compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Marc Massion.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Avant d’appeler la première question orale, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, je veux vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle, au nom du Sénat et en mon nom personnel.

bénéfice de la double campagne pour les anciens combattants d'afrique du nord

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 1042, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, en tant que parlementaire, j’ai été interpellé par de nombreuses associations d’anciens combattants sur le bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants en Afrique du Nord.

Une décision du Conseil d’État du 17 mars 2010 enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget d’attribuer le bénéfice de la campagne double aux titulaires des pensions civiles et militaires de l’État ayant participé à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc.

Dans une réponse publiée au Journal officiel du 5 août dernier, était annoncé un projet de décret qui répondrait aux attentes du monde combattant et aux engagements pris lors de la dernière discussion budgétaire au Parlement. Or, le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 ne répond pas à ces attentes, puisque seules les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999 pourront être révisées.

À elle seule, cette date de référence, inscrite à l’article 3 du décret, vide le texte de ses effets. Elle opère une discrimination entre les anciens combattants. Cette mesure devait s’appliquer aux fonctionnaires et assimilés, mais peu d’entre eux pourront en bénéficier. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui étaient encore en activité à cette date !

Une fois encore, il s’agit d’un rendez-vous manqué. Aussi, monsieur le ministre d’État, l’égalité de traitement entre les générations du feu devrait être rétablie.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, tous les participants aux conflits d’Indochine, de Corée et du Golfe ont bénéficié de la campagne double. Dans ces conditions, pourquoi y aurait-il un traitement différent pour ceux qui ont combattu en Afrique du Nord ?

Le nombre de bénéficiaires de cette mesure décroît avec le temps : c’est la loi démographique. Il serait nécessaire, monsieur le ministre d’État, que vous reveniez sur cette disposition pour témoigner aux anciens combattants du respect et de la solidarité de la nation.

Il est temps de concrétiser tout cela par des actes qui seront visibles et tangibles dans le prochain budget que vous nous présenterez.

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de vos paroles de bienvenue et de vous dire combien je suis heureux de m’exprimer pour la première fois en ma qualité de ministre de la défense ici, au Sénat,…

M. le président. Je suis pour ma part heureux de présider cette séance !

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants. … et de le faire sous votre présidence, cher Roger Romani !

Monsieur le sénateur Robert Tropeano, tout le monde le sait, le bénéfice de campagne prévu au code des pensions civiles et militaires de retraite permet de majorer pour la retraite la durée des services militaires accomplis en temps de guerre.

Alors que la campagne simple permet de compter deux fois les services accomplis, la campagne double permet de les tripler. Pour les opérations qui se sont déroulées en Afrique du Nord, seule la campagne simple avait été accordée à l’origine.

Ce dispositif s’applique aux fonctionnaires et aux bénéficiaires des régimes spéciaux assimilés. Je souligne au passage qu’il n’a d’intérêt que pour ceux qui n’ont pas déjà le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Pour les autres, cela ne change évidemment rien.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, la loi du 18 octobre 1999 a substitué à l’expression « opérations effectuées en Afrique du Nord », l’expression « guerre d’Algérie » ou « combats en Tunisie et au Maroc », dans certaines dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

C’est pourquoi des associations ont demandé l’attribution de la campagne double pour les ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite ayant servi en Afrique du Nord. Comme vous l’avez indiqué, un arrêt du Conseil d’État du 17 mars leur a donné raison.

Aussi le décret que le Gouvernement a pris le 29 juillet dernier s’efforce-t-il de répondre à la décision du Conseil d’État. Je crois pouvoir vous affirmer qu’il va au maximum de ce qui peut être accordé par voie réglementaire.

Monsieur le sénateur, vous indiquez que l’article 3 priverait la mesure de tout effet. Je ne peux pas vous suivre dans cette affirmation. Le décret du 29 juillet 2010 donne un effet à la mesure puisqu’il permet de réviser toutes les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, date de l’entrée en vigueur de la loi.

J’entends bien que ceux dont la pension a été liquidée avant le 19 octobre 1999 seront déçus. Il s’agit notamment des cheminots et des autres bénéficiaires de régimes spéciaux partis en retraite à 55 ans ou à 52 ans.

Mais – vous le savez, bien sûr – seule la loi pourrait instituer des dispositions rétroactives entraînant le bénéfice de droits antérieurs au 19 octobre 1999.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’ajouter que la définition des actions de feu et de combat répond quant à elle strictement à l’égalité de traitement entre générations du feu. Elle est également parfaitement conforme aux exigences du Conseil d’État, qui, dans un avis du 30 novembre 2006, avait demandé aux ministres chargés des anciens combattants et du budget, de définir « les circonstances de temps et de lieu permettant d’identifier les situations de combat ouvrant droit au bénéfice de la bonification ».

Le décompte des journées de feu et de combat sera fait sur la demande des intéressés, au vu des journaux de marche dépouillés par le service historique de la défense.

Ce qui a été réalisé revient à réparer une défaillance de l’État dans l’application de la loi de 1999. Nous pouvons tous nous en réjouir.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre d’État, je ne peux être d’accord avec votre réponse. Cette modalité de campagne double exclut tous ceux qui sont nés avant 1939.

Je ne pense pas que votre réponse satisfera le monde des anciens combattants, qui nous le fera savoir. Nous évoquerons ce sujet lors de l’examen du prochain budget des anciens combattants.

allocation des excédents du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 998, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la récente loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a acté la création d’un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ou FPSPP, destiné à faciliter l’accès à la formation des demandeurs d’emploi et des salariés les moins qualifiés.

Ce fonds est financé par une partie des contributions obligatoires des employeurs pour la formation professionnelle, à hauteur d’environ 900 millions d’euros, l’objectif étant de permettre chaque année la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. Il sert aussi à financer le nouveau service public de l’orientation dirigé par M. Jean-Robert Pitte.

L’article 18 de cette loi prévoit que les excédents de ce fonds, au 31 décembre de chaque année, constituent les ressources de ce fonds l’année suivante.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2011 ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, rendu public le 6 juillet dernier, montrent que le Gouvernement s’apprête à puiser 300 millions d’euros dans ce fonds.

Alors que la crise économique a accentué la fragilité d’un grand nombre de nos concitoyens, particulièrement les moins bien qualifiés, en les éloignant davantage encore de l’emploi, ces documents soulignent de nouvelles dispositions inquiétantes pour l’avenir de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle.

C’est à un vaste ensemble de restrictions budgétaires que nous assistons ! La majeure partie des dépenses inscrites dans le plan de relance 2010 ne sera pas reconduite en 2011 et la recherche de gains de productivité importants par le service public de l’emploi y est expressément mentionnée !

Ainsi, 1 800 suppressions de poste à Pôle emploi seraient confirmées, annonce vécue comme une véritable agression contre les salariés.

Il faut ajouter à cela des réductions drastiques des financements des maisons de l’emploi, des missions locales ou encore des contrats aidés !

Mais la mesure la plus choquante concerne bien le détournement des excédents de ce fonds.

En date du 16 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé aux signataires de l’accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation professionnelle sa décision unilatérale et sa détermination à utiliser les excédents de ce fonds pour financer le maintien de la prime aux employeurs développant l’alternance, ainsi que sa contribution à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA ! De la CGT au MEDEF, l’incompréhension s’était manifestée !

Le projet de loi de finances pour 2011 avalise, par son article 96, la détermination du Gouvernement à utiliser ces excédents pour les réaffecter à Pôle emploi, à l’AFPA et à l’Agence de services et de paiement, l’ASP !

Or, on le sait bien, les primes de Pôle emploi ou les rémunérations de stagiaires n’ont rien à voir avec la formation. Avec cette ponction de 300 millions d’euros, ce sont des dizaines de milliers d’actions de formation qui sont remises en cause. En effet, à titre d’exemple, les 158 millions d’euros débloqués dans le cadre de la convention signée entre Pôle emploi, l’UNEDIC, l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, et le FPSPP avaient permis la mise en place de 47 000 actions de formations et de 5 000 contrats de professionnalisation.

En échange de cette ponction, le Gouvernement a décidé de diminuer la contribution légale des employeurs, qui devrait passer de 13 % à 10 %.

Si cette réduction de taux résout le risque de ponction de ce fonds pour les années à venir, elle risque toutefois d’hypothéquer la politique de formation professionnelle !

Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement entend se mettre en conformité avec les obligations légales découlant de la loi du 24 novembre 2009 et comment il compte continuer à mener une politique de l’emploi et de la formation professionnelle ambitieuse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos mots d’accueil.

Madame la sénatrice, comme vous le savez – votre question l’a montré –, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation tout au long de la vie a vu ses modalités de fonctionnement précisées par le décret n° 2010-155 du 19 février 2010. Ce fonds a été agréé par un arrêté du 12 mars 2010 et la convention-cadre permettant son fonctionnement a été signée avec l’État le 15 mars 2010.

Le Gouvernement, en lien avec les partenaires sociaux, qui sont extrêmement impliqués dans ce dispositif, a souhaité la création de ce fonds afin de contribuer au financement d’actions de formation professionnelle concourant à la qualification et à la requalification des salariés et demandeurs d’emploi appartenant à des publics qui, reconnaissons-le, sont fragiles et bénéficient traditionnellement moins que les autres des systèmes de formation.

Ces publics ont été déterminés par la convention-cadre que je viens d’évoquer. Pour la période 2010-2012, ont ainsi été identifiés les salariés les plus exposés au risque de rupture de leur parcours professionnel : il s’agit de ceux dont le degré de qualification est faible, notamment ceux qui relèvent des niveaux V ou infra, c'est-à-dire V bis et VI, de ceux qui n’ont pas bénéficié d’une action de formation au cours des cinq dernières années, de ceux qui alternent fréquemment des périodes de travail et des phases de chômage, et, enfin, de ceux qui sont à temps partiel et des demandeurs d’emploi.

Les partenaires sociaux ont décidé de doter le fonds de sécurisation d’une contribution correspondant à 13 % de l’obligation de financement de la formation professionnelle continue des entreprises.

Pour 2010, les ressources du fonds sont constituées de 830 millions d'euros provenant des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, de 80 millions d'euros alloués par l’État et de 150 millions d'euros versés au titre du FSE, le Fonds social européen.

Depuis le 15 mars 2010, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a publié quatorze appels à projets relevant des axes qui ont été définis dans la convention-cadre pour financer des actions de formation à destination des publics dont je viens de dresser la liste.

Les réponses des bénéficiaires potentiels des fonds dédiés à ces appels à projets ont permis de programmer l’utilisation de 250 millions d'euros dans le cadre de la mission du FPSPP de financement d’actions de formation à destination des publics vulnérables.

Au titre de la péréquation des fonds des organismes paritaires collecteurs agréés, qui constitue la deuxième mission confiée par la loi au FPSPP, une enveloppe de 477 millions d'euros a été prévue en 2010.

Toutefois, il apparaît, selon les modalités prévisionnelles de réalisation des actions de formation, notamment leur durée et leurs modalités de paiement – ce dernier, en effet, est parfois décalé dans le temps, dans la mesure où il est mis en œuvre au vu de justificatifs de réalisation – que le Fonds, tout opérationnel qu’il ait pu être en 2010, ne décaissera cette année-là qu’une petite partie des crédits dont il dispose.

Sur la base de ce constat, et compte tenu des réalités budgétaires que vous connaissez aussi bien que moi, madame la sénatrice, le Gouvernement a décidé, il est vrai, d’opérer un prélèvement exceptionnel sur la trésorerie du FPSPP, à hauteur de 300 millions d'euros.

Bien évidemment, cette disposition est prévue dans le projet de loi de finances pour 2011, ce qui, une fois que celui-ci aura été voté, lui conférera une inattaquable légalité. En effet, je le répète, il s'agira d’une mesure législative, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, madame la sénatrice, et qui n’était pas tout à fait exact.

Vous indiquiez également que ce prélèvement aura pour effet de remettre en cause des dizaines de milliers d’actions de formation.

En réalité, les fonds issus de ce prélèvement seront utilisés spécifiquement – j’y insiste – pour des actions de formation : la mise en œuvre par l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l’emploi, au profit du développement et de la qualification de salariés ou de demandeurs d’emploi ; le financement de la rémunération des stagiaires en formation par l’Agence de services et de paiement ; le financement par Pôle Emploi des actions de formation prévues dans le cadre de la convention de reclassement personnalisée ; mais aussi le financement des aides à l’embauche des jeunes en contrat de professionnalisation, dont une partie de ce dernier se déroule en formation.

Enfin – ce point est très important –, afin d’éviter au FPSPP tout risque financier, il est prévu que le prélèvement sera opéré en deux fois et sur la base d’un décret qui déterminera les montants respectifs de ces deux versements.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous fléchons les crédits vers des actions de formation, nous mobilisons une trésorerie qui était excédentaire, ce qui n’était pas de bonne gestion, et nous prévoyons que celle-ci sera utilisée en deux temps, par voie de décret, ce qui offre toutes les garanties de sécurité et de rigueur au traitement de ces sommes.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais celle-ci ne m’a pas convaincue, hélas !

Le Gouvernement a annoncé en juillet dernier ce prélèvement, qui sera rendu légal si l’article 96 du projet de loi de finances pour 2011 est voté ; nous attendons donc l’adoption de cette disposition, même s’il ne devrait pas y avoir de surprise.

Vous avez évoqué une trésorerie excédentaire. Faut-il vous rappeler, madame la secrétaire d'État, que, dans de nombreux départements, le nombre des contrats aidés a fortement diminué, ce qui pose d’énormes problèmes à tous les ateliers d’insertion ? Ceux-ci laisseront sur le bord du chemin de nombreuses personnes qui avaient commencé à s’intégrer dans le monde du travail. Et je n’oublie pas non plus les AVS et EVS – auxiliaires et emplois de vie scolaire –, dont les postes sont également très précaires. Comment leur offrir des possibilités de formation et de qualification ?

Je crois savoir que l’emploi est l’une des priorités du nouveau gouvernement. Or le développement des contrats aidés constitue l’un des axes de la lutte contre le chômage. La trésorerie excédentaire que vous évoquiez, madame la secrétaire d'État, aurait pu servir à faciliter ces contrats. Malheureusement, bien des associations, et, par là même, de nombreux citoyens, se retrouveront en grande difficulté.

financement des maisons départementales des personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, auteur de la question n° 1021, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, je tiens à féliciter les deux membres du Gouvernement ici présents.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les compensations financières des postes de l’État non pourvus au sein des effectifs des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Vous connaissez comme moi les difficultés que rencontrent les conseils généraux dans le domaine budgétaire en raison de la charge sociale liée à des prestations servies par les départements mais fixées par l’État.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a confié aux conseils généraux la responsabilité de la mise en œuvre des MDPH. Ces structures ont pour vocation de faciliter les démarches des personnes handicapées et de leurs familles, grâce à un accès unifié aux droits et prestations prévus pour elles.

Face à la nécessité d’offrir à ces personnes de véritables outils au service de leur insertion, les conseils généraux se sont rapidement engagés à mettre en place leurs MDPH.

En soutien à cette politique, l’État s’était engagé conventionnellement à mettre à disposition ses fonctionnaires dans les maisons départementales des personnes handicapées avant qu’ils n’exercent leur éventuel droit de retrait.

Dans le cadre de négociations avec les départements, l’État avait alors revu sa position et s’était engagé à compenser financièrement la part des coûts salariaux pris en charge par les conseils généraux dans les MDPH.

Le problème est que l’État n’a que partiellement versé ses compensations financières aux conseils généraux par l’intermédiaire des MDPH. Dans de nombreux départements, sa dette envers ces maisons se chiffre à plusieurs centaines de milliers d’euros depuis 2005. Pour le Loiret, pour la période 2006-2009, elle représente déjà 286 805 euros en compensation de postes non pourvus par l’État. À l'échelle nationale, on peut estimer qu’elle s’élève à environ 30 millions d'euros.

Avec mon collègue Claude Jeannerot, président du conseil général du Doubs, je dois présenter ce soir un rapport sur les transferts de personnels. Nous y évoquerons les MDPH et les parcs de l’équipement, qui constituent de véritables bombes à retardement pour les départements. Les maisons départementales des personnes handicapées donnent une impression de désordre complet et il semble que les transferts de personnels y aient été ratés. On y observe des dysfonctionnements graves liés à l’instabilité des agents.

Aussi, madame la secrétaire d'État, envisagez-vous de compenser rapidement, durablement et totalement, au regard des obligations légales et conventionnelles de l’État, les coûts salariaux engagés par les conseils généraux dans les MDPH ? Si tel n’est pas le cas, ces maisons risquent de ne plus pouvoir assurer aux citoyens un service de qualité. En effet, nous constatons déjà dans certains endroits des délais de traitement des dossiers et des informations des usagers deux fois plus élevés que ceux que la loi prévoit.

M. le président. Madame la secrétaire d'Etat, avant de vous donner la parole, je vous indique que nous devons traiter ce matin dix-sept questions orales, et que le temps de parole est donc limité à trois minutes. Mme Maryvonne Blondin a bénéficié tout à l’heure d’un traitement très favorable… Il vous faut gérer votre réponse en fonction de cette contrainte de temps, et plusieurs chronomètres sont disposés dans l’hémicycle pour vous y aider.

Vous avez la parole, madame la secrétaire d’État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Pardonnez-moi, monsieur le président : je garderai l’œil rivé sur le compteur. (Sourires.)

Monsieur le sénateur, vous avez raison : les MDPH constituent un élément essentiel de notre politique en direction des personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle il faut être particulièrement attentif à leurs équilibres et à leur bon fonctionnement.

L’État s’est engagé à mettre à disposition ses personnels ou, à défaut, à compenser financièrement les postes devenus vacants quand ses agents font valoir – légitimement – leur droit au retour ou à la retraite, comme vous l’avez souligné.

Le Gouvernement, je veux le rappeler, a tenu ses engagements.

En 2010, l’intégralité des postes vacants sera compensée comme prévu, 25,5 millions d'euros ayant déjà été affectés aux MDPH. Le solde, soit 5,1 millions d'euros, sera délégué en fin de gestion, afin de procéder aux versements complémentaires rendus nécessaires par les départs en cours d’année. Ces crédits s’ajoutent aux 712 équivalents temps plein de fonctionnaires de l’État effectivement mis à disposition, qui représentent une masse salariale de plus de 21 millions d'euros.

S’agissant des sommes restant dues aux conseils généraux pour les exercices 2006 à 2009, elles feront l’objet d’un règlement en loi de finances rectificative. Nous les évaluons à un peu plus de 18 millions d'euros. Le règlement de cette dette devra naturellement s’accompagner d’un retrait de l’ensemble des contentieux en cours, car ceux-ci, nous le savons, obscurcissent aujourd'hui l’horizon des MDPH.

Aux termes du projet de loi de finances pour 2011, cet effort financier sera poursuivi et accompagné d’une visibilité accrue pour les MDPH : l’essentiel des financements dus aux maisons départementales des personnes handicapées, c’est-à-dire l’ensemble des crédits de fonctionnement et les sommes correspondant au stock des postes vacants, ont été regroupés sur une seule ligne budgétaire.

Toutefois, ce n’est pas tout. Le Gouvernement a aussi veillé à ce que la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, pérennise son concours financier aux MDPH à hauteur de 60 millions d’euros.

En outre, la circulaire du 14 avril 2010 a permis de donner des consignes précises aux services déconcentrés pour améliorer la gestion des ressources humaines dans les MDPH et prévenir ainsi toute dégradation de la dotation des moyens en personnel.

Enfin, monsieur le sénateur, je dois souligner l’excellent travail effectué par la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen de la proposition de loi, adoptée ici même le 25 octobre dernier, de M. Paul Blanc, qui est très actif et impliqué dans ce dossier.

Le système de mise à disposition remboursée ainsi que le mécanisme de conventions triennales d’objectifs et de moyens passées entre l’État, les conseils généraux et les MDPH que ce texte prévoit permettront aux maisons départementales des personnes handicapées de bénéficier de garanties financières renforcées.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’État tient ses engagements. Et il jouera tout son rôle dans la gouvernance de ces maisons, en lien avec la CNSA et ses autres partenaires.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Je tiens tout d’abord à remercier Mme la secrétaire d’État de cette information que nous attendions depuis déjà longtemps. L’État tiendra ses engagements ; je n’en doutais pas, mais il a fallu du temps pour que cette bonne nouvelle soit communiquée.

Vous avez fait part des recours en contentieux qu’ont pu engager un certain nombre de départements pour la période 2006-2009 contre le Gouvernement. Ce sont des départements dirigés par des élus de l’opposition, mais je pense qu’il est assez logique qu’ils aient entamé une telle procédure car l’arriéré était tout de même important.

Ce que l’on peut retenir d’une telle situation, c’est que, si d’autres transferts doivent se réaliser à l’avenir – ce n’est pas improbable –, il faut éviter de permettre le droit de retrait des personnels. Vous ne pouvez pas affecter à une collectivité des personnels en mesure d’exercer un droit de retrait : cela déstabilise totalement la collectivité qui les reçoit, puisqu’elle les forme et les adapte à une nouvelle méthode de fonctionnement. Par ailleurs, le retour de ces personnels vers l’État crée souvent des doublons et multiplie donc par deux les frais de personnel dans bien des cas.

Je souhaite que, à tout le moins, on tire de la situation un certain nombre de conséquences.

Premièrement, il faut tenir ses engagements ; c’est désormais chose faite, même si c’est avec retard.

Deuxièmement, il faut cesser de mettre en place de tels systèmes, qui sont totalement inapplicables sur le terrain. J’avais d’ailleurs fait la même remarque en 2005 ; il est regrettable que, cinq après, ce dossier soit toujours à l’ordre du jour.