Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai déjà fait part de mes réserves à l’égard de la généralisation de la vidéosurveillance.

L’article 17 ne se contente pas d’organiser le cadre juridique de la vidéosurveillance : de manière plus offensive, il procède à une véritable privatisation de cet outil, qui pourra désormais être utilisé par des opérateurs privés pour quadriller l’espace public.

La possibilité offerte aux personnes morales de droit privé de mettre en œuvre un système de vidéosurveillance sur la voie publique a pour conséquence la privatisation graduelle de cet espace, sous couvert de lutte contre le terrorisme, le vol ou les agressions.

Ces motifs flous vont permettre un quadrillage toujours plus important de l’espace public par des caméras, dites aujourd’hui de vidéoprotection, mais qui ne réduisent en réalité que le champ du respect de la vie privée des individus.

Demain, chaque coin de rue sera filmé, non pas par des caméras installées par l’État, mais par des caméras privées, à l’usage privé d’opérateurs privés.

En effet, la personne qui se promènera dans la rue, aux abords des installations et bâtiments, sera filmée, enregistrée, et n’aura aucun droit sur ces images. En revanche, si elle entre dans le bâtiment, un autre cadre juridique s’appliquera : elle sera informée de l’existence d’un système de vidéosurveillance, et pourra alors consulter les images.

Deux régimes juridiques, l’un sans aucune protection et l’autre beaucoup plus protecteur, vont donc s’appliquer à la même personne filmée par le même système de vidéosurveillance. Il est absurde qu’une personne soit moins bien protégée devant un bâtiment qu’à l’intérieur : le même régime protecteur doit s’appliquer dans les deux cas de figure, avec les mêmes droits d’accès et les mêmes droits à la protection de l’image.

Vous avez choisi une protection à géométrie variable du droit à la vie privée pour opérer une privatisation scandaleuse de l’espace public, tout cela au mépris des libertés individuelles.

Telle est la vraie question de fond : l’État organise la privatisation de la sécurité publique, en donnant à des opérateurs privés la possibilité de visionner et d’épier l’espace public. Nous trouvons cette orientation très grave.

L’État cherche à se défausser d’une mission de service public sur le secteur privé. Nous savons que la vidéosurveillance a un coût : au lieu d’assumer sa politique, la majorité souhaite confier à d’autres le soin d’investir et de payer.

Nous ferons d’ailleurs la même remarque en ce qui concerne l’injonction qui pourra être faite aux collectivités territoriales de se doter d’un système de vidéosurveillance : là encore, la majorité veut faire payer aux communes ce que l’État doit normalement prendre lui-même en charge, en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cette faculté offerte aux personnes morales de droit privé, réservant ainsi la mise en œuvre de systèmes de vidéosurveillance dans l’espace public aux seules personnes morales de droit public.

M. le président. Les amendements nos 137 et 318 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 137 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 318 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 137.

Mme Éliane Assassi. L’alinéa 12 de cet article prévoit que les entreprises privées seront habilitées à placer des caméras de vidéosurveillance dans la rue.

Vous leur confiez ainsi des prérogatives exorbitantes, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’elles pourront échapper aux obligations imposées dans le cadre de l’installation de caméras dans les espaces privatifs : information par voie d’affichage ou de panonceaux indiquant les nom, qualité et numéro de téléphone du responsable pour permettre à toute personne intéressée d’exercer son droit d’accès.

On peut donc parler d’une privatisation rampante du domaine public.

La vidéosurveillance a, de fait, un caractère intrusif au regard du droit au respect de la vie privée. Elle est en outre susceptible de mettre en cause la liberté d’aller et venir des citoyens, ainsi que celle des salariés des entreprises concernées, qui verront leurs faits et gestes sur la voie publique surveillés par des sociétés privées et pour des intérêts eux-mêmes privés. Je pense, par exemple, au cas des grands magasins, évoqué dans le rapport de la commission des lois.

Je note, d’ailleurs, une inquiétude particulière, et légitime, qui a été exprimée par l’Union sociale pour l’habitat.

Celle-ci souligne que les organismes d’habitations à loyer modéré – les organismes d’HLM –, comme tout propriétaire, n’ont pas vocation à exercer une mission générale de surveillance de la voie publique, et encore moins à surveiller les allées et venues de leurs habitants dans les espaces publics. Or, il est à craindre que cet alinéa 12 et, plus généralement, la philosophie de l’article 17 ne les y conduisent, pour compenser tant l’insuffisance des forces de police que celle des intervenants de terrain, qu’il s’agisse des correspondants de nuit, des médiateurs, des animateurs ou des éducateurs.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 12 de l’article 17 du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 318 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écouté tout à l’heure avec la plus grande attention : vous indiquiez que le projet de loi comportait un ensemble de mesures permettant de sécuriser totalement les conditions de mise en œuvre de la vidéoprotection.

Nous souhaitons également supprimer cet alinéa parce que nous craignons que l’on ne permette à des prestataires privés de filmer le domaine public municipal. Cet élargissement nous paraît d’autant plus difficile à accepter que le projet de loi ne prévoit qu’une information des maires, sans obligation de recueillir leur accord. Ce transfert de compétence en faveur de personnes privées ne manque donc pas de nous inquiéter.

Je souhaite illustrer mon propos par un exemple : dans les aéroports, le contrôle des passagers a été confié à des entreprises, dans des conditions qui ont soulevé de nombreux problèmes. Je crains donc que, de la même façon, dans le cas qui nous occupe, nous soyons amenés à regretter ce transfert de compétence.

Je voudrais signaler, en outre, que le Conseil d’État, dans son arrêt Commune d’Ostricourt du 29 décembre 1997, a affirmé avec force que les prestataires privés ne peuvent pas participer à des missions de police administrative. Cet article 17 me semble donc faire entorse à cette jurisprudence.

M. le président. L'amendement n° 221, présenté par MM. Repentin, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel et Frimat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après accord de la commune concernée, les autres personnes morales peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, aux fins d'assurer la protection de ces bâtiments et installations, ainsi que de leurs usagers, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement, présenté sur l’initiative de notre collègue Thierry Repentin, qui regrette de ne pas pouvoir être parmi nous ce matin, est simple. Il vise à préciser les dispositions de l’article 17 qui permettent aux personnes morales de droit privé de mettre en œuvre un dispositif de vidéoprotection.

Ces précisions portent sur trois points.

Premièrement, le recours à la vidéoprotection par les personnes morales de droit privé doit être soumis à l’accord de la commune.

En effet, il entre, nous semble-t-il, dans les fonctions du maire et du conseil municipal de connaître exactement les mesures prises sur le territoire de la commune, étant rappelé, une fois encore, que ces mesures concernent la sécurité et l’ordre public, des compétences relevant a priori du pouvoir régalien, et non du pouvoir d’une personne morale de droit privé.

Deuxièmement, d’après les dispositions du projet de loi, la vidéoprotection s’effectuerait « aux abords » des différents bâtiments. Que signifie le terme « abords » ?

Je viens de consulter le dictionnaire et, s’agissant d’une notion relativement floue – l’abord, c’est ce qui environne –, on peut y inclure le pied du bâtiment tout comme des espaces nettement plus éloignés. Par exemple, ne peut-on pas considérer qu’une place ou une rue situées devant le bâtiment font partie de ses abords, la première dans sa totalité et la seconde sur toute sa longueur ?

Pour éviter les risques de contentieux et la multiplication des procédures judiciaires, ce qui, je crois, est le souci du législateur et devrait être aussi celui du Gouvernement, il convient d’éviter le terme « abords » sans plus de précision, et de privilégier le terme « abords immédiats ».

Troisièmement, un point évident manque dans le texte : cette vidéoprotection a pour intérêt, non seulement la protection des bâtiments et des installations, mais aussi celle des usagers. En l’état du texte, que fait-on des êtres humains ? Un usager en danger mérite également protection. La notion doit donc être intégrée dans l’alinéa 12 de l’article 17 du projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 220, présenté par MM. C. Gautier, Anziani, Peyronnet et Bel, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après accord de la commune concernée, les autres personnes morales peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéosurveillance aux fins d'assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L’extension de l’usage de la vidéosurveillance à des personnes morales privées dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol nous paraît exorbitante. Elle représente une forme de privatisation de la mission régalienne de préservation de l’ordre public.

Certes, elle a été validée une première fois par le Conseil constitutionnel, car la finalité de lutter contre le terrorisme nécessitait alors d’y recourir.

Le législateur a effectivement estimé, en 2006, que la protection de tels lieux contre les attentats exigeait que les exploitants soient autorisés à filmer les abords « immédiats » – le terme était précisé à l’époque – afin de repérer des comportements à risque ou d’éventuels engins explosifs.

Le groupe socialiste du Sénat avait d’ailleurs adopté cette disposition, mais avait voté contre le projet de loi car ses promoteurs profitaient du contexte pour faire passer des mesures excessives de lutte contre l’immigration clandestine et le droit d’asile.

Ici, la mesure est clairement proposée pour faire des économies.

En effet, il est expliqué dans l’étude d’impact du projet de loi que l’installation de systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique par des personnes privées assure « un maillage territorial continu » et permet « une véritable continuité territoriale, et ce à moindre coût, puisque la commune pourra mener son projet de sécurisation en tenant compte des implantations privées ».

Il faut bien compenser l’application de la révision générale des politiques publiques aux agents des forces de police et de gendarmerie !

Notons que notre rapporteur reconnaît qu’il existe un risque et que de sérieuses garanties doivent être instaurées. C’est pourquoi il tente de pallier la difficulté que constitue l’autorisation de cette nouvelle catégorie de délégations en proposant que l’activité de vidéosurveillance de la voie publique, lorsqu’elle est exercée pour le compte des personnes morales titulaires d’une autorisation par des opérateurs privés, soit soumise aux mêmes règles d’agrément, d’autorisation et de formation des agents que les activités privées de sécurité définies par le titre Ier de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité.

Restons-en donc au droit en vigueur, tout en nous assurant de l’accord préalable de la commune, et pas seulement de l’information du maire ! En effet, d’expérience, les systèmes de vidéo sont d’autant mieux acceptés par la population qu’il y a eu présentation et débat préalable au sein du conseil municipal.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cette nouvelle rédaction de l’alinéa 12.

M. le président. L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Après accord de l'autorité administrative dont relève la voie publique et, le cas échéant, information du maire de la commune concernée, les autres personnes morales peuvent... (le reste sans changement).

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement tend à corriger la disposition du projet de loi subordonnant la mise en œuvre d’un système de vidéoprotection par une personne morale de droit privé à la seule information du maire de la commune concernée.

Je ne reviendrai pas sur les questions d’intrusion et d’introduction du secteur privé dans un domaine qui nous paraît exiger la plus grande vigilance.

La personne privée qui serait désireuse de surveiller le domaine public municipal à proximité d’un bâtiment pourrait le faire dans le seul cas où les abords de l’édifice sont « susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ».

Ces critères sont certes précis, mais ils ne sont appréciés par personne si, comme le prévoit la rédaction actuelle, le maire n’est qu’informé de l’installation. Or, au vu de la privatisation de la police administrative qui découlerait de ces mesures et de l’empiétement sur les prérogatives de la police municipale, nous souhaiterions être assurés que les dispositions de l’alinéa 12 se limitent bien aux seuls cas où les critères sont réellement réunis.

C’est pourquoi nous proposons de prévoir l’accord de l’autorité administrative dont relève la voie publique et, le cas échéant, l’information du maire de la commune concernée.

M. le président. L'amendement n° 319 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

de la commune concernée

insérer les mots :

et autorisation de la commission départementale de vidéosurveillance,

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Il s’agit d’un amendement de repli, tendant à demander, à défaut de l’accord de l’autorité administrative dont relève la voie publique, l’autorisation de la commission départementale de vidéosurveillance, cette dernière étant le véritable organe de contrôle. À ce sujet, je rappelle, une fois de plus, combien M. le secrétaire d’État a lui-même insisté sur la nécessité d’opérer en toute sécurité en matière de vidéosurveillance.

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. C. Gautier, Anziani, Peyronnet et Bel, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

des abords

insérer le mot :

immédiats

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il s’agit également d’un amendement de repli, se limitant à l’introduction de l’adjectif « immédiats » après le terme « abords ».

Je tiens à évoquer mon expérience de membre d’une commission départementale des systèmes de vidéosurveillance. En effet, nous parlons beaucoup de ces instances, mais je ne sais pas si nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à participer personnellement à leurs travaux.

Je siège donc à la commission départementale de Loire-Atlantique et l’examen des dossiers qui nous sont soumis dans ce cadre porte justement sur cette question.

Chaque candidat présente l’implantation de ses caméras, ainsi qu’un certain nombre de simulations de prises, et les commissaires passent leur temps à vérifier, par exemple sur une vue présentant une sortie de magasin, que celle-ci se limite bien à la sortie du magasin. Si l’on est susceptible de voir des passants ou des voitures circulant dans la rue, des modifications sont demandées.

Si désormais ce sont les abords de manière générale, et non plus les abords « immédiats », qui sont surveillés, il n’y a plus de limites.

M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Repentin, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel et Frimat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

S'agissant des bâtiments à usage d'habitation, la personne morale qui souhaite procéder à l'installation d'un dispositif de vidéoprotection organise une consultation des habitants.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Notre collègue Thierry Repentin est encore à l’origine de cet amendement, qui tend à évoquer le cas des habitants concernés par la vidéoprotection.

Un propriétaire qui utilise un dispositif de vidéosurveillance aux abords de son immeuble va filmer les personnes qui entrent et sortent du bâtiment, ce qui peut constituer une atteinte à la vie privée.

Dans le cadre de la délivrance des permis de construire, les maires ont aujourd’hui la sagesse, dans la plupart des cas, d’organiser des réunions de concertation avec les riverains pour discuter de leurs souhaits, des problèmes qui vont se poser ou des nuisances possibles.

Ici, nous parlons non pas d’un permis de construire, mais d’un immeuble placé sous surveillance ! L’organisation d’une concertation avec les habitants directement concernés par cette mesure, qui, je le répète, peut porter atteinte à leur vie privée, me semble indispensable.

M. le président. L'amendement n° 138, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le visionnage des images est assuré par les agents de l'autorité publique ou par ceux des opérateurs publics agissant pour son compte en vertu d'une convention.»

II. – Alinéa 18, première phrase

Supprimer les mots :

ou privé

III. – Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez compris, chers collègues, nous nous opposons au fait que le visionnage des images captées sur la voie publique soit délégué à des personnes privées.

Permettez-moi de relire la recommandation n° 3 du groupe de travail sénatorial sur la vidéosurveillance, dont notre rapporteur était membre : « Ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées, ni permettre aux autorités publiques de vendre des prestations de vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées ».

Ce rapport récent – il n’a pas deux ans – fait aussi état de l’opposition du président de la Commission nationale de la vidéosurveillance, M. Alain Bauer, quant au visionnage des images de la voie publique.

Vous rappeliez alors, toujours dans ce même rapport, monsieur le rapporteur, « le principe dégagé par le juge administratif selon lequel il est impossible de déléguer une mission de police à une personne privée par un contrat ».

Pourtant, l’alinéa 16 de l’article 17 du projet de loi fait l’inverse puisqu’il permet, d’une part, le visionnage des images par les utilisateurs privés, d’autre part, la possibilité pour l’autorité publique de déléguer au secteur privé le visionnage d’images filmées sur la voie publique.

Que les personnes morales de droit privé ayant installé des caméras de surveillance puissent visionner les images que celles-ci ont prises, cela paraît logique… sauf que seraient désormais concernées les images filmées sur la voie publique ! Cela nous conforte dans notre refus de voir des caméras privées installées sur le domaine public.

Il est évident que ni l’agrément préfectoral pour la convention et les salariés concernés ni l’interdiction d’accès aux enregistrements ne constituent des garanties suffisantes contre d’éventuelles dérives ou d’éventuels abus. Qui va contrôler ?

J’aimerais aussi vous rappeler, monsieur le rapporteur, qu’un des arguments que vous avanciez dans le rapport du groupe de travail tenait aux « risques pour les libertés publiques ». Je ne vois pas comment, depuis moins de deux ans, ces risques auraient disparu.

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mme Klès, MM. Anziani, Peyronnet, Bel, C. Gautier, Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le visionnage des images est assuré par les agents de l'autorité publique ou par ceux des opérateurs publics.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Chers collègues, combien de précautions oratoires me faut-il prendre pour vous expliquer que je peux parler de vidéosurveillance – ou de vidéoprotection, puisqu’il en a été décidé ainsi tout à l’heure – sans pour autant remettre en cause l’utilité de l’outil. Mais nous parlons bien d’un outil, et non d’autre chose !

Personnellement, je n’ai pas de position dogmatique ou idéologique. Simplement, face à un nouvel outil, je m’interroge à la fois sur son utilité – réelle, prouvée, mesurée – et sur ses éventuels dangers.

Mes chers collègues, je souhaite par cet amendement vous alerter sur un certain nombre de dangers. Un marteau est un outil ; mais, mis dans les mains d’un enfant de quatre ans agressif, il peut se révéler dangereux.

En l’occurrence, et en suivant le même raisonnement que ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et avec des arguments similaires, je souhaite attirer votre attention sur le danger que représente le visionnage par des personnes privées d’images prises sur la voie publique.

Dans le rapport d’information n° 131, M. le rapporteur estimait, en cohérence avec la jurisprudence administrative, que la surveillance de la voie publique ne pouvait être déléguée à des personnes privées. La CNIL était d’accord avec cette position.

Je m’étonne aujourd'hui de constater une telle volte-face, et je m’interroge sur le danger que pourraient entraîner pour la protection des libertés publiques d’éventuelles bavures, si certaines images venaient à être publiées. Je pense, par exemple, aux agents de nos services de renseignement qui, par nature, doivent être discrets tout en circulant sur la voie publique.

Le visionnage par des personnes privées me semble extrêmement dangereux. Et je dis cela sans dogmatisme ni idéologie, contrairement à certains d’entre vous, chers collègues, qui se hérissent dès que l’on parle de vidéosurveillance et se défendent, comme s’ils voulaient s’en auto-convaincre, en invoquant l’utilité de cet outil et de l’absence de danger.

Je ne suis pas d’accord ! Pour ma part, je le répète, je pense que tout outil présente des dangers.

M. le président. L'amendement n° 321 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer les mots :

ou les salariés de la personne morale titulaire de l'autorisation

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, si vous en êtes d’accord, je défendrai en même temps l'amendement n° 322 rectifié, qui porte sur le même sujet.

M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 322 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, qui est ainsi libellé :

Aliéna 18, première phrase

Supprimer les mots :

ou une personne morale

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Anne-Marie Escoffier. Les arguments ont déjà été suffisamment développés, je serai donc brève : nous craignons que le visionnage ne soit effectué par des personnes ne présentant pas toutes les garanties nécessaires.

M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Remplacer les mots :

de la commission nationale prévue à l'article 10-2

par les mots :

conforme de la commission nationale de l'informatique et des libertés

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 140.

M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 140, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, qui est ainsi libellé :

Alinéa 21

Remplacer les mots :

de la Commission nationale de la vidéoprotection

par les mots :

conforme de la commission nationale de l'informatique et des libertés

Veuillez poursuivre, madame Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’il s’agisse des conventions dont fait état l’alinéa 18 ou des normes techniques visées par l’alinéa 21, nous considérons que c’est à la CNIL - je regrette que son président, notre collègue Alex Türk, ait quitté l’hémicycle - que doit être conféré le pouvoir de donner un avis, qui plus est, un avis conforme, si l’on veut qu’il soit opératoire.

Nos amendements convergent avec la recommandation n°1 du rapport sur la vidéosurveillance dans lequel nos collègues Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier préconisaient de « réunir sous une seule autorité, la CNIL, les compétences d’autorisation et de contrôle en matière de vidéosurveillance ».

Les enjeux de la vidéosurveillance exigent un contrôle réellement indépendant. Or, la Commission nationale de « vidéoprotection » n’offre pas les garanties d’indépendance suffisantes en matière de protection de la vie privée et des libertés individuelles. La commission des lois l’a elle-même relevé dans son rapport, à propos de l’article 18, ce qui l’a amené à modifier le rôle de la CNV, en lui enlevant la mission générale de contrôle de la vidéosurveillance.

Il serait plus légitime, et plus simple, de répondre à la demande de M. Alex Türk et confier le contrôle de la vidéosurveillance à la CNIL.

Je partage les observations de la commission des lois qui, dans son rapport, relève, à propos de la CNIL, les différents avantages que cette autorité présente : compétence, expérience, crédibilité, notoriété, visibilité et même « préservation des deniers publics ». Ces observations auraient dû inciter à aller dans le sens préconisé par le président de la CNIL. Pourquoi, alors, avoir pris une autre décision et limiter le rôle de cette autorité ?

Je sais bien que la CNIL fait partie des autorités indépendantes qui pourraient être un jour menacées par l’institution du Défenseur des droits. De votre point de vue, il n’est donc pas opportun de lui conférer des pouvoirs. Pour notre part, nous voulons, au contraire, conforter le rôle qui est le sien.

M. le président. L'amendement n° 224, présenté par MM. C. Gautier, Anziani, Peyronnet et Bel, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

La parole est à M. Charles Gautier.