M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la tenue du présent débat est un motif légitime de satisfaction et de fierté pour le Parlement : sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, les projets de programme de stabilité seront dorénavant systématiquement soumis à notre examen et à notre vote.

Ce nouveau rendez-vous prévu à notre calendrier s’inscrit dans la mise en place du « semestre européen », qui doit permettre de mieux synchroniser, et ainsi de rationaliser, les procédures budgétaires au sein d’une Union européenne au rôle renforcé. L’Européen convaincu que je suis s’en réjouit. Cependant, j’estime que les temps difficiles que nous traversons doivent nous inciter à davantage d’audace encore ; j’y reviendrai.

Cette première étape en appelle une seconde, au mois de juin prochain, lorsque la Commission européenne aura rendu son avis sur le projet de programme de stabilité qui nous est aujourd’hui soumis. Je souhaite que nous enrichissions notre séquence d’examen du projet de loi de règlement et le traditionnel débat d’orientation budgétaire avec la discussion d’une proposition de résolution européenne permettant de prendre en compte les observations des autorités communautaires.

Notre message est clair : le Parlement doit être en situation d’intervenir dans le débat à toutes les étapes du processus ; la transparence l’exige, la démocratie l’impose.

À plus long terme, il est indispensable que le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques donne corps à ce schéma et, sans vouloir anticiper outre mesure sur les discussions à venir, j’approuve par avance la démarche des commissions des lois et des finances de l’Assemblée nationale, qui veulent aller plus loin que l’obligation de simple transmission d’un document au Parlement prévue par le texte du Gouvernement et souhaitent inscrire dans la Constitution le principe d’un vote sur le projet de programme de stabilité.

Je pense même qu’il faut gravir une marche supplémentaire : le vote sur une déclaration du Gouvernement présente un caractère exagérément binaire,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et aboutit soit à désavouer celui-ci, soit à lui signer un « chèque en blanc ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De ce point de vue, l’issue du scrutin de ce soir ne me paraît guère faire de doute. Mais quel sera son sens ? Où les excellentes remarques et réserves de notre rapporteur général seront-elles prises en compte ?

Dès aujourd’hui, je préconise que nous nous emparions plus complètement du nouvel instrument qui nous est donné et que nous concevions, dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle, un nouveau type de résolutions, inspiré de celui qui est prévu à l’article 88-4 et permettant au Parlement, sur la proposition des commissions des finances, d’exprimer un point de vue nuancé qui valorisera d’autant mieux nos travaux. Sur ce point, les interventions de ce soir ont montré l’existence d’un vrai consensus.

D’autres sujets nous attendent à l’horizon du débat constitutionnel du mois de juin. Mais l’un, en particulier, m’apparaît d’ores et déjà clairement mis en exergue par le projet de programme de stabilité : je veux parler de la nécessaire consolidation du budget de l’État et de celui de la sécurité sociale. Pourrons-nous longtemps encore continuer de les scinder artificiellement, alors que cette approche éclatée est source de complexité, d’inefficacité, et n’a d’équivalent chez aucun de nos partenaires ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La réponse à cette question est évidemment négative. Pis, nos travaux ainsi coupés en tranches rendent les comptes publics illisibles. Ils nous privent de toute possibilité de faire preuve d’une pédagogie apte à prévenir l’illusionnisme, voire la démagogie.

J’en viens au fond.

Je ne reprendrai pas ici les analyses très complètes et percutantes de Philippe Marini. La trajectoire annoncée de nos finances publiques est la bonne, et le cap fixé à l’automne dernier est incontestablement maintenu. Il faut s’en féliciter et vous en féliciter, madame, monsieur les ministres, sans réserve.

Je suis le premier à me réjouir sincèrement du constat, établi par le projet de programme de stabilité que vous vous apprêtez à transmettre à Bruxelles, de l’amélioration des soldes publics en 2010 et en 2011. Passer de 7,7 à 7 points de déficit et pouvoir afficher 5,7 points dès cette année, au lieu des 6 points prévus, ce n’est pas rien, et la performance mérite d’être saluée.

Mais enfin, nous savons fort bien, les uns et les autres, la part prépondérante prise par des phénomènes de caractère exceptionnel dans ces bonnes surprises. La faible croissance des dépenses en 2010 et en 2011 aura été obtenue en grande partie, la première de ces deux années, par la diminution de l’investissement public local, et, la seconde, par la fin du plan de relance.

Pour la suite, les mesures susceptibles de nous permettre d’atteindre la cible ne sont pas toutes encore décrites dans votre programme, tant s’en faut, d’où notre scepticisme sur votre capacité à tenir l’objectif ambitieux d’une progression en volume des dépenses publiques limitée à 0,6 % par an. Le constat en a été fait dans la loi de finances pour 2011. Au lendemain des conférences sur la réduction des déficits publics, le Président de la République avait annoncé une baisse de 5 % des dépenses de fonctionnement et des crédits d’intervention dès 2011. Cette diminution sera en fait de 0,5 %, de 1 % dans le meilleur des cas !

Notre question, aussi simple qu’essentielle, est donc la suivante : le présent programme de stabilité rompt-il enfin avec les pratiques consistant à bâtir les budgets à venir sur des prévisions délibérément optimistes ou, pour le dire plus pudiquement, « volontaristes » ? Hélas, la réponse est non, en particulier sur le point crucial des prévisions de croissance.

Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. L’encre du rapport Marini d’octobre dernier est à peine sèche que je dois, une nouvelle fois, à mon grand regret, porter le fer dans la plaie : il n’est tout simplement pas réaliste de continuer à afficher des anticipations de croissance de 2,5 %, quitte à ramener ensuite ce chiffre à 2 %, puis à 2,25%, pour les deux premières années de la programmation,…

M. François Marc. Il faut une autre politique et de la croissance !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … alors que notre histoire récente souligne la vanité, pour ne pas dire l’inanité, de telles projections.

Certes, me direz-vous, il existe des « conventions de langage »… Même certains partis politiques, lorsqu’ils font des projections pluriannuelles, retiennent eux aussi une prévision de croissance de 2,5 %.

Mme Nicole Bricq. Pas selon le même calendrier !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Disons que ce consensus est quelque peu suspect !

M. François Marc. Ils peuvent le faire ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certainement ! (Nouveaux sourires.)

Il faut le marteler : depuis le début des années 2000, la croissance a été en moyenne de 1,5 % et n’a été égale ou supérieure à 2,5 % que deux fois. Le consensus des conjoncturistes s’établit aujourd’hui à 1,7 % pour 2011 et 2012.

Le constat doit d’autant plus être pris au sérieux que l’on ne voit pas, dans le programme de réforme, l’esquisse d’une refonte ambitieuse de la fiscalité, des prélèvements obligatoires, qui passe par l’indispensable allégement des coûts pesant sur les facteurs de production, notamment le travail, et l’augmentation inéluctable de l’impôt de consommation, à savoir la TVA. Je sais que ce débat est tabou, mais je m’impatiente néanmoins de le voir ouvert devant l’opinion publique. En clair, il n’y a rien, dans ce programme de réforme, qui soit susceptible de doper la compétitivité d’une économie languissante, condamnée à subir la mondialisation au détriment de son industrie et de son dynamisme. Ne cédons pas à la tentation du repli sur soi pour trouver un prétexte à l’immobilisme !

L’effort supplémentaire d’ajustement à l’automne prochain sera-t-il de 6 milliards d’euros, comme l’a donné à penser M. le ministre au début du mois, dans un article du journal Les Échos ? S’agira-t-il de 10 milliards d’euros, comme le suggère le rapporteur général, si les hypothèses retenues ne se réalisent pas ? Peu importe ! Le plus vite sera le mieux, car le risque le plus grave que nous encourons, pour le dire de la façon la plus synthétique, c’est celui d’un manque dramatique de crédibilité.

Crédibilité, d’abord, à l’égard de nos partenaires européens, dans un cadre qui sera nécessairement de plus en plus fédéral, en tout état de cause plus contraignant, si nous voulons réussir l’indispensable intégration de nos économies. De ce point de vue, je souhaite que la prochaine révision constitutionnelle permette la mise en œuvre effective de la « règle de sincérité », qui impose de construire les lois financières à partir d’hypothèses prudentes, de façon à éviter le double langage et à crédibiliser la trajectoire de convergence en ne laissant de place qu’aux « bonnes surprises ».

Crédibilité, ensuite, à l’égard des investisseurs qui détiennent notre dette souveraine et les clefs du maintien de notre notation « triple A », c’est-à-dire de notre indépendance.

Crédibilité, enfin, à l’égard de nos concitoyens, qui nous témoignent, élection après élection, leur exaspération croissante d’être tenus pour des enfants mineurs, incapables de comprendre des forces et des enjeux qui les dépassent. Il faut rompre avec l’inquiétude et l’angoisse mortifères qui ont gagné notre société. Nos compatriotes condamnent les faux-semblants, les simulacres de réforme et les joutes politiciennes, parce qu’ils sont prêts à entendre un langage de vérité.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’exercice qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit dans une démarche plus large de révision du pacte de stabilité européen.

J’exprimerai en conclusion le souhait, madame, monsieur les ministres, que la France joue pleinement son rôle dans la mise en place de mécanismes réellement contraignants, c’est-à-dire qu’elle manifeste, aux côtés de nos partenaires, l’absolue nécessité de respecter un code de bonne conduite collective, seul à même de nous ramener sur les chemins de la compétitivité. Cela suppose sans doute encore un petit effort, mais notre avenir est à ce prix, et la confiance aussi ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur cette déclaration.

Conformément à l’article 39, alinéa 3 bis, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire ; aucune explication de vote n’est admise.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 197 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 186
Contre 151

Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité européen.

8

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Mlle Sophie Joissains, MM. François Zocchetto, Richard Yung, Jean-Pierre Sueur et Mme Éliane Assassi ;

Suppléants : M. Alain Anziani, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Dominique de Legge, François Pillet et Mme Catherine Troendle.

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 28 avril 2011 :

De neuf heures à treize heures :

1. Proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés et à favoriser l’investissement (n° 321, 2010-2011).

Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances (n° 428, 2010-2011).

2. Proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité » (n° 269, 2010-2011).

À quinze heures :

3. Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures quinze à vingt heures quinze :

4. Proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat (n° 355, 2010-2011).

Rapport de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois (n° 436, 2010-2011).

5. Proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique (n° 354, 2010-2011).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 434, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 435, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART