M. François Patriat. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen, dont nous parlons depuis le début de notre mandature, devait être un texte d’avenir. En fin de compte, c’est un texte d’opportunité, et un rendez-vous manqué. Comment peut-on le défendre aujourd’hui ?

Au départ, comme l’a rappelé François Rebsamen, il comportait trois principes fondateurs, obéissait à une logique, répondait à une nécessité et comportait un objectif.

Pour ce qui est d’abord de la logique, il s’agissait de simplifier cet empilement de textes différents qui ont, certes, prouvé leur efficacité, mais qui devaient être clarifiés.

Pour ce qui est maintenant de la nécessité, il s’agissait d’accroître les économies, bien vendues à l’opinion publique dans le contexte de crise et de raréfaction des crédits publics que nous connaissons.

Pour ce qui est enfin de l’objectif, il fallait rapprocher les élus et les collectivités des citoyens, qui tous ne perçoivent pas clairement les différences entre les différents échelons.

En un mot, il fallait rendre plus efficace l’organisation territoriale.

Or plusieurs questions méritent d’être posées.

Le texte apporte-t-il des clarifications ? On constate que, pour des raisons impérieuses, petit à petit, les compétences imbriquées sont maintenues, pour la culture, pour le sport, pour le tourisme et la santé. Ainsi donc, toutes et tous l’ont dit, les financements croisés demeureront et, finalement, il n’y aura ni clarification ni simplification.

Y aura-t-il pour autant des économies ? On a cité bien des régions, mais permettez-moi de parler de celle que je connais le mieux. Il s’agit de passer de 57 conseillers régionaux à 135 conseillers territoriaux pour la Bourgogne, avec de surcroît un nombre différent de conseillers territoriaux selon les départements, sans que rien ne justifie cette disparité sinon une inégalité politique très crue que nous constatons chaque jour. Il n’y aura pas non plus, en la matière, d’économies.

Qu’en est-il du fameux couple département-région ? Je crois, monsieur le ministre, vous avoir déjà dit comment améliorer son fonctionnement. La Bourgogne, région que je préside certes momentanément, comporte quatre départements de couleur politique différente : les quatre présidents siégeront au sein de la même assemblée, sous l’autorité d’un président d’une sensibilité politique encore différente. Où sera la cohésion ? Où sera la cohérence de l’action qu’ils doivent mener tant sur leur territoire départemental que sur le territoire régional ? Personne, jusqu’à aujourd’hui, n’a pu me le dire.

Mais on voit bien poindre, sous couvert de cohérence entre les départements et les régions, une forme de cynisme, monsieur le ministre.

Depuis deux ans, vous nous demandez d’en faire toujours plus, de participer au plan de relance, au plan Campus, aux pôles de compétitivité, au financement d’autoroutes, de TGV et, dans le même temps, vous vilipendez chaque jour les collectivités, accusées de trop dépenser et de sortir de leurs compétences ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je prépare, comme d’autres parmi vous, mes chers collègues, le budget 2011. Le montant des dotations de l’État, force est de le constater, a à peine progressé. Cela s’explique à la fois par les bases de calcul, plutôt faibles, et par le poids du passé, en particulier pour la région Bourgogne. Or, si les montants n’évoluent pas, la perte de recettes des collectivités ne sera jamais compensée. En effet, au-delà de la réforme assassine de la taxe professionnelle (Protestations sur les travées de lUMP), qui, je vous le rappelle mes chers collègues, ramènera l’autonomie fiscale des régions à 10 % des ressources totales, nous ne pouvons demander ni une augmentation des bases ou des taux d’imposition, ni même une faible hausse de la fiscalité.

Mais il nous faudra tout de même faire face à nos engagements, ceux d’hier sur l’innovation, sur le plan Campus, ceux de demain sur les services à la personne, sur l’accompagnement du grand emprunt, et tout cela avec des ressources qui seront totalement bridées.

Dans le même ordre d’idées, il me faut citer à mon tour l’absence de la clause de revoyure. Permettez-moi de prendre un exemple. La réforme de la taxe professionnelle va faire évoluer les ressources de la région d’Île-de-France, qui passeront de 600 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros. Cela dit, j’en suis bien convaincu, l’Île-de-France ne percevra jamais les 600 millions supplémentaires. En revanche, pour la région Midi-Pyrénées, la réforme entraînera une baisse des recettes de 120 millions d’euros.

Or le calcul des dotations futures sera bien fondé sur ces nouveaux montants. Dès lors, l’absence de clause de revoyure renforcera encore les disparités entre les régions disposant de ressources - notez que je ne parle pas de régions riches -, et celles qui n’en ont pas parce qu’elles perdent des habitants, que la démographie ne suit pas et que les sièges des entreprises sont installés ailleurs.

Vous voyez bien que, là encore, ces régions seront dans une situation difficile et ne pourront assumer, demain, leurs responsabilités.

Concernant le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, beaucoup se sont déjà exprimés pour constater qu’il ne respecte ni la parité, ni la diversité.

Pour ce qui est de la parité, je vous invite à regarder les résultats des dernières élections régionales. Vous verrez que, au sein des exécutifs régionaux, la parité homme-femme est scrupuleusement respectée.

Pour ce qui est de la diversité, dans la région que j’ai prise en exemple, 20 % des élus sont issus de la diversité, et ce dans l’intérêt bien compris des territoires, et l’implication devrait être à l’avenir bien supérieure encore.

Mais tout cela va disparaître, du fait d’une réforme qui, je le dis devant un conseiller régional de Bourgogne, semble inaboutie.

Réforme inaboutie, oui, car l’objectif initial était de supprimer un échelon de collectivité. Mais, devant l’impossibilité de choisir entre le département et la région, on a reculé et décidé de créer des conseillers territoriaux qui siégeront dans les assemblées des deux échelons territoriaux, espérant qu’à terme le fait qu’ils fassent le même métier conduira à la suppression de l’un des deux.

Cette logique ne pourra pas prévaloir parce que, dans le même temps, la confusion des genres, la confusion des métiers, la confusion des objectifs, la confusion des compétences, loin d’amener à la simplification souhaitée, constituera une intrication supplémentaire, avec, à la clé, une perte d’efficacité territoriale.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est sûrement pas le moment de mener cette réforme, alors que la récession et la rigueur sont de mise - même si vous ne voulez pas l’avouer aujourd’hui – alors que seules les collectivités territoriales investissent encore dans les territoires, développent des projets, apportent des marchés aux entreprises. Confrontées à des difficultés financières réelles, contraintes à de véritables calculs d’apothicaires, notamment pour assurer leur marge brute face à des frais de fonctionnement qui augmentent mécaniquement, les collectivités territoriales investiront forcément moins.

Nos territoires sont donc menacés par le risque, signalé par tous, d’une récession venant s’ajouter à la récession, et donc d’une paupérisation venant accroître la paupérisation. Pour cette raison, nous ne pouvons pas aujourd’hui souscrire aux objectifs inavoués de ce texte, qui peut se résumer, en fin de compte, en un principe : des conseillers territoriaux, oui, mais pour plus de conseillers de droite et moins de collectivités de gauche !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On n’en sait rien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On aimerait bien !

M. François Patriat. Tel est votre objectif, mais il n’est pas tenable au regard de l’intérêt national. C’est pourquoi nous ne pouvons voter ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à l’une des innovations proposées par ce projet de loi qui va permettre, en lieu et place de nos anciennes communautés urbaines, dans les agglomérations de plus de 450 000 habitants, de créer une nouvelle catégorie d’EPCI : les métropoles.

Le texte nous propose également d’instaurer des pôles métropolitains, structures souples qui seraient, si j’en comprends bien l’esprit, un réseau de communautés d’agglomération dont les acteurs ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas, pour des raisons qui m’échappent un peu, je l’avoue, opter pour le statut de métropole.

Métropole et pôle métropolitain, voilà deux concepts intéressants pour peu qu’on les applique aux territoires appropriés, pour peu également que nous allions au bout de la logique qui nous pousse à imaginer un autre modèle d’organisation de nos plus grosses agglomérations.

Adéquation du périmètre, des compétences et du budget, voilà bien la règle d’or de toute organisation territoriale efficace. C’est donc sous cet angle qu’il convient d’examiner celle qui est aujourd’hui soumise à notre examen.

Malheureusement, si la voie tracée par ces nouveaux dispositifs est prometteuse, puisqu’il s’agit de mieux prendre en compte le fait métropolitain qui s’impose partout dans le monde comme une évidence, je ne peux que regretter le manque d’audace dont le texte fait preuve.

Une fois de plus, sur ce point certes délicat, nous nous apprêtons à ne pas trancher entre les vieux modèles, dont chacun mesure pourtant les limites, et les nouveaux, que nous portons sur les fonts baptismaux.

Alors que la simplification et la rationalisation sont les buts recherchés, pour une meilleure compréhension des institutions par nos concitoyens et pour une plus grande efficacité de nos politiques publiques, nous allons nous engager sur la voie de la non-décision et donc de la complexification, sans garantie aucune en termes de résultats.

Pourtant, paraphrasant le titre choisi par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur pour son rapport remis au Gouvernement sur l’organisation de nos collectivités territoriales, « il est temps de décider » !

Au lieu de cela, ce texte nous propose une nouvelle fois de nous en remettre à la sagesse légendaire des élus locaux, cette même sagesse qui a fait de la loi Marcellin de 1971 sur la fusion des communes un vœu pieu, sagesse qui a également eu pour effet que la première loi sur l’intercommunalité reste pratiquement lettre morte, sagesse enfin qui a fini, à partir de 1999, par lancer l’intercommunalité, uniquement, ayons le courage de le reconnaître, parce qu’il y avait à la clé, pour les communes, un sympathique effet d’aubaine…

Chacun connaît pourtant les conséquences de ce laisser-faire : des périmètres intercommunaux trop souvent incohérents, alors même que la loi donnait aux préfets la possibilité de l’empêcher ; une dépense publique en hausse significative, alors même que la recherche d’économies d’échelle, objectif affiché, aurait dû nous permettre de faire mieux et plus avec les mêmes enveloppes budgétaires.

Il s’agit bien évidemment, mes chers collègues, non de méconnaître ce que l’intercommunalité a apporté de positif, mais bien de pointer les dysfonctionnements de cette trop lente évolution afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, car, chacun le sait bien, ce que nous avons pu nous permettre en une période où les dotations aux collectivités locales progressaient globalement plus vite que l’inflation, nous ne le pouvons plus à l’heure du « zéro valeur ».

Nous n’avons plus d’autre choix aujourd’hui que de nous donner les moyens institutionnels de l’efficacité de la dépense publique ; or, concernant les métropoles, le texte qui nous est proposé ne me semble pas aller suffisamment loin.

M. Dominique Braye. C’est sûr !

M. Philippe Dallier. Quelques points particuliers nourrissent cette appréciation critique.

Il s’agit, tout d’abord, du caractère optionnel de ce nouveau dispositif, doublé de l’unanimité requise des collectivités qui composeront la future métropole.

Sur ce point, chacun le comprend bien, le risque est d’abord qu’il ne se passe rien, la loi n’imposant rien. Ce serait donc un nouveau coup d’épée dans l’eau !

Le second risque lié à ce refus d’imposer quoi que ce soit, pire encore à mon sens, serait de créer des métropoles sur des périmètres qui ne seraient pas pertinents, revenant ainsi aux erreurs des débuts de l’intercommunalité, comme si nous n’avions rien appris du passé.

Pourtant, après quarante années du régime des communautés urbaines, le périmètre pertinent de chacune de nos métropoles régionales est aujourd’hui clairement cerné. Les communautés urbaines devraient donc logiquement pouvoir se transformer en métropoles sur leur périmètre intégral, selon une logique de majorité qualifiée. Mais nous n’osons pas aller jusque-là !

Enfin, autre lacune, le statut des métropoles proposé par ce texte est à mon sens trop peu intégrateur, pour ce qui est tant de la fiscalité que des dotations ; pire que cela, le texte, modifié par nos collègues députés, contient une disposition qui s’apparente clairement à un nouvel effet d’aubaine que nous ne pouvons laisser passer et que la commission des finances propose d’ailleurs, à juste titre, de supprimer.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !

M. Philippe Dallier. Voilà, mes chers collègues, les raisons qui me font regretter que nous soyons si peu audacieux, si peu réformateurs, et ce à un moment de notre histoire où nous devrions prendre nos responsabilités et imposer par la loi ce qui ne s’imposera pas de soi, sauf à considérer que nous avons tout notre temps, quinze à vingt ans peut-être, sur la seule base du volontariat.

Or, nous le savons bien, il y a urgence ; le temps et l’argent sont bien les deux éléments qui nous font aujourd’hui le plus défaut. Pourtant, nous n’osons pas…

Mais il est un autre risque que pourrait receler ce texte, dans les dispositions relatives au pôle métropolitain.

En effet, si, en première lecture, M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a clairement précisé, en réponse à l’une de mes questions, que le statut de métropole ne serait pas applicable à la métropole parisienne, dont la particularité nécessitera un statut sui generis – ce fut l’esprit de sa réponse –, j’aimerais également obtenir la certitude que le statut de pôle métropolitain ne sera pas non plus applicable en Île-de-France, et ce pour la même raison.

Cette précision me semble en effet nécessaire, après le soudain et très récent engouement suscité par l’intercommunalité en première couronne parisienne, alors que, jusque-là, les élus n’y avaient guère été sensibles.

Il convient de s’interroger sur les raisons de ce revirement : l’effet d’aubaine n’ayant pas été le facteur déclenchant, il se pourrait que, pour certains élus locaux, le rejet de l’idée même d’une métropole parisienne, outil de gouvernance politique, ait été un puissant levier dans la prise de décision en faveur d’intercommunalités au petit pied, de 300 000 à 400 000 habitants, dans une métropole qui en compte 6 millions à 7 millions ; en quelque sorte des intercommunalités défensives.

Il ne faudrait donc pas que, au travers de ce dispositif des pôles métropolitains, il vienne à l’idée de certains que cela ferait, en région parisienne, une métropole politique d’autant plus acceptable qu’elle serait à coup sûr une coquille vide, poussant au passage jusqu’à l’absurde l’empilement des couches, puisque nous aurions alors cinq niveaux de gouvernance locale : communes, communautés d’agglomération, départements, pôle métropolitain et région, ce qui constituerait un record ridicule et serait la négation même de la métropole.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, afin de ne pas courir ce risque, je proposerai donc à notre Haute Assemblée de préciser les choses en inscrivant dans le texte que le dispositif du pôle métropolitain tout comme celui de la métropole ne peuvent s’appliquer, en l’état, au cas de la région d’Île-de-France.

Le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, nous a souvent répété que le débat sur la gouvernance politique viendrait en son temps, après l’adoption du texte mettant sur les rails son projet de Société du Grand Paris, et son métro automatique, censés d’abord faire rêver les élus, les Franciliens et les Français, avant de s’attaquer au sujet qui fâche.

Le texte en question a été adopté, mais voilà que Christian Blanc déclare maintenant que son ministère est biodégradable ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. C’était fumeux ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Il pourrait donc disparaître dans une volute de fumée (Exclamations amusées) sans qu’ait été ouvert le délicat dossier de la gouvernance.

Je ne peux donc que vous inciter, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, à vous saisir ardemment de ce dossier. En effet, alors que nous allons boucler cette réforme des collectivités territoriales qui contient de nouvelles dispositions, certes facultatives, sur l’organisation institutionnelle de nos métropoles, l’absence de toute disposition relative à l’Île-de-France devient de plus en plus inexplicable, et pour tout dire insupportable à toutes celles et ceux qui croient que seule une véritable métropole politique du Grand Paris permettra d’en assurer la cohésion urbaine et sociale, condition sine qua non du maintien de son statut de ville-monde.

Nulle part ailleurs que dans la métropole parisienne les déséquilibres territoriaux ne sont aussi importants ; nulle part ailleurs le besoin de vision partagée et de péréquation financière ne sont aussi forts. Pourtant, nous repoussons sans cesse le moment d’ouvrir le débat.

Je sais bien, comme le disait d’Aguesseau, sous les auspices duquel nous débattons, que « l’esprit le plus pénétrant a besoin du secours du temps pour s’assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières », mais je préfère, pour conclure, citer le philosophe Alain : « Les temps sont courts à celui qui pense, et interminables à celui qui désire ».

Il ne tient qu’à vous, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, et à nous, mes chers collègues, de réconcilier d’Aguesseau et Alain : il est temps de décider de l’organisation de la métropole parisienne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, le texte que vous nous présentez aujourd'hui, vous le savez, ne rencontre un écho favorable ni auprès des élus locaux ni sur les travées de notre hémicycle. J’ai entendu les propos des uns et des autres depuis le début de cet après-midi et je m’aperçois que les soutiens se font très rares…

C’est peut-être d’ailleurs Jean-Claude Gaudin qui exprimait le mieux, hier, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, le sentiment de la majorité : « C’est un texte que nous allons voter par discipline, mais qui ne donne satisfaction à personne ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Vive Gaudin !

M. Gérard Collomb. Comme encouragement avant d’engager un débat, on fait tout de même mieux !

Quand je dis que le texte présenté ce soir suscite toutes les réticences et toutes les oppositions, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je devrais préciser que celles-ci ciblent une partie du texte, celle qui concerne la création du conseiller territorial.

Pour le reste, en effet, grâce à l’engagement des associations d’élus, grâce aussi – je veux le souligner – à la compréhension du rapporteur et du président de la commission des lois, la partie qui a trait aux rapports entre communes, métropoles et pôles métropolitains me semble aujourd'hui équilibrée.

Nous ne sommes plus dans une conception où la métropole nouvelle concentrait toutes les compétences, toutes les recettes, sans pour autant avoir la légitimité d’un vrai suffrage universel. Si le texte issu des travaux de la commission des lois n’est pas, dans les jours prochains, bouleversé en séance, s’il n’est pas remanié par l’Assemblée nationale ou lors de la commission mixte paritaire, il permettra à un certain nombre de grandes agglomérations d’avoir des compétences intégrées qui leur permettront d’agir tout en respectant l’autonomie des communes.

Quant au pôle métropolitain, si le Gouvernement n’en entrave pas demain la constitution et le fonctionnement, il me semble à même de créer une vraie dynamique, susceptible de s’adapter à toutes les réalités, celles des grandes agglomérations comme celles des plus petites. Ce sera sans doute, à l’avenir, l’un des éléments les plus porteurs.

Non, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je crois que le problème n’est pas là. Il est, vous le savez, dans la création de cet « élu génétiquement modifié » que sera demain le conseiller territorial.

Personne n’a vraiment compris la finalité de sa création.

S’agit-il de diviser par deux le nombre d’élus pour réduire le volume des indemnités ? Mais les conseillers territoriaux, mi-conseillers généraux, mi-conseillers régionaux, devront demain exercer leur fonction à plein temps, et donc se posera la question de leur indemnité. Où seront alors les économies ?

S’agit-il d’aller doucement vers la suppression des départements, comme on l’entend ici ou là ? Je m’interroge bien plutôt sur les marges d’action, demain, d’un président de région qui, comme le soulignait notre collègue François Patriat, comptera dans son assemblée cinq ou six présidents de département bien décidés à défendre leur propre territoire. Eh bien, je salue le courage de ceux qui présideront ces nouvelles assemblées !

M. Didier Guillaume. C’est sûr !

M. Gérard Collomb. S’agit-il de clarifier les compétences entre départements et régions ? Elles me semblent aujourd'hui assez claires : au département, les politiques de proximité, les politiques sociales ; à la région, les grandes politiques transversales dans le domaine économique, dans le domaine des transports, des politiques qui commencent aujourd'hui à unifier nos régions autour d’un projet commun.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, j’ai peur qu’au total cette réforme n’aboutisse à un très grand gâchis.

Alors, la question se pose : quel est le but véritable de cette réforme ? Il me paraît, hélas, bien prosaïque.

Je n’ai jamais pensé que le Président de la République, auquel j’accorde par ailleurs, sur tel ou tel aspect, un grand crédit, soit un très grand décentralisateur. Il me semble que les collectivités locales ne sont pas son premier souci.

Mme Éliane Assassi. Elles votent mal !

M. Gérard Collomb. Alors, pourquoi tant d’ardeur sur ce projet de loi ? Tout simplement parce que, dans les conseils généraux et régionaux, aujourd'hui, les majorités ne sont pas exactement celles qui sont souhaitées. Donc, évidemment, plutôt que de gagner sur le terrain, mieux vaut redécouper la carte électorale !

Mes chers collègues, nous le savons tous – vous l’avez dit vous-même, monsieur Mercier, pour le département du Rhône – le redécoupage est d’ores et déjà à l’œuvre. La majorité espère ainsi gagner et les conseils généraux et les conseils régionaux.

On nous répond que tous les gouvernements ont fait des redécoupages de cantons dans le passé. Oui, mais, mes chers collègues, c’était à la marge ; on créait quelques cantons supplémentaires.

Cette fois, c’est l’ensemble de la carte électorale qui est redécoupée. Un certain nombre de nos collègues – ils appartiennent plutôt à la majorité – arguent qu’ils travaillent déjà avec les préfets. Mais quelqu’un a-t-il été convié, sur les travées de l’opposition, à examiner le redécoupage des cantons envisagé ? Non !

La preuve est faite que là est le véritable but de ce projet de loi. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, je connais bien votre conseiller, M. Fabre-Aubrespy, car il a déjà procédé au redécoupage de ma circonscription, voilà vingt ans. Aujourd’hui, il est à l’œuvre sur les cantons.

Avec cette réforme au but si prosaïque, vous passez aujourd'hui à côté d’une grande nécessité. Le mouvement du monde fait que, partout, apparaissent de grandes collectivités, de grandes métropoles, sur lesquelles les États peuvent s’appuyer afin de permettre à leur pays d’aller de l’avant.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ne se rend pas compte aujourd'hui des efforts des collectivités. Il ne mesure pas combien elles contribuent à la richesse de notre pays. J’ai peur, si vous continuez de la sorte, que notre pays ne continue de s’enliser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Dominique Braye. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme en première lecture, je centrerai mon intervention sur le volet intercommunal du projet de loi.

D’ores et déjà, nous pouvons nous féliciter que la première lecture de ce texte par les deux assemblées ait permis de concrétiser une volonté partagée de donner une nouvelle ambition à l’intercommunalité, après les grandes étapes législatives de 1992, de 1999 et de 2004. Il me semble que nous sommes parvenus à préserver les grands équilibres fondateurs de l’intercommunalité, tout en l’inscrivant dans une nouvelle dimension.

Ainsi, un large consensus s’est dégagé en faveur de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité avant la fin de ce mandat, mais aussi en faveur de son ancrage démocratique dans la vie locale et de la mutualisation des compétences et des moyens.

Fidèles à l’esprit du mouvement intercommunal, nous avons souhaité privilégier l’accord local par rapport à la règle uniforme, notamment en ce qui concerne la répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires. L’intercommunalité doit en effet demeurer « coopérative » et il est fondamental que les élus municipaux en restent les chevilles ouvrières. Cela a été dès le départ la clef de voûte de l’intercommunalité et cela doit le rester.

L’intercommunalité est aujourd’hui bien davantage qu’un simple outil. Elle est devenue, si vous me permettez cette référence au fondateur de la Ve République, « une ardente obligation ».

L’intercommunalité à fiscalité propre doit aujourd’hui être en mesure de porter de véritables projets de territoire. Pour cela, il faut renforcer les solidarités financières locales et assurer la mise en cohérence des politiques publiques locales.

Les stratégies intercommunales de développement local permettent de remplacer la concurrence stérile et contre-productive entre communes voisines par une dynamique d’action sur un territoire commun.

Le succès quantitatif de l’intercommunalité – 95 % des communes sont déjà concernées – doit désormais, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, être complété par un succès qualitatif, c’est-à-dire par l’existence de communautés dotées de périmètres pertinents, ce qui est, hélas, encore trop rare.

Il faut aujourd’hui penser l’intercommunalité en ayant une vision globale de sa mission et lui donner les moyens de son efficacité locale.

À cet égard, je me réjouis du volontarisme que traduit ce projet de loi et je souscris aux grandes orientations de ce texte. En période de crise, nous devons tendre vers l’optimisation de la gestion des deniers publics et, en ce sens, l’intercommunalité doit nous permettre demain de faire mieux avec moins.

L’excellent rapport consacré à la mutualisation des moyens, rédigé au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, nous incite à avancer en ce sens.

De la même façon, le rapport Carrez-Thenault, préparé en concertation avec les associations d’élus, confirme la nécessité d’une intercommunalité forte, garante de la péréquation au sein de nos territoires et de la maîtrise de l’évolution des dépenses du secteur communal. En effet, on s’aperçoit – enfin ! - que, loin d’être inflationniste, l’intercommunalité est source de rationalisation des dépenses et donc d’économies.

Parmi les points qui ont été améliorés figure, je l’ai mentionné, la répartition des sièges entre communes. Les options nouvelles ouvertes aux communes et aux communautés pour renforcer leur solidarité financière et mutualiser leurs moyens ont également été enrichies. Par ailleurs, les modalités d’achèvement de la carte intercommunale, la portée des schémas départementaux, le renforcement du rôle des CDCI, les commissions départementales de la coopération intercommunale, le renouvellement de leur composition, l’encadrement des pouvoirs du préfet sont autant de motifs de satisfaction.

J’en viens maintenant aux améliorations que l’on peut, à mes yeux, encore apporter à ce texte en seconde lecture.

Je commencerai par évoquer les métropoles.

Comme l’immense majorité de mes collègues, sauf ceux qui y trouveront localement une opportunité, je déplore qu’aucune avancée sérieuse n’ait été proposée concernant ce nouveau statut. En l’état, les métropoles sont ainsi des sœurs siamoises des communautés urbaines. Il aurait été plus simple d’offrir de nouvelles possibilités aux grandes communautés urbaines. Le résultat aurait été le même, mais, il est vrai, sans le mot emblématique de « métropole ».

Sur l’initiative de Dominique Perben, l’Assemblée nationale s’est efforcée de redonner du contenu au statut de métropole. Je ne vois d’ailleurs pas – je le dis à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur – de quel droit ceux qui craignent de franchir ce pas empêcheraient ceux qui souhaitent avancer de le faire, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sauf si on les y forçait !