M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis fort longtemps, la sécheresse de 2003 a touché un nombre impressionnant de communes : près de 8 000 d’entre elles, semble-t-il, ont été concernées. Dans la mesure où il s’agissait d’un phénomène qui ne répondait pas aux critères classiques de prise en charge au titre du régime des catastrophes naturelles, le gouvernement de l’époque a tardé à prendre des arrêtés reconnaissant cet état de fait.

Ce n’est que courant 2004, et donc avec de longs mois de retard, que des arrêtés furent enfin pris. Cependant, ils ne concernèrent alors qu’environ 1 300 communes sur les 8 000 qui avaient adressé des dossiers, ces derniers recensant plusieurs dizaines de milliers de maisons d’habitation victimes de désordres consécutifs aux mouvements de terrain induits par cette sécheresse d’une intensité exceptionnelle.

Devant le mouvement de protestation soulevé par cet état de fait, j’avais alors déposé, avec plusieurs de nos collègues sénateurs, une proposition de loi tendant à préciser que tous les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols seraient désormais pris en compte – et ce, je le souligne, quelle que soit leur intensité – pour le classement d’une commune ou d’une partie de commune en zone de catastrophe naturelle. Le bureau de recherches géologique et minière pouvait d’ailleurs mettre en place ce dispositif, comme cela avait été évoqué lors du débat dans cette assemblée.

Il faut rappeler, en effet, que la garantie d’assurance relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles ne peut intervenir que si cette situation est constatée par un arrêté ministériel. Sans ce dernier, aucune indemnisation n’est possible.

Faisant suite à nos insistantes interventions, le Gouvernement dut se rendre à l’évidence, et des arrêtés supplémentaires furent pris, portant le nombre de communes concernés à 4 441, ce qui était déjà bien plus acceptable mais encore très insuffisant au regard des 8 022 communes qui avaient déposé des dossiers, représentant 138 000 sinistres.

Certes, un fonds spécial d’indemnisation fut mis en place et doté de 218,5 millions d’euros. Ce fonds a permis de faire bénéficier 2 370 communes d’indemnisations complémentaires. Cependant, ces dernières n’ont pas toujours permis, loin s’en faut, de réparer les dommages subis par les maisons d’habitation, dont le coût avoisinait dans certains cas, en cas de reprise des fondations, près de 150 000 euros par habitation, ce qui est considérable.

D’un côté, indemnisations insuffisantes, d’un autre côté, indemnisations inexistantes pour les habitants de près de 1 200 communes touchées par ce phénomène : cette situation doit aujourd’hui, comme à l’époque, nous interpeller.

Je remercie la commission des finances d’avoir mis en place sur ce problème un groupe de travail, lequel a publié un excellent rapport d’information sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et sur celle du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Les conclusions de ce rapport me paraissent d’autant plus pertinentes qu’elles reprennent les grandes lignes de mon propre rapport présenté dès le 8 juin 2005 au nom de la commission de l’économie en analyse de la proposition de loi que nous avions déposée, à laquelle nous avions décidé de joindre une autre proposition de loi, déposée sur le même sujet par notre collègue Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste.

Certes, la commission de l’économie puis le Sénat, au cours de la séance du 16 juin 2005, ne firent pas entièrement droit à nos demandes. Une proposition de loi fut néanmoins adoptée, qui améliorait la transparence de la procédure de catastrophe naturelle : en amont, par la mise en place d’un programme national de prévention des risques liés à la sécheresse ; en aval de la catastrophe, par la création de commissions consultatives départementales, auxquelles participeraient des élus locaux, des assurés et des assureurs.

Je regrette que cette proposition de loi, comme bien d’autres, hélas ! n’ait jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Que disions-nous à l’époque?

Nous disions d’abord que le traitement de la sécheresse de 2003 a donné lieu à un large mécontentement, qui rend assurément nécessaire une réforme du système ; nous disions aussi qu’il existe un manque de transparence évident en amont et en aval de la catastrophe naturelle, et que, après la catastrophe, les victimes n’ont aujourd’hui d’autres droits que celui d’attendre la décision des ministères, ce qui n’est pas toujours acceptable.

Nous remarquions également que les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devaient être clarifiés afin de mieux prendre en compte la réalité des dommages, les actuels critères, abscons, donnant le sentiment, à tort ou à raison, que l’on veut indemniser le moins possible de communes ou de familles concernées.

Nous préconisions de diffuser, avant la catastrophe, l’information sur les risques et sur la façon de les prévenir en généralisant l’information sur l’existence des risques liés à la sécheresse, la connaissance de ces risques devant déboucher sur des mesures de prévention visant les particuliers et les professionnels.

Nous affirmions que les iniquités ressenties et constatées depuis la sécheresse de 2003 exigent une réponse, que le choix de la commune comme périmètre de reconnaissance de la catastrophe naturelle explique une partie du sentiment d’iniquité et que, par ailleurs, les mesures en faveur de l’équité exigent un rappel de la responsabilité des assureurs.

Enfin, nous signalions qu’il fallait à tout prix accélérer la mise en place des informations sur la qualité des sols avant la construction, comme le proposait le BRGM, ce qui fut un élément important de la discussion générale lors du vote de cette proposition de loi en 2005.

Il était alors proposé que, pour un coût de 10 millions d’euros, le programme de cartographie déjà engagé par le BRGM pour définir les zones argileuses à risque puisse être considérablement accéléré et terminé en l’espace de trois ans. Cette proposition n’a, hélas ! pas été suivie d’effet, ce qui est tout à fait regrettable, car cela nuit à la prévention.

Nous sommes aujourd’hui en 2010 et, sept années après la sécheresse de 2003, il y a encore des familles qui n’ont obtenu aucune indemnisation leur permettant de limiter les dégâts.

Par ailleurs, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est toujours aussi peu transparent. Les propositions que nous avions formulées sur la transparence, tout à fait convergentes avec celles qui figurent dans le rapport de nos collègues Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon, mériteraient enfin d’être prises en considération.

En ce qui concerne l’adaptation des normes de construction, il serait grand temps d’instaurer des règles plus strictes en matière de constructibilité dans les secteurs en difficulté ou susceptibles de l’être à l’avenir.

Enfin, s’agissant de la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, j’ai lu, sous la plume de nos deux collègues, que « si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommages-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention ou de construction ».

Je pense, pour ma part, qu’il serait dangereux de n’avoir recours qu’à des exclusions partielles. Faire jouer une garantie décennale ou une garantie dommages-ouvrage, c’est entraîner nos compatriotes dans un parcours du combattant procédurier, voire judiciaire, qui serait encore pire que le système actuel. Quant aux dégâts superficiels qui ne nécessitent, par exemple, qu’un ravalement ou des travaux légers, ils occasionnent tout de même une charge de quelques milliers d’euros ; je ne vois pas pourquoi cette somme devrait rester uniquement à la charge des assurés.

Réformons le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en le rendant plus transparent, plus rapide surtout, et plus équitable, mais ne donnons surtout pas le sentiment à nos compatriotes qu’ils seront moins bien assurés demain qu’hier contre ce risque.

Réglons une fois pour toutes la situation des victimes de la catastrophe de 2003 qui n’ont pas obtenu satisfaction : ce serait à notre honneur, et à l’honneur du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État ! Il n’a fallu que quelques jours pour que les départements concernés par la terrible tempête du 28 février 2010 soient classés en zone de catastrophe naturelle et que les sinistrés puissent ainsi être indemnisés. Ce n’est certes pas une consolation ; néanmoins, par rapport aux sept années d’attente consécutives à la sécheresse de 2003, cela marque une différence positive que je me plais à signaler.

Enfin, faisons le nécessaire pour faire passer les messages d’information et de prévention aux futurs constructeurs : c’est ce que nous avions décidé en priorité lors de la présentation de la proposition de loi, et je regrette que cela n’ait pu aller plus loin : nous nous trouverions peut-être dans une meilleure situation aujourd’hui. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la tempête Xynthia, qui vient de frapper durement l’ouest de la France, nous rappelle combien les aléas climatiques peuvent être dévastateurs. En 2003, notre pays a été frappé par une sécheresse d’une ampleur exceptionnelle, dont les conséquences ne sont pas complètement éteintes aujourd’hui, comme l’ont souligné très justement nos collègues de la commission des finances en intitulant leur rapport Un passé qui ne passe pas.

La canicule de l’été 2003, avec 14 802 décès qui peuvent lui être imputés, a été la catastrophe naturelle la plus grave et la plus fatale pour la France au cours de ces cinquante dernières années. Ce nombre de victimes est bien évidemment l’aspect sans doute le plus dramatique de cet événement. Il est irréparable, et nous nous souvenons qu’il a plongé de nombreuses familles dans la détresse.

Une fois la sécheresse passée, l’heure du bilan matériel est venue. Il a été particulièrement lourd, avec plus de 8 000 communes touchées par les sinistres et des milliers de personnes concernées par des procédures d’indemnisation longues, qui n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes.

En notre qualité d’élus – mon département a été particulièrement touché –, nous avons tous vécu sur le terrain les conséquences de cette canicule. Très vite, nous avons pu constater l’insuffisance de la procédure de catastrophe naturelle, du moins dans sa première phase.

Tout d’abord, plusieurs éléments ont conduit à sous-évaluer les dégâts. L’imprécision et la rigidité des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont posé des difficultés. Une stricte application aurait d’ailleurs conduit à ne classer que 200 communes seulement. Par ailleurs, ces critères se sont révélés particulièrement inadaptés pour apprécier le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.

Quant au zonage Aurore, qui aboutissait à exclure de nombreuses communes du fait de leur rattachement à une station d’observation parfois trop lointaine ou d’un bilan hydrique trop grossier, il a été fortement contesté.

Les faiblesses de ces outils ont limité l’état de catastrophe naturelle à 4 441 communes dans un premier temps, et l’insuffisante prise en compte du volume total de sinistres a été vécue à l’époque comme une véritable injustice.

La question des communes non classées mais limitrophes de départements entièrement déclarés en état de catastrophe naturelle a également soulevé des inégalités particulièrement criantes et mal vécues sur le terrain.

Il faut reconnaître que l’État n’est pas resté sourd à cette situation, poussé par la mobilisation des élus et des associations de sinistrés. Certes, la réponse est arrivée un peu tardivement, mais elle est arrivée quand même.

En effet, la loi de finances pour 2006 a permis d’aller plus loin, en prévoyant une procédure exceptionnelle d’indemnisation. Nous sommes nombreux sur ces travées, quel que soit l’endroit où nous siégions, à avoir regretté à l’époque la méthode retenue, qui n’a pas privilégié l’élargissement des critères de reconnaissance.

Sans méconnaître les contraintes liées à l’équilibre financier du régime CAT-NAT, le recours à une procédure exceptionnelle encadrée sur le plan budgétaire n’a pas permis de satisfaire toutes les demandes d’indemnisation. À ce jour, les 218,5 millions d’euros apportés par la loi de finances pour 2006 et par la loi de finances rectificative qui l’a suivie n’ont pas complètement rempli leurs objectifs. Des centaines de familles n’ont toujours pas pu faire valoir leurs droits résultant des dommages causés à leurs habitations, en particulier lorsque le phénomène de subsidence a décalé l’apparition des fissures.

C’est pourquoi, chaque année, afin de répondre aux attentes des assurés, mais aussi aux injustices constatées, nous demandons une rallonge dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Toujours en vain pour le moment, hélas… Compte tenu du nouvel effort budgétaire qui devra être fourni pour aider les victimes de la tempête Xynthia, l’exercice risque d’être encore plus périlleux l’année prochaine, s’agissant de la sécheresse de 2003. Cependant, nous ne manquerons pas de rappeler l’État à son devoir de solidarité nationale envers les sinistrés qui n’ont pas encore reçu le moindre euro.

Je souhaiterais d’ailleurs profiter de ce débat pour évoquer également la situation des agriculteurs. En effet, on a parfois tendance à oublier que certains d’entre eux ont fortement souffert de cette canicule historique.

Les cultures hivernales en particulier, qui avaient déjà subi les effets d’un hiver très froid et d’un gel tardif, furent atteintes par la vague de chaleur qui débuta en juin 2003, avançant ainsi le développement des récoltes de dix à vingt jours, ce qui n’est pas négligeable. Une maturation hâtive, entamée de surcroît sur un sol très desséché, a entraîné des baisses vertigineuses de rendement, en particulier pour le fourrage dont le déficit avait atteint 60 % dans notre pays. Mais les cultures de pommes de terre et le secteur viticole ont aussi été très sérieusement touchés par le manque d’eau.

Les agriculteurs sont donc aussi les grandes victimes de ces intempéries : le temps, qui est parfois leur allié, peut aussi très vite devenir leur ennemi le plus redoutable.

Les exploitants de la côte atlantique viennent de le vivre en voyant une tempête extrême anéantir complètement des installations agricoles et des parcs à coquillages. Certes, un soutien spécifique de l’État est à chaque fois mis en place, mais les plans agricoles s’avèrent bien souvent insuffisants pour répondre à tous les dégâts et, surtout, aux pertes de revenus consécutives aux sinistres sur les exploitations.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je suis attaché à la mise en place d’une assurance récolte pérenne destinée à répondre plus parfaitement aux demandes d’indemnisation des agriculteurs. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de débattre dans cette assemblée d’une proposition de loi que j’avais déposée sur ce thème. Mais ce texte, malgré l’intérêt suscité et le succès d’estime reçu, n’a pas été adopté. On peut le regretter, mais je compte poursuivre ce débat, une nouvelle proposition de loi ayant été déposée avec le soutien de mes collègues du RDSE.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce thème qui soulève beaucoup de questions. L’excellent et très complet rapport de nos collègues Éric Doligé, Jean-Claude Frécon et Fabienne Keller mériterait sans doute de connaître des prolongements législatifs, tant il est riche de propositions particulièrement pertinentes. Il est important, en effet, de mieux réparer les risques, de mieux les assurer, mais aussi, si possible, de mieux les prévenir. La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes est une réalité qu’il nous faut désormais prendre en compte, dans l’intérêt de tous nos concitoyens. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sept longues années se sont écoulées depuis la sécheresse de 2003, plus longues encore pour les victimes de cette catastrophe naturelle, qui souffrent toujours de vivre dans des maisons fissurées et qui espèrent que les pouvoirs publics vont enfin entendre leur désarroi.

Comment imaginer qu’en avril 2010 ce dossier ne soit toujours pas clos, que des familles continuent de subir les conséquences de ce phénomène climatique et que leurs dossiers de demande d’indemnisation n’aboutissent pas ?

Certes, la sécheresse de 2003 a été d’une exceptionnelle gravité. Mais force est de constater que la source du blocage à laquelle nous sommes confrontés sur ce sujet provient essentiellement du refus du Gouvernement d’y apporter les réponses satisfaisantes en temps voulu.

Pourtant, la question de l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse de 2003 a déjà fait l’objet de nombreux débats depuis 2006, lors de l’examen des différentes lois de finances et lois de finances rectificatives. À chaque fois, nous avons réitéré avec constance nos demandes d’indemnisation supplémentaire. Mais, à chaque fois, le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir.

Face à cette situation de blocage, et sur proposition du président Jean Arthuis, la commission des finances a décidé de créer en son sein un groupe de travail, dont j’étais membre. Celui-ci a accompli un important travail de réflexion, nourri par de très nombreuses auditions et par un déplacement sur le terrain dans mon département de l’Essonne. Pour la première fois, un bilan exhaustif de la sécheresse de 2003 a été effectué et des recommandations constructives ont été adoptées, à l’unanimité.

J’espère par conséquent que ce travail n’aura pas été produit en vain et qu’il sera suivi de mesures concrètes.

La sécheresse de l’été 2003 fut en effet exceptionnelle par son ampleur et les dégâts qu’elle a occasionnés : 138 000 sinistres ont été enregistrés mais, sur les 8 000 communes qui ont sollicité leur classement en catastrophe naturelle, seules 4 441 ont bénéficié de cette classification.

J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer les critiques développées à l’encontre des critères scientifiques qui ont fondé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, notamment sur le mode de rattachement de chaque commune aux stations de référence du zonage Aurore.

Le groupe de travail a d’ailleurs relayé ces critiques dans son rapport. Il a ainsi constaté que des communes pourtant limitrophes ont vu leur dossier être traité de façon différenciée, certaines étant reconnues en état de catastrophe naturelle alors que leurs voisines, rattachées à un autre centre météorologique, en avaient été exclues. Ainsi, dans mon département, particulièrement touché, cinquante-six communes ont été exclues de la procédure de catastrophe naturelle.

Les deux assouplissements des critères de reconnaissance, effectués en janvier et en juin 2005, se sont révélés finalement insuffisants puisque, comme le souligne le groupe de travail, de larges zones n’ont pas été reconnues.

Le premier constat que nous pouvons donc établir est le manque de fiabilité des critères appliqués pour reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle.

Le groupe de travail en appelle d’ailleurs à davantage de transparence de la part des pouvoirs publics sur ce point. En effet, nombreux sont les sinistrés qui se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles ces critères ont été assouplis, situation qui a fait naître chez eux un profond sentiment d’injustice dans le processus d’éligibilité de leur dossier.

Le second constat est le fait que s’est ajoutée à cette gestion très imparfaite des critères de reconnaissance l’inflexibilité du Gouvernement dans la mise en œuvre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation.

Plus personne sur ces travées ne conteste l’insuffisance de cette indemnisation d’un montant de 238,5 millions d’euros, mise en œuvre par l’article 110 de la loi de finances pour 2006, puis par la loi de finances rectificative pour 2006.

À l’insuffisance des sommes affectées est venue s’ajouter la complexité de l’instruction des dossiers. Le sentiment d’injustice provoqué par l’exclusion de certaines communes de la procédure de catastrophe naturelle a dès lors fait place à un profond désarroi chez les sinistrés, déconcertés par les procédures mises en place.

Outre la technicité des dossiers à constituer, l’exigence de deux devis détaillés à fournir dans des délais extrêmement courts, alors même que les professionnels se sont trouvés indisponibles face à un afflux de demandes, n’a fait qu’amplifier des disparités de traitement entre les requêtes des sinistrés.

De fait, les services de l’État n’ont disposé que de devis, voire de simples estimations ne portant parfois que sur les désordres observables, et non sur les causes structurelles des sinistres, alors que chacune des demandes aurait dû bénéficier de comptes rendus d’expertise élaborés avec le concours des compagnies d’assurance.

Au final, le montant des sommes débloquées pour mettre en œuvre la procédure exceptionnelle d’indemnisation s’est révélé insuffisant. Certains sinistrés n’ont pas du tout été indemnisés, tandis que d’autres l’ont été insuffisamment.

Cette situation a fait l’objet de nombreux débats dans cet hémicycle, sous l’impulsion des parlementaires de tous bords qui ont relayé les revendications des associations de défense des sinistrés de leurs départements.

Au cours de ces débats, plusieurs ministres se sont engagés à agir en faveur d’une solution équitable. Je ne citerai que Michèle Alliot-Marie, qui, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, répondait en ces termes à une question de notre collègue Jean-Pierre Sueur portant sur l’indemnisation complémentaire à apporter aux sinistrés : « Je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. »

M. Jean-Pierre Sueur. De belles paroles !

M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, si cet engagement avait été tenu,…

M. Jean-Pierre Sueur. Cela se saurait !

M. Bernard Vera. … nous n’aurions sans doute pas eu besoin de nous réunir aujourd’hui !

Vous comprendrez à quel point le constat est amer pour les personnes sinistrées toujours incapables de remettre en état des habitations lézardées, fissurées, fortement fragilisées. Elles se trouvent dans une profonde détresse, comme le groupe de travail a pu le constater lors son déplacement dans l’Essonne au mois de juin dernier. Depuis sept ans, elles sont confrontées à un mur de silence et d’incompréhension de la part du Gouvernement et n’attendent qu’une chose : qu’une solution digne leur soit enfin apportée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Cette situation justifie la mobilisation toujours très active des élus et des associations, afin de trouver une solution pour les dossiers qui restent ouverts. Dans l’Essonne, par exemple, sur 575 dossiers déposés en préfecture, les associations de défense des sinistrés estiment de 40 à 50, soit environ 8 % du total, le nombre de ceux qui ne sont pas encore clos.

Par ailleurs, le manque de transparence, les carences administratives, l’absence de procédure d’alerte des communes et les conditions d’indemnisation augurent mal de la gestion future de catastrophes naturelles aussi importantes que celle de 2003, alors que tous les experts s’accordent sur la probabilité d’une augmentation significative du risque de canicule. D’après les scénarios les plus optimistes, le nombre de jours de sécheresse sera multiplié par un facteur supérieur à cinq à l’horizon 2070.

Le groupe de travail s’est attaché dans son rapport à recenser les lacunes, les défaillances et les carences budgétaires qui maintiennent dans le désarroi et la détresse de trop nombreuses familles. Dans l’espoir de trouver enfin une solution à un passé qui ne passe pas, il a émis un certain nombre de recommandations sur la manière de gérer les suites de la sécheresse, les leçons à tirer pour l’avenir ou encore le régime de catastrophe naturelle, dont il a réaffirmé, à juste titre, le caractère protecteur, fondé sur le principe de solidarité nationale.

Plusieurs de ces recommandations peuvent être suivies d’effet très rapidement, monsieur le secrétaire d’État : leur mise en œuvre ne dépend que de la volonté du Gouvernement.

La première concerne l’instauration, avant la fin de l’année 2010, d’une procédure d’alerte et d’information des communes sur les risques liés au phénomène de subsidence. Les maires des communes situées en zone d’aléa argileux doivent être rapidement alertés sur les enjeux liés à ce phénomène et se voir adresser des consignes leur permettant de prendre en compte ce risque dans leurs dossiers d’urbanisme.

De plus, le groupe de travail souligne la nécessité d’apporter une aide aux collectivités particulièrement exposées, afin qu’elles puissent se doter de cartographies complémentaires à celles du BRGM, opérations potentiellement éligibles au Fonds de prévention des risques naturels majeurs.

La deuxième recommandation concerne l’utilisation du reliquat du fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation. Selon le ministère de l’intérieur, le montant encore disponible s’élèverait à 1,833 million d’euros. Il devrait donc, selon nous, être exclusivement consacré au versement des aides en faveur des victimes de la sécheresse. Alors que l’enveloppe budgétaire est déjà faible, il est difficilement compréhensible qu’elle ne soit pas utilisée dans son intégralité.

La troisième recommandation est particulièrement attendue par les personnes sinistrées : elle suppose la mise en œuvre, par le Gouvernement, d’une vague complémentaire d’indemnisations, qui seraient réservées aux personnes ayant déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, l’État doit réparation aux sinistrés qui n’ont bénéficié d’aucune aide financière et à ceux dont les indemnités ont été insuffisantes en raison de la complexité des procédures d’instruction.

Au cours de sa mission, le groupe de travail a pu constater que « la gestion de la sécheresse 2003 avait suscité, chez les personnes sinistrées comme chez beaucoup d’élus locaux, un désarroi profond et durable ». La persistance et la vivacité de certaines revendications imposent désormais de solder positivement ce douloureux dossier.

C’est un devoir de solidarité que l’État doit assumer, en raison de l’absence de fiabilité des procédures de classement en état de catastrophe naturelle et de l’insuffisance des montants affectés à la procédure d’indemnisation exceptionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, il est impératif que, sept ans après, le débat débouche enfin sur le règlement définitif de cette catastrophe. Je souhaite que le Gouvernement s’engage en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean-Paul Alduy applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si nous sommes réunis ici ce matin, c’est grâce à M. le président de la commission des finances, qui a pris l’initiative de constituer un tel groupe de travail, sans doute fatigué d’entendre depuis plusieurs années les revendications régulièrement réaffirmées d’une poignée de sénateurs…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne suis jamais fatigué ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. J’ai moi-même, comme mon collègue Bernard Vera, été membre de ce groupe de travail. Outre M. Arthuis, je tiens donc également à remercier ses rapporteurs, Mme Keller et M. Frécon et, bien sûr, son président, M. Doligé, qui a mené nos travaux de main de maître.

Monsieur le secrétaire d'État, c’est une longue marche, à laquelle ont pris part trois séries d’acteurs, qui nous a conduits aujourd'hui à évoquer la catastrophe naturelle qu’a représentée la sécheresse de 2003, notamment, car, si celle-ci n’est pas un cas isolé, elle a tout de même été, tous mes collègues l’ont dit, d’une ampleur exceptionnelle.

Au premier rang des acteurs figurent les associations et les collectifs de sinistrés, qui ont su s’organiser dans les départements les plus touchés, dans le mien, la Seine-et-Marne, mais aussi dans l’Essonne et le Loiret. Des coordinations interdépartementales se sont même créées, comme en Île-de-France.

Les maires se sont également mobilisés, en constituant, eux aussi, des collectifs. Devant la non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et tous les dysfonctionnements précédemment évoqués, ils ont porté le fer devant le tribunal administratif. Si les communes de Seine-et-Marne, dont je veux saluer les maires présents aujourd'hui en tribune, notamment le président de la coordination, ont été déboutées, elles ont fait appel.

Bien évidemment, il faut aussi saluer les initiatives engagées par les sénateurs des départements concernés. Dès 2004, Claude Biwer a déposé une proposition de loi et, l’année suivante, avec plusieurs de mes collègues, dont Jean-Pierre Sueur et Daniel Reiner, j’ai fait de même au nom du groupe socialiste.

Ces deux textes, qui ont finalement été débattus, réclamaient la transparence, l’équité, la responsabilisation des acteurs, la proximité, autant d’exigences que l’on retrouve dans les conclusions tirées par les rapporteurs du groupe de travail.

À l’époque, le groupe socialiste, bien qu’un peu déçu par le débat qui ne lui avait pas donné entière satisfaction, s’était rallié à la proposition de loi de Claude Biwer, amendée mais insuffisante à ses yeux, et l’avait votée. Le problème, c’est que ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et que le Gouvernement n’y a pas donné suite par voie réglementaire, alors qu’il aurait pu le faire.

Toutefois, face à la mobilisation des associations et à l’opiniâtreté des sénateurs, le Gouvernement a instauré une aide exceptionnelle dans la loi de finances pour 2006, complétée dans la loi de finances rectificative pour 2006.

Monsieur le secrétaire d’État, lors de nos différents déplacements effectués dans le cadre du groupe de travail, à la préfecture de l’Essonne notamment, nous avons pu faire le constat suivant : contrairement à ce qui s’était passé en 2003, les services de l’État se sont réellement mobilisés pour cette aide exceptionnelle, même si nous avons identifié plusieurs faiblesses dans les modalités de sa mise en œuvre.

Je citerai simplement les réserves émises à cet égard par les représentants de la Fédération française du bâtiment lors de leur audition devant le groupe de travail. Elles résument bien, me semble-t-il, les dysfonctionnements constatés dans l’application de cette procédure exceptionnelle : défaut d’information des victimes, délais trop courts, consultation trop faible des professionnels en amont, enveloppe bien trop réduite – cela a été dit, je ne m’y attarderai pas –, gestion technique et financière réalisée en fait par les sinistrés eux-mêmes.

Au total, le taux de rejet des dossiers déposés dans le cadre de cette procédure exceptionnelle a été de 36 %. Loin de répondre à l’attente des sinistrés, elle a engendré de nouvelles et légitimes frustrations, car certaines plaies en voie de cicatrisation se sont rouvertes à cette occasion.

Des parlementaires irréductibles, pour la plupart présents ici ce matin, ont continué à se battre chaque fois qu’ils le pouvaient. Je remercie Jean-Claude Frécon d’avoir cité le département de l’Ardèche : à l’époque, notre collègue Michel Teston, qui ne pouvait assister à notre débat, en était le président du conseil général, et il s’était beaucoup battu pour la reconnaissance des sinistres.

Finalement, le groupe de travail fait un constat sévère de la gestion de la crise. Il souligne lui aussi avec force, après avoir procédé à de nombreuses auditions pendant plusieurs mois, l’opacité de la procédure, la réponse trop partielle et souvent injuste fournie par l’État, le dépassement des délais.

Au travers de ce rapport, notre objectif était que le dossier ne soit pas refermé, et il ne peut pas l’être. Nous avons voulu souligner la nécessité de renforcer la responsabilité des acteurs, élus locaux, constructeurs, propriétaires, l’État, bien sûr, responsable des politiques de prévention. Mais ce dernier, Mme Keller l’a rappelé, a visiblement du mal à assurer le financement, alors que c’est pourtant sa mission. Il y va ainsi de la cartographie des zones d’aléa argileux, élément essentiel pour les maires. Très souvent – c’est le cas dans mon département –, le conseil général finance cette action auprès du BRGM.

Aujourd'hui, c’est la question de la mise en application de nos recommandations qui est posée. Si le Sénat excelle dans la rédaction des rapports, en l’occurrence, il faut que nos propositions, toutes pertinentes, soient suivies d’effet.

Depuis l’adoption du rapport par la commission des finances en octobre dernier, nous avons eu de nouveau un débat lors de l’examen de la loi de finances pour 2010. Puisque la LOLF le permet, le groupe socialiste a présenté des amendements visant à affecter des crédits au programme de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », en vue, notamment, de passer enfin à une cartographie généralisée.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, s’était alors, ici même, engagée à ce que le reliquat des crédits votés pour l’aide exceptionnelle dans le cadre de la loi de finances pour 2006 soit affecté à l’indemnisation des victimes. Monsieur le secrétaire d'État, cela a-t-il été fait ?

La demande de renouvellement de l’aide exceptionnelle, que nous avions formulée dans ce même débat, a été rejetée par le Gouvernement.

Concernant le dispositif d’alerte, Mme Jouanno avait pris l’engagement de faire dans les trois mois, c'est-à-dire pour mars 2010, « un rapport complet, accompagné d’un calendrier sur la mise en place du dispositif d’alerte élaboré avec Météo France » ; elle avait toutefois refusé la demande de crédits formulée par le groupe socialiste et portant sur 10 millions d'euros. Cela avait amené Éric Doligé à déclarer ceci : « Je le répète, si un amendement de même nature est présenté à nouveau par mes collègues sur un texte quelconque pour essayer de faire face à cette situation, et si nous n’avons pas, dans trois mois, une réponse précise […], je le voterai. »

M. Jean-Pierre Sueur. C’était l’amendement prévoyant une dotation complémentaire de 180 millions d’euros !

M. Éric Doligé. J’attends un nouvel amendement !