PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l’article.

M. Jean-Paul Virapoullé. Le cas concret qu’a décrit Jean-Pierre Sueur me conduit à réagir et à interroger les éminents spécialistes des lois de finances qui se trouvent dans cet hémicycle.

Moi qui suis loin d’être un expert en la matière et qui n’ai qu’une courte expérience de parlementaire, je me demande si une loi de finances peut être rétroactive.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jean-Paul Virapoullé. En effet, le Parlement vote chaque année une loi de finances qui est publiée à la fin du mois de décembre pour s’appliquer dès le 1er janvier de l’année suivante. Au demeurant, cette loi de finances n’est pas la Bible : elle est modifiée ou complétée durant l’exercice considéré par des lois de finances rectificatives.

Toutes celles et tous ceux qui, en toute bonne foi, ont déposé des projets photovoltaïques l’ont fait en vertu de la loi, laquelle est applicable tant que ce projet de loi de finances pour 2011 n’est pas voté. Ce texte sera lui-même soumis au Conseil constitutionnel avant d’être publié dans les tout derniers jours du mois de décembre prochain.

Dans ces conditions, comment opposer aujourd’hui une loi virtuelle à une loi réelle ? Je m’interroge et j’interroge le Gouvernement ainsi que l’éminent rapporteur général, dont je salue ici le travail. Si l’on m’affirme que certaines dispositions de la loi de finances peuvent être rétroactives, je considérerai que j’ai la réponse à ma question et je m’en contenterai.

Pour moi, au regard de mes connaissances en la matière, il s’agit d’un vrai problème de droit. En effet, soit le Conseil constitutionnel est en mesure de censurer le caractère rétroactif de certaines dispositions dès le mois de septembre, lorsque le Gouvernement dépose le projet de loi de finances sur le bureau de l'Assemblée nationale, soit de simples citoyens pourraient engager un recours et faire valoir leurs droits en se fondant sur cette irrégularité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je formulerai un certain nombre de commentaires globaux sur l’ensemble de ces interventions afin de ne pas avoir à les répéter au fur et à mesure que nous examinerons le grand nombre d’amendements déposés à cet article, et donc pour gagner du temps.

L’objet de ces amendements est de remettre en cause, d’une façon ou d’une autre, la suppression de l’éligibilité du secteur du photovoltaïque au dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer.

Premièrement, la suppression de cette éligibilité représente une économie de dépense fiscale de 230 millions d’euros par an. Ce montant a déjà été atteint : ce n’est pas un montant prévisionnel. Et il faut savoir que la dépense fiscale en question connaît une croissance exponentielle. Je parle sous le contrôle du ministre, mais il paraît que le stock des dossiers en attente, c'est-à-dire en cours d’instruction, représente à lui seul un enjeu sans doute supérieur à 500 millions d'euros. Il nous faut savoir de quoi nous parlons et situer les ordres de grandeur.

Deuxièmement, la défiscalisation en faveur du photovoltaïque constitue une aide à des investissements dans un secteur par ailleurs déjà aidé, et même bien aidé.

En effet, le tarif de rachat par EDF de l’électricité ainsi produite est avantageux. C’est l’usager qui en supporte le coût, par le biais de la contribution au service public de l’électricité ; il s’agit là d’une question dont nous avons amplement débattu, notamment dans le cadre de l’examen de la loi dite « NOME », voilà quelques semaines.

À ce titre, ce sont des investissements aidés, et pour des montants importants. Ce sont, en outre, des investissements sans risque puisque le tarif de sortie est déterminé. Par conséquent, ce n’est en réalité qu’un produit financier, les calculs de rendement étant effectués a priori.

Par ailleurs, l’outre-mer bénéficie des aides au photovoltaïque au titre du crédit d’impôt développement durable, d’ailleurs très peu développé outre-mer. Après tout, ce crédit d’impôt, qui est un dispositif de droit commun, pourrait s’appliquer davantage dans ces collectivités.

Troisièmement, le secteur du photovoltaïque, du fait de sa rentabilité, représente – j’allais dire, accapare – une proportion importante – de près de 20 % – des investissements défiscalisés, sans rapport avec la part relative de cette activité dans les économies locales. Il s’agit donc bien d’un effet d’aubaine. Par le fait même, il provoque l’éviction d’autres investissements dans d’autres secteurs, et qui sont éventuellement des secteurs plus riches en emploi, comme la construction ou l’entretien des logements. En effet, les avantages au titre de l’impôt sur le revenu sont plafonnés : à l’intérieur du plafond, on peut choisir différents produits ; en choisissant ce support-là, on renonce nécessairement aux autres.

Quatrièmement, les investissements en cours dans ce domaine devraient permettre, du point de vue du développement de l’énergie solaire, d’atteindre dès 2011 les objectifs prévus pour 2020 par le Grenelle de l’environnement.

L’ensemble de ces raisons plaident, me semble-t-il, pour une suppression de l’éligibilité du photovoltaïque au régime de défiscalisation des investissements outre-mer.

Compte tenu des avantages que représentent ces investissements, on comprend bien que tous les intermédiaires – j’allais dire de façon un peu ironique et en mettant des guillemets, tous les « parasites » –, à savoir les cabinets spécialisés en défiscalisation, tiennent particulièrement au maintien de ce dispositif et exercent une pression sur les élus des territoires pour les rendre sensibles à leur souhait.

L’Assemblée nationale a accepté d’intégrer au texte une « clause de revoyure », que l’on pourrait appeler « clause de remords », selon laquelle une commission composée d’élus et de représentants de l’administration se prononcera, avant le 30 juin 2011, sur l’opportunité ou non de réintégrer dans la loi ces dispositions et de revenir sur la suppression de cette défiscalisation.

Certains d’entre vous, mes chers collègues, plaident pour la suspension du dispositif actuellement en vigueur. Je les ai écoutés avec attention tout au long des réunions qui ont eu lieu à ce sujet, notamment avec la Fédération des entreprises d’outre-mer. Je leur fais observer qu’une simple suspension, qui ne ferait rien d’autre que d’ouvrir une période d’attente, provoquerait une chute du volume de l’ensemble des investissements à défiscaliser. En effet, on ne manquera pas de penser que les investissements dans le photovoltaïque qui sont en attente auront vocation à renaître à l’issue de la suspension.

Enfin, mes chers collègues, je me dois de vous informer, pour mettre fin d’emblée à un suspense qui pourrait se révéler insupportable, que la commission des finances ne sera favorable à aucun amendement relatif au volet outre-mer de l’article 13, à l’exception éventuelle de quelques modalités relatives aux conditions d’entrée en vigueur du dispositif, sur lesquelles nous ferons montre d’un esprit d’ouverture.

Pour la clarté de notre débat et par loyauté, j’ai cru devoir vous faire part de la position de la commission. Désormais, je serai très peu bavard sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, sur l'article.

M. Jacques Gillot. Monsieur le président, je souhaiterais comprendre le fonctionnement du Parlement, en particulier celui de la Haute Assemblée.

C’est la première fois qu’un rapporteur général donne son avis avant même qu’aient été présentés des amendements. Il est vrai que, dans cet hémicycle, l’outre-mer est toujours censuré. (Marques d’étonnement et protestations sur les travées de lUMP.) En fait, si l’on s’en tient à l’intervention du rapporteur général, chacun pourra avancer tous les arguments qu’il voudra, le sort qui sera réservé à nos amendements est déjà connu. Autant partir tout de suite !

Je me permettrai de faire remarquer que, tout à l’heure, la discussion sur d’autres amendements a tout de même beaucoup traîné.

Monsieur le rapporteur général, une fois encore, vous apportez la preuve que l’outre-mer ne vous intéresse pas. Nous ne sommes pas dans cet hémicycle pour gagner du temps ! Nous sommes venus pour défendre des dossiers qui intéressent les outre-mer, qui touchent leurs mandants.

Monsieur le président, il faut véritablement corriger le fonctionnement de cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, sur l'article.

M. Daniel Marsin. Je partage l’indignation de mon collègue Jacques Gillot. Je suis surpris que, au prétexte de gagner du temps, on annonce d’ores et déjà qu’un avis défavorable sera émis sur l’ensemble des amendements en discussion. À la limite, il devient inutile de les présenter !

D’ailleurs, je n’ai personnellement plus aucune envie, dans ces conditions, de présenter les amendements que je devais défendre – cela permettra de gagner du temps ! –, car il me paraît grave de fonctionner ainsi. (Plusieurs sénateurs du groupe socialistes s’efforcent de dissuader l’orateur de persister dans son intention.)

Je note aussi que, tout à l’heure, lorsque notre excellent rapporteur général a présenté un amendement visant à taxer les utilisateurs de services électroniques – et la discussion de cet amendement nous a tenus occupés pendant environ une heure –, M. Georges Tron, qui représentait la Gouvernement à ce moment-là, a indiqué qu’il ne voyait pas l’intérêt de voter cette taxe aujourd’hui dans la mesure où un groupe de travail devait se mettre en place pour étudier, notamment, les conditions dans lesquelles elle pourrait être instituée. Une telle démarche me semblait parfaitement logique.

En revanche, s’agissant de l’outre-mer, et ce n’est pas la première fois que cela se produit, on prend la décision d’abord et on met la commission en place ensuite, alors que le bon sens commanderait de faire le contraire, de constituer la commission et, à partir de ses conclusions, de prendre des décisions.

Pour l’outre-mer, on procède donc véritablement à rebours de toute logique. Je tenais à le dire puisque je ne défendrai pas mes amendements.

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais si, il le faut !

M. Daniel Marsin. J’en viens au fond.

Cet article 13 participe, on le sait très bien, du coup de rabot général sur les niches fiscales. Mais il faut être conscient du fait que l’outre-mer n’est pas la France hexagonale : ce qui est un coup de rabot dans l’Hexagone peut être un coup de machette ou de hache en outre-mer !

Le soleil est l’une des rares ressources naturelles dont nous disposons en outre-mer. Il importe d’en favoriser l’exploitation dans le cadre du développement intégré dont le Président de la République a fait l’éloge à l’occasion du comité interministériel de l’outre-mer.

Certes, la disposition qui est visée dans cet article donne lieu à des dérives. Certes, beaucoup de composants photovoltaïques viennent d’ailleurs. Mais alors, pourquoi ne pas envisager de restructurer cette filière de production d’énergie en vue d’accroître la valeur ajoutée produite chez nous et favoriser le développement et l’emploi ?

Au lieu de cela, on décide carrément de supprimer les avantages fiscaux relatifs à l’investissement dans la production d’énergie photovoltaïque sous prétexte que leur coût est énorme, ce qui revient à supprimer la filière.

Pour ma part, je considère que cette démarche est totalement incohérente et je regrette que l’on puisse disposer ainsi d’une filière qui a été par ailleurs si fortement encouragée outre-mer, ainsi que le soulignait tout à l'heure notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Il aurait été préférable, et tel était le sens de notre réflexion, de procéder d’abord à une évaluation de ce secteur, pour pouvoir décider ensuite soit de supprimer complètement le dispositif, soit de le moduler.

Dans le cas présent, la décision de suppression est prise brutalement, et qui plus est avec un effet rétroactif, ce qui remet en cause tous les investissements dans ce secteur. Je le déplore profondément. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l’article.

M. Bernard Frimat. Je veux joindre ma voix à celles de nos collègues ultramarins.

J’ai déjà entendu tout à l’heure que ce serait considéré comme une marque de courtoisie de leur part s’ils ne présentaient leurs amendements qu’en deux minutes, alors que le règlement en prévoit trois pour la défense d’un amendement en séance.

De plus, nous assistons à une véritable novation dans la manière dont nous travaillons : avant même que les intéressés – je rappelle que, n’étant pas membres de la commission de finances, ils n’ont pas pu se faire entendre précédemment – exposent les motifs de leurs amendements, ils savent déjà que leur parole sera considérée comme nulle et non avenue, que la commission et le Gouvernement vont probablement couper court au débat en donnant leur position sur des amendements qui auront à peine été présentés.

Monsieur le président, je me demande très honnêtement si un tel fonctionnement participe de la volonté hautement affirmée par l’exécutif de rehausser le rôle du Parlement.

Pour ma part, je veux insister auprès de mes collègues ultramarins pour qu’ils présentent leurs amendements et qu’ils utilisent, s’ils le souhaitent, les trois minutes auxquelles ils ont droit pour le faire.

M. Bernard Frimat. J’indique également que, le cas échéant, nous manifesterons notre soutien à ces amendements en intervenant pour explication de vote. En effet, à quoi sert un débat parlementaire si ce n’est à s’efforcer de convaincre ?

Monsieur le rapporteur général, j’ai entendu les plaidoyers que vous avez prononcés en faveur des paris en ligne. Vous avez eu une chance au tirage ; je vais vous en donner une au grattage ! Nous allons maintenant « gratter » pour savoir ce qu’il y a dans ces différents amendements ! (Sourires.)

Quel est le problème de fond auxquels sont confrontés nos différents collègues ultramarins qui ne sont pas membres de la commission des finances mais qui sont membres du comité spécial que nous avons créé en application de la loi organique pour le développement économique en outre-mer, comité censé accorder une attention particulière aux problèmes touchant à l’outre-mer ? Je pensais que cela devait se traduire, dans cette maison, par une attention particulière accordée aux propositions de ces collègues, à ce qu’ils ont à dire. Je n’avais pas compris que cela impliquait de les mépriser, de considérer que leur parole était tellement inutile qu’elle n’avait même pas à être prononcée !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est grave !

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Bernard Frimat. Nous avons, pour notre part, une autre conception de l’outre-mer et du rôle des parlementaires ultramarins, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.

Ces collègues ultramarins indiquent que, se fondant sur une proposition qui leur avait été faite, et qui émanait non pas des rangs de l’opposition, mais des vôtres, mesdames, messieurs de la majorité, ils ont arrêté des politiques et engagé des investissements.

Il se révèle que le dispositif coûte trop cher – je me réfère à ce que j’ai entendu en commission des lois dans la bouche de notre collègue Jean-Paul Virapoullé – parce qu’un certain nombre de truands du photovoltaïque ont fait profession de récupérer le bénéfice de la défiscalisation.

M. Bernard Frimat. Parce qu’il y a eu ces comportements que nous blâmons tous et qu’il faut effectivement condamner, la solution astucieuse que vous avez retenue – et nous sommes en extase devant tant d’inventivité ! – consiste à stopper dans leur élan ceux qui se sont engagés dans des travaux intelligents et à leur demander d’y mettre fin pour développer d’autres types de production d’énergie, polluants ceux-là.

Vous marchez sur la tête ! Et c’est un exercice que vous pratiquez avec une habileté qui force mon admiration ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Toutefois, cette pseudo-rationalité financière dont, par des discours toujours plus longs, vous nous rebattez les oreilles à longueur de journée ne résiste pas à un certain nombre de vérités, notamment celles qui ressortent du contrat que vous avez passé avec nos collègues d’outre-mer. Alors que vous vous êtes engagés envers eux, aujourd’hui, vous faites machine arrière et vous adoptez à leur égard une attitude montrant qu’ils ont tellement peu d’importance à vos yeux que même ce qu’ils ont à dire n’en a aucune.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas acceptable !

M. Bernard Frimat. Nous, nous avons une autre conception du Parlement et du débat parlementaire. Nous ne sommes ici ni pour gagner du temps ni pour en perdre. Les débats sur la production d’énergie photovoltaïque sont au moins aussi dignes d’intérêt que ceux qui se sont déroulés ici cet après-midi s’agissant du domaine culturel.

M. Bernard Frimat. Par conséquent, poursuivons-les et expliquons-nous autant que nous le jugeons nécessaire.

Je suis persuadé, monsieur le rapporteur général, qu’en vertu de votre intelligence, que chacun s’accorde à louer, après avoir entendu mes collègues, vous allez être subjugué et revenir sur une position que vous avez prise sans doute un peu trop rapidement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Anne-Marie Payet et Sylvie Goy-Chavent, ainsi que M. Jean-Paul Virapoullé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, sur l’article.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous devinez que si, ce soir, des messages aussi forts sont lancés, c’est que nous voulons relayer des appels.

Cette affaire d’énergie photovoltaïque a suscité un engouement assez exceptionnel : il y a eu des porteurs de projets, mais aussi des profiteurs, et ceux-ci ont fait des victimes. C’est à ces dernières que nous devons de nous intéresser.

Je suis moi-même d’un département qui n’est guère susceptible d’accueillir des industries, mais qui jouit d’un ensoleillement passant pour être le plus élevé de l’Hexagone. Je peux vous dire, monsieur le ministre, que l’on n’arrête pas un projet qui est déjà sur les rails !

C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements qui vont dans le sens du respect des projets en cours, car ils sont conformes non seulement à la logique, mais aussi à l’honnêteté intellectuelle. On ne change pas les règles au milieu du match !

Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement et fermement, il s’agit là d’un sujet que l’on doit veiller à traiter avec le souci de l’honnêteté. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.

Mme Marie-France Beaufils. Les questions qui nous occupent se posent différemment en métropole et outre-mer. Il faut savoir l’entendre et éviter d’engager une même démarche globale.

J’ai suivi attentivement, en début d’après-midi, le débat lancé sur l’initiative de M. le rapporteur général au sujet d’une mesure proposée par la commission des finances, débat très ouvert, dont la durée a largement dépassé celle des présentations habituelles d’amendements de la commission dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de finances.

Tout à coup, sur le sujet important de la production d’énergie photovoltaïque, on nous dit qu’il faut couper court au débat pour gagner du temps.

Cela me rappelle ce qui s’est passé lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, lorsque tous nos amendements visant le problème fondamental du financement et prévoyant à cet égard d’autres modalités que celles qui étaient proposées par le Gouvernement ont été regroupés afin que nous les présentions successivement, sans aucun débat ni échange à la suite des observations émises par le Gouvernement.

Ce n’est pas, selon moi, une démarche démocratique normale au sein de notre assemblée.

Les amendements, très différents les uns des autres, doivent être débattus normalement. Ils peuvent, dans certains cas, aller dans le sens des questions que vous avez soulevées et, dans d’autres, prendre en compte la différence entre la métropole et l’outre-mer.

Il serait dommage que l’on n’aborde pas sereinement la question de la production d’une énergie beaucoup plus respectueuse de l’environnement.

Je tiens vraiment à ce que l’on adopte une autre attitude en ce qui concerne l’ensemble des amendements. Comme M. Frimat, je souhaite que les amendements soient présentés dans le respect du règlement de notre assemblée et qu’on puisse en discuter normalement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais simplement dire à nos excellents collègues qui se sont exprimés qu’il ne faut pas se méprendre.

Mon rôle est d’être le porte-parole de la commission. J’ai fait état du point de vue de la commission, qui a effectué une analyse commune de l’ensemble des amendements. Il n’y a aucunement lieu de s’en formaliser. C’est d’ailleurs une analyse publique : les comptes rendus de chaque séance de notre commission sont mis en ligne. Je n’ai fait injure à personne !

Je souhaite, bien entendu, que le débat se déroule normalement, cher président Frimat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je m’étonne de la tonalité des propos qui viennent d’être tenus, notamment par M. Frimat.

La commission a examiné les amendements présentés par nos collègues hier midi et hier soir, Mme Beaufils peut en témoigner. Tout cela est parfaitement transparent.

Je veux dire à nos collègues de l’outre-mer que nous sommes avec eux pour rechercher les meilleures solutions possibles dans ce qui est financièrement supportable.

Ils savent bien dans quel contexte budgétaire nous nous trouvons et à quel point il est urgent et nécessaire de mettre de l’ordre dans nos finances publiques.

La dépense fiscale outre-mer représente 1,2 milliard d’euros. Or le photovoltaïque est en train de vampiriser les autres dispositifs de défiscalisation. Le risque, si l’on n’y porte pas remède, c’est que vienne un moment où la dépense fiscale ne serve plus à des activités de production, qui mobilisent de la main-d’œuvre et contribuent à la cohésion sociale, à la création de richesses et au développement de l’outre-mer. C’est de cela qu’il s’agit !

Je souhaite que nous puissions en débattre sereinement. Vous avez dû constater, vous qui êtes élus de l’outre-mer, que certains montages d’opération sont parfaitement scandaleux ! Des investisseurs perçoivent plus en crédit d’impôt que le montant de leur investissement.

Comment justifier pareilles dérives ? On met en péril les finances publiques, pour des opérations totalement artificielles. Essayons donc d’y mettre un peu d’ordre, dans l’intérêt de l’outre-mer, afin que les actions conduites par le Gouvernement puissent s’inscrire dans un développement durable, financièrement soutenable. Je le répète, c’est de cela qu’il s’agit, et de rien d’autre.

Nous essayons, en somme, d’introduire de la modération et de la régulation dans ce qui est artificiel.

Quel reproche peut-on adresser au rapporteur général, qui s’est exprimé avec sa courtoisie coutumière ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Vous êtes, les uns et les autres, tous membres d’une commission permanente, et vous examinez les amendements déposés sur les textes de lois dont celle-ci est saisie. Que fait alors la commission ? Elle exprime une opinion. Or, le rapporteur général vous a dit quelle était l’opinion de la commission des finances. Que pouvez-vous donc trouver à redire à cela ?

M. Jacques Gillot. Dans ce cas, monsieur le président de la commission des finances, faites de même pour tous les amendements !

M. Jean-Paul Virapoullé. Et dire que nous n’avons pas encore défendu nos amendements en séance !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Lui reprochez-vous d’avoir fait disparaître le suspens ? Mais tout est transparent, l’ensemble des informations sont disponibles sur internet depuis hier soir. De grâce ! arrêtons donc de nous raconter des histoires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, sur l’article.

M. Jean-Etienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que nous vivons actuellement, c’est le comble !

Nous sommes passés de procédés plus que critiquables à un discours très paternaliste du président de la commission des finances, qui nous a dit en substance : « Ne vous inquiétez pas, nous sommes avec vous ! »

Or, depuis hier, j’ai eu l’occasion d’observer les signes annonciateurs d’une certaine méthode. La tendance se confirme aujourd’hui. Deux de nos collègues, Serge Larcher et Jean-Paul Virapoullé, ont demandé à M. le ministre ici présent de bien vouloir clarifier sa réponse, à l’issue de la présentation d’un amendement. M. le ministre, anciennement titulaire du portefeuille de l’outre-mer, pour des raisons qui lui sont propres, a opposé un refus à cette demande.

Au cours de l’après-midi, M. le président de la commission des finances, confirmant par là même la tendance qui est à l’œuvre, nous invite, à l’approche de l’article 13, à présenter nos différents amendements dans les plus brefs délais. C’est ensuite au tour de M. le rapporteur général d’enfoncer le clou, en commençant d’abord par répondre à nos amendements, que nous n’avons pas encore défendus !

M. le président de la commission des finances a contracté cette fâcheuse habitude, lorsqu’il est question des outre-mer, de rappeler systématiquement les efforts de l’État en leur faveur, en insistant sur ce montant de plus de 13 milliards d’euros.

Connaissons-nous, mes chers collègues, les efforts réalisés en faveur de l’Aquitaine, des Bouches-du-Rhône, ou d’autres territoires de la France hexagonale ? Quelles sont ces pratiques qui consistent systématiquement à caractériser ainsi les outre-mer ?

Je profite de ce débat pour rappeler que les outre-mer participent également au rayonnement de l’État français. Grâce à eux, le Gouvernement actuel peut imposer, au niveau international, ses normes dans le domaine de l’environnement. Grâce à la Guyane, et à la base de Kourou en particulier – port spatial de l’Europe –, la France et l’Europe comptent parmi les plus grandes puissances mondiales. Avant d’aborder les différents amendements, il me semblait important de rappeler ces quelques vérités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Payet et M. Jean-Paul Virapoullé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens dès à présent à apporter des éléments de réponse puisqu’il semble que le parti ait été pris de développer les positions des uns et des autres avant même de passer à l’examen des amendements.

J’ai entendu les réflexions d’un certain nombre de parlementaires ultramarins. Je veux dire ici, devant eux, que le Gouvernement n’a aucunement l’intention de remettre en cause un outil que j’ai moi-même qualifié d’indispensable au développement des départements et territoires d’outre-mer, au service de politiques publiques qui visent à combler les écarts existants. En effet, les territoires ultramarins accusent des retards trois fois plus importants qu’en métropole, en termes de construction de logements sociaux, de développement d’infrastructures ou d’emploi des jeunes.

La population outre-mer est dynamique et vigoureuse, et la démographie y connaît une forte croissance, notamment en Guyane et à la Réunion, qui va franchir le cap du million d’habitants.

Ce débat sur le volet fiscal du développement de la filière photovoltaïque ne doit pas donner le sentiment que le Gouvernement n’est pas à l’écoute de l’outre-mer. Au contraire, le Gouvernement a pris des engagements très forts à la suite de la crise guadeloupéenne, qui se sont traduits par une loi, dont la vertu sera d’être appliquée en tout temps, tout lieu, toute circonstance.

Mon passage au ministère de l’outre-mer, qui a été rappelé, m’a permis de tirer un certain nombre d’enseignements, au-delà de la qualité humaine des relations que nous avons pu entretenir les uns avec les autres. Je me suis personnellement beaucoup battu, à Bercy – maison que vous connaissez bien, pour l’affronter parfois, souvent d’ailleurs au moment de la loi de finances –, afin de préserver, dans le cadre du coup de rabot, ce qui est efficace, notamment dans le domaine du logement social, en vue de satisfaire à l’une de vos demandes.

Nous parlons ici de la problématique du photovoltaïque. Je voudrais vous donner un gage de la sincérité de notre démarche en vous livrant quelques chiffres sur le transfert qui est en train de s’opérer sur la filière photovoltaïque avec l’avantage fiscal. Ce dernier est en train de siphonner les outils et les éléments d’agrément d’un secteur vers un autre, sans que cela ait fait véritablement l’objet d’une demande unanime.

Aucun consensus ne s’est dégagé pour décider de tout miser sur le secteur photovoltaïque et, partant, de délaisser totalement l’hôtellerie, le tourisme, les infrastructures, le développement économique, l’enseignement supérieur et le logement social. Or c’est bien ce qui est en train de se produire.

En 2006, le montant des investissements agréés, par secteur d’activité économique, se répartissait de la manière suivante – je ne cite là que quelques exemples : 14 % pour l’hôtellerie, 25,23 % pour les transports, 11 % pour l’industrie, et 9,51 % pour les énergies renouvelables. En 2009, trois ans après, la part de l’hôtellerie, importante source d’activités, à la base du développement du tourisme, a diminué de moitié en tombant à 6 %, celle de l’industrie est passée à 4,77 %, en raison du siphonage opéré par le développement du secteur photovoltaïque. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)