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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013

questions-réponses

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, sous forme de questions-réponses, préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes.

La conférence des présidents a décidé que la première question serait posée par le président de la commission des affaires européennes.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement, en la personne de Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, d’avoir accepté ce débat.

Le débat préalable au Conseil européen est devenu une obligation coutumière avant les réunions ordinaires du Conseil européen, deux fois par semestre. Toutefois, après-demain, ce sera une réunion extraordinaire, qui n’entraîne donc pas d’obligation, et cela dans une semaine d’initiative gouvernementale.

Je m’étais permis d’insister pour que ce débat ait lieu malgré tout, car le point principal de l’ordre du jour, c’est le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour 2014–2020. Les grandes masses du budget européen vont être précisées pour sept ans – cette discussion ne se tient donc qu’une fois tous les sept ans –, même si le Parlement européen aura ensuite son mot à dire.

L’enjeu des négociations, pour ces sept années, est de l’ordre de 1 000 milliards d’euros : ce n’est pas rien, même si, dans l’absolu, le budget européen reste modeste, environ 1 % du PIB, pour une Union qui compte plus de 500 millions d’habitants.

Il est courageux de la part du Gouvernement d’avoir accepté ce débat, car ces négociations, qui sont toujours difficiles, s’annoncent particulièrement tendues dans la période de crise que nous traversons. Il en sera ainsi tant que le budget européen reposera, pour l’essentiel, sur des prélèvements opérés sur les budgets nationaux. Il n’est pas aisé de demander aux États membres de limiter les déficits budgétaires et, en même temps, de contribuer davantage au budget européen.

Ma question portera sur la politique de cohésion, qui a fait l’objet de plusieurs interventions de la commission des affaires européennes du Sénat. Notre assemblée est attachée à cette politique, qui a été particulièrement mise en relief par le traité de Lisbonne, dans lequel la cohésion territoriale a été inscrite parmi les grands objectifs de l’Union.

La politique de cohésion concrétise la solidarité européenne. Elle soutient l’activité, ce qui est singulièrement nécessaire aujourd’hui, et elle est un levier sans lequel, à mon avis, il ne resterait plus grand-chose de notre politique d’aménagement du territoire.

C’est pourquoi, depuis longtemps, nous plaidons pour une politique de cohésion qui continue à concerner l’ensemble des régions. Nous avons également apporté notre soutien à la proposition du commissaire Johannes Hahn de créer la catégorie des « régions intermédiaires » ou « en transition », dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne.

Il s’agit d’une question d’équité : on ne peut pas traiter différemment, en se fondant sur le passé, des régions dont le PIB est aujourd’hui comparable. Le Land allemand de Brandebourg et le Languedoc-Roussillon, que je connais bien, ont un PIB par habitant à peu près identique. Comment justifier que le Brandebourg bénéficie d’aides supplémentaires auxquelles ma région n'aurait pas droit ?

Enfin, et nous allons présenter avec mon collègue Georges Patient un rapport en ce sens la semaine prochaine, la politique de cohésion est d’une importance particulière pour nos régions ultrapériphériques. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Monsieur le ministre, le précédent gouvernement paraissait prêt à sacrifier la politique de cohésion sur l’autel de la PAC. Le nouveau gouvernement a rééquilibré la position française. Êtes-vous prêt à tenir ce cap et à défendre la politique de cohésion dont l'importance est majeure pour nos territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre présence à ce débat préalable au Conseil européen qui se déroulera à Bruxelles les 7 et 8 février prochain. Je vous remercie, monsieur le président Sutour, d’avoir pris l'initiative du présent débat. Il est tout à fait normal que le Gouvernement vienne devant la représentation nationale répondre à toutes les questions que les parlementaires se posent légitimement avant l’ouverture des négociations.

Vous le savez, la Commission européenne et le président du Conseil européen, M. Van Rompuy, ont fait des propositions au Conseil européen : elles ont abouti à une première session du Conseil européen en novembre dernier.

Les propositions du président du Conseil européen représentaient par rapport à celles de la Commission un premier niveau de coupes : l’enveloppe budgétaire globale présentée au Conseil européen s’élevait à 983 milliards d'euros.

Dès la présentation de ces orientations budgétaires, nous avons indiqué quelles étaient les priorités françaises. Je tiens à vous les rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre précisément à la question qui m'a été posée par le président Sutour sur les fonds de cohésion.

Nous avons indiqué à l'ensemble de nos partenaires, et notamment au président du Conseil européen, que cette enveloppe de 983 milliards d'euros ne pouvait pas, selon nous, faire l'objet de coupes supplémentaires.

Nous leur avons surtout précisé que la négociation sur le budget de l'Union européenne ne pouvait se réduire à une discussion sur des coupes auxquelles il faudrait procéder pour payer des rabais ou des chèques revendiqués par un certain nombre d'États.

En effet, si tel était le cas, alors nous ne pourrions pas utiliser ce budget pour financer les ambitions de croissance, comme nous le souhaitons.

Le Président de la république l'a redit aujourd'hui à Strasbourg devant l'ensemble des membres du Parlement européen : la France souhaite que le budget de l'Union européenne pour la période 2014–2020 prolonge l'ambition de croissance portée par le Conseil européen de juin dernier. Au travers d’un pacte de 120 milliards d'euros, avait alors été engagée une réorientation de la politique de l'Union européenne autour de la croissance.

À l'occasion du Conseil européen d’après-demain, nous réitérerons notre demande de voir le budget de l'Union européenne maîtrisé, car il ne faut pas oublier – vous l'avez rappelé, monsieur le président Sutour – le semestre européen, c'est-à-dire des engagements pris par la France devant la Commission européenne, qui engage la France sur des objectifs budgétaires auxquels elle n'a pas du tout l'intention de déroger.

Si nous considérons que le budget doit être maîtrisé, nous allons redire que nous souhaitons qu’il soit suffisant pour alimenter les politiques de croissance. Des économies sur le budget, pourquoi pas, mais pas au détriment de l'économie et de sa croissance, comme l’a indiqué à l’instant le Président de la République à Strasbourg.

Après ce rappel sur la position française sur les coupes et les rabais, sur la manière dont nous abordons la négociation, je voudrais insister sur un second point.

Si un équilibre est nécessaire entre la volonté de maîtriser les dépenses et celle d'avoir un budget de croissance, il faut également un équilibre entre toutes les politiques de l'Union européenne.

Nous avons besoin des politiques de la rubrique 1a, c'est-à-dire des politiques de l'horizon 20-20, qui permettent de financer la recherche, le programme Connecting Europe et les programmes en faveur des PME – je pense notamment au programme COSME.

Nous avons besoin des politiques de la rubrique 1a qui vont organiser le transfert de technologies.

Nous avons aussi besoin de la politique agricole commune. (Mme Bernadette Bourzai opine.) D'ailleurs, nous nous sommes battus contre la volonté de certains membres du Conseil européen d’amputer cette dernière de 25 milliards d’euros et nous avons obtenu que ses crédits soient augmentés de 8 milliards d’euros, à l’occasion du Conseil européen de novembre 2012.

Toutefois, nous considérons que le compte n’y est toujours pas et que, si nous voulons maintenir un bon niveau d’aides directes, il faudra procéder à un effort supplémentaire sur les deux piliers de la politique agricole commune – les aides directes et le développement rural – lors du Conseil européen de cette fin de semaine.

Monsieur le président Sutour, j’en viens maintenant à votre question relative à la politique de cohésion.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons besoin que cette dernière soit correctement financée. À l’occasion du Conseil européen de novembre dernier, une enveloppe de 309 milliards d’euros a été proposée.

Nous, nous voulons que cette politique repose sur des principes simples.

D’abord, il faut que toutes les régions ayant le même niveau de PIB disposent du même niveau d’aide. C'est la raison pour laquelle nous considérons que les régions en transition françaises, pour lesquelles nous demandons des contributions, soient traitées de la même manière que les régions qui relèvent de ce que les Allemands appellent le « filet de sécurité » : les Länder de l’ex-RDA, dont l’Allemagne souhaite qu’ils soient dotés d’une enveloppe au moins équivalente aux deux tiers de celle qui leur était octroyée dans le précédent cadre budgétaire.

En outre, nous souhaitons que les régions ultrapériphériques bénéficient d’un niveau d’enveloppe conforme à ce qu’elles peuvent légitimement attendre. La proposition initiale de la Commission européenne s’élevait à 20 euros par habitant. Dans le précédent cadre financier, l’enveloppe était de 35 euros par habitant. Nous sommes aujourd'hui à 30. Il nous faut franchir une étape supplémentaire et demander également qu’une enveloppe de 500 millions d’euros soit bel et bien affectée à Mayotte.

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président, je m’apprêtais justement à terminer. Je m’arrête donc là.

Monsieur le président Sutour, vous savez désormais quelle doctrine sous-tendra notre négociation et nos exigences sur les fonds de cohésion lors du Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je rappelle que, en vertu de la décision de la conférence des présidents, l’auteur de la question dispose de deux minutes, de même que le ministre pour sa réponse. Du reste, il est prévu que le débat s’achève à vingt heures trente.

Dès lors, je vous demande de respecter le temps imparti. Sinon, tout le monde ne pourra pas s’exprimer et le ministre ne pourra pas répondre à chacun.

La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par conviction européenne, nous souhaitons que, dans les jours qui viennent, un accord intervienne sur les négociations du cadre financier pluriannuel 2014–2020.

Cependant, nous regrettons d’ores et déjà la révision à la baisse des crédits de la politique agricole commune, la PAC.

Première agriculture de l’Union européenne, l’agriculture française représente 20 % de l’espace agricole européen. Nous souhaitons que le gouvernement français défende avec détermination des moyens budgétaires importants pour la PAC.

Nous regrettons d’autant la perspective de baisse des crédits qu’elle a eu pour conséquence de ralentir les négociations sur la réforme de la politique agricole commune et risque finalement de ne pas permettre de tenir le calendrier prévu.

À cet égard, monsieur le ministre, quel sera le calendrier de la réforme de la PAC ?

Quelles garanties nous donnez-vous afin que la régionalisation des aides choisie par le Gouvernement n’aboutisse pas à une multiplicité de politiques agricoles régionales qui finiront par déséquilibrer nos territoires et notre agriculture ? Comment envisagez-vous la mise en œuvre de cette régionalisation ?

Par ailleurs, si le Conseil européen des 7 et 8 février aboutit à une réduction des crédits de la PAC, nous voudrions savoir comment cette baisse permettra de financer notre agriculture afin qu’elle demeure tout à la fois compétitive et toujours plus respectueuse de l’environnement. Nous ne devons pas oublier que l’agriculture est un acte de production fondamental pour notre secteur agroalimentaire et indispensable à l’équilibre de nos territoires.

Pour ce qui concerne le « verdissement » des aides, le groupe de travail du Sénat sur la réforme de la politique agricole commune a proposé un schéma cohérent de partage, entre un premier pilier au service des agriculteurs, avec des instruments d’interventions simplifiés, et un second pilier consacré au développement rural et à l’environnement.

Ma dernière question, monsieur le ministre, porte sur cette proposition de notre groupe de travail : quelle est votre position à son sujet ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. Merci, monsieur Emorine, d’avoir respecté le temps de parole !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les négociations en cours sur la politique agricole commune.

Premièrement, pour ce qui concerne le calendrier de mise en œuvre de réforme de la PAC, il faut d’abord que nous soyons fixés sur les enveloppes. Comme vous, nous espérons que tel sera le cas à la fin de la semaine, si nous aboutissons à un compromis. Vous savez que, dans le même temps que nous négocions sur le volume des enveloppes, le Parlement européen, à qui revient le rôle de définir la législation qui permettra l’affectation de l’enveloppe de la politique agricole commune aux différentes politiques, est en train de préparer ces textes législatifs, de manière qu’ils soient prêts au 1er janvier 2014. Cela signifie que, à la fin de l’année, nous serons en situation de procéder au versement de l’ensemble des sommes relevant de la PAC puisque, normalement, si le calendrier est respecté, la totalité des textes législatifs auront été pris.

Deuxièmement, vous m’interrogez sur le volume de l’enveloppe elle-même et sur notre détermination à nous battre pour que la politique agricole commune soit correctement dotée. Le Président de la République, le ministre de l’agriculture et moi-même avons à plusieurs reprises eu l’occasion de dire que, parmi les objectifs à atteindre, le combat pour le niveau des aides directes est l’un des plus importants que mène le Gouvernement dans le cadre de cette négociation. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé une augmentation de 8 milliards d’euros lors du Conseil européen du mois de novembre et que, à l’occasion du Conseil européen de la fin de la semaine, nous solliciterons un effort supplémentaire, pour avoir la garantie que les aides directes seront maintenues à un bon niveau. Nous souhaitons également voir le second pilier de la politique agricole commune correctement doté.

Troisièmement, et je termine par ce point, si nous souhaitons que le niveau des aides soit maintenu et qu’il y ait encore une augmentation du budget de la politique agricole commune, c’est pour que le verdissement de la PAC ne porte pas préjudice aux revenus des agriculteurs et pour permettre la convergence des aides versées au titre de cette dernière entre les différents pays de l’Union européenne. C’est aussi pour permettre à l’agriculture française, dont vous avez eu raison de rappeler qu’elle alimente un secteur agroalimentaire extrêmement dynamique, de se moderniser et de continuer à enregistrer des soldes positifs, au bénéfice de notre commerce extérieur.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne aura donné lieu à plus de dix-huit mois de négociations, sans doute pour reconduire presque à l’identique les grandes masses que sont la politique agricole commune et la politique de cohésion, qui représentent plus des trois quarts du budget de l’Union européenne.

Mais ne laissons pas passer cette occasion de préparer l’avenir : l’avenir, ce sont les jeunes européens, et leur mobilité au sein de l’Union européenne est un moyen efficace pour cimenter cette dernière.

La Commission européenne propose de rassembler désormais en un seul programme, « Erasmus pour tous », l’ensemble des dispositifs actuels en matière d’éducation, de formation et de jeunesse : ce programme unifié doit être plus simple, plus rationnel et plus efficace. Pour 2014–2020, la Commission a demandé, pour ce programme, une augmentation de 70 % de son budget. En effet, elle ambitionne de doubler le nombre de personnes profitant d’une mobilité européenne, pour le porter à 5 millions de citoyens à l’horizon 2020.

Je constate avec satisfaction que les propositions successives de la présidence du Conseil européen n’ont pas cherché à rogner sur cette ligne budgétaire : c’est en encourageant la mobilité des jeunes que l’Union européenne peut améliorer leur aptitude à l’emploi. C’est un défi majeur dans une Europe en crise.

Le programme Erasmus pour tous offre des possibilités de coopération et de mobilité pour les étudiants, les jeunes en formation professionnelle, les stagiaires, les enseignants. Il favorise également le « service volontaire européen ».

Si ces possibilités sont très utiles, il me semble que, au-delà du bénévolat, l’Union européenne devrait encourager le travail des jeunes dans d’autres États membres que le leur. Au-delà de la seule mobilité des étudiants, il nous faut soutenir la mobilité de ceux qui travaillent, en encourageant tous ceux qui sont à la recherche de leur premier emploi : c’est l’une des conditions de réussite de l’union monétaire.

En effet, si la monnaie unique nous a libérés des dévaluations compétitives et de leurs effets délétères, quand la dévaluation de la monnaie n’est plus possible, seule une mobilité des facteurs à l’intérieur de l’union monétaire peut répondre aux chocs asymétriques.

Ce que nous voulons promouvoir, c’est un Erasmus de l’apprentissage et du premier emploi.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous soutiendrez l’augmentation des crédits proposée par la Commission pour ce nouveau programme Erasmus pour tous ? En outre, pouvez-vous nous assurer que les engagements qui ont été pris concernant l’enveloppe dont bénéficiera ce programme pour la période 2014–2020 se traduiront annuellement par des crédits de paiement suffisants ? Enfin, et surtout, pouvez-vous appuyer ma proposition de promouvoir, à l’avenir, la mobilité des jeunes actifs au sein de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne peux rien vous garantir tant que la négociation n’aura pas débouché sur un compromis.

Aujourd'hui, je ne peux m’engager que sur les « lignes rouges » que s’est données le Gouvernement et sur ses objectifs pour le programme Erasmus pour tous.

Tout d'abord, vous avez raison de dire que, cette année, le programme Erasmus a souffert du décalage entre les autorisations d’engagement qui avaient été votées par le Parlement européen et avaient fait l’objet du précédent cadre financier et le niveau de crédits de paiement alloués à ces politiques. Cette année, il y avait une impasse de 9 milliards d’euros, laquelle a résulté de la décision prise par le Conseil européen de novembre 2011 de définir un niveau de crédits de paiement pour financer les politiques de l’Union, dont le programme Erasmus, qui était manifestement sous-évalué.

Nous avons décidé d’allouer une enveloppe de 6 milliards d’euros – l’an prochain, une enveloppe de 2,9 milliards d’euros devra être allouée pour compenser ce qui n’a pas encore été totalement financé. Cela nous a permis de financer dans de bonnes conditions le programme Erasmus.

Au titre du programme Erasmus pour tous, nous avons l’intention de faire en sorte que les objectifs que vous venez d’indiquer – mobilité, apprentissage – soient correctement financés.

L’enveloppe proposée par l’Union européenne pour ces politiques sera caractérisée par une augmentation très significative puisque, selon les propositions initiales de la Commission, elle passerait de 7 milliards à 15 milliards d’euros – s’il n’y a pas de coupes supplémentaires –, soit une hausse de 117 %, laquelle permettrait de dynamiser cette action très importante et très mobilisatrice pour les jeunes.

D’une part, je veux vous confirmer notre détermination à défendre cette enveloppe. D’autre part, au sein de l’Union européenne, une réflexion a lieu actuellement sur la mise en place d’un fonds pour les jeunes, qui permettrait aux jeunes en difficulté sur le plan de l’emploi de voir leur mobilité et leur formation garanties jusqu’à ce qu’ils décrochent leur premier emploi.

C’est désormais un objectif très important de l’Union européenne, raison pour laquelle le président Van Rompuy lui-même a souhaité que l’on mette, au cœur de sa feuille de route, la question sociale. Au sein de cette dernière, la question de l’emploi des jeunes figure en bonne place.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet principal du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains portera sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014–2020, autrement dit, sur les questions budgétaires de l’Union.

L’objectif affiché par tous les chefs d’État et de gouvernement, du moins en apparence, est d’éviter un nouvel échec des négociations budgétaires, après l’impasse constatée lors d’un premier sommet sur le sujet en novembre dernier.

Pourtant, les négociations entre les différents protagonistes, les tractations qui ont eu lieu ces derniers jours et jusqu’à cette fin de semaine, l’entretien de demain entre la Chancelière allemande et le Président de la République ne laissent malheureusement pas augurer un accord.

Comme d’habitude, si je puis dire, les Vingt-Sept risquent vraisemblablement d’aboutir à un compromis un peu flou sur le niveau et la répartition des économies à réaliser sur le prochain exercice budgétaire de l’Union.

Plutôt que de céder au dogme idéologique de la réduction prioritaire, et à tout prix de la réduction des dépenses publiques dans tous les pays, ne faudrait-il pas chercher, dans d’autres directions, d’autres gisements d’économies que l’austérité budgétaire ?

Le 21 novembre 2012, le Gouvernement, par la voix de MM. Pierre Moscovici et de Jérôme Cahuzac, a adressé un courrier à la Commission européenne, lui suggérant de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la fraude fiscale.

Déjà, lors d’une précédente réunion, en juin 2012, le Conseil européen s’était préoccupé de mener une action déterminée contre ce fléau, qui mine littéralement les finances de l’Union et de ses États membres.

Une ONG britannique, Tax research, a évalué à près de 1 000 milliards d’euros le total de l’évasion fiscale pour les vingt-sept États membres de l’Union, soit le montant des budgets cumulés de 2007 à 2013. Rappelons, pour mémoire, que le budget annuel de l’Union européenne s’élève à environ 150 milliards d’euros cette année.

Il faut saluer comme un encouragement l’initiative de nos deux ministres. Ceux-ci se sont notamment appuyés sur le constat établi par la commission d’enquête sénatoriale, dans le rapport qu’elle a publié sur cette question au mois de juillet dernier, ainsi que sur certaines des recommandations que nous avions alors émises. (M. Philippe Marini marque son impatience.)

Nous avions notamment démontré que, dans notre pays, les sommes détournées par la fraude fiscale équivalaient au produit d’une année d’impôt sur le revenu, soit une somme comprise entre 40 milliards et 50 milliards d’euros.

M. Philippe Marini. Et la question ?

M. Éric Bocquet. À la veille de ce prochain Conseil,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bocquet.

M. Éric Bocquet. … je souhaiterais donc savoir si cette initiative de la France pour lutter non seulement contre la fraude fiscale, mais aussi contre le blanchiment et les flux financiers illicites à l’échelle européenne a quelque chance de recueillir un écho favorable et si elle peut être de quelque effet dans la recherche de ressources budgétaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la réponse est oui. En effet, nous sommes engagés, au titre de l’action que nous conduisons au sein du G20 et de l’Union européenne, dans un processus de renforcement de la coopération avec nos partenaires de l’Union pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale.

Nous sommes liés non seulement à nos partenaires de l’Union européenne, mais aussi, entre partenaires de l’Union, à des pays tiers avec lesquels nous essayons de mettre en place des dispositifs destinés à éviter l’évasion fiscale de l’Union européenne vers des pays limitrophes. Nous essayons, avec eux, de définir des règles permettant de garantir davantage la transparence financière et fiscale, qui doit être un combat commun pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Je profite de votre question pour donner quelques précisions sur notre approche du budget de l’Union européenne, dont vous semblez redouter que nous l’abordions avec l’unique souhait de faire des coupes budgétaires et d’accentuer le risque d’austérité. Le Président de la République, qui s’est exprimé cet après-midi à Strasbourg, l’a dit : nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que cette négociation ne se réduise pas à une négociation sur des coupes budgétaires et des rabais, sinon le budget qui en résulterait empêcherait de mener des politiques de croissance.

Nous souhaitons aussi que, à terme, ce budget soit alimenté par des ressources propres. Si l’on veut en finir avec les chèques et les rabais, il faut que la taxe sur les transactions financières et, demain, la fiscalité sur le carbone permettent de financer correctement un budget européen qui ne peut pas reposer indéfiniment sur la seule contribution assise sur le revenu national brut, dite « contribution RNB », c’est-à-dire des prélèvements sur les budgets des États qui, on le sait, sont soumis à de fortes contraintes. Sans ressources propres, il n’y aura pas, à terme, de budget européen.

Enfin, je tiens à vous rassurer concernant la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière, qui aura lieu demain. Il n’y sera question que de football. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.) Cette rencontre aura lieu au stade de France et il y a peu de chance pour qu’à cette occasion des coupes supplémentaires soient envisagées. Compte tenu de la position de la France, vous savez que le risque est nul.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, comme vous le savez, je sympathise depuis longtemps avec la difficulté de la tâche qui est la vôtre. M. le Président de la République mène, lui aussi, un combat méritoire pour relever, comme il l’a dit devant le Parlement européen, le défi de la croissance.

Le Conseil européen parviendra-t-il à définir, pour le budget européen, un niveau de dépense qui préserve les politiques communes ? Rien n’est moins sûr, au vu des positions de la Grande-Bretagne ou d’autres États comme les Pays-Bas ou la Suède. Et même si tel était le cas et qu’un chiffre voisin des 1 000 milliards d’euros pour la période 2014–2020, soit 1 % du PIB de l’Union européenne, puisse être préservé, cela ne suffirait pas à sortir la zone euro de la récession où elle s’enfonce.

L’Italie et l’Espagne, confrontées à des difficultés politiques, voient s’envoler le taux de leurs émissions obligataires à 10 ans. La surévaluation de l’euro réduit à néant les efforts de compétitivité entrepris par les pays déficitaires. Où se trouve la solution ? Le Président de la République a évoqué le rôle de la Banque centrale européenne, qui doit définir une politique de change, mais rien ne montre que celle-ci soit disposée à interpréter ainsi ses statuts.

Toute politique ne peut se construire que sur la base des réalités. On l’a vu au Mali, la défense européenne n’est pas au rendez-vous. Quel sens ont les critères de Maastricht si certains pays n’acceptent pas de faire l’effort de défense qui serait nécessaire parce que l’intérêt est ici celui de l’Union, et pas seulement de la France.

Aujourd’hui, nous avons l’intégration sans la solidarité. Le Président de la République préconise une Europe différenciée. C’est le bon sens, à la condition, monsieur le ministre, que ce soit pour relever la croissance. Alors, comment faire ? Nous attendons votre réponse.