M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Fischer. Excusez-moi, mes chers collègues, je n’ai pas vu que je passais dans le rouge… (Sourires.)

Nous aurons l’occasion de rediscuter de ces questions, notamment en profitant de l’éclairage fourni par les études de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 135.

Mme Patricia Schillinger. Cette disposition prévoit de repousser de deux années l’âge d’ouverture des droits à la retraite des fonctionnaires qui relèvent des catégories actives. En cela, il s’inscrit dans la logique de régression sociale qui préside à ce texte.

Néanmoins, j’aimerais m’arrêter quelques instants sur le précédent que consacre l’article 37 de la loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Ce dernier donne le choix aux infirmières, soit de demeurer dans le cadre B et de pouvoir partir à 55 ans, soit d’opter pour la catégorie A et de ne pouvoir partir qu’à 60 ans.

Chacun se souvient que cette disposition avait constitué un scandaleux cavalier. Mes collègues Roland Courteau et Claude Domeizel avaient mis en exergue la nature injuste de cette disposition.

Injuste parce qu’elle remet en cause la pénibilité du travail des infirmières et infirmiers. Alors que cet article modifie très profondément le statut de ces personnels, aucun véritable débat n’a été mené avec les organisations syndicales.

Le Gouvernement s’est évertué à présenter cette disposition comme la traduction législative du protocole d’accord sur les négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière du 2 février 2010. Or les syndicats, à l’exception d’une organisation très minoritaire, ne l’ont pas voté ! Une fois de plus, il s’est agi pour le Gouvernement de passer en force.

Le plus choquant dans cette disposition réside dans le fait que la pénibilité n’est absolument pas prise en considération. La création d’un nouveau corps, classé en catégorie A, avec une grille indiciaire spécifique, ne peut constituer une juste réponse, même si son fondement peut paraître légitime.

En effet, avec l’ouverture d’un droit d’option, ceux qui resteront en catégorie B renonceront du même coup à la revalorisation de leur salaire. Parallèlement, ceux qui optent pour la catégorie A abandonneront les droits acquis durant des années de dur travail et perdront le droit à la retraite à cinquante-cinq ans. Ils renonceront donc également à la majoration de durée d’assurance qui leur était accordée, depuis la loi Fillon de 2003, en reconnaissance de la pénibilité de leur emploi.

Or le passage en catégorie A n’effacera pas la pénibilité existante, ni ses conséquences. En réalité, votre choix a consisté à refuser toute prise en compte de la pénibilité. Cette profession est pourtant affectée par de dures conditions de travail, et il suffit pour s’en convaincre de se référer, par exemple, aux enquêtes de l’OMS.

Vous annonciez déjà par cette mesure la gestion que vous entendiez faire de la pénibilité, qui, à nos yeux, constitue une dimension essentielle, parce qu’elle a des conséquences sur l’espérance et la qualité de vie. Nos concitoyens attendent qu’elle soit prise en compte.

Or vous ne leur offrez que la reconnaissance de l’invalidité, ce qui n’est absolument pas la même chose, et encore dans des conditions quasi inacceptables.

Pour notre part, la prise en compte de la pénibilité est prioritaire et participe de la politique de compensation. Nous voulons mettre en place un système où toute période de travail pénible sera couplée à une majoration des annuités ouvrant droit à la retraite. Cette logique participe de la justice sociale et de la dignité due à tous les salariés de ce pays.

Aussi, vous l’aurez compris, nous sommes opposés à cet article 8, qui n’est qu’une nouvelle expression de la logique de régression sociale que vous voulez imposer à l’ensemble des salariés de ce pays et, dans ce cas, aux fonctionnaires relevant de la catégorie active.

M. le président. L’amendement n° 338 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 7 et 135 ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, qui visent à supprimer l’article 8 tendant à relever les âges de la retraite des catégories actives de la fonction publique.

Je rappelle que, aux termes de cet article, ces fonctionnaires conservent pleinement les spécificités liées à leur service actif, avec la possibilité de partir plus tôt à la retraite.

Je précise également que l’âge d’ouverture des droits à pension des catégories actives de la fonction publique évoluera parallèlement à celui des catégories sédentaires ainsi qu’à celui des salariés du régime général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, mais je m’efforcerai, en quelques mots, d’expliquer pourquoi et de répondre aux objections qui ont été formulées.

Monsieur Fischer, je vous ferai tout d’abord remarquer que le texte relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, que j’ai eu l’honneur de défendre ici même avec Éric Woerth, a la particularité de comporter trente articles sur quarante-six qui sont directement issus des accords de Bercy, conclus entre les organisations syndicales et le Gouvernement. C’est une réalité nouvelle dans la fonction publique : le système d’administration permet dorénavant d’aboutir à des points d’accord par la discussion. Je tenais à souligner cette évolution importante.

Le Gouvernement doit-il s’interdire pour autant d’introduire une disposition complémentaire lorsqu’il la juge nécessaire, sachant que nous parlons du statut de la fonction publique, et non de positions contractuelles ? La réponse est non.

Personne ne peut contester ce droit au Gouvernement, et il ne viendrait d’ailleurs pas à l’esprit des organisations syndicales de le faire, elles qui considèrent le statut de la fonction publique comme un formidable acquis. Je voudrais donc, si vous m’y autorisez, mesdames, messieurs les sénateurs, tordre une bonne fois pour toutes le cou à cette idée selon laquelle il serait scandaleux d’introduire un dispositif complémentaire à un accord conclu. Le Gouvernement a parfaitement la légitimité pour le faire, justement parce que nous sommes dans un cadre statutaire. Il en irait évidemment autrement si, un jour, une formation politique d’opposition voulait passer d’une position statutaire dans la fonction publique à un régime purement contractuel – cela me surprendrait beaucoup et, bien évidemment, je m’y opposerais. Mais, pour l’instant, ce n’est pas le cas.

Vous avez évoqué en second lieu la question des primes dans la rémunération, monsieur Fischer. C’est un vrai sujet. C’est précisément pour cette raison que nous n’avons pas modifié, dans la fonction publique, la règle des six derniers mois pour établir la pension. Il aurait été très facile de céder à des sirènes dogmatiques – force est de reconnaître qu’elles ne s’expriment en aucun cas au Sénat en ce moment, pas plus qu’elles ne se sont exprimées à l’Assemblée nationale voilà quelques semaines – qui préconisaient d’aligner le statut de la fonction publique sur le régime général en retenant, par exemple, les vingt-cinq meilleures années pour calculer la pension.

Si nous ne l’avons pas fait, c’est tout simplement parce que le taux de remplacement de 75 % dans la fonction publique se calcule sur une assiette qui exclut les primes, tandis que, dans le régime général, les vingt-cinq meilleures années englobent la totalité de la rémunération.

Le fait que nous n’ayons pas retenu la convergence des régimes sur ce point rend donc votre question de l’intégration des primes dans les salaires moins pertinente, monsieur Fischer. Nous devrons peut-être à l’avenir engager une réflexion à ce sujet. Ce n’est toutefois pas la logique que nous avons privilégiée dans ce projet de loi.

Madame Demontès, vous vous interrogez sur la question des infirmières. Je formulerai trois observations.

Première observation : on peut présenter les choses de façon négative. Je répète que nous leur laissons le choix. Pour ma part, je suis profondément convaincu que la meilleure façon de départager les personnes qui polémiquent sur ce sujet est de savoir si les infirmières vont opter majoritairement pour l’entrée en catégorie A, et donc abandonner la catégorie active, ou si elles vont préférer rester en catégorie B et donc, par définition, faire un choix tout à fait déterminé.

Vous avez présenté le tableau de façon très noire, madame la sénatrice, en affirmant que tout est à perdre dans cette affaire. Je vous rappelle que le choix de la catégorie A correspondra au versement d’un treizième mois, soit à peu près 2 500 euros. Cette somme n’est pas négligeable en termes de pouvoir d’achat.

Deuxième observation : il s’agit de la reconnaissance d’un diplôme à « bac + 3 » selon le schéma licence, master, doctorat, qui implique une véritable trajectoire universitaire et professionnelle. L’on peut dire que c’est un mauvais choix, il n’empêche que les infirmières pourront le faire en toute connaissance de cause et avoir des perspectives intéressantes.

Troisième observation, j’y insiste, le critère de l’espérance de vie n’est pas le meilleur pour essayer de mesurer la pénibilité du métier.

J’ai sous les yeux le tableau établi par l’INSEE sur l’espérance de vie en années. Je parle sous votre contrôle, monsieur Domeizel : en 2007, l’espérance de vie à 60 ans des infirmières pensionnées de la CNRACL était de 27,1 ans et de 27 ans pour l’ensemble des femmes. En 2008, elle s’établissait à 27 ans pour les infirmières et à 27,1 ans pour l’ensemble des femmes. À un mois près, elle est donc plutôt favorable aux infirmières. Il existe par conséquent une parfaite corrélation entre l’espérance de vie des infirmières et celle de la population féminine dans son ensemble.

Je persiste à penser, premièrement, que la meilleure façon de nous départager, c’est de laisser le choix aux infirmières ; deuxièmement, que la meilleure façon d’apprécier les catégories actives, c’est de déterminer celles qui relèvent du service public stricto sensu plutôt que de commencer à élaborer des appréciations en termes de pénibilité et d’espérance de vie ; troisièmement, si l’on est cohérent – je ne vous reproche en aucun cas un manque de cohérence –, c’est de bien mesurer que si vous prenez en compte l’espérance de vie pour cette catégorie professionnelle, vous devez en tirer les conséquences et partir de l’idée selon laquelle il n’y a plus de catégorie active d’infirmières. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. M. le secrétaire d’État a développé un certain nombre d’arguments. Nous en prenons note, mais s’agissant de la pénibilité – Claude Domeizel peut peut-être le confirmer –, selon les études de la CNRACL, une infirmière sur quatre est en invalidité au moment de son départ à la retraite et 30 % des aides-soignantes sont en invalidité à environ 48 ans.

Mme Annie David. Eh voilà !

M. Guy Fischer. Selon les organisations syndicales, l’espérance de vie des infirmières serait inférieure de huit ans à celle des autres femmes françaises.

Cette idée est certainement à étudier dans la réflexion sur les primes. Puisque vous vous fondez sur des arguments exclusivement comptables pour justifier cette réforme, je voudrais souligner que la CNRACL n’est pas en déficit. Les cotisations excèdent les prestations, ce qui lui permet d’équilibrer d’autres régimes de retraites par le biais de la compensation et de la surcompensation, tels que ceux des exploitants et salariés agricoles, des commerçants et des artisans. Je rappellerai pour conclure que les fonctionnaires ont contribué en 2008 pour 2,5 milliards d’euros à ces régimes au titre de la surcompensation.

Par conséquent, rien ne justifie le recul de l’âge du départ à la retraite pour cette partie de la population. Puisque vous voulez « tordre le cou » à des lieux communs : les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Oh non !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord !

M. Guy Fischer. Il faut le dire : affirmez-le !

Telle est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’alibi démographique sans cesse avancé pour justifier cette réforme d’ensemble des retraites ne saurait nous faire oublier qu’elle débouchera inévitablement, à plus ou moins long terme, sur une remise en cause de notre système de retraite par répartition au profit d’un système par capitalisation, et ce malgré les intentions proclamées plus ou moins solennellement. La question démographique n’est, nous semble-t-il, qu’un alibi destiné avant tout à masquer le véritable mobile de ce projet de loi. C’est sur cet aspect que je voulais intervenir.

Cette réforme est envisagée comme si la richesse de notre pays n’allait pas évoluer au cours des quarante prochaines années. Pourtant, dans les quarante années à venir, avec un taux de croissance moyen de 1,7 % par an, la richesse de notre pays aura doublé en quarante ans : de 1700 milliards d’euros à environ à 3 400 milliards d’euros.

Malgré cela, c’est à richesse constante qu’il nous faudrait, selon les propositions du Gouvernement, financer une augmentation de 63 % du nombre de retraités. Ce que vous organisez, c’est le détournement de cette richesse, en espérant que les profits pourront capter la partie de ces nouvelles richesses qui auraient dû revenir aux retraités.

Le Gouvernement nous parle de la dette publique, en arguant de la nécessité de réduire les dépenses publiques, ce qui passe entre autres par la réduction du nombre de fonctionnaires et la casse des services publics. Pourtant, l’explosion récente de la dette publique est due aux plans de sauvetage de la finance et surtout à la récession provoquée par la crise bancaire et financière qui a commencé en 2008 : le déficit public moyen dans la zone euro n’était que de 0,6 % du PIB en 2007, mais la crise l’a fait passer à 7 % en 2010. La dette publique est passée en même temps de 66 % à 84 % du PIB.

C’est pourquoi nous sommes convaincus que les mesures que vous proposez sont irresponsables d’un point de vue politique, social et économique. Au lieu de chercher à rassurer et pacifier une société inquiète des conséquences de la crise, vous jetez de nouveau de l’huile sur le feu en ajoutant encore de l’affrontement à la crise...

Vous continuez à dresser les Français les uns contre les autres, les fonctionnaires étant à vos yeux des nantis, comme vient de le rappeler notre collègue Guy Fischer, ce qui n’est pas notre perception, alors qu’ils ne sont que les serviteurs de l’État et qu’ils sont au service des citoyens.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pas uniquement de l’État !

Mme Marie-France Beaufils. De l’État au sens général !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. De la fonction publique !

Mme Marie-France Beaufils. Quand je parle de l’État, je pense bien évidemment à la fonction publique nationale, mais aussi à la fonction publique territoriale.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il y a aussi la fonction publique hospitalière.

Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr ! Il s’agit de toutes les fonctions publiques.

Votre communication est fondée, nous semble-t-il, sur un mensonge puisque vous tentez de faire croire que le taux de cotisation des fonctionnaires est inférieur à celui des salariés du privé. Or, vous le savez, c’est faux puisque, dans les faits, le taux de cotisation des salariés du privé est de 6,75 % !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais non, madame !

Mme Marie-France Beaufils. Or, il est de 7,85 % pour les fonctionnaires.

Ces derniers sont fortement touchés par votre projet, la hausse des cotisations de retraite sera une baisse déguisée de leurs salaires. Le passage de 7,85 % à 10,55 % de cotisation est pour vous « une atteinte assez modérée au pouvoir d’achat », « absorbable » par les différents mécanismes d’augmentation des salaires des agents du secteur public. Nous aimerions savoir quels sont ces mécanismes.

Pourtant, là encore, le Gouvernement s’était engagé à ne pas toucher au pouvoir d’achat des Français : une promesse oubliée un mois plus tard. En effet, l’alignement des cotisations du public sur celles du privé conduira à une baisse des salaires et donc du pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Votre réforme sonne donc comme un prétexte pour imposer des choix dictés par l’idéologie. La soumission à la dictature du marché n’est pas acceptable, tant elle a fait la preuve de son inefficacité économique et de son potentiel destructif. Comme le rappelle justement Noam Chomsky, les choix de politique économique ne peuvent être abandonnés au profit du « parlement virtuel » des investisseurs et des préteurs qui décide qu’un système bénéficiant au peuple plutôt qu’aux cercles restreints des puissances du secteur privé est irrationnel. C’est une atteinte à la démocratie !

Nous pensons que la société française peut faire preuve de solidarité sans remettre en cause les conquêtes sociales. C’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai bien entendu et j’ai compris ce que signifiait la pénibilité pour votre gouvernement.

Comme vous le savez, pendant une vingtaine d’années, j’ai fait partie du personnel soignant. L’argent ne règle pas tout, ce ne sont pas vos 2 500 euros qui vont résoudre tous les problèmes.

La pénibilité, c’est au quotidien de se poser la question du mode de garde des enfants quand on travaille la nuit et qu’il n’y a pas de crèche ; c’est de savoir si votre collègue sera présente ou non, parce qu’elle sera peut-être malade ou qu’elle aura un problème et ne pourra pas venir.

Le stress au quotidien, c’est de demander à l’hôpital de faire des économies avec moins de personnel et moins de matériel. Par ailleurs, il y a les urgences. Dans certains services, le travail quotidien est extrêmement pénible. C’est, par exemple, le décès d’un enfant. Il faut ramener ses problèmes à la maison. Si vous avez pendant vingt ans un stress quotidien, vous ne le supportez pas.

Vous savez très bien que le personnel soignant prend souvent des antidépresseurs et des somnifères parce qu’il n’est pas facile de changer de fonction. Le travail dans certains services est très pénible : il n’y a pas seulement des services de chirurgie esthétique ou en clinique privée.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne voyez pas la pénibilité comme je l’ai vécue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement entend, avec cet article 8, généraliser aux agents du secteur public les mêmes mesures que celles qu’il entend faire appliquer par la loi aux salariés du secteur privé. C’est ce que vous appelez la convergence, monsieur le secrétaire d’État, avec une constante : l’alignement vers le bas.

L’égalité, dans l’esprit de cette pseudo-réforme des retraites, tend en réalité à se décliner sous la forme du recul généralisé des garanties collectives.

Nous avons eu l’occasion de montrer, notamment lors de la discussion des articles 5 et 6, mais également lors de la discussion de l’article 4, que la réforme des retraites dont nous discutons allait avoir pour effet de provoquer l’ouverture d’un nouveau round de négociations collectives remettant en jeu l’adhésion de chaque branche professionnelle aux dispositifs de cessation anticipée d’activité comme aux questions de gestion des effectifs et des carrières.

Dans le secteur public, les données ont quelques aspects identiques, même s’il convient de rappeler ici que, contrairement aux entreprises privées, l’État, les collectivités territoriales comme les hôpitaux, sont tenus d’engager les crédits nécessaires au paiement tant des traitements que des pensions de leurs agents. C’est même là l’un des principes fondamentaux de la loi organique, ce qui n’a jamais été le cas pour les entreprises privées.

À la vérité, l’évolution récente de la fonction publique montre que le rajeunissement des cadres est parfois conduit de bien étrange manière.

La méthode la plus éprouvée est celle des transferts de services et de personnels, assortie de la création de nouvelles entités – notamment des établissements publics à caractère industriel ou commercial, des EPIC – dont la gestion de personnel peut rapidement être alignée sur celle du secteur privé.

Le transfert de personnels, les élus locaux connaissent bien ! C’est ainsi que la décentralisation Raffarin a conduit au transfert des personnels non enseignants des collèges et des lycées, avec en perspective l’ensemble des problèmes de gestion de carrière en découlant, notamment parce qu’il s’agissait d’un personnel relativement âgé qui va demander, d’ici à quelques années, à disposer d’une pension versée par la CNRACL.

Cette décentralisation a notamment modifié profondément la structure des effectifs des conseils régionaux qui, de pilotes de politiques d’aménagement du territoire à visée stratégique, sont devenus employeurs d’agents de lycée confrontés au quotidien aux problèmes de la communauté éducative.

Mais les transferts, cela procède aussi souvent de la transformation de services ministériels, employant de manière quasi exclusive des fonctionnaires, en établissements publics à caractère industriel ou commercial.

C’est ainsi que la presse s’est fait l’écho, ces jours derniers, de la fusion entre la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, qui est un EPIC employant 1 080 salariés, et le Palais de la découverte, qui est un service public employant 220 fonctionnaires.

La nouvelle entité, Universcience, est évidemment un EPIC, et il est avéré que cette fusion entraîne d’ores et déjà de sérieuses difficultés, mettant en péril l’activité même du Palais de la découverte.

En tout état de cause, parler ainsi de l’évolution du travail des agents du secteur public montre clairement le peu de cas que le Gouvernement fait de l’avenir de ces personnels, et donc de leur retraite.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter les amendements identiques de suppression de l’article 8.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 135.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 153
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 898, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 8 tend à relever de deux ans les annuités exigées des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique, que l’on a tenté de définir tout à l'heure.

Nous refusons de faire porter sur les fonctionnaires, comme sur l’ensemble des salariés, le poids du transfert du financement des retraites que vous opérez à leur détriment.

L’exemple des catégories actives visées par cet article est d’autant plus inadmissible que c’est à des fonctionnaires occupant des emplois qui présentent « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles » que vous voulez imposer de payer toujours plus. Nous ne l’acceptons pas, pas plus que nous ne l’acceptons pour le privé.

Il s’agit, par exemple, des policiers, des douaniers, des surveillants pénitentiaires ou encore des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ; je vous renvoie, pour plus de précision, au tableau figurant à la page 114 du rapport de la commission des affaires sociales.

Avec votre réforme, les métiers difficiles sont parmi les plus pénalisés, et cet article en témoigne.

Nous rejetons votre argument selon lequel il s’agirait d’équité. Selon vous, il serait juste d’appliquer le même relèvement de cotisation à tous les salariés. Le problème, c’est que cette réforme des retraites n’est précisément pas juste à l’encontre de celles et ceux qu’elle vise.

Nous refusons de faire entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation en fonction de l’espérance de vie. Le débat démographique est un piège dans lequel vous tentez de nous enfermer. La réalité, c’est que la France a un renouvellement générationnel supérieur à celui d’autres pays européens.

Par ailleurs, si risque de régression démographique il peut y avoir, celui-ci trouverait sa source dans la régression économique et sociale que nous connaissons, et qui s’accroît d’année en année en raison de votre politique.

Par ailleurs, la rédaction de cet article fait apparaître l’augmentation des annuités comme une mesure simple, logique, automatique, technique, alors qu’elle constitue une décision éminemment politique.

Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer les dispositions de l’article 8, qui décline les âges de départ à la retraite des fonctionnaires concernés.

(Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP quittent l’hémicycle.)

Mme Christiane Demontès. Ils partent tous !

M. le président. L'amendement n° 778, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je regrette que nos collègues quittent l’hémicycle. Dans ces conditions, le débat va vraiment être passionnant…

Mme Raymonde Le Texier. C’est honteux !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Peut-être pourrions-nous passer tout de suite au vote… Cela les ferait revenir ! (Sourires.)

Mme Annie David. C’est invraisemblable que l’UMP ait quitté l’hémicycle !

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue, veuillez présenter votre amendement.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous remercie M. le secrétaire d'État de rester parmi nous ! (Sourires.)

Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer l’alinéa 2 de l’article 8.