M. le président. Nous en venons aux interventions des groupes politiques.

La conférence des présidents a attribué un temps de parole de dix minutes à chaque groupe politique et de trois minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Puis, les groupes socialistes et UMP disposeront d’un temps supplémentaire de dix minutes, avant la réponse du Premier ministre.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, nous avons écouté avec attention votre discours de politique générale, hier et à l’instant.

Vous avez évoqué plusieurs sujets graves, qui concernent l’avenir de notre pays : la régulation mondiale, la guerre en Afghanistan, l’Asie, qui est en train de devenir le nouveau centre de gravité du monde.

Vous nous avez donné votre perception de la crise, la pire crise mondiale, en effet, depuis les années trente.

Pourtant, comment ne pas voir le décalage entre votre vision des choses et ce que vivent les Français tous les jours ?

Non, monsieur le Premier ministre, un diagnostic lucide ne peut pas faire l’impasse sur la situation de l’emploi, alors que le chômage est toujours aussi présent, notamment chez les jeunes, et que ceux qui ont la chance d’avoir un emploi en ressentent, chaque jour un peu plus, le caractère précaire et incertain.

Monsieur le Premier ministre, les Français ne ressentent pas les choses comme vous. Lorsque vous prononcez le mot « rigueur », cela préfigure pour eux de nouvelles disparitions des services publics dont ils ont tant besoin. Lorsque vous prononcez le mot « réforme », édifiés par le passé récent, ils entendent « injustice » : injustice dans la répartition de l’effort, injustice entre les territoires, où les inégalités s’accroissent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Alors que vous parlez de « modernisation », ils constatent que la régression gagne du terrain.

Monsieur le Premier ministre, les Français ne vous entendent pas quand vous leur dites que l’insécurité a largement reculé. Cela ne correspond à rien dans leur vie quotidienne. C’est même un échec retentissant pour celui qui dirige les forces de l’ordre, en droit ou en fait, depuis maintenant près de neuf ans. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Rien, en réalité, ne s’est amélioré à cet égard. Tous les chiffres le prouvent, même les statistiques officielles. Le vécu de nos concitoyens confirme votre échec absolu en matière de lutte contre l’insécurité.

Monsieur le Premier ministre, vous avez enfin fait l’éloge du pacte républicain.

Je m’interroge pourtant : le républicain que vous êtes peut-il cautionner les mauvais coups permanents que le Président de la République porte à ce même pacte ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)

Comment pouvez-vous passer sous silence la stigmatisation de pans entiers de la population, jugés pour ce qu’ils sont, et non pour ce qu’ils font ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

Comment accepter la remise en cause, désormais totalement assumée, de la laïcité, qui fait partie intégrante des principes fondateurs de notre République ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est la valse papale !

M. Jean-Pierre Bel. Oui, il y a bien un problème entre vous et les Français ! Car nos concitoyens souffrent aujourd’hui et craignent pour demain.

Dans votre discours, vous avez également esquissé le contour de quelques-unes des politiques à venir.

Vous nous avez dit, d’abord, que vous alliez poursuivre les réformes jusqu’au dernier jour.

M. Jean-Pierre Bel. Vous vous êtes présenté comme une incarnation du courage et de l’esprit de réforme, comme si tous vos opposants étaient des adversaires acharnés du progrès, et même des lâches !

M. Jean-Pierre Bel. Quelle intolérance dans vos propos ! En effet, quels sont les actes concrets de votre action qui ont apporté une amélioration significative dans la vie des Français ?

M. David Assouline. Il n’y en a aucun !

M. Jean-Pierre Bel. Où est l’inspiration humaniste et progressiste dans les mesures que vous avez prises et dans celles que vous avez annoncées ?

M. Guy Fischer. Nulle part !

M. Jean-Pierre Bel. Où est le courage dans la décision de supprimer l’impôt sur la fortune ?

Comment réformer, alors que vous avez laissé exploser les déficits jusqu’à atteindre, aujourd’hui, la somme astronomique de 150 milliards d’euros ?

Vous promettez aussi de ne pas augmenter les impôts. Mais qui ne voit pas que les prélèvements augmentent déjà, et ce dès le projet de loi de finances pour 2011 ?

Seules deux catégories de contribuables peuvent raisonnablement se sentir à l’abri. Ce sont, d’abord, les plus riches, les amis du président, qui ont bénéficié depuis 2007 de cadeaux fiscaux inédits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Ce sont aussi ceux qui composent votre clientèle traditionnelle, à qui vous avez octroyé des avantages fiscaux sans aucune contrepartie pour l’économie et pour l’emploi !

Nous le savons tous ici, car nous sommes, de par la Constitution, les représentants des collectivités territoriales : si vous pouvez afficher la stabilité de certains impôts nationaux, c’est grâce aux transferts de charges incessants que vous faites subir aux autres collectivités publiques (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, d’où des huées se font entendre.) Ces dernières subissent les effets collatéraux de votre politique !

À ce sujet, qu’en sera-t-il de la politique de la dépendance ?

Oui, l’allongement de la durée de la vie, les progrès de la médecine ou le vieillissement démographique exigent la mobilisation de tous autour de ce nouveau risque des sociétés modernes.

Comment ne pas voir, aussi, que les grandes annonces doivent être suivies par de grands moyens, si nous ne voulons pas, demain, accroître encore les inégalités et les injustices face au grand âge ?

Comment ne pas craindre que, demain, selon que l’on vive dans un département riche ou pauvre, l’on n’ait pas les mêmes droits, les mêmes prestations parce que l’État ne jouera pas son rôle de garant des solidarités ?

Vous nous avez effectivement habitués à de telles disparités : aujourd’hui, avec une réforme des finances locales pleine d’incertitudes et porteuses de nombreux reculs pour les collectivités ; demain, avec une réforme territoriale mal engagée, tournant le dos à la péréquation et à la solidarité entre les territoires.

Ainsi nous faut-il aller plus loin, beaucoup plus loin, que le discours de politique générale que nous avons entendu.

Là où vous avez racketté les offices HLM de 340 millions d’euros (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.) et de un milliard d’euros en trois ans, nous proposons une vraie politique du logement. Là où vous parliez de service minimum, vous avez construit le service public minimum. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Nous proposons donc des services publics de qualité, non seulement dans les beaux quartiers, mais aussi dans ce que l’on appelle « les quartiers » et, bien sûr, dans notre ruralité.

Pour financer notre projet, nous mènerons une nouvelle politique fiscale, guidée par le souci de justice sociale et d’efficacité économique.

Le bouclier fiscal était immoral lorsqu’il a été mis en place. Il est, de plus, devenu anachronique, en déphasage complet tant avec les besoins du pays qu’avec le cycle économique.

Nous refusons les fausses promesses au sujet des impôts. Nous proposons que la fiscalité marche sur ses deux jambes, pour qu’elle ne se transforme pas progressivement en une fiscalité pesant sur les seuls ménages et les revenus du travail.

Oui, nous préconisons une grande réforme de la fiscalité des revenus et du patrimoine, au niveau national, mais aussi de la fiscalité locale, pour mettre un terme à la « redistribution à l’envers » aujourd’hui à l’œuvre.

Monsieur le Premier ministre, nous avons bien compris que le remaniement permet au Président de la République de resserrer le dispositif sur sa garde rapprochée, au détriment, m’a-t-il semblé, de ceux qui, dans la majorité, pouvaient exprimer des sensibilités différentes. Cela vous appartient, ce sont vos affaires et celles de vos amis.

Vous allez garder le cap, nous dites-vous. Eh bien, soyez-en assuré, le nôtre est aujourd’hui clairement fixé !

M. Jean-Pierre Bel. Nous nous battrons pour la défense des grands principes de notre République, celle des Françaises et des Français qui attendent cela de nous.

Pour ce qui nous concerne, ici au Sénat, nous mettrons tout en œuvre afin que notre assemblée, aujourd’hui bafouée, désavouée, retrouve toute sa place, tout son rôle et le respect qui lui est dû au cœur des institutions.

Oui, nous allons travailler, avec d’autres, sans relâche, à un autre projet pour nos compatriotes : un projet crédible, un projet courageux, un projet de justice. Tel est le chemin que, dans les semaines et les mois à venir, avec mon groupe, je propose de suivre.

Les défis auxquels la France doit faire face sont immenses et nombreux.

Notre responsabilité est grande.

La politique que vous vous obstinez à poursuivre n’est pas la bonne.

Demain, il y aura le grand rendez-vous avec les Français. C’est donc à nous qu’il revient de redonner confiance et de permettre l’espoir ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon la tradition de la Ve République, la nomination d’un nouveau gouvernement inaugure une phase nouvelle dans l’action des pouvoirs publics.

Vous le savez, la particularité de notre groupe centriste est de réunir des parlementaires qui considèrent qu’au-delà des lignes de partage des partis il peut se trouver des Français capables de se rejoindre sur certains choix fondamentaux pour la vie de la nation.

Ces Français sont ceux qui souhaitent favoriser l’avènement d’une France moderne ; …

M. Nicolas About. … une France qui favorise l’initiative et l’innovation, pousse des entreprises dynamiques, rayonne dans le monde par sa puissance économique et commerciale, par son génie technique et par son message humaniste ; une France qui assure son indépendance énergétique, met au service de tous les technologies nouvelles – le numérique, un réseau à très haut débit couvrant l’ensemble du territoire, la télévision connectée –, lutte contre l’isolement des entreprises et des Français, notamment les plus fragiles d’entre eux.

Monsieur le Premier ministre, parmi les nombreux sujets que vous avez évoqués, je me concentrerai sur ceux auxquels les centristes sont attachés, en premier lieu la réforme fiscale. Vos propos, et ceux du Président de la République la semaine passée, nous inspirent un seul mot : enfin !

M. David Assouline. Mais comment donc ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne suis pas d’accord !

M. Nicolas About. Cela fait déjà de nombreuses années que le groupe Union centriste la défend. La réforme de la fiscalité du patrimoine qui a été annoncée ressemble tellement à notre proposition que nous nous en réjouissons.

M. David Assouline. Vous êtes plus libéraux que centristes !

M. Nicolas About. La suppression d’un bouclier fiscal dont les modalités ont été, dès sa conception, altérées, en faisant un symbole d’injustice fiscale ? C’est bien ! La suppression de l’ISF au profit d’un impôt sur les revenus et plus-values du patrimoine ? Nous en sommes heureux !

M. David Assouline. Trois milliards d’euros pour les riches !

M. Nicolas About. Il s’agit bien d’assurer une juste répartition de l’effort que chaque Français doit consentir pour redresser nos finances publiques, et donc pour améliorer la situation sociale du pays.

Dans une démocratie, la légitimité de l’impôt repose non seulement sur sa justice, mais aussi sur son exemplarité.

M. Nicolas About. Les plus fortunés d’entre nous doivent participer à l’effort général de hausse des prélèvements et de réduction des déficits publics.

M. David Assouline. Par le biais de la suppression de l’ISF ? Quelle logique !

M. Nicolas About. Nous saluons aussi le soutien que vous apportez à une autre proposition portée par les centristes depuis longtemps : l’inscription dans la Constitution d’une règle d’or interdisant tout déficit budgétaire en dehors des investissements.

La question de la justice sociale nous amène à celle du cinquième risque et de la dépendance. Une société se juge, au moins en partie, à la manière dont elle s’occupe de ses anciens, qui lui ont permis de se développer.

M. David Assouline. Et les handicapés ?

M. Nicolas About. Ai-je besoin de rappeler que nous avons été parmi les premiers à construire une politique de la dépendance, avec la création de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, en 2002, qui a permis de développer le maintien à domicile ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. L’APA, c’est vous ? Quel toupet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà que M. About s’approprie l’APA !

M. Nicolas About. Ce serait une erreur de se focaliser uniquement sur le financement, car, même si ce point est incontournable, il ne constitue qu’un aspect parmi d’autres de la dépendance.

De nombreux problèmes restent en effet à résoudre : le manque de places en établissements par rapport aux besoins ; le coût de l’hébergement avec un reste à charge élevé compte tenu du niveau de certaines retraites ; la médicalisation et la prise en charge de la dépendance, qui restent insuffisantes ; enfin, le manque de personnel pour dispenser le service d’aide à la personne et le manque de personnel médical et paramédical prêt à dispenser les soins aux personnes dépendantes.

Actuellement, pour les personnes âgées ou handicapées, il est difficile, voire impossible, de trouver un infirmier ou un kinésithérapeute en mesure d’intervenir régulièrement au domicile.

Se pose également le problème de la délégation de soins, qui nécessite d’avoir le courage de dépasser les réticences des corporations : il faut permettre de déléguer certains soins, certains actes techniquement simples, à la personne intervenant auprès d’une personne âgée, malade ou handicapée. Il ne s’agit nullement de porter atteinte à l’exercice de quelque profession que ce soit ; il s’agit simplement de garantir aux personnes qui le veulent la possibilité de vivre à leur domicile en dépit de la maladie ou de la situation de handicap. Il n’est pas acceptable que, pour ces personnes, l’alternative soit l’hôpital, l’illégalité ou l’insécurité à domicile.

La couverture d’un cinquième risque ne peut se faire ni par un simple toilettage de l’APA ni par une incitation à contracter une assurance privée ; elle doit être assurée par la solidarité nationale.

Il incombe au Gouvernement, aux partenaires sociaux et au Parlement, par le dialogue, de s’entendre sur un mode de financement juste, pérenne et équilibré.

Permettez-moi de vous livrer une réflexion personnelle. Je suis très réservé face au recours sur succession.

M. Didier Guillaume. Mais vous voterez pour !

M. Nicolas About. Il apparaît comme une double peine pour des familles qui souffrent déjà d’avoir des parents dépendants, dont elles ont longtemps assuré la charge, et qui se verraient de nouveau punies par la privation d’un héritage, fût-il modeste.

Il en va de même pour les personnes handicapées, doublement punies par leur handicap et par l’impossibilité qui leur serait faite de pouvoir transmettre un patrimoine à leurs proches.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Nicolas About. Il faut donc réfléchir à l’éventualité de n’autoriser le recours sur succession qu’au-delà d’un plafond raisonnable. C’est une question éthique, philosophique.

Cela pose le problème de la solidarité entre les générations, qui est au cœur des enjeux de la société actuelle : je veux parler de la politique en faveur de la jeunesse.

Les actions prioritaires du Gouvernement doivent porter sur le retour au plein-emploi et l’intégration professionnelle des nouvelles générations. Beaucoup de jeunes, parfois même diplômés, dès lors qu’ils n’ont pas le soutien de leur famille, se retrouvent dans des conditions inférieures à celles que connaissait la classe ouvrière des années soixante-dix. Pour dire les choses crûment : en 1968, les pauvres étaient les vieux ; aujourd’hui, les pauvres sont les plus jeunes, surtout s’ils n’ont pas d’attache familiale. Pour la première fois de notre histoire, en période de paix, la situation de la jeune génération est plus difficile que celle de ses parents.

Alors, que faire ? La vraie rupture serait de sortir enfin de tous ces dispositifs spécifiques par catégories d’âge. Le véritable enjeu est d’organiser un parcours d’entrée dans le monde du travail, de construire ce moment fragile de transition entre études et travail.

Dans bien des secteurs, nous avons suivi une politique contraire aux intérêts des jeunes. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé. Du fait d’un numerus clausus abusif, combien de nos brillants étudiants en médecine échouent en première année, une fois, deux fois, et sont contraints d’aller se former à l’étranger !

M. David Assouline. On s’endort !

M. Nicolas About. Et ce alors que nous organisons l’arrivée de praticiens étrangers n’ayant que rarement le niveau de nos jeunes médecins.

M. Jean-Louis Carrère. C’est maintenant que vous le découvrez ?

M. Nicolas About. Et ce alors que des pans entiers de nos territoires risquent de devenir des espaces sans couverture médicale, où l’absence d’offre de soins ne permettra plus le maintien à domicile de nos aînés ; l’on rejoint ici la question de la dépendance.

M. Jean-Louis Carrère. C’est de la faute des socialistes !

M. Nicolas About. Peut-être, en effet !

Au-delà des contrats d’engagement de service public proposés par les agences régionales de santé aux étudiants en médecine s’engageant à exercer dans des zones sous-denses, une révision profonde du numerus clausus s’impose donc. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)

M. Nicolas About. En outre, parmi les réformes d’ampleur que vous avez annoncées, monsieur le Premier ministre, celle de la justice revêt une importance toute particulière.

Nous partageons votre objectif de rapprocher nos concitoyens de leur justice. Pour autant, l’introduction des jurés populaires, tant en matière correctionnelle que dans l’application des peines, est une évolution à conduire avec prudence.

En aucun cas cette réforme ne doit apparaître comme une défiance à l’égard des 8 000 magistrats de notre pays. Nous souscrivons à l’annonce faite par votre garde des sceaux d’une large concertation sur ces questions. Nous y prendrons toute notre place, afin de promouvoir une justice toujours plus efficace et en phase avec notre société.

Avant de conclure, je tiens à le rappeler, les centristes sont attachés à ce que le Parlement joue pleinement le rôle qui lui est imparti par la Constitution de 1958 : l’objectif doit être un équilibre raisonnable conciliant efficacité du pouvoir et contrôle démocratique. Le groupe Union centriste souhaite démontrer que la représentation nationale peut être autre chose qu’une figuration nationale.

M. David Assouline. C’est une ombre !

M. Nicolas About. C’est pourquoi nous vous invitons, monsieur le Premier ministre, à faire vivre, à poursuivre le dialogue au sein de la majorité. Vous le savez, la majorité n’est pas une organisation unique, c’est une alliance de personnalités et de partis d’opinions parfois différentes, …

M. Didier Guillaume. Qui votent toujours ensemble !

M. Nicolas About. … vous avez raison, mais qui partagent des objectifs communs et se rejoignent sur l’essentiel : le soutien au Président de la République et au projet gouvernemental. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

Nous nous rejoignons aussi sur ce qui est nécessaire pour adapter notre pays au monde du XXIsiècle, sur le fait que la puissance de notre pays n’a de sens que dans l’intégration européenne et que le progrès technologique doit être concilié avec le développement durable.

En décembre 1962, Pierre Pflimlin, alors président du groupe centriste de l’Assemblée nationale, répondait ainsi à la déclaration de politique générale du Premier ministre Georges Pompidou : « Soucieux de préserver notre liberté de jugement et d’action, nous sommes en même temps conscients de nos responsabilités envers ceux qui nous ont envoyés ici et vers la nation tout entière. Au-dessus de toute préférence idéologique nous placerons toujours l’intérêt national, c’est vous dire que nous serons prêts à soutenir vos projets chaque fois qu’ils nous paraîtront conformes à l’intérêt du pays et à la justice sociale. »

Monsieur le Premier ministre, en nous inscrivant aujourd’hui dans cet état d’esprit, nous souhaitons que l’avenir nous donne raison d’avoir, en ce jour, approuvé votre politique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Michel. Ex-futur ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Longuet. Monsieur le Premier ministre, cher François Fillon, nous vous soutenions à la veille de votre démission, le samedi 20 novembre. Au lendemain de votre nomination, nous vous soutenons encore, avec la même conviction, la même loyauté et la même certitude de faire pour notre pays le meilleur investissement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

J’adresse un mot amical et je forme des vœux de succès pour trois de nos collègues auxquels vous avez confié d’éminentes responsabilités : Michel Mercier, Philippe Richert et, naturellement, Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

En qualité de président du groupe UMP, je dois aussi vous dire que nous retrouvons avec plaisir Hubert Falco, Valérie Létard et Jean-Marie Bockel. Ils ont servi très loyalement votre précédent gouvernement et enrichiront par leur présence les travaux de notre assemblée.

M. Jean-Pierre Sueur. Et les travées de la droite !

M. Gérard Longuet. En dix minutes, il est tout simplement impossible de reprendre l’ensemble des sujets qui sont à l’ordre du jour. Mais, monsieur le Premier ministre, nous avons trop l’habitude de travailler ensemble en séance publique, …

M. David Assouline. En harmonie !

M. Gérard Longuet. … le matin, l’après-midi et la nuit, en commission, en groupe de travail, pour découvrir aujourd’hui l’action que vous avez menée au service du pays depuis quarante-deux mois, la signant de votre caractère : le sens de la responsabilité, le goût des réalités et, pourquoi ne pas le dire, une passion de la France profonde que vous exprimez avec pudeur, en des termes qui nous ont tous touchés, hier, lorsqu’ils ont été prononcés devant nous par votre ministre d’État, Alain Juppé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Le mot principal est bien évidemment celui de continuité. Et comment pourrait-il en être autrement sur les deux rendez-vous que vous fixez : adapter notre vieux pays à un environnement plus exigeant et combattre nos petites facilités, nos compromis inutiles, nos faiblesses ? Vous nous invitez à vous accompagner, comme nous l’avons fait pendant trois ans. Nous n’avons aucune raison de ne pas vous suivre de nouveau, et avec le même enthousiasme, pour réformer notre cher et vieux pays.

Mais vous apportez sur votre action un éclairage nouveau. Vous soutenez, certes, que les réformes sont indispensables, et nous partageons cette conviction. Mais vous considérerez qu’elles ne doivent, en aucun cas, remettre en péril le formidable effort de redressement qui a été engagé et qui est une condition absolue de la garantie de la construction européenne et, en son sein, de la place de notre pays. Vous l’affirmez clairement, il est exclu d’affaiblir cet effort de redressement, quelle que soit par ailleurs l’urgence des réformes.

Nous aurons donc à conduire ensemble des réformes d’autant plus difficiles qu’elles seront enserrées dans une double contrainte : la nécessité et un environnement budgétaire extraordinairement difficile.

M. Jean-Louis Carrère. C’est creux !

M. David Assouline. Que de généralités !

M. Gérard Longuet. J’évoquerai donc la méthode qui devra être suivie et les raisons pour lesquelles le groupe UMP, à l’unanimité j’en ai la conviction, soutiendra votre action.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit aujourd’hui, et plus encore demain, …

M. Jean-Louis Carrère. Toute une vie !

M. Gérard Longuet. … respecter, renforcer, partager la pratique parlementaire de coopération. Votre gouvernement, vos ministres et votre majorité devront travailler de manière solidaire.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a beaucoup à faire !

M. Gérard Longuet. Sur chacun des chantiers qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour, et qui revêtent tous un caractère prioritaire, la culture du Sénat, l’attitude de la majorité seront au service de votre gouvernement dès lors que ce dernier acceptera de s’appuyer sur cette richesse.

Monsieur le Premier ministre, ces dix-huit derniers mois, la presse politique, et c’est son rôle, annonçait comme impossibles des réformes que vous avez pourtant, avec notre soutien, conduites à leur terme. Elles étaient impossibles ; nous avons réussi alors même qu’il n’y a pas dans notre assemblée, et d’une certaine façon nous en sommes fiers, de majorité absolue. Pourquoi en sommes-nous fiers ? Parce que, bien qu’étant le groupe principal, le groupe UMP a d’abord et avant tout la culture de l’ouverture, du dialogue, du respect des autres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Il s’efforce, souvent avec succès, mais pas suffisamment sur sa gauche, de rassembler des majorités pour que les réformes soient en effet des réformes partagées.

M. Jean-Louis Carrère. Longue vie à l’ouverture !

M. Gérard Longuet. Vous aurez besoin de la culture du Sénat sur trois sujets importants.

Le premier est la prise en charge de la dépendance.

Le deuxième est de promouvoir une fiscalité compatible, entre, d’une part, les exigences en termes de croissance et d’investissement, et, d’autre part, le respect dû aux revenus et aux patrimoines acquis par une vie de travail.

Le troisième, vous l’avez évoqué indirectement, mais peut-être pas avec suffisamment de force, car il est au rendez-vous de l’avenir de notre pays, est d’offrir une force de travail accrue à notre pays. Trop longtemps nous avons été en Europe le pays où l’on commençait le plus tard, où l’on s’arrêtait le plus tôt, où l’on travaillait le moins de semaines par an et le moins d’heures par semaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)