus ou moins circulé dans des instances européennes, il nous paraît capital que soit réaffirmée l’exigence d’une politique qui prenne en compte non seulement les besoins des régions des pays les plus défavorisés, les nouveaux entrants par exemple, mais aussi les disparités infrarégionales, par exemple celles qui sont provoquées par les handicaps géographiques ou naturels, comme c’est le cas dans les zones de montagne.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous avez participé à Saragosse à une rencontre avec vos homologues européens.

M. le président. Il vous reste dix secondes, mon cher collègue.

M. Jacques Blanc. Pouvez-vous nous donner votre sentiment et réaffirmer ici la volonté forte de la France de défendre la mise en place d’une véritable politique de cohésion territoriale à l’échelon européen ?

M. Jacques Blanc. L’Europe avait su mettre en place une telle politique avec l’objectif 5b.

M. le président. Il vous faut maintenant conclure !

M. Jacques Blanc. La Lozère en avait bénéficié et nous avions démontré qu’elle pouvait être un laboratoire expérimental.

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’interroger sur les fonds structurels européens, qui sont extrêmement importants pour la France. Même si, dans ce domaine, notre pays est contributeur net, il bénéficie, pour la période qui s’achève en 2013, de 14 milliards d’euros de fonds spécialisés, qui sont essentiels pour promouvoir une politique d’aménagement du territoire.

Il était donc important qu’à Saragosse nous puissions affirmer la position française, qui est de permettre que non seulement les territoires les plus défavorisés mais, plus généralement, toutes les régions bénéficient des fonds structurels pour développer l’ensemble de leurs potentialités. J’ai donc souhaité promouvoir à cette occasion l’idée que la politique de cohésion devait être aussi une politique de développement pour toutes les régions.

Plusieurs États membres ont avancé sur cette idée et nous avons senti que, à Saragosse, nos interlocuteurs étaient favorables au maintien d’une politique de cohésion. Certes, certains États se trouvent dans une situation telle qu’ils ont exigé que l’objectif 1 soit maintenu en priorité, mais tous ont donné leur accord pour que l’ensemble des régions puissent être concernées par les fonds structurels européens après 2013.

M. Simon Sutour. C’est faux !

M. Michel Mercier, ministre. L’exigence de cohésion territoriale, telle qu’elle a été définie dans le traité de Lisbonne, est, pour nous, une notion nouvelle que nous devons faire partager, car elle ne va pas de soi pour tous les États, notamment pour ceux de l’Europe du Nord. Or elle est pour nous essentielle, car elle fait partie de la politique d’aménagement du territoire de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour la réplique.

M. Jacques Blanc. Je remercie M. le ministre de mener ce combat. Il faut que cet objectif de cohésion territoriale ait un contenu et favorise un véritable aménagement du territoire.

Élu de la Lozère, j’ai eu la chance de transformer ce département en laboratoire expérimental pour les programmes de développement intégré européens qui ont conduit à l’élaboration de l’objectif 5b. Tous les responsables des pays ruraux savent l’importance des crédits européens pour stimuler les régions, servir de levier et leur permettre d’aller de l’avant.

Monsieur le ministre, avec les députés européens, avec le Comité des régions d’Europe, nous devons tous nous mobiliser à vos côtés pour que la volonté politique exceptionnelle manifestée dans le traité de Lisbonne trouve sa traduction dans les actes et les décisions budgétaires.

Je le répète, il faut faire de la cohésion territoriale une chance pour l’ensemble de nos pays ruraux, en particulier pour la montagne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, 14,3 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros pour le Languedoc-Roussillon, pour la période 2007-2013 : voilà ce que les territoires français, en particulier les territoires les plus fragiles comme les zones rurales, risquent de perdre à partir de 2014, à en croire le document non officiel de la Commission européenne qui préfigure les orientations du futur budget de l’Union européenne pour 2014-2020.

Le « détricotage » des politiques communes est donc en marche. Fonds de cohésion et politique agricole sont en grand danger.

En effet, si aucun chiffre n’est pour l’heure avancé, il semble néanmoins que la Commission européenne présidée par M. Barroso, dont la nomination pour un second mandat a été soutenue par votre gouvernement, se livre à un exercice de liquidation pure et simple de la politique régionale européenne et, par là même, du concept de cohésion économique, sociale et territoriale. En éliminant l’objectif « compétitivité régionale et emploi », elle propose, ni plus ni moins, de supprimer les fonds européens dans 16 États membres sur 27, soit dans 200 régions sur 273.

Je tiens à souligner un paradoxe entre la consécration par le traité de Lisbonne du principe de cohésion territoriale et le fait que la Commission européenne souhaite aujourd’hui renier ce principe fondamental en supprimant les budgets qui contribuent précisément au financement des politiques permettant d’atteindre cet objectif.

Monsieur le ministre, comment les régions fragiles, en retard de développement, frappées par la crise ou en reconversion industrielle, peuvent-elles rattraper leur retard et se remettre à niveau, si elles ne sont pas aidées par le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds européen agricole pour le développement rural ?

L’efficacité des fonds européens n’est plus à démontrer. Leur suppression serait un mauvais signal et contribuerait à élargir le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et Bruxelles.

L’élaboration des perspectives budgétaires est lancée pour la période 2014-2020. La suppression de la politique de cohésion serait l’estocade portée aux territoires ruraux.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il conscience de ce danger? Qu’attend-il pour agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler la position du gouvernement français sur la politique de cohésion et les fonds structurels européens.

Le document auquel vous faites allusion n’en est pas un à proprement parler.

M. Simon Sutour. Il est non officiel !

M. Michel Mercier, ministre. Dans ces conditions, ce n’est pas un document,...

M. Michel Mercier, ministre. ... et c’est tant mieux !

J’ai pu vérifier à Saragosse l’unanimité des vingt-sept États membres sur cette question. Aucun ministre chargé de la politique régionale n’a demandé la suppression de la politique de cohésion. Le gouvernement français y est lui aussi très attaché, d’une part, parce que cette politique de cohésion permet de répondre à de véritables demandes des territoires, d’autre part, parce qu’il s’agit de l’une des rares politiques européennes qui soient visibles pour nos concitoyens. C’est d’autant plus important que, souvent, l’Europe est décriée et accusée de mille maux. Or, grâce à cette politique, elle est présente et mène une action concrète pour les Européens.

Je suis allé à Saragosse pour défendre la position qu’a arrêtée le Premier ministre et qui est simple : il s’agit de maintenir la politique de cohésion, qui s’adresse à toutes les régions pour les aider dans leur développement.

Telle est la position du gouvernement français, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, pour la réplique.

M. Simon Sutour. Je prends acte de la volonté de notre ancien collègue Michel Mercier, mais je constate que la réalité n’est pas du tout celle que le ministre décrit !

Yann Gaillard et moi-même travaillons au nom de la commission des affaires européennes du Sénat sur la politique de cohésion. Nous nous sommes rendus à Bruxelles voilà quelques jours et avons rencontré le directeur général du Budget. La situation ne se présente pas du tout comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Entre la volonté de maintenir ces aides et le futur budget de l’Union européenne, le fossé est important. Tout dépendra de la part du revenu national brut des États qui sera consacrée à la politique de cohésion. Actuellement, cette part s’élève à 1,13 % de revenu national brut, ce qui ne permet pas la poursuite de cette politique.

Certes, on peut tenir de beaux discours, mais la réalité est bien différente : c’est la suppression des fonds structurels européens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques.

Je souhaite remercier M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, d’avoir accepté de se livrer à cet exercice. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Cette séance de questions cribles thématiques sera retransmise ce soir sur France 3, à une heure assez tardive, en raison de la concurrence que nous font les jeux Olympiques d’hiver. (Sourires.)

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)