Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens d’emblée à rappeler à M. Robert Badinter, que l’on écoute toujours avec un grand intérêt, que je ne suis pas un fanatique de l’urgence. Mais les délais sont là. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en avril et, compte tenu de qui attend certains d’entre vous, je pense que le Sénat apprécierait peu d’être convoqué en session extraordinaire trop longtemps en juillet.

M. Jean-Pierre Sueur. Retirez le texte sur les jurys populaires ! Nous gagnerons du temps !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout ce qui n’est pas fait reste à faire. Cette ancienne règle s’impose à tous ! (Sourires.)

Monsieur Badinter, j’ai bien compris le sens de votre intervention pour ce qui concerne les procédures simplifiées en matière pénale. Permettez-moi de rappeler que, lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, l’homologation par le juge est toujours prononcée en audience publique, comme le prévoit expressément l’article 495-9 du code de procédure pénale.

M. Badinter nous dit que, dans la CPRC, le rôle du parquet est prépondérant. C’est vrai ! Il nous dit aussi les membres du parquet sont des magistrats. C’est encore vrai ! L’autorité judiciaire est composée des magistrats du siège et du parquet. Et il ajoute que, pour pouvoir agir comme des « quasi-juges », ces magistrats devraient être indépendants.

M. Robert Badinter. Il faut apporter des garanties d’indépendance : nominations, promotions, responsabilités !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Badinter, on ne peut pas apprécier une situation sur un temps trop court. Vous avez-vous-même rappelé combien, après trente ou quarante ans, la perception de certaines situations avait changé, les esprits avaient mûri.

J’observe que ceux qui ont permis de faire évoluer les choses ne sont pas tous d’un même bord ! En 1993, l’avis conforme du CSM est instauré pour la nomination des magistrats du siège. La même année, me semble-t-il, on prévoit également la remise d’un avis simple pour la nomination des magistrats du parquet. Enfin, en 2010, l’avis simple est étendu à la nomination des procureurs généraux.

Le CSM, modifié, renouvelé, intervient donc de plus en plus dans la nomination des procureurs, ce qui, je crois, constitue un progrès évident.

M. Robert Badinter. Insuffisant !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Personne n’a empêché l’opposition d’aller plus vite. Vous êtes restés au pouvoir pendant plusieurs années et ce n’est pas vous, me semble-t-il, qui avez fait avancer les choses le plus rapidement. Mais je ne jette la pierre à personne, car le sujet est difficile. Je rappelle simplement – vous m’y forcez – que ce sont les gouvernements qualifiés de droite – j’ajoute « et du centre » – qui ont fait progresser le respect de l’indépendance des magistrats du siège et du parquet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai écouté avec une grande attention les propos de M. le garde des sceaux et de M. le rapporteur.

Monsieur le rapporteur, je constate que vous avez, en toute honnêteté, je n’en doute pas, exprimé dans votre rapport vos souhaits et vos bonnes intentions.

Mais je constate aussi tout ce qui sépare vos propos, vos écrits, du mouvement qui est en marche, et que Robert Badinter a décrit avec son éloquence habituelle : la multiplication et la banalisation des CRPC, le règlement des dans le cabinet du représentant du parquet pour les puissants, ceux qui voudraient que les choses ne se sachent pas ; la régression inévitable du procès équitable. Les magistrats du parquet, nonobstant vos affirmations, monsieur le garde des sceaux, voient toujours leurs conditions de nomination et de carrière dépendre du pouvoir exécutif, et ce malgré la position des instances européennes ; des nominations sont entérinées qu’il ait été tenu compte de l’avis du CSM ; …

Monsieur le rapporteur, je respecte vos intentions, mais je ne peux que constater qu’un autre mouvement est en marche. En vous écoutant tout à l’heure, avec toute la considération amicale que je vous porte, je me remémorais ce que l’on disait naguère de la philosophie d’Emmanuel Kant : elle a les mains pures, mais elle n’a pas de mains. (MM. Jean-Pierre Michel et Jacques Mézard applaudissent)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 34, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles
Article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 395, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je commencerai par un constat : ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le garde des sceaux, et l’appréciation que vous avez portée sur le recours à l’urgence n’a fait que renforcer cette conviction.

Ce projet de loi justifie pleinement, à défaut de succès pour la précédente motion, la demande de renvoi à la commission.

Vous supprimez la juridiction de proximité tout en magnifiant le juge de proximité : voilà une bien curieuse clarification !

Je salue le travail accompli par le rapporteur de la commission des lois et par le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Toutefois, il ne me paraît pas raisonnable de considérer que ce texte améliorera le fonctionnement de notre justice, tant au civil qu’au pénal, alors que l’on refuse – cela vient d’être rappelé – d’aborder les vraies questions, notamment le rôle du parquet.

Et pourquoi le Gouvernement a-t-il engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi, alors même que l’on nous annonce une série d’autres textes dits « de fond », dans des matières tout aussi importantes, si ne c’est plus.

Alors que vous nous avez habitués à utiliser la force de frappe médiatique pour annoncer vos multiples projets en matière de justice et de sécurité, cette fois-ce, c’est le « silence radio », comme se ce texte ne comprenait que des micromesures de peu d’importance.

Pourquoi donc, je le répète, avoir engagé la procédure accélérée ? Y a-t-il le feu à la maison justice ? Oui ! Mais ce projet de loi l’éteindra-t-il ?

M. Jacques Mézard. Ce projet nous est présenté comme la transposition du rapport Guinchard, dont la commande fut passée par votre prédécesseur, Mme Dati. M. Guinchard, avec optimisme, avait repris dans l’avant-propos de son document, cette belle phrase du bâtonnier André Damien : « La justice idéale doit être, à la fois, appliquée à son temps et intemporelle, sous peine de devenir esclave de l’opinion. » On ne pouvait qu’applaudir ! Le rapport Guinchard voulait « penser global et agir local ! » Dans le présent projet de loi, la question est de savoir « comment faire un peu moins avec encore moins » ? Mais cela, c’est du Mézard. (Sourires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vous avais reconnu ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Je note d’ailleurs que vous vous êtes contenté de piocher dans les soixante-cinq propositions formulées dans le rapport, en retenant certaines pour en écarter d’autres, et vous en avez fait un pâté d’alouettes. (Sourires.)

En tout état de cause, nous ne partageons pas la philosophie du rapport Guinchard, dont l’objectif fondamental est la déjudiciarisation de tous les secteurs de la justice, ce qui est aussi aberrant que de mener une politique de santé en diminuant le nombre de praticiens et d’établissements de santé. Quant à la seconde partie du rapport, son thème, « Remettre le justiciable au cœur du système judiciaire », nous semble constituer l’aveu d’un terrible échec. D’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez-vous-même déclaré – propos révélateur – que c’était le magistrat, et non le justiciable, qu’il convenait de remettre au cœur du système judiciaire.

En réalité, ce moignon du rapport Guinchard que vous nous présentez aujourd’hui n’est pas un pas vers la modernité, c’est un cautère sur une jambe de bois. C’est une nouvelle marque de méfiance envers la magistrature et une étape supplémentaire, Robert Badinter l’a fort bien rappelé, vers la toute puissance du parquet.

Pourtant, ce texte examiné en procédure accélérée et quasiment en catimini intervient au moment où la justice française est en plus mauvais état que jamais, où l’exaspération justifiée des magistrats, des auxiliaires de justice et des justiciables est à son comble.

En neuf ans, la situation s’est aggravée, avec la conjugaison d’une absence chronique de moyens, malgré de réels efforts, et d’une insécurité juridique dénoncée de toutes parts et découlant d’une véritable frénésie législative et réglementaire.

La justice est devenue un organe malade dans notre corps républicain. Cette pathologie redoutable, vous la traitez par des amputations, une série de placebos, en refusant de lire le diagnostic et d’utiliser les thérapies adéquates. On cherche une politique cohérente, on trouve une accumulation de mesures disparates, de la suppression des avoués près les cours d’appel – quelle curieuse urgence ! – à la carte judiciaire, en passant par le mouvement perpétuel des textes sécuritaires... Tout cela a pour conséquence première et gravissime de compliquer l’action des professionnels.

Quand les textes vont dans le bon sens – je pense à la loi pénitentiaire –, le manque de moyens pour les appliquer fait naître une insatisfaction compréhensible.

L’urgence, aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux – je sais que vous en êtes conscient –, est de dire : « Halte au feu ! » La réforme ne saurait s’assimiler à la danse de Saint-Guy. Il est devenu impérieux de nous accorder un temps de réflexion pour dresser un bilan, dégager des axes de bon sens, élaborer une programmation. Vous évoquiez tout à l’heure l’idée d’une juridiction unique qui maillerait l’ensemble du territoire. Pour remettre la justice sur les rails, pour redonner confiance à tous ses acteurs, il faudra du temps !

La méfiance chronique à l’égard des juges devient dangereuse, d’autant qu’elle est parfois ressentie de façon presque épidermique. Ce projet de loi nous paraît inopportun. S’il est mené dans une discrétion exceptionnelle, il n’en aura pas moins des effets néfastes sur une justice déjà très fragilisée.

Monsieur le garde des sceaux, vous assumez un héritage. À défaut d’y renoncer, acceptez-le au moins sous bénéfice d’inventaire. (M. le garde des sceaux sourit.)

Et qu’en est-il de la proximité ? Un mot et des actes contraires ! Nous touchons là à l’incohérence absolue. En 2002, la loi d’orientation et de programmation pour la justice créait la juridiction de proximité. La lecture des débats qui se sont déroulés à l’époque – je n’étais pas encore sénateur – nous instruit sur la véritable finalité du texte, puisqu’il y est déjà question de « supplétifs ». La proximité consiste à rapprocher la justice du citoyen. L’intention est louable, mais alors même que les juges de proximité étaient loin d’être présents dans tous les tribunaux d’instance – il n’y en a aucun dans mon département ! –, vous avez réformé la carte judiciaire, détruisant ainsi, dans nos territoires, des centaines de tribunaux, en priorité ceux qui répondaient aux vrais besoins de proximité, les tribunaux d’instance, et remettant en cause le juge des tutelles.

Aujourd’hui, vous voulez détruire la juridiction de proximité, qualifiée par le garde des sceaux de l’époque, le 25 juillet 2002, d’« engagement majeur du Président Chirac ». M. Dominique Perben affirmait notamment : « Ce choix clair m’apparaît comme le plus lisible pour nos concitoyens, qui pourront s’adresser à une juridiction individualisée ».

Aujourd’hui, vous faites volte-face. Vous supprimez cette juridiction de proximité, sans aucun égard pour l’avis de l’Association nationale des juges de proximité ! L’objectif, c’est purement et simplement de transformer ces derniers en juges supplétifs, en petites mains de la justice à frais minimums. C’est grave à tous points de vue. Imaginons les futurs tribunaux correctionnels, siégeant avec un président – un magistrat professionnel – deux assesseurs – des juges de proximité – et vos fameux jurés populaires. C’est déraisonnable !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas possible !

M. Jacques Mézard. Pas encore, mais vous allez y arriver !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Il y a la jurisprudence du Conseil constitutionnel !

M. Jacques Mézard. (Nouveaux sourires.) Nous avons vu d’autres évolutions !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne noircissez pas le tableau !

M. Jacques Mézard. Je ne noircis pas le tableau, monsieur le président de la commission des lois, je fais un constat.

Je vous rappelle simplement que les articles 830 et suivants du code de procédure civile organisent la procédure de conciliation devant les tribunaux d’instance, qu’il convient de conforter, car le taux de réussite de ces procédures est toujours élevé. Pourtant, alors que ces tribunaux ont besoin de moyens, vous les fragilisez.

Concernant l’aménagement des règles relatives à la procédure en matière familiale, je salue de nouveau la sagesse de M. le rapporteur. Il s’agit en effet d’un bel exemple d’un texte d’opportunité élaboré par la haute technocratie, bien loin des réalités du terrain.

Sur la dispense de comparution des époux devant le juge en cas de divorce par consentement mutuel en l’absence d’enfant mineur, M. le rapporteur est fort opportunément intervenu, car la liberté du consentement et la vérification de son exercice sont fondamentales. Pour nous, l’écoute d’un magistrat est indispensable. Nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur le barème des honoraires des avocats.

Quant à l’obligation de médiation préalable lors de la saisine du juge aux affaires familiales sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, elle est purement et simplement aberrante, tant sur le fond qu’en ce que concerne ses modalités d’application techniques ou financières. Il n’existe pas un nombre suffisant de médiateurs compétents et formés. Il n’y a pas les moyens de les rémunérer, si ce n’est à la charge du justiciable. L’obligation de passer devant le médiateur avant de saisir le juge est incongrue. En effet, la saisine du juge aux affaires familiales implique qu’il y a urgence à décider, même provisoirement.

Vouloir déjudiciariser à tout prix pour confier des responsabilités aussi graves à des intervenants extérieurs est contraire à l’intérêt de nos concitoyens. Le magistrat ne saurait être remplacé par le travailleur social. M. le rapporteur lui-même a rappelé le nombre d’affaires soumises aux juges aux affaires familiales et celui des mesures judiciaires de médiation.

Un autre sujet important justifie le renvoi de ce texte à la commission : le développement des procédures pénales dites simplifiées. Il faut y avoir été confronté pour se rendre vraiment compte du problème. Le but est toujours le même : pallier le manque de moyens et le délabrement de l’institution par des moyens relevant de ce que l’on peut appeler la justice expéditive.

L’ordonnance pénale, c’est la grande distribution en matière de justice pénale. En 1972, elle concernait une partie du domaine contraventionnel. Depuis 2002, ce virus, dont vous avez permis le développement, a atteint le tissu délictuel, alors qu’il s’agit d’une procédure écrite et non contradictoire. Le rapport Guinchard préconisait de l’appliquer à tous les délits, ce qui est effrayant ! Par l’article 20, vous proposez d’étendre largement le champ de cette procédure, en particulier aux délits de vol, recel, destruction, fuite, et même, ce qui est étonnant par rapport à vos objectifs généraux, au port d’arme de sixième catégorie, avec ticket de réduction de moitié de l’amende encourue. On peut lire, à la page 111 du rapport, qu’une telle disposition est « de nature à réduire davantage l’incitation du prévenu à former opposition ». Est-ce là votre politique pénale ? Certes, si la « pochette surprise pénale », c’est « tout à un euro », même les innocents en redemanderont ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Aux mêmes fins, vous proposez l’extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : « Avouez, c’est moins cher ! » Le projet de loi prévoyait d’étendre cette procédure à tous les délits. Heureusement la commission a joué un rôle de modérateur, en l’excluant pour certaines atteintes graves aux personnes.

Monsieur le garde des sceaux, vous n’appliquez pas les directives du Président de la République ! Celui-ci se réjouissait, lors de la réforme de la garde à vue, de la fin de la culture de l’aveu. Or, nous y revenons en courant !

M. Jacques Mézard. Cela me rappelle l’adage romain : « On ne doit pas entendre celui qui veut mourir ».

L’extension du champ de la CRPC présente selon moi de multiples inconvénients. Avec mes collègues du RDSE, nous avons d’ailleurs déposé voilà quelques semaines une proposition de loi portant réforme de cette procédure.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans un pays anglo-saxon. La CRPC élargie écartera des prétoires la quasi-totalité des délits financiers, ce qui n’est pas un hasard !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Leurs auteurs n’avoueront pas !

M. Jacques Mézard. Mais si ! Ils avoueront pour éviter toute publicité, et ils feront le chèque.

Quant à nos concitoyens les plus démunis, ils ne seront pas les mieux protégés.

L’extension du champ de la transaction pénale au droit de la consommation constitue, nous le savons par expérience un moyen de pression dont abusent déjà les autorités administratives habilitées. La justice sans magistrat n’est plus une justice. C’est d’autant plus vrai en matière pénale, car le parquet, comme en bien d’autres secteurs, n’a pas les moyens pratiques d’exercer son contrôle.

Vous avez compris combien ce texte nous apparaît comme un mauvais moyen de replâtrer un édifice judiciaire branlant. On ne renforce pas des fondations ou des murs porteurs par du bricolage. Or, il s’agit bien de bricolage, comment en témoigne le dépôt inopiné d’amendements par le Gouvernement. Impréparation ou stratégie ? Quoi qu’il en soit, je remercie la commission d’avoir sauvé, pour l’instant, les actions possessoires : action en réintégration, dénonciation de nouvel œuvre et complainte ne disparaîtront pas du code civil. Il est bien d’autres véritables urgences.

Ce texte, c’est moins de proximité, moins de procédure contradictoire. La modernisation de notre système judiciaire passe inéluctablement par d’autres moyens que ceux que vous proposez, monsieur le garde des sceaux. C’est donc avec conviction que nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur. Il est vrai, monsieur Mézard, que le présent projet de loi n’est pas la grande réforme de la justice que vous réclamez, comme nombre d’entre nous. « Halte au feu », disiez-vous, ajoutant que la réforme ne pouvait pas s’assimiler à la danse de Saint-Guy.

Ce projet de loi, en effet, ne constitue pas une panacée, une solution miracle à tous les problèmes de la justice ? D’ailleurs pourrait-on, dans un seul texte, régler tous les problèmes de la justice ? Néanmoins, il répond à un certain nombre de demandes.

La commission a ainsi supprimé l’article 13 du projet de loi, qui modifiait le régime de la comparution des époux lors du divorce par consentement mutuel.

Elle a également décidé d’étendre aux crimes et délits de guerre les compétences du pôle spécialisé créé par le projet de loi pour traiter des crimes contre l’humanité.

La commission a bien travaillé. Elle a su faire de ce projet de loi une réforme équilibrée de la justice. Elle n’agirait autrement si elle devait être saisie de nouveau. Je ne peux donc qu’être défavorable à la motion de renvoi à la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. M. Mézard, pour qui j’ai beaucoup d’estime, a été quelque peu excessif. Mais l’excès même de sa critique démontre la qualité du travail de la commission, sans lequel il n’aurait pas pu présenter une démonstration aussi brillante, même si j’en conteste les tenants et aboutissants.

M. Mézard a omis de mentionner tous les points avec lesquels il est d’accord. Mais je le conçois, c’est le jeu même de la procédure. (Sourires.)

Monsieur Mézard, en ce qui concerne la conciliation devant le tribunal d’instance, le Gouvernement est allé dans votre sens en renforçant la place de la conciliation et des conciliateurs de justice devant les tribunaux, notamment devant le tribunal d’instance, par le décret du 1er octobre 2010.

C’est notamment la raison pour laquelle je suis défavorable à la motion tendant au renvoi à la commission. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur les autres points soulevés par M. Mézard lors de la discussion des articles.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

chapitre Ier

Suppression de la juridiction de proximité et maintien des juges de proximité