M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, je souhaitais vous poser une question au sujet du PEAD, mais je vous en fais grâce, car vous y avez déjà largement répondu.

Cela étant, je prends acte de votre engagement à trouver des solutions. En effet, sur le terrain, les associations caritatives sont extrêmement inquiètes. Depuis des mois, elles demandent à être rassurées : le nombre de personnes bénéficiaires du PEAD a déjà augmenté de manière considérable dans les années passées, et elles savent que ce mouvement risque malheureusement de se poursuivre du fait de la situation économique et sociale.

J’espère donc que l’Europe trouvera l’équivalent d’un euro par Européen, ce qui correspond aux 500 millions d’euros destinés à aider les plus démunis d’entre nous.

Permettez-moi d’évoquer le secteur de l’agriculture. Notre collègue Christophe Béchu ayant très justement mis en perspective les enjeux des propositions que fera demain M. Ciolos – et nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler ! –, je me bornerai à vous poser, monsieur le ministre, une question plus pointue, que M. Raoul n’a pas traitée dans son intervention liminaire, celle des négociations bilatérales qui pourraient aboutir à un accord avec le Mercosur.

Je suis une élue du Massif central, une région où l’élevage bovin est essentiel pour la viande, en termes non seulement de qualité de la production, mais aussi d’aménagement du territoire. Aussi souhaiterais-je savoir où en est la négociation des accords du Mercosur ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Madame la sénatrice, vous avez évoqué un certain nombre d’accords de libre-échange qui posent problème.

L’accord avec le Japon est refusé, car il déséquilibrerait considérablement les marchés européens.

Avec le Mercosur, le déséquilibre est spécifiquement agricole : les négociations ou renégociations sont en cours, mais, très clairement, la situation est bloquée.

Ma réponse est une réponse d’attente, mais brève et déterminée : en l’état actuel, eu égard au déséquilibre qu’il créerait au sein de la filière bovine, nous ne pouvons pas signer un tel accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, voilà maintenant plus d’une année que nos concitoyennes et nos concitoyens entendent parler de la note AAA, de l’effondrement des marchés et des banques, de pays qui vacillent. Or, pour couronner le tout, il faut des mois et des mois de négociations – vous en êtes la preuve vivante ! (Sourires.) – pour que l’on puisse, à l’échelle européenne, garantir à ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir qu’ils pourront peut-être manger en 2012 ou en 2014 !

Ce faisant, réalisez-vous, monsieur le ministre, que la rupture entre l’opinion publique française et l’ambition européenne, qui garde, malgré tout, toute sa noblesse, est en train d’être consommée ?

Sans vouloir nier les difficultés existant à l’échelon européen, y compris celles auxquelles le Gouvernement est confronté, quand allons-nous entendre parler d’une vraie réhabilitation du tandem franco-allemand ? Du primat du politique et de l’économique sur le monétaire ? Ou encore d’une initiative européenne de croissance, qui pourrait passer par de grands projets, à l’image de ceux qui existent déjà ? Je fais notamment allusion au partenariat entre EADS et Airbus, dont la réussite pourrait constituer un exemple.

Pour autant, vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, le divorce entre la Banque centrale européenne et le Conseil européen, issu de leur incapacité commune à « faire le ménage » sur les taux de change. Savez-vous ce que ne cesse de répéter M. Gallois ? Chaque fois que l’euro gagne dix centimes sur le dollar, il manque 1 milliard de plus dans l’exercice comptable d’EADS en fin d’année.

Pourrons-nous, oui ou non, donner quelques espoirs…

M. Roland Courteau. Aux Garonnais ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. ... aux Garonnais bien sûr, mais aussi à tous ceux qui, dans l’Hexagone et en Europe, œuvrent au quotidien à la concrétisation d’un projet industriel fort et performant, que j’appelle de mes vœux !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Last but not least ! Votre parole était ferme et claire, monsieur le sénateur. Aussi vais-je m’employer à adopter le même ton. (Sourires.)

Vous me demandez si je me rends compte de la situation. Oui, et d’ailleurs le Président de la République a employé les mêmes termes que vous ! Il a indiqué qu’il n’accepterait pas que les plus démunis soient abandonnés par l’Union européenne, dont l’image serait ternie d’une manière désastreuse. Je n’ai de cesse de le répéter ici : nous sommes déterminés à trouver des solutions, et je n’imagine pas une seconde que l’on puisse abandonner les plus démunis en 2012 et en 2013.

Vous me demandez également quand le politique reprendra la main sur l’économique et le financier. Mais tel a déjà été le cas le 21 juillet dernier.

Quand le couple franco-allemand se rapproche, on critique son initiative, arguant du fait que les États membres devraient se réunir à vingt-sept ! Dans le cas contraire, on lui reproche de ne pas agir ! Quand il énonce des décisions fortes, on se demande pourquoi il ne les a pas prises plus tôt ! Et quand il prend des décisions rapides, on s’écrie : comment ces dirigeants peuvent-ils mépriser les parlements au point de ne pas les écouter ?

Monsieur le sénateur, je suis certain que, en bon parlementaire, vous vous offusqueriez – légitimement ! – si les décisions n’étaient pas soumises au Parlement...

M. Jean Leonetti, ministre. C’est dire si l’Europe est complexe : elle est composée de démocraties, dont les majorités sont quelquefois formées de coalitions. Le couple franco-allemand a toujours su trouver le consensus nécessaire, surtout en période de crise : il l’a trouvé le 21 juillet, le 16 août et dimanche dernier encore, en nous permettant de franchir une étape supplémentaire. Je suis convaincu que le politique gagnera sur l’économique et le financier.

Je crois profondément que le pouvoir politique, parce qu’il procède du peuple, et qu’il est, à ce titre, légitime pour déterminer les droits et les devoirs de celui-ci, l’emportera sur les pouvoirs économique et financier. Je ne doute pas une seule seconde que les décisions politiques qui ont été prises seront rapidement mises en œuvre et que les marchés financiers s’y plieront, car c’est le propre de toute démocratie. Toutefois, le processus de décision est toujours un peu plus lent dans les régimes démocratiques que dans les dictatures !

Dans ces conditions, il n’est pas donc illégitime d’attendre que le débat ait lieu au Sénat et à l’Assemblée nationale, afin que chacun puisse donner son avis, comme vous avez eu la possibilité de le faire aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. J’espère d’ailleurs que mes réponses ne vous ont pas trop déçus…

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous n’avez pas répondu à ma question portant sur Airbus !

M. Jean Leonetti, ministre. Vous avez raison !

M. le président. Deux de nos collègues doivent encore prendre la parole, monsieur le ministre…

M. Jean Leonetti, ministre. Je conclurai en quelques mots, monsieur le président.

ITER, GMS Galileo, les énergies renouvelables : les grands projets sont là. Ils constitueront demain les moteurs de la croissance et de l’innovation et, dans quelque temps, nous en serons fiers au même titre qu’Airbus, par exemple. Ces projets existent d’ores et déjà, mais n’oublions pas qu’ils sont soumis à la concurrence internationale. Il s’agit de défendre une certaine idée de l’Europe, celle qui innove, celle qui avance. Il n’y a pas qu’une Europe qui protège ; il y a aussi une Europe qui projette !

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Je souhaiterais évoquer la taxe sur les transactions financières, un sujet qui a déjà été longuement évoqué, et le rôle européen de Strasbourg – nous n’en avons pas encore parlé ; il est grand temps de le faire ! (Sourires.)

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais à mon tour plaider en sa faveur, en reprenant vos arguments, monsieur le ministre : nous allons répondre à la dictature des marchés financiers par la démocratie volontariste.

Les marchés tanguent, les banques sont en souffrance, l’euro est menacé. Si nous n’instaurons pas maintenant la taxe sur les transactions financières, nous ne le ferons jamais !

S’agissant des recettes de cette taxe, tout le monde en profitera ! Bien sûr, il ne faudra pas oublier l’Europe. D’ailleurs, la Commission européenne a formulé des propositions en ce sens, ce qui était franchement inespéré voilà un an, mais elle est aujourd’hui consciente qu’elle a besoin d’une ressource si elle veut élaborer un projet. De leur côté, les États membres seront bien contents de percevoir une partie du produit de cette taxe pour combler leurs déficits.

Enfin, il ne faudra pas oublier le défi climatique et la transition énergétique, en pensant tout particulièrement aux pays situés près de l’Équateur, qui seront les premières victimes innocentes du réchauffement de la planète.

L’affectation des recettes ne posera donc pas de difficultés majeures. Mais l’enjeu de la création d’une telle taxe est aussi moral : il est légitime de faire payer les marchés financiers qui sont à l’origine de la crise.

Permettez-moi maintenant de plaider en faveur de Strasbourg, la capitale européenne de la France, autrement appelée « l’autre capitale », qui doit toutefois partager cette mission avec Bruxelles et Luxembourg.

Si la liaison avec Luxembourg, améliorée par la deuxième phase du TGV Est, est de bonne qualité, celle avec Bruxelles reste un maillon faible.

C’est pourquoi je plaide auprès de vous, monsieur le ministre, en faveur de la mise en place d’une liaison ferroviaire régulière Bruxelles-Roissy-Strasbourg. Pour ce faire, il suffit de faire circuler des trains sur les lignes rapides existantes, comme ce fut le cas, avec succès, durant la présidence française de l’Union européenne. Avec de la volonté et un peu de souplesse de la part de la SNCF, nous pourrons relier les deux grandes capitales européennes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Je m’étonnais que vous ne soyez pas intervenue dans ce débat, madame la sénatrice, et, plus encore, que vous n’ayez pas encore défendu la cause de Strasbourg, connaissant votre attachement à cette ville… (Sourires.)

En ce qui concerne la taxation des transactions financières, vous avez pleinement raison : il serait à la fois logique et opportun de l’instaurer maintenant. Les crises créent aussi des opportunités, et il me semble que le moment est venu de franchir cette étape.

En ce qui concerne Strasbourg, les traités reconnaissent son rôle. Mais, au-delà du droit, cette ville constitue aussi un symbole fort. C’est en effet là, entre Forêt noire et forêt vosgienne, qu’ont surgi les plus fortes tensions, que se sont noués les plus grands drames, mais aussi qu’a eu lieu la plus grande réconciliation. Si l’on ne comprend pas cela, on ne comprend pas l’Europe ! En même temps, comme vous l’avez rappelé, l’Europe est multiple, et elle a aussi pour capitales Francfort, Luxembourg et Bruxelles.

Vous le savez, nous nous sommes opposés à ce que l’on condense les réunions strasbourgeoises en une session unique, ce qui aurait, à mon sens, pour conséquence d’altérer le travail des députés européens, le but ultime de l’opération étant de démontrer qu’il est impossible de siéger à Strasbourg.

Vous avez ensuite évoqué, madame la sénatrice, une liaison ferroviaire Strasbourg-Bruxelles. Celle-ci a en effet été utilisée et mérite donc d’être étudiée. Mais d’autres solutions sont également à l’étude pour améliorer la desserte de Strasbourg, notamment via l’aéroport de Bâle, avec la possibilité d’une connexion à Francfort. Le but est de placer Strasbourg, capitale européenne, à une heure de trajet des autres capitales nationales et européennes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Initialement symbole d’une construction européenne qui avançait et d’une Union économique et monétaire qui annonçait une plus grande intégration politique, l’euro est aujourd’hui en crise.

Cette crise ne concerne pas seulement la zone euro, mais toute l’Union européenne, par l’impact qu’elle est susceptible d’avoir sur l’ensemble de la construction européenne.

Les euro-obligations apparaissent aujourd’hui comme une solution puissante pour répondre aux difficultés actuelles. Elles sont aussi une solution conforme à l’esprit de la construction européenne, par la communautarisation des moyens et la solidarité qu’elles impliquent.

Toutefois, la mise en place d’euro-obligations, comme d’ailleurs la mise en place d’une mutualisation des efforts ou d’un gouvernement économique, ne peut faire l’économie de préalables politiques.

Les dettes qui, aujourd’hui, sont imposées aux États pour sauver les banques ou pour répondre aux défaillances de tel ou tel État européen devront être payées par les citoyens européens.

Pourtant, cet argent prêté, qui témoigne d’une solidarité, doit correspondre à une responsabilité politique partagée et à un contrôle démocratique.

Le remboursement de cette dette devra donc être effectué selon un principe d’égalité entre les citoyens et les entreprises des différents pays de l’Union européenne, par un fédéralisme fiscal, obligatoire dans ce cas-là, par un fédéralisme économique et social, bref, par un fédéralisme politique.

Tous les pays de l’Union européenne doivent être impliqués dans les décisions prises. Aujourd’hui, la réaction slovaque est logique, car nous devons veiller à laisser en permanence une marge de manœuvre à tous nos partenaires pour ne pas imposer les décisions du couple franco-allemand.

Veillons aujourd’hui à ne pas pratiquer une fuite en avant dans la recherche d’outils économiques et financiers, dictée par l’urgence, sans assumer politiquement ce que cela doit signifier en termes d’intégration politique, de gouvernance et de démocratie, c'est-à-dire de fédéralisme européen pour l’ensemble de l’Union européenne.

Si nous ne le faisons pas aujourd’hui, si nous n’assumons pas ce choix, nous échouerons demain et, après-demain, nous creuserons encore plus le fossé entre, d’une part, les opinions publiques européennes – j’allais même dire l’opinion publique européenne – et la construction européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez prononcé quatre fois le mot « fédéralisme ». Eu égard à ce qui a été dit tout à l'heure, voilà qui fait de vous un candidat à la déportation ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. Vous vous adressez à un Français de l’étranger originaire d’Europe centrale et orientale, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Leonetti, ministre. Vous avez abordé, monsieur le sénateur, un vrai sujet.

La création d’euro-obligations nécessite de mutualiser la dette. Or l’hétérogénéité des dettes des différents pays de la zone euro est aujourd’hui telle qu’il est impossible de mutualiser la dette de la Grèce et celle de l’Allemagne, sauf à franchir préalablement les étapes successives d’harmonisation économique, fiscale et financière que vous avez évoquées. C’est pour cette raison que j’ai parlé tout à l’heure d’une certaine forme de fédéralisme économique.

En effet, comment les Allemands – mais les Français auraient sans doute la même réaction ! – pourraient-ils accepter de voir leurs taux d’intérêt augmenter à la suite de cette mutualisation et de se retrouver pénalisés lors de leurs achats, et ce au nom de la solidarité ? Certes, ils ne diraient sans doute pas non à la solidarité, mais ils exigeraient en contrepartie une certaine discipline. Vous voyez donc que des règles contraignantes sont indispensables.

De même, comment faire accepter aux Français que le taux de l’impôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande, contre 34 % en France ? Une fois la crise passée, nous devrons encourager les Irlandais à relever leur taux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République française et la Chancelière allemande ont choisi de faire converger les taux français et allemand de l’impôt sur les sociétés, car il ne saurait y avoir de solidarité sans convergence.

Nous avons une monnaie unique ; il nous faut une économie unifiée et harmonisée, ainsi que des fiscalités qui convergent progressivement, afin que les peuples – et non les marchés ! – comprennent que l’effort est justement et équitablement réparti. Une fois ces conditions réunies, nous pourrons envisager de créer des euro-obligations, lesquelles constitueraient alors l’aboutissement d’un processus de mutualisation des efforts et de la croissance. Mais, aujourd’hui, leur création ne ferait que ruiner les efforts des États les plus vertueux et les conduirait à la situation difficile que connaissent actuellement certains pays.

Je partage votre avis, monsieur le sénateur, mais pas dans le temps. J’espère qu’un jour viendra où les euro-obligations s’imposeront à nous, parce que la dette grecque ne posera plus de problèmes à la zone euro, que l’euro sera resté une monnaie forte et que l’Europe aura su trouver cet équilibre, indispensable dans toute gestion, qu’il s’agisse d’une ville, d’un État ou de l’espace européen, entre discipline et solidarité.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 octobre 2011, à quatorze heures trente :

1. Débat sur la réforme portuaire ;

2. Débat sur la couverture numérique du territoire.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART