M. le président. L’amendement n° 312 n’a en effet plus d’objet.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Sido, Doligé, Leroy, Poncelet, Trillard, Dufaut et Pointereau, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer le mot :

territoires

par le mot :

cantons

II. - Alinéas 3 et 5

Remplacer le mot :

territoire

par le mot :

canton

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Avant de défendre cet amendement, qui me semble très important, je veux revenir sur l’amendement qui n’a pas été défendu…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, on n’en parle plus !

M. Bruno Sido. Je peux tout de même m’exprimer, monsieur le président de la commission, sur cet amendement qu’en ce qui me concerne j’attendais depuis une heure et demie !

Je le dis gentiment, il est tout de même assez surprenant que ceux-là mêmes qui défendent depuis une heure et demie aujourd'hui les départements et les conseils généraux puissent vouloir supprimer l’expression de « conseil général », connue depuis longtemps. Est-il nécessaire de rappeler que cette institution est en effet plus vieille que la République puisque c’est Louis XVI qui a signé le décret de création des départements ?

M. David Assouline. Cela ne lui a pas réussi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bruno Sido. Quoi qu’il en soit, j’en viens à l’amendement que plusieurs de mes collègues ont cosigné avec moi, et je les en remercie.

On l’a vu dans la discussion qui vient d’avoir lieu, il y a une confusion sur les territoires et les cantons comme sur les limites administratives et les circonscriptions électorales.

Le canton, je le rappelle, n’a jamais été qu’une circonscription électorale, et ce n’est pas parce que c’est au chef-lieu de canton que se tenait le conseil de révision ou que la gendarmerie était présente dans chaque canton que cela en faisait autre chose.

Un sénateur du groupe socialiste. Il y avait aussi une justice de paix.

M. Bruno Sido. C’est vrai, mais ce n’est plus le cas depuis longtemps.

Le canton est par conséquent, à ce jour, une circonscription électorale. On voudrait que, demain, la nouvelle circonscription électorale soit dénommée « territoire ».

Pour que nos concitoyens ne perdent pas leurs repères, je propose donc tout simplement que, dans l’article 1er AA, on remplace le mot « territoire » par le mot « canton ».

Ce n’est en effet pas au changement d’appellation que tient la portée de cet article et, mes chers collègues, il me paraît inutile, au-delà de la réforme majeure à laquelle nous procédons, de brouiller l’image en modifiant des appellations auxquelles nos concitoyens sont très attachés. (Mlle Sophie Joissains ainsi que MM. Nicolas About et Bruno Retailleau applaudissent. – Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 573, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le territoire est constitué par la réunion de deux cantons.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 33, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 315, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

territorial

par le mot :

départemental

et le mot :

général

par le mot :

départemental

Cet amendement n’a plus d’objet.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 10 rectifié bis ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je comprends la logique de M. Sido, mais je voudrais que nous en examinions ensemble les conséquences.

Un conseiller territorial est élu sur une circonscription électorale qui, très logiquement, porte le nom de « territoire ».

Le canton est une notion administrative et électorale.

L’aspect électoral « tombe » puisque, par définition, seront désormais élus des conseillers territoriaux, mais l’aspect administratif doit subsister.

Je rappelle en effet que, dans les cantons, il y a des chefs-lieux de canton, auxquels sont attachés certains avantages, par exemple, pour prendre un exemple tout simple, la majoration des indemnités du maire.

M. Nicolas About. Si on nous prend par les sentiments… (Sourires.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Par ailleurs, et sur ce point je suis tout à fait d’accord avec M. Sido, les gens sont très attachés aux cantons : si on supprime ces derniers, ils devront se situer sur des territoires beaucoup plus grands.

Après de nombreuses réflexions, la commission des lois s’est aperçu des conséquences que pourrait avoir le maintien de l’appellation « canton » en tant que circonscription électorale. Elle a jugé préférable de retenir la dénomination « territoire » pour la circonscription électorale et de maintenir la notion de canton pour les fonctions administratives. Certains chefs-lieux de canton, en raison du bassin de vie, sont très contents de garder ce titre et nous ont fait part de leur attachement à cette notion. (M. Alain Fauconnier s’exclame.)

J’ai pris l’exemple de l’indemnité, car c’était le plus mauvais qui puisse être retenu. (Sourires.) Mais en aucun cas, il ne peut avoir un effet dissuasif.

Pour toutes ces raisons, monsieur Sido, la commission des lois vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 10 rectifié bis, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je souhaite également que M. Sido retire son amendement.

M. François Patriat. Où est la simplification ?

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. J’approuve le présent amendement, même si je ne l’ai pas cosigné. Cela ne me gêne pas du tout que le nouveau territoire soit considéré comme l’équivalent du canton.

La réforme qui nous est soumise a pour objet de créer le conseiller territorial. Mais pour quelle raison le territoire considéré ne pourrait-il pas être dénommé « canton » ? Il s’agit d’une question de pure sémantique. Pourquoi avoir des états d’âme ou se déchirer pour une question de nom ?

Par ailleurs, selon moi, le canton n’est pas une circonscription administrative, malgré l’existence du chef-lieu de canton. Pour cela, il faudrait que des services administratifs fonctionnent à l’échelon du canton. Or tel n’est pas le cas. Comme l’a dit Bruno Sido, autrefois il y avait les juges de paix. Mon grand-père exerçait d’ailleurs cette fonction lorsqu’il était conseiller général du canton dont je suis élu. Aujourd’hui, cela n’a plus de sens. Allons jusqu’au bout de la réforme ! Soit la notion de territoire est retenue et celle de canton disparaît, soit, eu égard à l’attachement à la notion de canton, le nouveau territoire est l’équivalent du canton. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement a des états d’âme sur ce sujet !

M. Alain Fauconnier. Je propose que l’on ajoute les paroisses ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Je souhaite revenir sur la notion de canton du point de vue de l’aménagement des territoires ruraux.

Le canton est non seulement une circonscription électorale, mais également une circonscription d’action de l’État.

Actuellement, nous essayons d’élaborer une charte avec l’ensemble des opérateurs de service public assurant la présence de services publics, comme la gendarmerie, la perception, dans le canton.

M. David Assouline. On ne le savait pas, ça !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Assouline, peut-être n’êtes-vous pas spécialiste de ces questions, mais ça peut venir un jour… (Sourires sur les travées de lUMP.) Je ne vous ai pas interrompu, je vous demande de me laisser m’exprimer !

Supprimer le canton en tant que circonscription d’action administrative reviendrait à priver de base tout maintien des services publics en territoire rural.

M. Alain Vasselle. Nous vous prenons aux mots, monsieur le ministre ! Nous allons désormais exiger que tous les services de l’État soient maintenus à l’échelon du canton !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Vasselle, comme vous êtes un éminent représentant de l’État, je suis certain de toujours pouvoir compter sur vous !

Monsieur Sido, je comprends votre remarque relative à la circonscription électorale, à savoir le maintien du nom « canton », car celui-ci a une signification pour nos concitoyens. Mais ne privons pas les territoires ruraux de la notion de canton comme base d’action des services publics et des services rendus au public, au risque de voir ces derniers s’éloigner de la population rurale. (M. David Assouline s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Il faut tout de même le rappeler, lors de leur redécoupage vers 1800 les cantons n’étaient que des circonscriptions judiciaires justifiées par l’existence des juges de paix.

M. Jean Louis Masson. En 1833, ont été créés les conseils généraux, dont les membres étaient désormais élus dans le cadre des cantons. Puis les juges de paix ont été supprimés. Par conséquent, le canton n’est plus qu’une circonscription électorale. (M. Gérard Longuet opine.)

M. Jean Louis Masson. Je suis surpris que d’aucuns, dans cette enceinte, soutiennent que le canton est une circonscription administrative alors qu’il n’est qu’une circonscription électorale ! C’est une pure illumination ! J’en veux pour preuve le fait qu’au cours des trente dernières années ont été créés, à tour de bras, des cantons par redécoupages successifs, sans que la vie administrative soit modifiée.

Mme Dominique Voynet. Et la présence de la Poste ?

M. Jean Louis Masson. Pourquoi parler de circonscriptions administratives qui n’existent pas ? Cela démontre une analyse juridique insuffisante du problème !

Quoi qu’il en soit, dans la mesure où sont créés des conseillers territoriaux, il est normal et logique que ces derniers soient élus dans une circonscription appelée « territoire ». Soyons cohérents du point de vue de la terminologie ! L’actuel débat ne sert à rien !

L’argument avancé par le Gouvernement ne tient pas ! L’amendement n° 10 rectifié bis n’est pas très cohérent. Le bon sens veut que l’on élise un conseiller régional dans une circonscription régionale et un conseiller territorial dans une circonscription territoriale. (MM. Jacques Gautier et Pierre Bernard-Reymond applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. Je partage totalement les propos de M. Masson. Je rappelle que, indépendamment de l’existence du juge de paix, le découpage du canton était lié à la nécessité de pouvoir effectuer le trajet à cheval aller-retour dans la journée entre toutes les communes et le chef-lieu de canton, et entre les cantons et l’arrondissement…

M. Bruno Sido. En montagne !

M. Paul Blanc. … en montagne, effectivement.

Dans mon département, le nombre de conseillers territoriaux sera, paraît-il, identique à celui des élus actuels, soit 31.

Mme Françoise Cartron. Parce que vous êtes de droite !

M. Paul Blanc. Mais certains cantons comprennent 1 050 habitants, tandis que d’autres en comportent 20 000. Il est bien évident que les cantons moins peuplés disparaîtront. De fait, les chefs-lieux de canton n’existeront plus. Il y aura un territoire.

Je comprends le souci du Gouvernement mais peut-être devrait-il négocier avec le directeur de La Poste, avec la gendarmerie pour faire en sorte que dans les anciens chefs-lieux de canton demeure une poste ou une gendarmerie. (M. David Assouline s’exclame.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement montre à quel point la confusion règne !

M. Gérard Longuet. Absolument pas !

Mme Évelyne Didier. Je comprends parfaitement l’initiative de Bruno Sido et de quelques autres collègues ainsi que l’intervention de M. Masson.

M. Jacques Blanc. C’est le débat !

Mme Évelyne Didier. Jusqu’à présent, le mot « territoire » était, en quelque sorte, générique : il pouvait remplacer les appellations « pays », « communauté de communes », « canton ». Je vous prédis un certain nombre de difficultés, mes chers collègues.

Par ailleurs, trois appellations – communauté de communes, canton et territoire – désigneront des espaces géographiques sensiblement identiques qui se recouvriront plus ou moins. Le citoyen aura bien du mal à comprendre ! Tel mot sera employé lors de la désignation d’un conseiller, tel autre concernera les questions électorales. En matière de DGF, de surcroît, les chefs-lieux de canton ne sont pas anodins.

Les auteurs de l’amendement n° 10 rectifié bis voulaient clarifier la situation. Or le défaut initial est bien la création des conseillers territoriaux par le présent projet de loi. (M. Alain Fauconnier applaudit.)

M. Bruno Sido. Cet amendement, vous le votez ou vous ne le votez pas ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Compte tenu des propos que vient de tenir ma collègue Évelyne Didier, je serai brève.

Vous voulez garder la fiction des chefs-lieux de canton car vous avez bien du mal à faire accepter par les élus des territoires ruraux la création du conseiller territorial, véritable OVNI. Vous affirmez que les chefs-lieux sont attachés à la notion de canton. Vous soutenez que les services de l’État sont encore organisés au sein des cantons. Mais tel n’est pas le cas !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Si ! Allez en province !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, ce n’est pas le cas ! En raison de la réforme de l’État engagée à toute vitesse, les services publics sont de moins en moins organisés ainsi.

Votre attitude est source de confusion pour nos concitoyens. Le territoire est un terme générique : tout est territoire.

Voilà un certain temps, vous nous avez annoncé que les conseillers territoriaux seraient élus dans des cantons élargis, dans une circonscription correspondant à la circonscription législative. Vous avez déjà modifié les cantons électoraux je ne sais combien de fois ! Vous justifierez un tel élargissement par la disparition du cheval et de la charrette… Ce n’est plus un millefeuille, c’est un embrouillamini ! Personne ne s’y retrouvera !

Quant à l’argument relatif à l’organisation de l’État, vous avez oublié la réforme de La Poste ! Toutes les agences postales sont à la charge des collectivités locales : tout dépendra de leur bon vouloir ! Où est votre logique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Alain Fauconnier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Dans un premier temps, nous avions déposé un amendement de suppression. Mais l’amendement n° 10 rectifié bis est excellent et règle mieux le problème.

L’article 1er AA dispose : « Le territoire est une circonscription électorale dont les communes constituent un espace géographique économique et social homogène. » Comment imaginer alors le maintien des autres circonscriptions ? On peut créer ces nouveaux espaces – on restructure bien les cantons régulièrement –, quelle que soit leur dénomination ! (M. David Assouline s’exclame.) Mais tenter de conserver les cantons uniquement pour maintenir les avantages de certains élus de chefs-lieux de canton serait incompréhensible !

Monsieur Paul Blanc, c’étaient non pas les chefs-lieux de canton mais les chefs-lieux de département qui devaient pouvoir être atteints en une journée à cheval. Sinon, on aurait pu aller prendre le thé et rentrer chez soi trois ou quatre fois dans la journée ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, je soutiens l’amendement n° 10 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Il s’agit d’un débat purement sémantique !

M. Jean-Marc Juilhard. Complètement !

M. François Fortassin. Comme le territoire est créé, théoriquement, ses élus devraient être dénommés « conseillers territoriaux ». Mais, aujourd’hui, l’élu des cantons est le conseiller général, et non un conseiller cantonal. Lorsqu’on parle de canton, nos concitoyens comprennent.

Je soutiendrai l’amendement de M. Sido.

Certes, il nous faut, dans cette maison, ménager la courtoisie nécessaire à nos échanges et respecter les nuances de la langue française, mais, pour parodier Louis-Ferdinand Céline, j’ai l’impression que le présent débat s’apparente à de la sodomisation de diptères ! (Sourires.)

M. Josselin de Rohan. C’est osé !

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.

M. Jackie Pierre. Je ne partage pas tout à fait l’analyse de mon collègue et ami Bruno Sido.

Nous allons créer de nouveaux territoires, regroupant un, deux ou trois cantons, en fonction de leur taille actuelle. Pour conserver à cette nouvelle entité le nom de canton, il nous faudrait sacrifier les autres dénominations ? Je ne suis pas d’accord !

Il faut maintenir l’appellation des cantons actuels. Si l’on crée de nouveaux territoires, il faudra les baptiser autrement et cela simplifiera les choses ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Hier soir, M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, nous tançait, nous reprochant aux et aux autres de mener un débat de commission et nous invitant à nous reprendre.

Chers collègues, monsieur Longuet, n’avez-vous pas le sentiment que vos rangs mêmes sont parcourus d’une certaine contradiction en la matière ?

Nous sommes en pleine caricature et nos débats sont l’illustration parfaite de ce qu’est ce projet de loi.

Rappelons-nous, quel était l’objectif du Gouvernement ? Simplifier et clarifier. On voit le résultat : nous en sommes à discuter des voies et moyens pour tenter d’ancrer sur un lopin de terre un conseiller territorial dont on ne sait pas ce qu’il fera ni comment il sera élu ! Et nous avons même des difficultés à donner un nom à ce lopin de terre !

Hier, on nous appelait à la modernité. Il y avait, disait-on, d’un côté, les archaïques et, de l’autre, les modernes.

M. Alain Vasselle. Les conservateurs et les progressistes !

M. Marc Daunis. Et voilà qu’aujourd’hui, pour toute défense, le rapporteur nous déclare qu’il ne faut pas désespérer les chefs-lieux de canton… Je sens là en effet une grande modernité dans le propos !

À l’instant où nous parlons, nous avons donc, dans le cadre de la simplification du millefeuille, supprimé le pays - et encore, quand je dis « supprimé »… -, et ajouté, toujours pour simplifier, les communes nouvelles, les métropoles, le pôle métropolitain, tout cela sans la moindre certitude quant à la définition des périmètres des métropoles.

Si le millefeuille est au moins un objet identifié dans une pâtisserie, le résultat de la simplification tel que nous le constatons maintenant n’est même plus identifiable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un pudding !

M. Marc Daunis. Même un flan ou un pudding ont une forme connue !

Je le dis non sans une certaine tristesse parce que, derrière ce débat, il y a une réalité concrète, celle de la gestion souvent difficile de nos territoires, celle d’élus locaux qui portent ces territoires avec passion, celle de populations qui sont attachés à leurs élus avec lesquels elles tissent des liens de proximité.

Nous donnons aujourd’hui du Sénat une image qui n’est pas forcément la meilleure. Il serait peut-être préférable que nous abrégions les souffrances. Je lance donc un appel à certains de nos collègues : si nous pouvions supprimer certains articles et ne pas changer d’avis à la faveur de la nuit, nous aurions la possibilité de conserver une certaine cohérence au texte, du moins à ce qu’il en restera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Il est dommage que les pays aient disparu.

M. Michel Mercier, ministre. Ils n’ont pas disparu !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils sont en voie de disparition !

M. Alain Fouché. Ils dureront le temps des contrats, mais ils ne seront pas renouvelés.

Ces structures donnaient satisfaction, ne coûtaient pas cher et ont permis un certain nombre d’initiatives. Sur ce point, je ne suis donc pas tout à fait d’accord avec le Gouvernement.

Je trouve la proposition de M. Bruno Sido très bonne. L’aménagement du territoire ne doit pas relever de la technocratie et le bon sens doit prévaloir.

M. Marc Daunis. C’est vrai !

M. Alain Fouché. La dénomination « territoire » pose un problème de lisibilité, car elle ne signifie rien de précis, rien de concret pour nos concitoyens. On pourra bien dire que l’on est du territoire de Tours ou de La Rochelle, personne n’en saura plus pour autant !

Qu’est-ce qu’un territoire ? un quartier, une ville ? Le terme n’est ni précis ni concret.

À l’inverse, le canton est compréhensible et se réfère à une réalité connue. Même un « canton élargi », tout le monde comprend ce que cela signifie.

Je trouve donc la proposition de M. Bruno Sido très judicieuse.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je soutiendrai également l’excellente initiative de notre collègue Bruno Sido.

D’abord, le canton est une circonscription électorale.

Ensuite, puisqu’il y aura des conseillers territoriaux, rien ne s’oppose à ce que l’on retienne le terme « territoire ». Simplement, comme l’a fait remarquer François Fortassin, de même qu’aujourd’hui le conseiller général, bien qu’élu dans le canton, n’est pas un conseiller « cantonal », de même, demain, le conseiller « territorial » gérera non pas son « territoire » mais un département ou une région.

Parce qu’il n’y a pas de corrélation exacte entre un terme et un autre, rien n’est obligatoire.

Enfin, « territoire » est un terme générique. Il est source de confusion.

La modernité ne se limite pas aux mots ni à la sémantique. Il y a parfois des éléments de permanence et une histoire qu’il faut savoir conserver comme références, d’autant que les Français y sont attachés.

Nous serions bien inspirés de conserver cette excellente dénomination de « canton ». Vive les cantons de France ! (M. Alain Dufaut applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Voilà les comices agricoles du XVIe arrondissement !

M. David Assouline. Lorsque j’ai fait part d’une légère incompréhension, sentiment partagé d’ailleurs par beaucoup de mes collègues – le brouillard s’est encore épaissi depuis –, on m’a interpellé en me rappelant que je n’étais pas spécialiste.

Il est vrai que je souffre d’un travers que devraient d’ailleurs avoir tous ceux qui, comme moi, exercent une fonction politique, je veux dire le souci d’expliquer. Or, on explique bien quand on comprend bien.

Mon métier était d’enseigner l’histoire, l’art, mais aussi l’éducation civique. Et j’ai toujours eu du mal à expliquer à des enfants la partie du programme consacrée à l’organisation territoriale - avec les notions de « commune », de « département » - et, surtout, à leur faire comprendre pourquoi les élus des « cantons » étaient des conseillers « généraux ».

Mais il fallait expliquer, car c’est avec de tels repères inculqués au plus jeune âge qu’une nation se saisit d’une organisation politique et administrative. C’est très important pour savoir plus tard à quelle porte frapper, comment s’orienter, voter en connaissance de cause, sans confondre les scrutins !

Eh bien, quand j’entends ce débat, je me demande comment je ferais aujourd’hui mon cours ! Et j’invite chacun à s’imaginer dans cette situation pour savoir comment il s’y prendrait.

Pour ma part, j’expliquerais aux enfants le conseil municipal, la commune, la communauté de communes, mais aussi les agglomérations ; j’essaierais de leur faire comprendre que le conseil régional et le conseil général sont maintenus mais que leurs membres sont de nouveaux et singuliers élus nommés « conseillers territoriaux » ; que les cantons subsistent comme entités administratives mais sans aucune prérogative administrative. Et j’irais jusqu’à préciser que ces cantons sont maintenus parce que M. Michel Mercier, ministre, négocie la présence de bureaux de poste dans les chefs-lieux de canton !

Alors, non, en effet, je ne suis pas spécialiste mais, très franchement, et la question mérite d’être posée après un si long débat, de quoi serait-on spécialiste, dans ce tripatouillage qui n’a d’autre cohérence et d’autre ambition que d’essayer de reprendre des territoires à la gauche plutôt que de rationaliser l’organisation de la France ?

M. Josselin de Rohan. Bonne idée, la rationalisation !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’interviendrai non pas sur le fond mais sur la forme et je répondrai à notre collègue Marc Daunis.

Il y a, dans cet hémicycle, de véritables trésors d’intelligence et de bonne volonté au service du travail législatif, mais l’expérience prouve qu’il vaut mieux avoir des règles pour travailler et pour progresser.

M. Gérard Longuet. L’amendement de M. Bruno Sido suscite l’intérêt et la passion. J’aurais moi aussi souhaité contribuer au débat, surtout en apprenant que Louis XVI a signé l’ordonnance créatrice des cantons : cela me donnait une base légitimiste pour intervenir ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est capital !

M. Jean-Pierre Sueur. Louis XVI n’a pas bien fini !

M. Gérard Longuet. Mais enfin, mes chers collègues, soyons un peu responsables !

Cet amendement a été déposé en commission, et je prends à témoin notre rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois. Il a été examiné par nos collègues membres de la commission, qui ont débattu de cette hypothèse et ont pris position.

On peut, sur chaque amendement, reprendre le travail de la commission. Mais nous risquons, d’une part, de décourager les collègues membres de la commission, qui conduisent leur travail avec sérieux et profondeur en y consacrant tout le temps nécessaire, et, d’autre part, de dénaturer jusqu’à la caricature les travaux de l’hémicycle en faisant ici du travail de commission.

Je me garderai bien de parler au nom de l’ensemble de mes collègues. Je suggère néanmoins aux membres du groupe UMP, quel que soit l’intérêt qu’ils portent à ce débat, de suivre, par respect pour les travaux de la commission, les conclusions du rapporteur, qui a organisé le débat au sein de la commission et qui a établi le texte qu’elle nous propose.

Monsieur Sido, vous anticipez. En effet, si, comme je le souhaite profondément, les « territoires » finissent par s’imposer, je suis persuadé qu’il y aura un nouveau rendez-vous législatif, pour faire de ces « territoires » ce qu’étaient les anciens cantons. Et, comme nous sommes un pays conservateur, chacun aura à cœur de créer une association pour la défense de la mémoire du canton de Criquebœuf-le-Petit ! (Sourires.)

Autrement dit, gardons les territoires et gardons le travail de la commission, sinon nous risquons la paralysie pour nos débats et le ridicule pour notre assemblée ! (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)