compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 2 mars 2011, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a reporté, sous réserve de leur dépôt, la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits, initialement prévue le mardi 8 mars 2011, au jeudi 10 mars 2011.

Il a en outre complété l’ordre du jour de cette séance en inscrivant la suite de l’examen de la proposition de loi modifiant la loi portant réforme de l’hôpital.

L’ordre du jour des séances des mardi 8 et jeudi 10 mars 2011 s’établit donc comme suit :

Mardi 8 mars 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales ;

À 14 heures 30 et le soir :

2°) Suite du projet de loi relatif à la garde à vue.

L’ordre du jour du mercredi 9 mars 2011 reste inchangé.

Jeudi 10 mars 2011

À 9 heures 30 :

1°) Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la garde à vue ;

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ;

3°) Suite de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

À 15 heures et le soir :

4°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

5°) Suite de l’ordre du jour du matin.

3

Élection des députés

Élection des députés par les Français établis hors de France

Transparence financière de la vie politique

Adoption d'un projet de loi organique, d’un projet de loi et d’une proposition de loi

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi organique relatif à l’élection des députés (projet n° 209, texte de la commission n° 312, rapport n° 311) ;

- du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France (projet n° 210, texte de la commission n° 313, rapport n° 311) ;

- de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (projet n° 207, texte de la commission n° 314, rapport n° 311).

La conférence des présidents a décidé que ces trois textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre. (Mme Nathalie Goulet et M. Hervé Maurey applaudissent.)

 
 
 

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le droit électoral est, sans doute plus que d’autres, une matière vivante, une matière mouvante régulant notre démocratie et fondant la légitimité du pouvoir politique, légitimité souvent attaquée, mais indissociable de notre République.

Notre droit électoral doit donc être périodiquement revisité et débattu. C’est ce débat qui vous est proposé aujourd’hui avec l’examen de ces trois textes, votés le 11 janvier dernier par l’Assemblée nationale. Bien que différents par leur origine et leurs objets, le projet de loi organique relatif à l’élection des députés, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France et, enfin, la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique constituent un ensemble, présentant une avancée notable.

Je voudrais souligner ici l’excellent travail conduit par votre rapporteur, Patrice Gélard, sur l’amélioration de ce « paquet électoral », ainsi que celui qu’a effectué votre commission des lois sur l’évolution de la législation électorale applicable aux campagnes électorales. Ce travail s’appuie, pour partie, sur le rapport d’information publié dans le courant du mois de décembre par un groupe issu de votre commission des lois et contenant quarante recommandations sur le sujet, recommandations qui nourriront également, j’en suis certain, nos débats.

Nous avons donc à examiner trois textes, mais nous avons un seul objectif, celui d’adapter notre règle de vie démocratique représentative aux exigences du temps, comme cela a souvent été le cas.

Les deux premiers textes traitent, chacun sous un angle complémentaire, de l’élection des députés en tendant, l’un à créer les députés des Français de l’étranger, l’autre à moderniser le régime des incompatibilités et des inéligibilités de l’ensemble des députés.

Ainsi, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France a pour objet de donner corps à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en créant, à l’instar des sénateurs, les députés représentant les Français établis hors de France.

Nos compatriotes expatriés jouiront désormais d’une représentation renforcée au Parlement, à la fois directe par leurs onze députés et indirecte par leurs douze sénateurs, qu’ils connaissent bien.

Le rôle important que jouent ces derniers depuis de nombreuses années démontre combien des parlementaires attentifs, disponibles et compétents sont précieux pour relayer les préoccupations spécifiques de la communauté française dans le monde.

L’ordonnance qui est soumise à votre ratification tire les conséquences législatives de la révision constitutionnelle, la loi du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés ayant autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à l’élection des députés élus par les Français établis hors de France.

Ces députés représenteront, à l’instar des autres députés, l’intégralité de la nation. C’est pourquoi le régime électoral de droit commun leur est, pour l’essentiel, applicable.

Pour autant, il s’agit d’un corps électoral résidant à l’étranger et, donc, d’une campagne se déroulant hors de nos frontières. Certaines adaptations liées aux caractéristiques particulières de l’élection de ces députés seront donc nécessaires. C’est l’objet de l’ordonnance du 29 juillet 2009 qu’il vous est proposé de ratifier.

L’article 1er de cette ordonnance tend à rendre applicable une grande partie des dispositions de droit commun du code électoral, à en adapter d’autres et à en introduire de nouvelles.

Sont ensuite créés dix-sept articles – les articles 330 et suivants du code électoral – portant sur la tenue et la révision des listes électorales consulaires, l’organisation des lieux de vote, la diffusion de la propagande officielle des candidats ou encore sur le financement de la campagne électorale, dispositions pour l’essentiel reprises des règles applicables aux autres scrutins organisés à l’étranger, notamment l’élection du Président de la République et le référendum.

Comme l’écrit votre rapporteur, il s’agit là d’« une adaptation pragmatique des règles de droit commun ». Néanmoins, celle-ci déroge à la règle commune dès lors qu’il s’agit de favoriser la participation des Français de l’étranger à ces scrutins.

Pour l’essentiel, l’Assemblée nationale a validé ces dispositions et votre commission des lois, fidèle à la tradition républicaine, a adopté sans modification les principaux articles touchant à l’élection de ces nouveaux députés.

Le second projet de loi, organique celui-ci, traitant de l’élection des députés vise à compléter l’ordonnance et à définir les conditions d’éligibilité, mais aussi les règles d’inéligibilité et d’incompatibilité spécifiques qui s’appliqueront à ces nouveaux parlementaires.

Mais il va au-delà et tend également à rénover et à actualiser le régime de droit commun de l’élection des députés.

Il apparaît en effet nécessaire de moderniser le régime électoral applicable à l’ensemble des députés, tout comme d’ailleurs – Patrice Gélard l’a très justement relevé dans son rapport – aux sénateurs, les inéligibilités étant les mêmes aux termes de l’article LO 296 du code électoral.

II s’agit en particulier d’harmoniser ce régime avec celui des élections locales et de prendre en compte les changements de périmètres ou de dénomination concernant les fonctions qui font l’objet d’inéligibilité ou d’incompatibilité.

II s’agit aussi de tenir compte des observations formulées par le Conseil constitutionnel à la suite des échéances électorales de 2007.

Il s’agit, enfin, d’apporter une réponse pragmatique et efficace aux aspirations légitimes à une plus grande transparence de la vie politique, objectif transversal visé au travers tant du projet de loi organique que de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

L’article 1er du projet de loi organique vise à harmoniser les règles d’inéligibilité des mandats, notamment à mettre à jour la liste des fonctions publiques et électives assorties de l’inéligibilité. Il tend également à ramener à dix-huit ans l’âge minimal pour la candidature à la députation, ainsi qu’aux élections présidentielle et européennes par voie de conséquence. Votre commission des lois a, quant à elle, souhaité abaisser l’âge d’éligibilité des sénateurs à vingt-quatre ans. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Cela changera évidemment, pour beaucoup, la physionomie de la Haute Assemblée et je crois que tout le monde s’en félicitera.

L’Assemblée nationale a complété cet article par la création d’une incrimination pénale spécifique pour sanctionner le dépôt de déclarations de patrimoine mensongères auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, viennent combler une lacune et répondre à une demande ancienne de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Les sanctions prévues, « lourdes » et « dissuasives », selon le rapporteur, ont été étoffées par votre commission. Est également instauré un droit à la transmission de certaines déclarations fiscales.

Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ces points au cours des débats.

L’article 2 du projet de loi organique a pour objet de moderniser les pouvoirs du Conseil constitutionnel en tant que juge de l’élection des députés.

Il tend ainsi à étendre aux candidats aux élections législatives le bénéfice de la « bonne foi » dans l’examen des comptes de campagne par le Conseil constitutionnel, disposition qui existe déjà pour les élections locales en vertu de l’article L. 118-3 du code électoral.

Si cette disposition, issue d’une recommandation du rapport Mazeaud, lui-même reprenant les observations du Conseil constitutionnel, a été votée par l’Assemblée nationale, elle n’a pas convaincu votre commission des lois, qui propose une nouvelle définition de la bonne foi, assise sur l’absence d’intention frauduleuse.

Ce renversement de la charge de la preuve, plus favorable aux candidats et corrélée à une sanction modulable pour prendre en compte les fautes mineures, irait de pair avec une sévérité accrue de la sanction d’inéligibilité pour les fautes les plus lourdes.

Il s’agit d’un point de débat central auquel les sénateurs comme les députés sont très attentifs.

Les articles 3 à 5 sont des adaptations de certaines règles organiques, comme la « purge » de l’incompatibilité liée au cumul entre mandats, privilégiant la perte du mandat local le plus ancien, ou la simplification de la contestation du refus d’enregistrement d’une candidature par le préfet.

L’Assemblée nationale a introduit un article 4 bis prévoyant qu’un député élu en cours de mandat au Sénat ou au Parlement européen est remplacé par son suppléant. Votre commission des lois a souhaité étendre le bénéfice de ces nouvelles dispositions aux sénateurs.

Les articles suivants, enfin, procèdent pour l’essentiel à des adaptations pour l’élection des députés des Français établis hors de France ainsi qu’à des dispositions de coordination.

Avant d’aborder la proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique, je souhaite insister sur le fait que ces deux premiers textes du Gouvernement, le projet de loi organique et le projet de loi de ratification, sont indispensables à l’organisation des élections législatives de 2012. Ils devront donc être adoptés avant la fin du premier semestre de l’année 2011 afin que les candidats puissent se préparer aux adaptations qui seront introduites.

Le second sujet qui est abordé par ces textes est celui de la transparence financière de la vie politique.

Tel est l’objet principal de la proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique que la commission des lois de l’Assemblée nationale, plus particulièrement le président Jean-Luc Warsmann et Charles de la Verpillière, a souhaité adjoindre aux textes du Gouvernement.

Issues en majeure partie des préconisations du rapport Mazeaud, les modifications proposées ont été enrichies au fil des débats. Elles tendent désormais à instituer un ensemble cohérent permettant de franchir une nouvelle étape, dans le droit-fil d’un mouvement, ininterrompu depuis une vingtaine d’années, vers davantage de transparence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle que la réglementation actuelle a permis d’accomplir des avancées importantes en matière de transparence de la vie politique.

La France a mis en place, à partir de 1988, une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques. La première étape fut la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, qui a fait l’objet par la suite de nombreuses modifications. Leur énumération permet de nous rendre compte que nous sommes allés toujours plus loin en la matière. La proposition de loi que nous allons examiner permettra de mettre à jour cette législation.

La loi de 1988 a donc successivement été modifiée par la loi n°90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, par la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, par la loi organique n°95-63 du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine des membres du Parlement et aux incompatibilités applicables aux membres du Parlement et à ceux du Conseil constitutionnel, par la loi n°96-300 du 10 avril 1996 tendant à préciser la portée de l’incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d’une association de financement électorale ou de mandataire financier et, enfin, par l’ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale.

Le régime électoral a donc régulièrement été renforcé, ce qui a permis de réaliser des avancées considérables pour notre démocratie, notamment s’agissant du plafonnement des dépenses électorales, de l’interdiction du financement des campagnes électorales par les entreprises, de l’autorité des organes de contrôle, notamment la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et du caractère dissuasif de la sanction d’inéligibilité.

Ces règles ont indéniablement atteint leur but au regard des réglementations étrangères comparables. C’est ce que le Conseil de l’Europe a reconnu en 2009 dans son rapport consacré à l’évaluation de cette réglementation, en indiquant que notre pays était doté d’une législation complète et rigoureuse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !

M. Philippe Richert, ministre. Je tenais à le rappeler, car nous nous interrogeons souvent sur les améliorations que nous pourrions apporter à notre régime électoral.

Ces avancées ont permis au financement de la vie politique française de gagner en transparence et à la compétition électorale de gagner en équité.

Mais cette réglementation électorale est aussi la résultante d’une stratification progressive, qui nécessite d’être consolidée. Vingt ans après, il convient effectivement de se demander si ce régime est toujours autant adapté aux réalités des campagnes électorales.

Vous le savez, le Conseil constitutionnel a plusieurs fois prononcé l’inéligibilité de candidats dont le compte de campagne avait été rejeté par la CNCCFP, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ces décisions ont été l’occasion de débattre des qualités et des défauts de cette réglementation, non pour la remettre en cause, mais plutôt pour envisager de simplifier et de clarifier certaines de ses dispositions et de consolider l’ensemble.

En effet, la cohérence de cette législation n’est pas toujours évidente. II suffit de penser, par exemple, à l’absence de transposition du régime de la bonne foi pour les élections législatives.

Il convient donc de s’interroger sur l’ensemble de cette réglementation, d’examiner comment certaines ambiguïtés peuvent être levées, de se demander si certaines formalités ne doivent pas être précisées et si des rédactions ne pourraient pas être harmonisées.

La proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique permet des avancées notables vers davantage de cohérence et de transparence. Elle tend en effet à mettre en place des mesures techniques, pragmatiques et efficaces.

Certaines sont la transposition de recommandations émises par la Commission pour la transparence financière de la vie politique et par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; d’autres sont le fruit des réflexions de l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, du Sénat. Chacune des assemblées apporte sa pierre à un édifice en perpétuelle construction.

Parmi les points nouveaux apportés par votre commission des lois, je saluerai sa volonté d’appliquer aux élections sénatoriales les dispositions relatives au compte de campagne. Il va de soi que le Gouvernement lèvera le gage sur cet amendement qui permettra d’ouvrir la voie au remboursement forfaitaire des candidats en 2014. Nous avons débattu de la question à de nombreuses reprises ; aujourd'hui, le moment est venu de trancher.

Votre commission a, en outre, souhaité clarifier l’utilisation des différents moyens de communication et de propagande à l’approche des élections et renforcer les pouvoirs de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en lui donnant la possibilité d’appliquer des sanctions financières aux candidats ayant commis des irrégularités mineures et non intentionnelles.

D’autres dispositions susciteront sans doute des discussions, si l’on en juge par les amendements déposés.

Mais, s’agissant de droit électoral et de transparence de la vie politique, le débat est non seulement légitime, il est également nécessaire.

Le Gouvernement assume ce débat aussi bien aujourd’hui, dans le cadre de ces trois textes, que demain, avec les suites qui seront données aux réflexions sur les conflits d’intérêt des responsables publics.

Vous le savez, le Président de la République a chargé M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, de présider une commission de réflexion sur les conflits d’intérêts pour les responsables publics. Elle a rendu son rapport à la fin du mois de janvier.

Mme Nathalie Goulet. Excellent rapport !

M. Philippe Richert, ministre. Le Président de la République a fait part de sa volonté de tirer rapidement les conclusions de ce rapport dans le cadre d’un projet de loi dédié.

Votre assemblée s’est également saisie de ces sujets en créant, au sein de la commission des lois, un groupe de travail sur la prévention des conflits d’intérêt touchant les sénateurs, présidé par Jean-Jacques Hyest. Votre comité de déontologie parlementaire, présidé par Robert Badinter, réfléchit également à ces questions. L’Assemblée nationale conduit de son côté une réflexion symétrique sur les députés.

Il s’agit là d’autant d’occasions à saisir pour moderniser notre législation sur la prévention des conflits d’intérêts, mais dans le cadre d’une vision globale, cohérente et partagée.

Notre objectif commun est de renforcer le lien de confiance qui ne peut cesser d’exister entre les citoyens et leurs responsables publics.

Il faudra donc, le moment venu, trouver un nouvel équilibre dans le cadre du projet de loi qui sera déposé par le Gouvernement. Cela devra naturellement se faire dans le dialogue avec le Parlement et, je l’espère, s’agissant de règles qui touchent au fonctionnement de notre démocratie, dans le consensus.

La proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique s’inscrit, elle aussi, en adéquation avec cette démarche d’amélioration de transparence souhaitée par le Gouvernement, même si elle vient sans doute un peu tôt dans le débat.

Mais puisque la discussion doit s’engager dès à présent, le Gouvernement est prêt à l’amorcer dans le cadre de ce texte en conservant à l’esprit la nécessité d’une cohérence d’ensemble.

Je voudrais terminer mon propos en évoquant la simplification et la modernisation du code électoral.

Il est aujourd’hui absolument nécessaire d’entreprendre la recodification de l’actuel code électoral, qui date de 1964. Sa lisibilité s’est fortement dégradée au fil du temps, à tel point que le Conseil d’État a évoqué publiquement la nécessité d’une « refonte complète à court terme ».

Le Conseil constitutionnel a, pour sa part, appelé l’attention des pouvoirs publics de façon répétée sur cette question depuis une quinzaine d’années. Il est donc nécessaire de renforcer la sécurité juridique de la loi électorale, notamment pour éviter les risques que peut entraîner pour les candidats un code illisible.

Nous avons donc engagé une opération de recodification en lien avec la Commission supérieure de codification, au sein de laquelle siège votre rapporteur. La commission a constamment veillé à associer à ses travaux des parlementaires et des fonctionnaires des deux assemblées. Le futur code électoral devrait comprendre environ 900 articles de nature législative, dont 200 de valeur organique.

Il importe aujourd’hui de rechercher les moyens de donner rapidement une traduction législative au travail déjà largement engagé pour harmoniser et simplifier les différents régimes électoraux.

Dans ce but, vous serez prochainement saisis d’un projet de loi organique et d’un projet de loi simple pour les dispositions de valeur organique et pour celles ne pouvant être harmonisées à droit constant.

À l’article 7 B de la proposition de loi que nous allons examiner, votre commission des lois a précisé le champ de l’habilitation donnée au Gouvernement pour procéder, par voie d’ordonnance, aux harmonisations les plus simples et à droit constant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement aborde l’examen des trois textes qui vous sont soumis avec un esprit ouvert, constructif et pragmatique. Il nourrira d’ailleurs lui-même le débat en proposant à votre assemblée quelques amendements.

Enrichi par les travaux de votre commission des lois, le « paquet électoral » est un socle solide et de qualité pour permettre l’élection des premiers députés élus par nos compatriotes établis hors de France (M. Robert del Picchia applaudit) et pour rénover les fondements notre démocratie élective.

Vous connaissez mon attachement au Sénat. Je ne doute pas que la qualité de nos débats sera la même que celle qui a présidé aux grandes lois que je citais au début de mon propos.

Je sais aussi pouvoir compter sur l’appui des membres de votre commission, comme de tous les membres de la Haute Assemblée, pour dépasser les clivages lorsque l’intérêt général est en jeu. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le ministre a fait un brillant exposé auquel je n’ai pas grand-chose à ajouter ! Néanmoins, je voudrais revenir sur un certain nombre d’éléments.

Tout d’abord, je tiens à exprimer des regrets.

D’une part, je déplore que ces textes soient arrivés tardivement. Nous avons dû bousculer notre emploi du temps pour pouvoir les examiner correctement et mener un travail sérieux de concertation avec l'Assemblée nationale et les autorités gouvernementales. Nous avons travaillé jusqu’à plus d’une heure du matin pour aboutir à des textes qui puissent satisfaire le plus grand nombre.

D’autre part, M. le ministre l’a souligné tout à l’heure, nous sommes engagés dans le même temps dans un processus de codification de l’ensemble du code électoral. Ce dernier est devenu illisible, obsolète et incohérent. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! (Sourires.)

Il devient impossible d’exploiter correctement le code électoral, qui est totalement dépassé. Le travail de recodification du code qui a été mené par la commission supérieure de codification donne toute satisfaction.

Nous anticipons donc la recodification du code électoral, qui nous sera soumise théoriquement au mois de juin, ou peut-être un peu plus tard, et qui est une nécessité absolue.

Comme l’a dit M. le ministre, nous examinons trois textes ensemble. Il faut dire que nous n’allions pas les séparer, car ils sont étroitement imbriqués. Il s’agit donc d’un projet de loi organique reprenant une série de dispositions concernant la partie organique du code électoral, d’un projet de loi relatif à l’élection des députés par les Français établis hors de France et d’une proposition de loi un peu fourre-tout – elle mélange toute une série de dispositions et reprend des éléments des deux projets de loi – dite de simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

Je vais au préalable rappeler le contenu de ces trois textes, puis je m’arrêterai plus particulièrement aux dispositions concernant le Sénat.

Le projet de loi organique réalise un toilettage tout à fait bienvenu en matière d’inéligibilités et d’incompatibilités. Certaines d’entre elles étaient en effet devenues obsolètes en raison de la disparition de certaines fonctions et d’autres n’avaient pas été prévues après l’apparition de fonctions nouvelles. Ces dispositions seront naturellement intégrées dans la recodification du code électoral à venir.

Il contient également des précisions intéressantes concernant la déclaration du patrimoine des candidats aux élections et une série d’éléments sur les compétences de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et la nature des documents qui lui sont adressés.

La grande innovation du projet de loi organique est la mise en place de ce que j’appellerai l’inéligibilité relative. Cet élément est très important.

Autrefois, pour une erreur d’un seul euro dans les comptes de campagne, le candidat était déclaré inéligible pendant un an.