M. Roland Courteau. C’est sûr !

Mme Anne-Marie Escoffier. … cette RGPP dont je voudrais souligner le dévoiement.

Je ferai un bref point d’histoire pour rappeler que la RGPP est le pur produit de la LOLF, une LOLF qui fut adoptée unanimement parce qu’elle était regardée par tous comme un outil moderne, efficace, transparent, de gestion du budget de l’État.

M. Jacques Mahéas. C’est ce qu’elle devrait être !

Mme Anne-Marie Escoffier. Mais cet outil est venu bousculer l’organisation des administrations de l’État, qui ont dû se restructurer pour répondre aux nouvelles obligations des « programmes », des « missions », des « budgets opérationnels de programme »…

La RGPP est apparue comme le deuxième étage d’une immense fusée, porteuse en son socle d’un arsenal complexe de déconcentration et de décentralisation. D’où la place prépondérante donnée au préfet de région, avec ses directions techniques satellites, et l’espace réduit à la sécurité et à la gestion de crise accordé au préfet de département. D’où, aussi, la réflexion traduite dans la loi de 2005 de l’acte II de la décentralisation.

Alors que cette révision générale des politiques publiques, dont on oublie trop souvent qu’elle s’applique à toute la fonction publique, c’est-à-dire également à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, aurait dû conduire à une réflexion de fond sur les structures, mais aussi sur leur fonctionnement, leurs méthodes, elle s’est cristallisée sur la réduction des effectifs.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Anne-Marie Escoffier. La réduction des effectifs est désormais un leitmotiv, qui gomme tous les autres aspects de cette révision. Il en est fait une application systématique, et cela est rappelé avec force dans les lettres de cadrage aux administrations de l’État. Chacune de ces dernières a beau tenter de justifier ses besoins, la machine infernale est en marche et n’accepte que de maigres dérogations au principe intangible du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Loin de moi l’idée de défendre à tout prix l’augmentation des effectifs, ou même leur maintien ; loin de moi de ne pas admettre l’absolue nécessité de réduire le déficit de l’État.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Mais n’existe-t-il pas d’autres voies, encore inexplorées, qui permettraient aux services de l’État de s’organiser pour le meilleur bénéfice de tous, usagers et administrés autant que personnels de l’État ?

S’est-on suffisamment demandé quelles étaient les raisons de ces sorties intempestives de la fonction publique ? Je pense ici, notamment, à certains départs anticipés de policiers ayant choisi la retraite plutôt que de poursuivre leur activité dans des conditions qu’ils jugeaient probablement insupportables

S’est-on interrogé sur la perte de mémoire administrative, sur la rupture de la chaîne de transmission, sur la nécessité de recruter un jour, plus tard, massivement, pour rendre à la fonction publique sa juste efficacité ?

La rigidité excessive du concept d’efficience, arrivé avec la LOLF, ruine les efforts de certaines administrations pour se maintenir à un niveau d’activité raisonnable, convenable au regard de leurs missions. Il n’est que de penser à la justice, à l’éducation nationale ou à la police, que j’évoquais il y a un instant.

La même rigidité s’applique aujourd'hui à la fonction publique hospitalière et nombre de services hospitaliers s’inquiètent des directives économiques données aux agences régionales de santé pour gérer au plus près leurs budgets, trop souvent au détriment des patients.

S’agissant, enfin, de la fonction publique territoriale, je voudrais m’inscrire en faux contre cette idée selon laquelle les collectivités territoriales auraient créé des emplois sans compter,…

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. … emplois qui mettraient maintenant leurs budgets en difficulté.

La décentralisation de 1982 avait conduit, dans les premières années, à des excès, qui ont depuis été reconnus par tous. Il est clair que les collectivités se sont assagies à cet égard, car les exécutifs locaux ont bien perçu les difficultés auxquelles les exposerait une gestion non maîtrisée de leurs effectifs. Les dernières fortes augmentations enregistrées sont consécutives au transfert de compétences en matière d’éducation et de routes.

Mme Anne-Marie Escoffier. Tout juste faut-il admettre que la quasi-généralisation des intercommunalités a suscité des créations d’emplois, à l’instar de la mise en place des pays, qui n’ont pas su rester des lieux de réflexion et se sont transformés en structures consommatrices de moyens.

S’agissant donc, globalement, des effectifs des fonctions publiques, et sans méconnaître les efforts collectifs qui doivent être consentis par l’ensemble des acteurs publics, il me paraîtrait dangereux de vouloir à toute force entrer dans une stratégie d’économies, une stratégie qui ignorerait l’intérêt général, qui ne se préoccuperait pas de la dignité du travail des agents publics et qui, sans raison ni mesure, sacrifierait une génération d’administrés et d’administrations.

M. Jacques Mahéas. C’est pourtant ce que fait le Gouvernement !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je suis sûre que le Gouvernement ne le veut pas et je forme le vœu, avec l’ensemble des membres du groupe du RDSE, qu’il trouvera les voies et raisons de la sagesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis qu’ils ont été instaurés, voilà quelques années, ces débats sans vote et sans décisions à la clé restent un peu stériles puisqu’ils sont déconnectés de toute mesure concrète. Néanmoins, nous y participons,…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Merci !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … contribuant ainsi à apporter une réflexion sans doute différente. Mais force est de constater, au fil des années, que nos interventions restent lettres mortes, nos remarques, pourtant pertinentes, toujours ignorées et que vous continuez à tracer le sillon de votre politique plutôt antisociale.

Curiosité notable cette année, mais pas anodine, qui détourne le sujet de cet échange : avancer le débat sur les effectifs de la fonction publique, hors du contexte du projet de loi de finances, témoigne de votre souhait de masquer cette problématique.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais non !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Quoi qu’il en soit, nous vous rappellerons ici quelques réalités et démontrerons à quel point votre politique, en plus d’être inefficace au regard de la qualité des services rendus aux usagers, est socialement injuste pour les agents eux-mêmes.

En préambule, rappelons que le Gouvernement s’est engagé auprès de l’Union européenne à réduire son déficit public. De fait, il propose un budget de rigueur qui, s’il était voté et appliqué, entérinerait la baisse la plus importante jamais réalisée par un gouvernement français. Ainsi, des économies représentant 7 milliards d’euros sont attendues dès 2011. « Tous les acteurs de la dépense publique vont être concernés », a expliqué François Baroin.

En conséquence, une fois de plus, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique continuera, avec, à la clé, 31 638 suppressions de postes en 2011.

L’éducation nationale est toujours le ministère le plus touché, avec 16 000 suppressions de postes. Sont également concernés les ministères de l’intérieur, de l’écologie, de l’agriculture et du travail, devant ceux de l’économie, des affaires étrangères et de la culture.

Depuis 2008, le Gouvernement s’acharne donc dans sa politique de suppression de postes, mais pour quels résultats ?

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a montré que cette réduction des effectifs était inefficace tant du point de vue de la réduction des dépenses publiques que de celui du bon fonctionnement des services.

Le Président de la République avait défendu cette politique de suppression de postes en arguant qu’elle devait s’accompagner d’une augmentation des salaires pour les fonctionnaires restants.

Prenons le cas de l’éducation nationale : les suppressions de postes sont censées avoir dégagé 396 millions d’euros d’économies en 2009, mais les personnels n’ont pas touché la moitié de cette somme sous forme d’augmentations. Seule une enveloppe de 138 millions d’euros leur a été redistribuée, soit un taux de rétrocession inférieur à 35 %.

Or, dans le même temps, le projet de loi de finances pour 2011 préconise le gel du point d’indice. Les observations de la Cour des comptes laissent d’ailleurs penser que ce gel se poursuivra dans les prochaines années puisqu’on peut lire dans le même rapport que « le gel du point d’indice jusqu’à fin 2013 semble techniquement nécessaire, ainsi que le strict plafonnement des enveloppes de mesures catégorielles ». Idée également relayée, hélas ! par la commission Attali, qui préconise aussi « de réduire les dépenses publiques en gelant le point d’indice des fonctionnaires pendant trois ans et en étendant la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ».

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous sommes très modérés par rapport à cela !

Mme Josiane Mathon-Poinat. À cela s’ajoute la récente réforme des retraites qui, si elle était appliquée – on peut espérer qu’elle ne le sera pas ! – conduirait à une augmentation des cotisations de retraite et donc à une baisse du revenu des fonctionnaires.

Finalement, les promesses du Président de la République d’améliorer le traitement des fonctionnaires n’ont donc pas été tenues. Au contraire, au cours de ces dernières années, les fonctionnaires ont vu s’amplifier la baisse de leur niveau de vie.

Et que constate-t-on sur le terrain ? Dans certains secteurs, la fonction publique souffre de terribles carences en personnel.

Ainsi, dans l’éducation nationale, on ne compte plus le nombre de classes fermées ou surchargées. Dans les collectivités territoriales, les administrations doivent de plus en plus souvent faire appel à des contrats à durée déterminée pour pouvoir assurer leurs missions, ce qui entraîne des coûts supplémentaires. Quant à la nouvelle structure Pôle emploi, elle fait appel à des prestataires extérieurs pour pouvoir remplir ses missions, engendrant ainsi également des dépenses qui n’ont pas lieu d’être.

Sachant que tout cela s’accompagne de la baisse des budgets et du non-respect des compensations, les services publics n’arrivent plus à exercer leurs missions et les premières victimes de cette politique sont les usagers.

De surcroît, alors même qu’on invoque la rigueur pour justifier cette politique, celle-ci est en fait génératrice de coûts différés. Ce n’est pas parce qu’il y a moins de professeurs, moins de médecins ou moins de conseillers à Pôle emploi que nos concitoyens n’auront plus besoin d’éducation, de soins ou d’emplois. Le mauvais traitement de ces situations ne fait qu’aggraver les problèmes et rend leur résolution plus difficile et plus chère.

L’inadéquation de vos mesures aux besoins réels est criante.

Prenons, par exemple, le cas de la Réunion, département cher à ma collègue et amie Gélita Hoarau. L’application mécanique de cette politique de suppression de postes y est lourde de conséquences et contribuera, dans de nombreux domaines, à accentuer le retard que ce département ultramarin accuse déjà par rapport aux départements métropolitains.

En effet, la pression démographique y est plus forte que dans n’importe quel autre département de toute la République : la Réunion compte aujourd’hui 800 000 habitants et, dans quinze ans, elle en comptera 200 000 de plus. Comment, dans de telles conditions, envisager la diminution du nombre de fonctionnaires sans dégrader profondément le service public ?

De plus, alors que la Réunion accuse un retard scolaire reconnu par tous, de nombreux postes vont être supprimés dans l’éducation nationale, accentuant ainsi le problème.

Enfin, bien que ce département connaisse un taux de chômage particulièrement élevé, la fermeture de l’accès à la fonction publique empêchera l’accès à l’emploi d’un grand nombre de jeunes.

Dès lors, comment ne pas faire le constat de l’échec de la RGPP et de la politique du Gouvernement à l’égard de la fonction publique ?

Les réductions des dépenses publiques auxquelles vous semblez tant tenir sont moindres que celles qui étaient escomptées, mais desservent surtout, en définitive, les fonctionnaires et les usagers. En effet, les fonctionnaires doivent exercer leur travail dans des conditions détériorées du fait du manque de moyens et d’effectifs. Ces carences se reportent ensuite sur les citoyens, qui doivent faire face à une offre publique dégradée, marquée par de nombreux dysfonctionnements qu’il faudra bien, hélas ! payer un jour.

Sous couvert de pragmatisme, vous menez, monsieur le secrétaire d'État, une politique dogmatique à la fois antisociale et économiquement dangereuse. Il est donc plus que temps de changer de cap !

Puisse cette énième discussion mettre un terme à votre vision entrepreneuriale des services publics, pour ne pas dire votre aspiration à des services publics a minima ! Souhaitons en tout cas que soit envisagé un véritable débat constructif sur les missions de l’État, un État assurant l’égal accès des citoyens aux services publics et répondant enfin aux besoins de la population. Il est temps de réfléchir à un service public rénové dans une optique tripartite : État, fonctionnaires, usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'état, mes chers collègues, depuis plusieurs années, nous avons coutume de débattre préalablement au débat budgétaire des effectifs dans la fonction publique. Je me réjouis que cet usage perdure, eu égard à l’importance que revêt le rôle de chacun des agents de la fonction publique pour le fonctionnement de l’État, de nos collectivités territoriales et de nos hôpitaux.

Nous abordons ainsi aujourd’hui de nouveau la spécificité de la fonction publique au travers des « effectifs ». Vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de publier le rapport annuel 2009-2010 sur l’état de la fonction publique. À cette occasion, vous avez rappelé que l’emploi public, toutes fonctions publiques confondues, se stabilisait pour la première fois depuis 1980.

La fonction publique territoriale demeure la première créatrice d’emplois, avec 69 000 emplois, y compris 54 500 emplois transférés dans le prolongement de l’acte II de la décentralisation. La fonction publique hospitalière voit, elle, ses effectifs augmenter de 10 000 agents. Quant à la fonction publique de l’État, elle enregistre une diminution de 77 000 agents, se décomposant comme suit : 86 000 agents en moins dans les ministères, avant transfert aux collectivités au titre de la décentralisation, et 9 000 agents en plus dans les établissements.

Deux sujets essentiels ont été, ces deux dernières années, au cœur de nos discussions législatives : la mobilité et les parcours professionnels, qui ont donné lieu à la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique et la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

La loi du 3 août 2009 permet aux agents de diversifier et de valoriser leur parcours et aux administrations de recruter les compétences dont elles ont besoin. La généralisation de l’entretien professionnel annuel concourt à renforcer la prise en compte de l’expérience et des compétences acquises au cours de la carrière.

Quant à la loi du 5 juillet 2010, elle est directement issue de l’accord historique de Bercy, signé par six des huit organisations syndicales en juin 2008. Cette loi doit donner lieu très prochainement à des décrets d’application répondant à des objectifs précis : renforcer la légitimité des acteurs ; promouvoir de nouvelles pratiques de dialogue par la négociation ; renforcer le rôle des organes consultatifs et améliorer leur fonctionnement ; enfin, renforcer les garanties de carrière des agents investis de mandats syndicaux.

Vous avez également souhaité, monsieur le secrétaire d'État, travailler sur d’autres aspects fondamentaux de la gestion des ressources humaines de la fonction publique. Je tiens à saluer, au nom de mes collègues du groupe UMP, l’ensemble des mesures que vous avez prises en faveur du pouvoir d’achat des fonctionnaires et qui introduisent une nouvelle politique de rémunération, fondée sur la performance.

M. Jacques Mahéas. Allez donc le leur dire !

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d'État, j’aimerais que vous nous parliez plus précisément de l’ensemble de ces dispositifs, essentiels pour la carrière des agents publics.

Concernant le volet salarial, le groupe UMP souhaiterait savoir si, dès lors qu’il s’agit d’obtenir la stabilisation des dépenses salariales, le gel du point d’indice de la fonction publique est certain pour les trois prochaines années, comme le suggère la Cour des comptes.

S’agissant des effectifs, la Grande-Bretagne entreprend aujourd'hui une politique beaucoup plus massive que celle de la France puisqu’elle vise à la suppression de plus de 500 000 emplois publics. La France sera-t-elle contrainte de suivre cet exemple ?

Le Gouvernement a tenu les engagements pris par le Président de la République de ne pas remplacer le départ en retraite d’un fonctionnaire sur deux. Le budget pluriannuel prévoit encore des suppressions de postes chez les fonctionnaires d’État, mais qu’en est-il des opérateurs de service public ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner des indications quant à l’évolution des effectifs dans les autres fonctions publiques, notamment la fonction publique territoriale ?

Malgré ces quelques interrogations, qui appellent des précisions, le groupe UMP soutiendra vigoureusement les orientations et décisions prises par le Gouvernement en vue de la modernisation de nos services publics et l’accompagnement des carrières des agents des trois fonctions publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à remercier chacun de ceux qui ont bien voulu participer à ce débat. Nous sommes en effet peu nombreux à nous intéresser vraiment à la question de la fonction publique. Or, je le dis très sincèrement, il importe, quelles que soient nos divergences de vues – j’ai bien entendu vos critiques, madame Mathon-Poinat –, que nous puissions débattre de temps à autre de ce sujet qui n’a rien d’anodin. Cela nous donne en tout cas l’occasion de mesurer les évolutions.

Vous me permettrez donc de vous faire part à mon tour, avec franchise, de mes convictions et d’insister sur les quelques points à propos desquels mon analyse diffère de celle de certains d’entre vous.

Je commencerai par quelques réflexions globales, avant de vous apporter des réponses plus ponctuelles.

Je crois d’abord qu’il faut se garder d’adhérer à l’idée selon laquelle la fonction publique française serait aujourd'hui en train de dépérir, de s’appauvrir. Les chiffres – et il s’agit de statistiques incontestables – suffisent à montrer que ce n’est pas le cas : à la fin de l’année 2008, la fonction publique comptait environ 5 300 000 agents, soit à peu près 1 400 000 de plus qu’en 1980 !

Plus précisément, depuis cette date, la fonction publique de l’État a vu ses effectifs augmenter de 10,8 %, la fonction publique territoriale, de 78 % et la fonction publique hospitalière, de 36,5 %.

Bien sûr, on pourra toujours me rétorquer que cette appréciation de l’évolution des effectifs part de trop loin en arrière. Il n’empêche que ces chiffres invalident totalement l’idée selon laquelle la France serait aujourd'hui un pays sous-administré et qu’ils permettent de relativiser quelque peu la façon dont a parfois été présentée la politique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Mais je veux bien entendre l’objection : quelle est donc l’évolution si l’on prend un point de comparaison plus récent ? Entre 2000 et 2008, la fonction publique a vu ses effectifs croître de 540 000 agents, dont 340 000 agents dans les collectivités territoriales, et ce hors transfert de compétences.

J’insiste sur ce dernier point, monsieur Mahéas, puisque c’est une question qui vous préoccupe : ce sont bien, hors transfert de compétences, 340 000 agents supplémentaires qui ont été recrutés par les collectivités territoriales entre 2000 et 2008 !

M. Jacques Mahéas. Non ! Ces chiffres ne sont pas exacts !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais si, et je les tiens à votre disposition ! Je complète même mon propos : au titre des transferts de compétences, ce sont 115 000 à 120 000 postes qui ont été créés dans la fonction publique territoriale.

Cela étant, et quelles que soient les politiques menées en matière de réduction des effectifs depuis la fin de l’année 2008, on assiste globalement à une quasi-stabilisation des effectifs par rapport à l’année 2007. C’est une première ! Je veux souligner ici que c’est évidemment en grande partie grâce à la politique concernant la fonction publique de l’État qu’une telle stabilisation a pu se produire.

L’État a en effet décidé non seulement de freiner la hausse de ses effectifs, mais aussi de les réduire en engageant une démarche volontariste et courageuse. Grâce à cette politique, les effectifs de l’État se sont établis, en 2008, à 2,4 millions d’agents. Pour autant, là encore, nous sommes loin d’être dans une situation de pauvreté accentuée.

La révision générale des politiques publiques, qui consiste à analyser méthodiquement les missions, les procédures, les résultats attendus et les moyens mobilisés pour y parvenir, a été au cœur de la politique que nous menons pour contrôler, dans un premier temps, puis réduire, dans un second temps, les effectifs de l’État.

Contrairement à ce que j’ai entendu ici ou là, cette démarche fait suite à différentes procédures qui ont été mises en place au cours de la dernière décennie, comme les stratégies ministérielles de réforme, les SMR, lancées en 2003 par Eric Woerth et les audits organisés par Jean-François Copé lorsqu’il était ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Selon des processus d’identification bien précis, des marges de productivité ont été repérées, ce qui a permis à l’État de se fixer l’objectif ambitieux de réduire les effectifs.

M. Roland Courteau. Vous avez taillé à la hache !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Au total, entre 2007 et 2011, plus de 100 000 départs en retraite n’auront pas été remplacés. Cela représente – je le précise, car nous sommes évidemment tous, à commencer par M. le président de la commission des finances, sensibles à la question de la maîtrise des comptes publics –, sur la base d’une carrière complète suivie d’une retraite, une économie comprise entre 130 milliards et 150 milliards d’euros, à raison d’un coût global par agent de l’ordre de 1,3 million à 1,5 million d’euros. (M. Jacques Mahéas fait une moue dubitative.) Encore une fois, monsieur Mahéas, ces chiffres ne souffrent aucune contestation et je les tiens à votre disposition.

Pour répondre directement aux questions qui m’ont été posées sur le sens de ces économies, je puis vous dire que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne découle pas d’une pure logique comptable. En vérité, cette démarche procède d’une réflexion approfondie, engagée voilà un certain temps.

La RGPP nous a permis de dégager des marges de productivité. L’État peut déléguer des missions très peu stratégiques ou y renoncer. En effet, pourquoi des agents publics devraient-ils se charger du gardiennage ou de l’entretien des bâtiments, par exemple ? Il s’agit d’un vrai sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler alors que j’occupais d’autres fonctions. Il y a différentes façons de procéder pour se dégager de missions qui ne relèvent pas de l’essence même du service public.

Par ailleurs, des réflexions ont été menées par les ministères afin de mieux utiliser les compétences des agents. Ainsi, en réduisant le nombre de transferts des détenus grâce à la généralisation de la visioconférence, nous avons permis à des gendarmes et des policiers de se recentrer sur des missions essentielles telles que le maintien de l’ordre, suscitant de fait des économies en termes d’emplois.

Puisqu’on évoque régulièrement la réduction des effectifs de la police ou de la gendarmerie, j’indique que ne sont concernés que les emplois liés au support logistique, en aucun cas ceux qui se trouvent au cœur des missions de ces deux corps. C'est la raison pour laquelle est dépourvue de fondement la critique selon laquelle la mission de service public qu’est le maintien de l’ordre est appauvrie.

M. Roland Courteau. C’est tiré par les cheveux !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Au ministère du budget, des gains de productivité ont aussi pu être dégagés avec, notamment, les opérations de télépaiement des impôts et la fusion de la direction des impôts et de la direction du Trésor.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la RGPP est bien une démarche rationnelle et approfondie.

Plusieurs d’entre vous, notamment le président Arthuis et M. Mahéas, se sont inquiétés du fait que la qualité de l’offre éducative pouvait être remise en cause.

Pour ma part, je suis intimement convaincu que la qualité de l’offre éducative ne dépend pas de la quantité de moyens mobilisés. Du reste, si cette vision comptable était juste, on en aurait vérifié le bien-fondé il y a belle lurette par des effets concrets. Or tel n’est pas le cas, comme l’attestent, là encore, monsieur Mahéas, quelques chiffres.

Depuis 1990, le nombre d’enseignants a augmenté de plus de 45 000, alors que, dans le même temps, le nombre d’élèves a diminué de plus de 600 000 !

Je vous ferai d’abord observer que, si nous obéissions à la logique comptable que vous avez décrite, nous ne pourrions pas constater de tels chiffres. (M. Jacques Mahéas fait une moue dubitative.)

Mais enfin, monsieur Mahéas, vous ne pouvez pas faire la moue chaque fois que je vous livre des chiffres ! Vous les avez demandés, je vous les donne !

Mais il est une autre conséquence que l’on peut tirer de cette évolution divergente des effectifs des enseignants et de ceux des élèves. Et là encore, je tiens à votre disposition – avec le ministère de l’éducation nationale – des chiffres directement issus des statistiques élaborées selon la méthode de comparaison internationale PISA. Ces chiffres, qui mettent en regard la compétitivité française avec celle des principaux pays à économie comparable, démontrent que l’augmentation du nombre d’enseignants n’aboutit pas à de meilleurs résultats.

Cela signifie que l’on est tout à fait en mesure de découpler l’augmentation du nombre d’enseignants et la performance du système scolaire et éducatif.