M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-43 et sur les cinq sous-amendements ?

M. Philippe Richert, ministre. En préambule, je souhaite apporter une réponse à l’interpellation initiale de M. Marc à la suite de mon propos liminaire.

Le document annexé au projet de loi finances prévoit la clef de répartition suivante pour le produit de la péréquation : 40 % pour les revenus des ménages, 40 % pour le potentiel financier et 20 % pour l’effort fiscal.

M. Marc indique que la modification d’un critère, par exemple celui des revenus, entraîne des conséquences non négligeables. Il a cité une communauté de communes qui recevait 600 000 euros, ce qui représente un abondement relativement important. C’est vrai que la prise en compte d’un pourcentage plus important des revenus des ménages dans la clef de répartition bénéficiera aux territoires où la population est plutôt pauvre et défavorisera ceux où elle est plutôt riche. Tel est le principe de la péréquation.

On m’a enjoint de changer le dispositif pour corriger le fait que trop de territoires touchant la DSU n’avaient pas un bilan positif en termes de péréquation au titre du FPIC. Ma réponse a donc été de prendre davantage en compte les revenus par habitant, de telle façon que les communes touchant des sommes de la DSU seront beaucoup plus fréquemment celles qui touchent en même temps des ressources au titre du FPIC, les communes avec DSU étant souvent celles qui ont une population fragile en termes de revenus.

L’amendement de la commission vise, au terme d’un délai de dix ans, à placer à 20 % le delta des communes les plus fragiles par rapport à la moyenne de la strate en termes de potentiel financier. À cet égard, je rappelle à nouveau que Dunkerque est à 50 % au-dessus de la strate, c’est-à-dire qu’il faudra beaucoup élaguer au sommet de la strate, ou gonfler beaucoup à la base, pour atteindre les 20 % que la commission préconise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les efforts à faire en termes de péréquation sont énormes. C’est la raison pour laquelle il me semblait que la meilleure façon d’y arriver était de s’inscrire, de façon courageuse, dans la péréquation que j’ai proposée. J’ai donc prévu des modifications qui, pour certaines, vont globalement désavantager les collectivités qui ont des familles aisées sur leur territoire.

Comme j’avais cru comprendre qu’il m’était demandé d’aider davantage les territoires dont la population est fragile, il m’est apparu nécessaire d’augmenter la part des revenus des ménages prise en compte dans le système de péréquation du FPIC. De la sorte, nous rétablirons un équilibre.

En ce qui me concerne, je ne suis pas enclin à fixer un objectif lointain, attentatoire, de surcroît, aux libertés communales. Le dispositif que je propose permettrait, dès 2012, d’être réactif en termes de péréquation.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° II-43, mais je suis prêt à discuter des modalités pratiques à mettre en œuvre pour ne pas perdre une année. Je suis également, par conséquent, défavorable à tous les sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite rappeler dans quel esprit la commission des finances a préparé ce débat.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur la bonne volonté et l’ouverture d’esprit de la Haute Assemblée, sur toutes ses travées. Il n’y a pas lieu de remettre en question l’esprit positif dans lequel le Sénat aborde ce dispositif de péréquation.

Nous en sommes à l’article additionnel avant l’article 53. Nous reprendrons un peu plus tard nos discussions au sujet de la péréquation intercommunale, qui ne figure qu’à l’article 58. Nos excellents rapporteurs spéciaux auront, à ce moment-là, l’opportunité de rappeler la teneur du débat, libre et pluraliste, que nous avons eu et le cheminement que nous avons suivi pour en arriver à un amendement voté, fait tout de même suffisamment rare pour être souligné, à l’unanimité des membres de notre commission.

M. Philippe Dallier. Moins une voix !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’un de nos collègues s’est en effet abstenu, non sans avoir dit qu’il était favorable à l’amendement. Il l’a fait par déontologie, l’unanimité étant une notion étrangère à sa culture personnelle ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, il n’y a aucunement lieu de suspecter les intentions du Sénat. Nous sommes simplement très sensibles à ces sujets. Autant nous nous retrouvons de manière ambitieuse dans les principes, autant l’expérience nous a tous appris qu’il fallait regarder les simulations de près, nous laisser le temps suffisant pour les analyser, en tirer des enseignements et, éventuellement, faire varier les hypothèses de travail.

En effet, nous le savons aussi d’expérience, si, les uns et les autres, nous nous trompons, les élus locaux, que nous rencontrons régulièrement dans les territoires, ne manqueront pas de nous le faire payer pendant un grand nombre d’années.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est déjà fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà, monsieur le ministre, l’esprit dans lequel nous avons travaillé. À ce stade, nous en sommes aux principes généraux. Naturellement, nous sommes entièrement à votre disposition pour améliorer les hypothèses de travail, indiquer les évolutions à prévoir pour l’avenir, mettre l’accent sur les critères qu’il s’agira de faire varier, de manière à atteindre le meilleur équilibre possible, cher collègue François Fortassin, entre l’autonomie fiscale et la péréquation, c’est-à-dire la solidarité.

M. le président. Monsieur Collombat, le sous-amendement n° II-289 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, monsieur le président, je le maintiens et j’interviendrai tout à l’heure en explication de vote.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, je vous le dis très clairement, vous êtes en train de mettre gravement en cause la banlieue, toutes ces collectivités qui, ayant connu des vrais problèmes, essaient, depuis des années, de s’en sortir.

J’ai donc appris que je gérais une ville très riche. Rendez-vous compte : 35 000 habitants, deux zones urbaines sensibles, les fameuses ZUS, et un dossier ANRU ! Naturellement, elle a la chance de bénéficier d’une dotation du Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, comme toutes les communes du Val-d’Oise qui sont aujourd’hui les plus impactées.

D’après la liste fournie, toutes ces communes seraient contributrices, à l’exception de celles de la communauté d’agglomération de la Vallée de Montmorency et d’Enghien-les-Bains, qui forment le secteur le plus privilégié du département. Je m’aperçois aussi que, ailleurs, dans le Val-de-Marne, Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine cotiseraient le double de Vincennes ou de Saint-Maur-des-Fossés. Je ne vois pas où est la justice ni même le bon sens dans ces simulations. En tout cas, j’ai du mal à les comprendre !

Il se trouve que, dans une autre enceinte, avec Alain Richard, rapporteur du budget à l’époque, j’ai largement contribué à mettre en place le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. Le projet avait été lancé dans le prolongement de la loi d’orientation pour la ville, pilotée par M. Delebarre.

La solidarité en Île-de-France, elle va de soi, surtout lorsque l’on sait que 30 % des habitants du secteur où je suis élu travaillent à La Défense.

Personnellement, monsieur le ministre, je ne me sens pas engagé par une réforme horizontale, qui ne peut pas être l’alpha et l’oméga de votre politique. Je suis d’accord avec le maire de Lyon pour dire que la solidarité entre les territoires doit d’abord s’organiser au niveau de l’État.

En réalité, la discussion porte sur 260 millions d’euros. C’est sur ce montant que, dans cet hémicycle et ailleurs, nous sommes sur le point de nous entre-déchirer – je n’ose parler de guerre civile ! –, alors que la dotation globale de fonctionnement représente, elle, 41 milliards d’euros.

Pour la commune qui me concerne directement, le dispositif que vous proposez revient à me demander 2 % de fiscalité supplémentaires dès cette année, soit 8 % sur quatre ans.

Au travers de ces simulations, c’est bien le problème des banlieues qui apparaît, car, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, ce sont elles, dans ce cadre, les principales contributrices. De tous les mécanismes mis en place par les gouvernements successifs au cours des vingt dernières années pour traiter des banlieues, seuls ceux dans lesquels les conseils municipaux avaient la maîtrise ont bien fonctionné.

Avec le système de péréquation que vous proposez, vous retirez aux maires et aux élus locaux les moyens de conduire un certain nombre de politiques dans leurs quartiers : voilà le résultat ! Ce faisant, vous allez les décourager. Croyez-moi, si, aujourd’hui, les banlieues connaissent, sinon une relative paix sociale, du moins une situation améliorée, c’est parce que nous y avons solidement travaillé !

Ce modèle de simulation est, pour moi, absolument aberrant. Je le répète, vous allez décourager de nombreuses équipes municipales, toutes celles et tous ceux qui font que, aujourd’hui, dans les banlieues, le climat s’améliore.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Je voterai l’amendement n° II-43, par lequel nous exprimons en quelque sorte un vœu pieux. En parfaite osmose avec M. le président de la commission des finances, je souhaite moi aussi faire prospérer le débat. J’évoquerai ainsi quelques éléments intéressants à mes yeux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en quoi cet amendement constitue-t-il un vœu pieux ? Parce que, s’il est adopté, aucune collectivité, aucune commune ne pourra avoir un niveau de ressources inférieur à 80 % de la moyenne.

Si le principe de la péréquation et de la redistribution est communément admis, vous remarquerez que, nulle part, il n’est précisé où l’argent sera pris. Nos voisins d’outre-Rhin, eux, ont aussi instauré un plancher de 80 %, mais ils ont dans le même temps fixé un plafond de 120 % !

M. Pierre-Yves Collombat. Pour quels résultats ?

M. François Marc, rapporteur spécial. Nous nous occupons d’abord des pauvres !

M. Charles Guené. Nous ne l’avons pas proposé. Pis, il est prévu un plafond de prélèvement, et c’est sur ce point que je voulais vous répondre, monsieur le ministre.

Je ne suis pas opposé à un tel plafond. Mais, dès lors qu’il existe, nous assisterons inexorablement, dans les années à venir, à ce que j’appellerai un « pincement » sur le prélèvement : on ira chercher l’argent, non plus auprès des communes les plus riches, puisqu’elles bénéficieront en la matière d’une sorte de bouclier fiscal, mais bien chez les communes moyennes, appelées à être de plus en plus taxées.

M. Philippe Dallier. C’est ce qui se passe !

M. Charles Guené. Il aurait été beaucoup plus raisonnable de limiter ce plafonnement dans le temps.

Nous sommes relativement doués pour la prospective et les bonnes intentions. Mais, dès qu’il faut entrer dans l’opérationnel et la pratique, tout devient un peu plus difficile !

M. Philippe Richert, ministre. Eh oui !

M. Charles Guené. Je souhaite souligner un autre point, qui n’a pour l’instant pas été évoqué.

Dans son amendement, la commission des finances introduit la référence à un indicateur de ressources élargi par habitant. Si celui-ci existe au stade de la prospective, il n’entre pas dans les calculs au niveau de la phase opérationnelle. Autrement dit, il n’est tenu compte que d’un minimum de ressources.

À la suite de la mission que mes collègues Pierre Jarlier, Philippe Dallier, Albéric de Montgolfier et moi-même avions effectuée, nous nous étions mis d’accord pour prendre l’ensemble des ressources comme base de calcul, car c’est à ce niveau que nous pouvons avoir une juste vision de la réalité.

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. C’est ce que nous faisons !

M. Charles Guené. M. Collombat, dans le cadre des sous-amendements qu’il a présentés, préconise de ne plus faire référence aux strates démographiques, au motif que ce critère n’est pas satisfaisant.

Ne nous focalisons pas sur les strates. Le problème, c’est que tout le monde semble s’en satisfaire au prétexte qu’il s’agirait d’un mécanisme consensuel.

Certes, les écarts constatés par ce biais ne sont que dans un rapport de un à deux. Néanmoins, le système a le grave défaut de ne pas intégrer véritablement le facteur « charges ». Ainsi, deux territoires complètement différents, l’un rural, l’autre urbain, mais comptant la même population, seront traités de la même façon, alors qu’ils ne supportent probablement pas les mêmes charges.

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Charles Guené. C’est là qu’est le problème selon moi. Plutôt que d’accuser M. le ministre d’assassiner la banlieue, mieux vaut nous en prendre aux critères que nous retenons et qui servent aux simulations.

J’ai souhaité intervenir à ce stade pour faire avancer le débat, car nous retrouverons les trois points que je viens de souligner dans d’autres sous-amendements. En attendant, je voterai l’amendement de la commission pour m’associer à ce vœu pieux, mais je tenais à signaler les incohérences propres à notre démarche et qu’il faudra corriger.

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je voudrais remercier François Marc d’avoir donné son accord pour repousser à l’année prochaine la réforme dont nous discutons aujourd’hui, pour que celle-ci repose, non sur un état d’esprit, mais sur de véritables simulations.

Je suis de ceux qui doutent que la réforme, telle qu’elle nous est présentée, permette d’atteindre le but qui est le nôtre : réduire les inégalités et donner à un certain nombre de territoires la possibilité de refaire surface.

Le fait de retenir le critère de la richesse globale revient, d’abord, à taxer de manière encore importante les villes économiquement les plus puissantes, c’est-à-dire celles qui, concrètement, ont laissé à l’industrie une place, même minime, dans leur paysage.

Si, par notre vote, nous assurions à toutes les communes une sorte de minimum garanti, celles qui ont encore un tissu industriel ne ressentiraient plus la nécessité de le défendre. Finalement, nous n’atteindrions pas l'objectif que nous partageons pourtant tous ici, sur l’ensemble de ces travées, à savoir favoriser la réindustrialisation de notre pays.

En outre, dès lors qu’il s’agit de villes industrielles, celles-ci ont souvent une population ouvrière, aux revenus très modestes, qui doivent être pris en compte, faute de quoi nous commettrions une erreur.

Mes chers collègues, les philosophes et les sociologues ont été abondamment cités dans ce débat.

M. Gérard Collomb. Ceux-ci ont beaucoup écrit sur le fait que la précarité et la grande misère se concentraient dans nos villes. Oui, la misère est urbaine, et, aujourd'hui, dans ces territoires, ces intercommunalités, nous menons des politiques visant à résorber les difficultés les plus grandes !

Mes chers collègues, j’ai dit ce que nous faisions dans l’agglomération lyonnaise, où nous rencontrons encore des problèmes extrêmement importants. Vous avez peut-être tous encore en mémoire les événements survenus dans cette agglomération, en marge de la manifestation contre la réforme des retraites, lorsqu’un certain nombre de jeunes issus des banlieues ont déferlé jusqu’au cœur même de la ville.

Nous sommes en train de progresser pour remettre ces banlieues à niveau, mais rien n’est encore gagné. Si, demain, nous ne pouvions plus mener le même type de politiques, nous aggraverions le problème.

Je répète à Claude Dilain ce que je lui ai dit ce matin : tant que l’intercommunalité dont fait partie Clichy-sous-Bois ne comprendra que sa ville et Montfermeil, le problème auquel il faisait référence ne sera pas résolu, et ce quel que soit l’argent que l’on puisse mettre sur la table ! Il s’agit en effet d’un problème de mixité sociale. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de séparation hermétique entre les communes ou les intercommunalités les plus pauvres et celles qui sont les plus riches. Que les communes riches n’aient sur leur territoire que des riches restant entre eux, ne satisfassent aux besoins de la solidarité qu’en donnant un peu d’argent, sans chercher à se transformer, est finalement contraire au principe de solidarité !

Des philosophes ont beaucoup écrit sur le développement de l’« entre-soi ». Or l’avenir de notre pays requiert que nous essayions de rassembler et de faire cohabiter au sein des villes les riches, les pauvres, les classes moyennes. Si notre pays continue à se segmenter, à se fractionner, nous allons au-devant de grandes difficultés.

Aujourd'hui, mes chers collègues, la fracture sociale est une fracture spatiale. C’est celle-ci qu’il convient de résorber.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. À titre liminaire, je voudrais dire que j’ai apprécié, au même titre, je crois, que les élus ruraux, l’effort qui a été fait pour répondre à mon sous-amendement portant sur les strates démographiques.

Sur le fond, l’amendement proposé par les rapporteurs spéciaux fixe un principe avec lequel on ne peut être que d’accord. J’y apporterai toutefois quelques bémols.

Ce dispositif s’inspire clairement du système allemand. L’Allemagne est devenue en France la référence de rigueur : il faudrait faire comme elle ! À regarder d’un peu plus près la situation des communautés infra-étatiques, les Länder, les districts, les villes, les villes-districts, les communes – et j’en passe, car c’est pire que notre millefeuille ! –, on s’aperçoit que ces différentes collectivités se trouvent dans une situation financière beaucoup plus difficile que les collectivités territoriales françaises.

M. Philippe Richert, ministre. Ce n’est pas faux !

M. Pierre-Yves Collombat. Certaines en sont même réduites à financer leur fonctionnement à crédit,…

M. Philippe Richert, ministre. C’est vrai ! Cela prouve l’effort de l’État français.

M. Pierre-Yves Collombat. … bien que la Constitution prohibe formellement cette pratique !

Pour nous en tenir à l’endettement des Länder, conséquence d’un sous-investissement chronique des collectivités, on constate que, malgré le dispositif de péréquation tant vanté, d’énormes disparités existent. La situation de la Bavière, qui n’est pas du tout endettée du fait de ses ressources fiscales, n’a pas grand-chose à voir avec celles de la Sarre ou de la Rhénanie du Nord-Westphalie, qui sont, comme leurs communes, dans un état financier calamiteux.

Ces exemples tendent à prouver que le système allemand n’est pas aussi merveilleux qu’on le croit. Pour ce qui nous concerne plus directement, ils tendent aussi et surtout à montrer que les systèmes de péréquation et de répartition de la richesse qui paraissent les plus sensationnels sur le papier, en réalité s’autolimitent. Pour le dire plus communément, ces systèmes reprennent d’une main ce qu’ils donnent de l’autre !

C’est un peu, je l’ai dit, ce à quoi aboutit l’amendement dont nous discutons, qui, en même temps qu’il fixe des objectifs avec lesquels on ne peut être que d’accord, en réduit considérablement la portée par la notion des strates démographiques. Aussi essayer d’établir la répartition sur un indicateur de richesse national réel ne me semble pas absolument aberrant.

Cela a été dit, les écarts de richesse entre territoires sont considérables. Contrairement à ce que l’on entend parfois, cela ne correspond nullement à une différence de besoins entre les communes. La structure sociologique des communes rurales a, par exemple, considérablement évolué. Un chiffre le prouve : entre 1962 et 1999, la part de la population agricole dans la population totale est passée de 33 % à 7 %. Leur structure est donc très proche de celle des communes urbaines. D’autant que, en leur sein, viennent aussi se réfugier des populations en grande difficulté.

J’ai déjà indiqué ce qu’il fallait penser des fameuses charges de centralité ainsi que du rôle des intercommunalités. J’insiste tout de même sur un point : on évalue bien souvent, par pétition de principe, les charges de centralité en les définissant par rapport aux dépenses. En somme, plus on dépense, plus on a de charges de centralité ! C’est ainsi que l’on a procédé, au début, pour établir les strates de la DGF. Cette évaluation n’est vraiment pas très sérieuse. J’ai d’ailleurs constaté que peu de sénateurs s’étaient attardés sur le sujet.

Bien sûr, j’ai conscience que donner plus aux pauvres sans prendre aux riches ni augmenter la masse à répartir relève de la quadrature du cercle. De même, prendre aux riches pour donner aux pauvres tient du suicide politique. On préférera donc parler de charges des riches, comme l’a évoqué François Fortassin, pour éviter de trop donner aux pauvres. Cela s’appelle, paraît-il, faire de la politique. Je n’en suis pas vraiment persuadé.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, vous êtes un excellent connaisseur du sujet dont nous traitons cet après-midi. C’est normal, vous étiez sénateur et vous vous adressez à vos anciens collègues ! (Sourires.)

J’ai cru comprendre – peut-être me suis-je trompé ? – que vous disiez avoir mis en musique ce que le Parlement, notamment le groupe de travail constitué par la commission des finances du Sénat, auquel j’appartenais avec MM. Guené, Jarlier et Montgolfier, avait suggéré. J’avoue avoir un peu de mal à accepter ce propos !

M. Philippe Richert, ministre. Je comprends !

M. Philippe Dallier. En effet, nous avons travaillé à l’aveugle, sans aucune simulation. Cela suffit ! Comment faire du bon travail si nous ne sommes pas capables de mesurer les conséquences de ce que nous votons ?

Nous avons découvert ce week-end les simulations que vous avez bien voulu nous transmettre, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie. J’apprends à l’instant, en séance, que d’autres simulations, jouant sur le curseur des revenus par habitant, ont été communiquées et aboutiraient à des résultats différents. Mais qui, ici, a eu connaissance de ces simulations ? Dans ces conditions, pouvons-nous réellement mettre en place un dispositif efficace et pertinent ? Est-ce bien raisonnable de nous demander d’adopter un texte, puis de transmettre le flambeau à l’Assemblée nationale pour qu’elle poursuive le travail ? Franchement, si je ne vois pas ce que je vote, je ne vote plus !

Je ne veux pas retourner dans mon département et expliquer aux maires de Seine-Saint-Denis qu’ils vont soudainement devoir cotiser au FPIC, alors qu’ils sont éligibles à la DSU, qu’ils ont des projets ANRU, et qu’ils ont sur leur territoire des ZUS ? Je serais très mal à l’aise si je devais le faire. Le rôle d’un parlementaire n’est-il pas de savoir expliquer son action ? Or, en l’occurrence, il m’est très difficile de comprendre ce que nous faisons.

J’en reviens à l’amendement et à la série de sous-amendements.

Charles Guené a parlé d’un vœu pieux. Personnellement, la référence à l’indicateur de ressources élargi par habitant me pose problème. De quoi est-il constitué ? Il aurait peut-être mieux valu présenter cet amendement et ces sous-amendements en fin de discussion, lorsque nous nous serions mis d’accord sur la manière d’évaluer les ressources des collectivités. Certains veulent y inclure la dotation d’intercommunalité, d’autres non. Il me semble d’ailleurs qu’elle ne figurait pas dans le texte du Gouvernement, tout comme les Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Quels éléments prendre en considération pour mesurer la richesse des collectivités territoriales ? Nous n’avons pas de définition précise en la matière, mais les rapporteurs spéciaux demandent de fixer un objectif sur dix ans sur la base d’un critère que nous ne connaissons pas. Cela me gêne.

Je terminerai mon intervention en souscrivant aux propos de Charles Guené. Dans le cadre du rapport réalisé par le groupe de travail que j’évoquais précédemment, j’ai travaillé sur le FSRIF, étant élu de banlieue. Charles Guené, quant à lui, a travaillé sur la province. Mais, au bout du compte, nous étions absolument d’accord. Nous avions en effet choisi de comparer une commune isolée ou un EPCI de 30 000 habitants en plein milieu de la Seine-Saint-Denis et 30 000 habitants dans un bourg-centre et les communes alentours.

À cette occasion, j’avais posé une question en commission des finances : à ressources équivalentes, qui sont les plus pauvres ? Ceux qui paient 700 euros de loyer par mois pour avoir trente mètres carrés en mauvais état ou ceux qui ont la chance d’avoir des habitations moins chères ? Il est très compliqué de mesurer le degré de richesse ou de pauvreté des habitants. Le seul revenu net ne suffit pas. Il faut inclure l’environnement et le contexte dans lequel ils évoluent. Tout cela est extrêmement difficile à mesurer : il faut donc être prudent sur le sujet.

Il faut se donner un peu de temps en la matière, quitte à différer cet examen d’une année. J’ai pourtant plaidé, vous le savez, en faveur de la péréquation. Depuis 2004, j’ai abordé le sujet tous les ans. Je ne perçois pas de sommes au titre du FSRIF. Je perçois un peu de DSU, mais je sais qu’il faudra tirer un trait dessus parce qu’il faut recentrer les critères d’allocation, ce dont je conviens.

Mais aujourd’hui, on me dit que non seulement la DSU passera à la trappe, mais que la contribution au FPIC sera également multipliée par quatre ! Et encore, le plafonnement, dont Charles Guené a décrit les effets, fait que les territoires les plus riches verront leur contribution limitée. La contribution au FPIC s’en trouvera donc plus que multipliée par quatre par rapport à cette année, madame Beaufils !

M. Philippe Dallier. Nous ne mesurons pas ce que nous sommes en train de faire. Je pense donc qu’il faut attendre février ou mars de l’année prochaine, afin que vous nous transmettiez, monsieur le ministre, de nouvelles simulations. Décider dans un an, ce serait donc faire preuve de sagesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je suis francilienne.

M. Francis Delattre. Très bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On parle plus volontiers de région parisienne, mais, personnellement, je revendique mon identité francilienne, issue d’un département de la grande couronne.

Je suis solidaire de toute ma région. Mes chers collègues, la loi d’orientation pour la ville, adoptée en 1991, a mis en place le mécanisme du Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.

M. Claude Dilain. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les débats que nous avons aujourd'hui font écho à ceux qui ont eu lieu à cette époque.

Qu’est-ce que la péréquation ? Un principe selon lequel les mieux dotés paient pour les moins bien dotés. Nous avons entendu ce matin le plaidoyer de notre collègue Claude Dilain, qui résonne encore à mes oreilles. L’objectif de la péréquation était de répondre à ce type de situation.

Charles Guené prétend que l’amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est un vœu pieux. Mon cher collègue, faites attention à ce que vous dites ! On a beau être d’accord sur les principes, mais quand arrive le mur, il y a ceux qui veulent sauter par-dessus et ceux qui refusent l’obstacle. Pour ma part, je ne considère pas que l’amendement des rapporteurs spéciaux soit un vœu pieux. C’est un engagement ! Si le Sénat ne le considérait pas comme tel, il faillirait à sa mission.

Des problèmes techniques existent, bien sûr. Il faut notamment regarder comment l’on définit l’indicateur de ressources élargi. Mais, monsieur le ministre, la demande du groupe de travail créé par la commission des finances en mai 2011, visant à obtenir de votre part plus de simulations, est restée sans réponse.

Quels que soient les résultats des simulations, il faudra, de toute façon, que certains territoires paient pour d’autres. (M. le ministre acquiesce.) Il y aura toujours des mécontents.

Le FSRIF, qui est une création assez ancienne, a par exemple subi petit à petit des détournements, à travers notamment l’organisation du territoire. Les Hauts-de-Seine, un département globalement riche, a organisé l’intercommunalité de manière à éviter de le payer. D’année en année, le produit du FSRIF, assis sur deux prélèvements de l’ancienne taxe professionnel, s’est trouvé bloqué, du fait de ceux qui ne voulaient pas payer !

Il est bon de fixer des principes de manière unanime, mais, dans la réalité, la péréquation est un choix politique !