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Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à la prorogation du mécanisme de l’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers, déposée sur le bureau du Sénat le 22 janvier 2013.

8

Communication d'avis sur des projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, lors des réunions du mercredi 23 janvier 2013 :

- la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un vote favorable (nombre de votants : 29 ; 2 abstentions ; 1 vote nul ; 15 voix pour et 11 voix contre) sur le projet de nomination de M. Olivier Schrameck à la présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

- et la commission des finances a émis un vote favorable (nombre de votants : 21 ; 7 votes blancs ; 14 voix pour et 0 voix contre) sur le projet de nomination de M. Nicolas Dufourcq, en qualité de directeur général de la société anonyme BPI-Groupe.

Acte est donné de ces communications.

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 janvier 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881, résultant de la loi du 9 mars 2004 (délai de prescription des délits) (2013-302 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

10

Débat sur la place des petites et moyennes entreprises dans notre économie

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la place des petites et moyennes entreprises dans notre économie, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe UMP.

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir, organisé sur l’initiative du groupe UMP, est relatif à la place des petites et moyennes entreprises dans notre économie. Permettez-moi d’exprimer ma satisfaction qu’il puisse avoir lieu, tant est important le rôle que ces entreprises jouent et pourraient jouer à l’avenir dans notre pays.

Au moment où, nous le savons tous, la préoccupation essentielle des Français porte sur l’emploi, alors que pour le dix-neuvième mois consécutif, en novembre 2012, d’après les derniers chiffres connus, le chômage a augmenté avec 1 250 demandeurs d’emploi de plus par jour, les regards se tournent souvent vers les grands groupes, dont les plans sociaux sont très médiatisés tant le nombre d’emplois qu’ils concernent interpellent les journaux et, bien entendu, leurs lecteurs. Or sait-on assez que, sur 60 450 défaillances d’entreprises recensées par la Banque de France entre octobre 2011 et octobre 2012, pas moins de 56 000 d’entre elles, soit 93 %, ont concerné les PME, autrement dit, selon le critère de l’Union européenne, des entreprises de moins de 250 salariés ?

À côté des PSA, ArcelorMittal, Virgin et autres Sanofi, qui ne sont en fait que les arbres qui cachent la forêt, figurent toutes les difficultés de petites et moyennes entreprises dont les plans sociaux, trop silencieux à l’échelon national, participent douloureusement à la casse de nos emplois. Aussi est-il utile, pour ne pas dire indispensable, de regarder de très près ce qui occasionne ces difficultés et de tenter d’y mettre fin. Accordons-nous en premier lieu, si vous le voulez bien, sur le constat de la situation économique actuelle.

Les défaillances d’entreprises repartent en nette hausse. Elles ont augmenté de 12,5 % au quatrième trimestre de 2012. Un tel rythme n’avait pas été observé depuis les pires moments de la crise et, malheureusement, la quasi-totalité des secteurs est touchée.

La production industrielle corrigée des variations saisonnières a nettement reculé en décembre, selon la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France. Selon celle-ci, le recul de la production, accentué tout particulièrement le dernier mois de l’année 2012, confirme la tendance baissière amorcée il y a plusieurs mois. La demande, elle aussi, ne montre malheureusement aucun signe de redressement, tant sur le marché domestique qu’à l’export.

Dans le secteur des services marchands, la Banque de France note que « l’activité apparaît un peu moins déprimée en décembre, même si les perspectives ne laissent entrevoir aucun rebond significatif à court terme ».

Quant au bâtiment, secteur important s’il en est, l’activité y a été à peu près correcte, nous dit-on, mais la visibilité est réduite et les prix restent à un niveau très bas.

Dès lors, le climat des affaires, mal orienté depuis le début de l’année 2012, conjugué à la stagnation du taux de marge à son niveau le plus bas depuis trente ans, pèse sur les décisions d’investissement de nos entreprises. Sur l’ensemble de l’année 2012, il y a un ralentissement de l’investissement des entreprises – moins 0,2 % en 2012, contre plus 5,1 % en 2011 – et, d’ores et déjà, les industriels prévoient un recul de 2 % de leurs investissements pour 2013.

Face à une telle conjoncture, quelles difficultés nos PME rencontrent-elles et quelles actions y a-t-il lieu de mettre en œuvre pour les aider à les surmonter ?

La première difficulté recensée, et ce n’est naturellement pas un scoop tant on en a parlé, notamment ces deux derniers mois, concerne la compétitivité insuffisante de nos entreprises. Pour fonctionner, se développer, créer de l’emploi, une entreprise doit de l’activité, « du boulot », comme on dit. Pour avoir ce travail, elle doit bien entendu avoir des clients et donc remporter des marchés. Et pour remporter des marchés, elle doit être compétitive !

Dans son rapport sur la compétitivité rendu au début du mois de novembre dernier, M. Louis Gallois a ainsi préconisé un véritable « choc de compétitivité » passant par diverses mesures, dont un transfert de charges de 30 milliards d’euros sur un ou deux ans, une stabilité fiscale, un effort drastique sur la formation en alternance, un accès facilité au financement, la sanctuarisation des budgets de la recherche publique et du soutien à l’innovation, ainsi que les aides aux pôles de compétitivité, et enfin – j’y reviendrai – un véritable pacte pour les PME.

Si l’on peut tous globalement s’accorder sur ces propositions, qu’en est-il vraiment de ces diverses préconisations et que peut-on faire de plus, le cas échéant ?

Sur le plan de ce qu’on appelle la « compétitivité-coût », le Gouvernement n’a pas souhaité s’engager dans l’allégement des cotisations sociales payées par les entreprises – prévu à hauteur de 20 milliards d'euros – et par les salariés, à hauteur de 10 milliards d'euros ; il a préféré mettre en place un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, adopté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le 19 décembre dernier, par un ultime vote à l’Assemblée nationale.

Ce crédit d’impôt sera égal à 4 %, au titre de 2013, puis à 6 %, à partir de 2014, de la masse salariale brute supportée au cours de l’année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. Son application se fera donc, au titre de l’année 2013, en 2014.

Certes, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pouvait être une opportunité de créer un choc de confiance, d’abaisser le coût du travail pour améliorer la compétitivité des entreprises en les incitant à investir et à embaucher. Son application dès 2013, pensions-nous, pouvait soulager la trésorerie des PME au bord de l’asphyxie. Il pouvait apporter aux entreprises un ballon d’oxygène pour investir et innover au service de leur compétitivité hors coût. Mais, pour cela, le crédit d’impôt devait être simple, lisible, ouvert à toutes les entreprises et s’appliquer immédiatement « en mesures sonnantes et trébuchantes », si vous me passez l’expression, pour nos entreprises.

Or tel n’est pas le cas. Le dispositif retenu est en définitive complexe, à telle enseigne que 74 % des dirigeants de PME jugent que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne permettra pas d’alléger le coût du travail. Ce sentiment atteint même 81 % dans le BTP. Sans compter que les travailleurs indépendants sont interdits de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le Gouvernement a en effet écarté les travailleurs indépendants du bénéfice du crédit d’impôt. À entendre le ministre du travail, c’est l’absence de salaire qui empêcherait les travailleurs indépendants de bénéficier de la mesure à titre personnel. Pourtant, me disent-ils, quand il s’agit de prélever les cotisations sociales, les travailleurs indépendants ne sont pas exonérés au motif qu’ils ne perçoivent pas de salaire.

Les artisans et les commerçants ne comprennent pas cette mise à l’écart au seul motif qu’ils n’ont pas choisi la forme sociétale et le statut de chef d’entreprise salarié. Ils ont préféré l’indépendance, l’engagement, le risque et contribuent au moins autant que les autres acteurs économiques à la production de richesses. La mise à l’écart des travailleurs non salariés est, à notre sens, une erreur qu’il faudrait corriger très vite.

Par contre, l’autre proposition du rapport Gallois suggérant de relever les taux normal et réduit de TVA a bien été retenue. Dans le bâtiment particulièrement, où au 1er janvier 2014 le taux de TVA applicable aux travaux de rénovation des logements va passer de 7 % à 10 %, soit un quasi-doublement en deux ans par rapport au taux initial de 5,5 %, cette augmentation va engendrer une baisse d’activité pour les nombreux travailleurs indépendants qui exercent dans ces secteurs du bâtiment et un surcroît de concurrence déloyale, parce qu’il faut bien l’appeler ainsi, à l’égard des auto-entrepreneurs, qui ne sont pas assujettis à la TVA.

Il est dès lors fort à craindre que nos PME aient encore à connaître de fortes déconvenues dans la compétition qu’elles seront amenées à livrer avec leurs concurrentes, tant sur le plan domestique qu’à l’exportation, en 2013 particulièrement, mais aussi en 2014.

S’agissant des éléments de compétitivité hors coût, les PME plus encore que les grandes entreprises réclament une plus grande flexibilité dans les relations du travail. Le rapport de M. Louis Gallois avait à cet égard relevé que « le dialogue social est insuffisamment productif » dans notre pays ; « un climat de méfiance s’installe trop souvent et interdit la recherche en commun de solutions aux problèmes de l’entreprise ».

À cet égard, il faut certainement saluer l’accord interprofessionnel du 11 janvier dernier, même s’il ne constitue, à notre avis, qu’une première étape vers la plus grande souplesse souhaitée par les entreprises. Quant à savoir s’il va servir et sécuriser l’emploi, notamment avec sa mesure phare, dont on nous a beaucoup parlé, de taxation des CDD, vous me permettrez de dire que je n’en suis pas sûr, quand je lis qu’au ministère du travail on affirme que « ce n’est pas une révolution et que les recrutements en CDD ne seront certainement pas divisés par deux ».

En tout état de cause, l’accord conclu entre les partenaires sociaux doit maintenant être transposé dans une loi. Le groupe UMP ne manquera pas d’être particulièrement attentif à ce que celle-ci ne soit pas vidée de ses articles donnant notamment plus de flexibilité aux entreprises.

Deux autres éléments de compétitivité hors coût méritent incontestablement d’être particulièrement soutenus dans nos PME : l’innovation et la formation vers une bonne qualification professionnelle.

Il est absolument nécessaire de faire progresser le nombre de démarches d’innovation au sein de nos entreprises. Dans notre pays, on confond encore trop souvent la recherche fondamentale et académique avec l’innovation. Par innovation, il ne faut d’ailleurs pas seulement entendre l’innovation technologique, mais bien toutes les démarches innovantes susceptibles de produire de la plus-value par rapport aux concurrents. Dès lors, le développement de l’innovation au sein des PME passe incontestablement, d’une part, par un écosystème de l’innovation lisible au service des entreprises et capable de diffuser l’innovation au plus grand nombre et, d’autre part, par une culture de l’innovation largement diffusée sur le terrain.

Cet écosystème trouve, à notre avis, légitimement à s’organiser dans les régions. En Alsace, dont je suis sénateur, nous avons initié la création d’Alsace Innovation, qui est une structure régionale d’accueil et d’ingénierie dédiée exclusivement à l’accompagnement et au financement des projets d’innovation déployés au sein des entreprises de la région. Elle est la porte d’entrée privilégiée des entreprises qui souhaitent innover et s’appuie sur un réseau d’acteurs régionaux aux compétences pluridisciplinaires. Ses missions sont d’accompagner et de financer les projets d’innovation des entreprises alsaciennes de tous secteurs économiques et de toutes tailles, ainsi que d’aider au développement d’une innovation compétitive au profit des entreprises d’Alsace et au bénéfice de l’attractivité économique du territoire. Son budget est financé pour un tiers par la région, pour un tiers par la chambre de commerce et d’industrie de la région, et le reste par des fonds du FEDER, le Fonds européen de développement régional, et des fonds d’État.

Madame la ministre, il est bien entendu souhaitable que l’État reste un partenaire fort des régions, même si, en la matière, son action en faveur des entreprises innovantes par le moyen du crédit d’impôt recherche doit rester essentielle. De même, il est indispensable que l’État continue d’aider les pôles de compétitivité, après avoir, le cas échéant, tiré les conclusions des récentes évaluations. La région Alsace a elle-même refondé récemment sa politique d’accompagnement à leur égard, ainsi qu’à celui des clusters et des grappes d’activité, afin de placer au cœur des objectifs de ceux-ci la croissance de nos PME. Elle a donc invité ces structures – les pôles, les clusters et les grappes d’activité – à être incitateurs et diffuseurs d’innovations au plus près de leurs entreprises membres, et le plus concrètement possible. Cette démarche gagnerait à être accompagnée et dupliquée afin de permettre à chaque région d’identifier les secteurs qui seront demain les moteurs de la croissance, grâce notamment aux PME.

Le deuxième élément de compétitivité hors coût mentionné, à savoir la formation professionnelle, me conduit à vous dire que l’ajustement de l’offre et de la demande de compétences est une condition essentielle du développement de nos PME, lesquelles sont le premier creuset d’employabilité et d’évolution de carrière.

La France compte désormais plus de 3 millions de demandeurs d’emplois sans activité, 4,733 millions au total en incluant ceux qui ont une activité réduite. Ces chiffres vous sont bien sûr connus. Les jeunes sont malheureusement parmi les premières victimes de cette situation.

Or les PME représentaient, en 2010, 8,7 millions d’emplois. En outre, sur les 2,8 millions d’emplois créés en France ces vingt dernières années, 2,3 millions l’ont été par des PME.

Dans le contexte économique actuel, le rôle des PME en matière de lutte contre le chômage est donc capital, dans la mesure où la formation professionnelle continue joue correctement son rôle de régulation entre les besoins du marché et les expertises disponibles.

Il convient assurément de soutenir au maximum la formation en alternance dans ces entreprises, et en premier lieu l’apprentissage, notamment grâce à des incitations financières d’autant plus nécessaires que la conjoncture est difficile. Il faut également permettre à ces entreprises de trouver les bons candidats à l’apprentissage – j’y insiste –, qu’elles recherchent souvent en vain. À cet égard, l’acte III de la décentralisation doit donner lieu à une réforme profonde des systèmes d’orientation dans ce pays afin de permettre aux régions qui le souhaitent de mettre en place un véritable service public régional de l’orientation, avec tous les acteurs impliqués dans cette difficile question.

En fait, comme l’a préconisé Louis Gallois dans son rapport, c’est d’un véritable pacte pour les PME dont ont besoin ces entreprises. Par comparaison avec l’Allemagne, notre pays compte trop peu de PME et a fortiori trop peu d’entreprises de taille intermédiaire, précisément parce que les PME ne parviennent pas à grandir.

Ces entreprises ont également d’autres difficultés : elles manquent de fonds propres ; elles ne reçoivent pas assez de soutien de la part des grands donneurs d’ordres ; elles redoutent la commande publique, que souvent d’ailleurs elles évitent ; enfin, elles sont trop peu présentes à l’exportation.

En matière de financement et d’accès au crédit, il est clair que les difficultés se sont accrues pour les PME en 2012, comme en atteste le baromètre KPMG-CGPME. Le financement par le secteur bancaire, avec des frais élevés ou à des montants plus faibles que souhaités, est la principale difficulté ressentie par 43 % des PME.

Dans ce contexte, la loi du 31 décembre 2012 a créé la Banque publique d’investissement, la BPI, qui constitue pour le Gouvernement « une plateforme de l’expansion des entreprises, en particulier des très petites entreprises, des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ». Cependant, la BPI ne fonctionnera qu’en mode virtuel jusqu’en mai-juin, selon son nouveau directeur général, Nicolas Dufourq.

Pour l’opérationnel, il faudra donc attendre l’été prochain. Cependant, dans les six prochains mois, un tiers des PME – excusez du peu ! – prévoient une dégradation, si l’on en croit la dernière enquête de conjoncture publiée par OSEO le 22 janvier dernier. En outre, la BPI, chargée d’apporter un soutien financier aux petites et moyennes entreprises françaises, réunira dans chaque région, sous un guichet unique, les services du Fonds stratégique d’investissement, le FSI, de la banque publique des PME et de l’innovation, OSEO, et de CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts et consignations.

Comme nous l’avons déjà dit, nous pensons déjà être capables de réaliser le diagnostic des besoins des entreprises sans la BPI. Nous sommes capables d’identifier les produits d’OSEO – les entreprises nous le disent –, les produits du capital d’investissement régional ou national et d’accompagner les entreprises à l’export. C’est là, et cela reste, la plus-value des agents des régions, des agences de développement économiques – elles sont nombreuses – et des chambres de commerce et d’industrie par exemple.

Si la BPI se résume à ce guichet unique, elle ne changera à notre avis pas grand-chose à la situation actuelle. Pis, on peut penser que si les équipes d’OSEO deviennent les interlocuteurs des entreprises, elles perdront en efficacité, car une part importante de leur temps sera passé à analyser des dossiers, en lieu et place d’autres acteurs qui le font déjà, au détriment du financement.

De même, le peu d’appétence dont font preuve nos entreprises pour la commande publique mériterait d’être mieux pris en compte. Une action forte et concertée s’impose, alors que, mes chers collègues – le saviez-vous ? –, un tiers du PIB mondial est le fait de marchés publics.

En Alsace – pardon de vous parler encore de ma région –, nous avons mis en place un service spécifique à cet égard, qui n’a pas son pareil, appelé AMPIE – accès aux marchés publics internationaux et européens –, et qui fonctionne à la satisfaction de toutes les entreprises adhérentes.

Pour faire véritablement œuvre utile dans tous ces domaines, il n’est certainement pas sot de réfléchir globalement aux besoins spécifiques de nos PME et de constituer enfin ce Small Business Act à la française dont on nous rebat les oreilles depuis si longtemps. Le moment est venu de donner plus de cohérence aux différents dispositifs existants et de mettre en place un environnement permettant à nos PME de jouer pleinement leur rôle de levier de la croissance et de l’emploi.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on accepte de sécuriser l’environnement des PME en traçant, y compris sur le coût du travail, de véritables perspectives à moyen et long terme, de rééquilibrer les relations entre grandes et petites entreprises, d’encourager l’innovation, la formation et l’export, alors notre pays pourra vraiment s’appuyer sur la richesse de son tissu économique et compter sur le dynamisme de ses entrepreneurs, comme l’indiquait voilà environ huit mois le rapport intitulé Réindustrialisons nos territoires d’Alain Chatillon. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Et de Martial Bourquin !

M. Daniel Raoul. C’est petit bras !

M. André Reichardt. C’est d’autant plus d’actualité aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, ayant également été vice-présidente de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, dont je salue le président, Martial Bourquin (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), il n’y a rien de surprenant à ce que je sois particulièrement attentive à la place de nos PME-PMI à l’international.

Chaque année, avec régularité et obstination, j’évoque des pistes pour améliorer notre dispositif lors de l’examen des budgets des ministères en charge des PME-PMI et du commerce extérieur. La configuration politique de cette année m’ayant privée de cet exercice, je profite de ce débat particulièrement opportun, dont je remercie l’UMP (Ah ! sur les travées de l'UMP.) – une fois n’est pas coutume ! –, pour faire quelques observations, en espérant bénéficier d’une écoute plus attentive que les années précédentes.

Vous aurez donc droit à la version actualisée de mon texte, qui, vous l’aurez compris, est centré sur la place de nos PME-PMI à l’international, car le sujet proposé par nos collègues de l’UMP sur la place des petites et moyennes entreprises dans notre économie ne me limite pas aux frontières de la France.

Alors que nos ambassadeurs devraient être les chefs de file incontestés des dispositifs économiques, il n’est pas rare que l’équipe France marche en ordre dispersé, parfois même avec des joueurs qui marquent contre leur camp, et je vais vous en fournir quelques exemples.

L’attractivité de nos territoires, dont vous avez la charge, madame la ministre, commence à la porte de nos consulats. Que dire de cette politique absurde des visas, dénoncée dix fois par notre ancien collègue Adrien Gouteyron ? Alors que la demande de visas est en forte croissance – 2,5 millions de visas ont été accordés cette année –, nous sommes un modèle de décalage entre l’étendue de notre réseau diplomatique et consulaire et nos moindres performances en termes de diplomatie économique.

Notre réseau, qui compte 92 consulats et consulats généraux, et 135 sections consulaires d’ambassades, est sous tension : cet été, le consulat de Shanghai a tiré la sonnette d’alarme. Face à une demande de visas qui explose, dans une circonscription qui représente le quart du PIB chinois, nos capacités trop étroites créent un goulot d’étranglement. Notre consulat ne compte en effet que seize agents ; il faut huit semaines pour avoir un rendez-vous et 10 000 demandes sont rejetées avant examen, faute de capacité à les traiter. Tous les autres pays se renforcent dans la compétition afin d’attirer des touristes, lesquels dépensent en moyenne 1 200 euros par voyage. Les Américains, et désormais les Britanniques, sont à soixante-dix personnes. Même les Italiens font mieux que nous !

C’est là un manque à gagner considérable. En effet, les touristes chinois contribuent pour un tiers au chiffre d’affaires des grands magasins parisiens. On estime le coût d’opportunité d’un emploi non créé au consulat à 340 000 euros de recettes perdues chaque année pour le budget de l’État et à 8 millions d’euros pour l’économie française. Il en est de même à Moscou, en Australie, aux Émirats arabes Unis ou au Qatar. À cet égard, je vous renvoie au rapport budgétaire que nous n’avons pas pu examiner en séance.

Une fois franchi le seuil de nos ambassades, il y a les missions économiques. Vaste sujet ! On y trouve peu d’agents parlant la langue du pays. Ces missions, qui facturent des prestations et bénéficient de financements publics, n’ont aucune obligation de résultat.

Les missions Ubifrance, que nous avons dénoncées à plusieurs reprises, ne sont souvent absolument pas compétentes. En tout cas, leurs résultats ne sont jamais mesurés. Un outil d’évaluation et un contrôle externe puissant font ici incontestablement défaut.

Comment doit-on comprendre le budget d’Ubifrance ? Ce budget s’élève à 104,2 millions d’euros au titre de l’action n° 7 du programme 134, auxquels s’ajoutent 216 millions d’euros de ressources propres, soit plus de 320 millions d’euros. Si l’on y ajoute les fortes augmentations de frais de personnel, lesquels sont passés de 70 millions d’euros à plus de 83 millions d’euros, on arrive à un ratio de cinq entreprises aidées par agent. Encore faut-il se donner la peine de faire la division…

Les bureaux d’Ubifrance sont installés non pas là où il faudrait aider les entreprises à être présentes à long terme, mais là où des prestations peuvent être vendues rapidement. En voulant vendre au maximum son expertise, Ubifrance communique plus sur ses services que sur l’intérêt des marchés. Cette attitude n’aide pas les entreprises à avoir une démarche réfléchie sur leurs priorités à l’international, comme le soulignait notre collègue Jean-Yves Leconte l’année dernière.

Mais nous avons noté les annonces du Gouvernement, notamment les propositions 14 et 15 du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012.

Les acteurs, notamment les plus parisiens d’entre eux, doivent se rendre accessibles sur le terrain et ne pas attendre d’être sollicités. C’est à Ubifrance d’aller à la rencontre des acteurs de terrain, si préoccupés par leur quotidien que l’exportation leur fait peur.

Je vous le dis depuis des années : il faut des outils de proximité qui viennent à eux afin de les encourager à faire ce chemin, d’autant que la culture entrepreneuriale en France ne conduit pas spontanément les PME à se projeter à l’international. À cet égard, je vous renvoie au très bon rapport du Conseil économique, social et environnemental.

À ce stade, plusieurs impératifs s’imposent.

Tout membre d’une mission économique ou d’Ubifrance et de ses déclinaisons devrait obligatoirement avoir une très bonne connaissance de l’anglais et de la langue du pays dans lequel il est implanté. Vous allez sourire, madame la ministre, mais c’est un minimum ! Savez-vous que moins de la moitié de nos ambassadeurs dans les vingt-deux pays de la Ligue arabe parlent l’arabe ? C’est juste un constat.

Je vous suggère également d’instaurer une obligation de résultat. Il est absolument inconcevable que des agents chargés de notre développement économique ne soient pas soumis à ces obligations, telles qu’elles existent dans les ambassades allemandes ou italiennes.

Il faut en outre aider les investissements et les prises de participation dans nos entreprises, car il n’est pas douteux qu’une partie de leur croissance ne peut se faire qu’à l’international.

Optimiser le suivi des réseaux des étudiants, mais aussi des personnes ayant réalisé des stages ou ayant fait un apprentissage en France, est un objectif qu’il conviendrait de se fixer. Cela ne peut vous laisser insensible, madame la ministre, vous qui êtes aussi chargée de l’économie numérique, d’autant que les mesures que je suggère ne coûtent rien, ce qui, en cette période de disette budgétaire, est plutôt intéressant.

Une fois qu’ils ont étudié en France, les jeunes ne font pas l’objet de suivi. Comment, dès lors, constituer ou animer un réseau ? Aujourd’hui, personne en France n’a d’idée précise du nombre ni de la qualité des stagiaires qui sont venus étudier dans notre pays.