M. Michel Berson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun ici mesure l’importance du programme de stabilité et du programme national de réforme. Tous deux définissent une stratégie appelée à être ensuite évaluée par nos partenaires européens. Nous nous trouvons donc à un moment clé du « semestre européen », justifiant la tenue de ce débat au Parlement.

L’enjeu ne se situe pas seulement au niveau national. En effet, l’interdépendance des économies et des politiques budgétaires invite à porter un regard global sur notre capacité à définir les chemins de sortie de crise.

Les questions qui s’imposent à la France se posent partout dans la zone euro. Elles appellent à consolider la dynamique de résolution de la crise à l’échelle européenne et à mieux coordonner les politiques publiques.

Monsieur le ministre, de ce point de vue, on doit se féliciter de voir aujourd’hui l’Europe se saisir de sujets majeurs qui avaient été laissés en jachère depuis des années, comme l’attention portée à la croissance économique, la création de l’union bancaire, la taxe sur les transactions financières, ou encore l’annonce récente de la mise en place d’une plateforme de lutte contre l’évasion fiscale.

Mes chers collègues, on peut le dire, la volonté régulatrice des autorités européennes s’affirme enfin de manière plus déterminée depuis quelques mois.

Force est de constater que si l’Europe s’anime davantage, c’est non seulement parce que la parole de la France plaide en ce sens – et sans doute est-elle entendue ! –, mais aussi parce que les autorités européennes, comme beaucoup de prescripteurs mondiaux – qu’ils soient au FMI, à l’OCDE ou à la Banque mondiale –, prennent conscience d’une lourde erreur d’analyse économique qui, depuis plusieurs années, a conduit à préconiser une médication « austéritaire » pouvant conduire le malade à mourir guéri. (Mme Odette Herviaux sourit.)

En effet, force est de constater que les théories néolibérales inspirées de Ricardo ont conduit à sous-estimer l’effet déflagratoire des mesures brutales de réduction des déficits publics. Ces théories sont d’ailleurs aujourd’hui sous le feu des critiques.

A contrario, la théorie keynésienne, que certains avaient bien imprudemment jetée dans les poubelles de l’histoire, a fait, depuis peu, l’objet d’une subite réhabilitation. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les récentes déclarations de Jack Lew, Christine Lagarde, Olli Rehn ou José Manuel Barroso ! Le ministre de l’économie et des finances l’a souligné il y a quelques instants en évoquant un « changement climatique » dans les grandes instances européennes, relativement à cette volonté de réorientation vers la croissance, aujourd’hui exprimée partout.

Désormais, nul ne peut ignorer en France ce contexte général européen et mondial particulièrement exigeant.

Dans ces conditions, le programme de stabilité et le programme national de réforme doivent concilier deux exigences.

Premièrement, il faut assurer le redressement de nos finances publiques et la réduction de notre endettement. C’est un impératif moral, parce qu’il convient de limiter, et demain, de réduire, le poids qui pèse sur les jeunes générations ; de nombreux défis nous attendent, notamment le vieillissement de la population. Y faire face exigera de dégager de plus grandes marges de manœuvre budgétaires, et donc de réduire dès aujourd’hui notre dette publique. Il faut d’ailleurs rappeler, à ce propos, que celle-ci s’est accrue de près de 600 milliards d’euros au cours de la précédente législature, augmentation que la crise est très loin d’expliquer totalement. Il est aujourd’hui indispensable d’inverser cette tendance.

Deuxièmement, il faut éviter que cet ajustement ne conduise, par sa brutalité, à une récession qui nous empêcherait d’inverser une autre courbe, celle du chômage. Une telle situation ne serait pas acceptée par nos concitoyens et nuirait à la conduite des réformes indispensables à notre pays.

Mes chers collègues, il est indispensable de préserver la croissance. Tous nos partenaires, le FMI et, désormais, les institutions européennes en conviennent : un ajustement trop brutal n’est pas souhaitable, et il serait absurde de vouloir suivre une trajectoire prédéfinie à n’importe quel prix, quelle que soit la conjoncture.

Le projet de programme de stabilité du Gouvernement manifeste à cet égard un utile discernement. De fait, il entend repousser à 2014 l’atteinte de l’objectif d’un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Ce faisant, le Gouvernement suit un cap parfaitement clair : il avance avec détermination sur la voie du redressement des finances publiques, en se préoccupant de la justice sociale et en préservant les perspectives de croissance.

Le Gouvernement poursuit la consolidation engagée de nos finances publiques, car reporter l’atteinte des 3 % ne signifie certainement pas renoncer aux efforts.

La trajectoire d’ajustement structurel qui nous est proposée est conforme aux engagements européens de la France ; elle est ambitieuse et prévoit des efforts accentués par rapport à la loi de programmation des finances publiques votée à la fin de l’année dernière. Les efforts programmés sont très importants : faut-il le rappeler, M. le ministre l’a dit, un point de PIB en 2014, soit 20 milliards d’euros et, au total, 110 milliards d’euros d’efforts pour la période 2012–2017.

En 2012 et 2013, cet effort a principalement porté sur les recettes, et, parmi les ménages, sur les plus aisés, en fonction de leurs capacités.

Cette stratégie est justifiée économiquement car, à court terme, la concentration de l’effort sur les recettes présente un effet dépressif moindre que celui de la réduction de la dépense publique. En outre, faire peser l’effort sur les ménages les plus aisés permet de limiter l’impact négatif sur la demande.

Un effort important a également été demandé aux entreprises, mais il est déjà pour partie compensé par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui, à terme, allégera leurs charges d’environ 20 milliards d’euros.

Ainsi que les deux ministres viennent de nous le préciser, le Gouvernement entend désormais faire porter l’essentiel de l’ajustement sur les dépenses publiques. Dès 2014, elles supporteront 70 % de l’effort, contre 30 % pour les recettes ; sur la période 2013–2017 couverte par le programme de stabilité, l’effort portera pour près des deux tiers sur les dépenses.

Cet effort considérable, pour être durable et intelligent, suppose une préparation, une concertation, une méthode. C’est le sens des démarches engagées par le Gouvernement, en particulier dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Il s’agit non pas d’adopter une logique aveugle de réduction des dépenses, mais, au contraire, de préserver l’accès aux services publics, de moderniser notre modèle social pour en garantir les fondements et, bien sûr, de favoriser les politiques au service de la cohésion sociale et de la croissance de demain.

La situation des finances publiques héritée du passé est un lourd fardeau, mais son redressement est une nécessité et il est bien engagé. Si nous ne le faisons pas aujourd’hui, la charge de notre dette exigera demain des ajustements encore plus douloureux. Ce redressement n’empêche pas le Gouvernement de mener sa politique, une politique de gauche ! Le budget pluriannuel adopté l’an dernier marque ainsi des priorités fortes en faveur de l’enseignement, de la cohésion sociale, de la sécurité et de la justice ; des initiatives fortes ont été engagées en faveur de la justice sociale, comme le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté ou les dispositions prises en faveur du logement.

Je voudrais enfin insister sur la crédibilité de la trajectoire présentée par le Gouvernement. C’est un capital précieux, mais aussi fragile, notamment parce que notre pays n’a pas toujours respecté ses engagements par le passé.

Le Gouvernement a déjà montré sa détermination à maîtriser les dépenses : en 2012, pour la première fois, les dépenses de l’État ont été inférieures à celles de 2011. Il a également engagé des réformes structurelles d’ampleur, qui permettront de rétablir durablement la compétitivité de notre économie : la poursuite et la réorientation du programme d’investissement d’avenir, la création de la Banque publique d’investissement, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, ou encore le choc de simplification, notamment en direction des petites et moyennes entreprises.

Cette crédibilité est indispensable pour la mobilisation du pays et de tous ses acteurs, car la fixation d’un cap pour l’ensemble de la législature doit favoriser le retour de la confiance.

Elle est aussi déterminante vis-à-vis de nos partenaires européens, eu égard aux nouvelles règles dont nous avons décidé collectivement. Il faut les appliquer avec discernement, mais nous ne pouvons pas écarter par facilité le « règlement de copropriété de l’euro », une expression que Jean Arthuis utilisait ici même, sans mettre en péril le devenir de l’ensemble de la zone.

Cette crédibilité est enfin importante vis-à-vis des investisseurs, car elle permet de contenir le poids de la dette. Je me plais à souligner ici, mes chers collègues, que les taux très bas auxquels nous émettons nos titres de dette et la réduction de l’écart avec l’Allemagne s’expliquent par de multiples facteurs, mais ils montrent que, contrairement à ce que certains prévoyaient, la politique conduite par ce gouvernement ne suscite pas la défiance des investisseurs, bien au contraire, allais-je dire !

Le projet de programme de stabilité repose sur des hypothèses de croissance que le Haut Conseil des finances publiques a, certes, – certains l’ont déjà mentionné en commission – jugées optimistes, mais pas irréalistes. En la matière, les variables sont nombreuses et leur évolution est incertaine, mais les prévisions du Gouvernement ne sont pas hors de portée. En effet, leurs fondements sont crédibles, qu’il s’agisse de l’augmentation de la demande internationale adressée à la France ou celle de la demande intérieure, portée par une baisse modérée du taux d’épargne des ménages.

Si la croissance n’était pas au rendez-vous à un niveau permettant un retour sous les 3 % dès 2014, la question de la mise en œuvre d’ajustements supplémentaires serait posée. C’est une décision qu’il conviendra de prendre avec nos partenaires européens, mais il faut avant tout inscrire notre trajectoire de redressement dans la durée, ce que fait ce programme de stabilité.

J’ai déjà souligné qu’au niveau de l’Union européenne les progrès accomplis depuis un an sont considérables, à travers notamment l’action de la Banque centrale européenne, les avancées concernant l’union bancaire et le pacte pour la croissance porté par le Président de la République. Ils assurent la crédibilité de la zone euro, qui repose sur sa capacité à la fois à mettre en œuvre une discipline collective et à aller vers plus d’intégration et de solidarité.

Cette crédibilité, acquise à travers les efforts collectivement consentis, doit permettre aujourd’hui de mieux prendre en compte la question de la croissance. C’est le sens de l’action du Président de la République et du Gouvernement depuis bientôt un an. Une prise de conscience semble émerger au niveau européen, si j’en juge par quelques signaux envoyés ces derniers jours. Et chacun sera attentif à toutes les déclarations, dont j’ai déjà fait état, émanant des autorités européennes en la matière. Hier encore, Manuel Barroso nous indiquait à quel point il faut aujourd’hui s’engager dans une réorientation stratégique axée sur la croissance. (M. Jackie Pierre s’exclame.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en termine, mes chers collègues, en souhaitant tout simplement ici que nous puissions obtenir auprès de nos partenaires européens le report, souhaité par le gouvernement français, de l’atteinte du seuil des 3 % à 2014, mais aussi leur confiance dans notre détermination à mettre en œuvre les efforts pour rétablir nos finances et notre compétitivité. Au-delà de la situation de la France, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible, monsieur le ministre du budget, je souhaite que l’Union européenne puisse, en maintenant une discipline collective, relancer des politiques assurant un retour rapide de la croissance et, ainsi, une dynamique porteuse d’avenir pour le projet européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jacques Mézard et Alain Bertrand applaudissent également.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean Arthuis.

M. Henri de Raincourt. Il a des choses à dire !

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme de stabilité et le programme national de réforme sont des actes majeurs que le Gouvernement met en débat, furtivement, devant le Parlement avant de les transmettre à la Commission européenne.

M. Jacques Mézard. Voilà que l’on invente le Gouvernement furtif…

M. Jean Arthuis. Actes majeurs, puisqu’ils engagent la trajectoire budgétaire jusqu’en 2017 ; actes majeurs, puisqu’ils encadrent les prochaines lois de finances et les prochaines lois de financement de la sécurité sociale ; actes majeurs, parce qu’ils décrivent les pistes de réformes qui permettent de tenir les objectifs.

Dès lors, comment pouvons-nous admettre, chers collègues, que le Sénat ne puisse sanctionner ce débat par un vote ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Jean Arthuis. Il y a quelques instants, Pierre Moscovici a conclu son propos en exprimant le souhait que le Sénat soutienne le Gouvernement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean Bizet et Henri de Raincourt. Oui, mais comment ?

MM. Ladislas Poniatowski et François Trucy. En effet !

M. Jean Bizet. Comment, en effet ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On peut voter à main levée ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Mais oui, à main levée ! (Même mouvement.)

M. Jean Arthuis. Toutefois, mes chers collègues, comment manifeste-t-on son soutien, sinon par l’expression d’un vote ?

M. Jean Arthuis. Certes, l’année dernière, il n’y avait pas eu de vote, mais il n’y avait pas eu non plus de débat, en raison de l’élection présidentielle. Je vous rappelle cependant qu’en avril 2011 le précédent gouvernement avait eu l’élégance et le courage de soumettre son programme au vote,…

M. Jean Arthuis. … ce qui l’avait conduit à ramener son hypothèse de croissance de 2 % à 1,75 %, prévision qui s’était révélée juste à l’époque. Nous entrions ainsi dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais le semestre européen.

Jusque-là, convenons-en, le programme de stabilité constituait un exercice formel, dérisoire, destiné à rassurer à bon compte nos partenaires européens, à défaut de nous rassurer nous-mêmes, fondé sur l’illusionnisme budgétaire, le volontarisme des hypothèses de croissance et, dans la plupart des cas, la sous-évaluation des dépenses. Il a fallu le séisme suscité par la crise des dettes souveraines pour changer la donne et la procédure.

Désormais, la solidarité des États membres de la zone euro nous ordonne de sortir du déni de réalité. Pour des impératifs d’ordre européen, certes, mais d’abord et avant tout dans l’intérêt de la France, du redressement de notre économie et de l’inversion de la courbe du chômage. C’est dire si l’interdiction de vote constitue une humiliation pour notre assemblée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Une vexation !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On est d’accord !

Mme Michelle Meunier. Il ne faut pas exagérer, tout de même !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien une humiliation !

M. Jean Arthuis. Comment le président du Sénat et la majorité sénatoriale ont-ils pu s’y résigner ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais y a-t-il vraiment une majorité ? (Mme Nathalie Goulet sourit.)

M. Jean Arthuis. Au-delà de la protestation que j’exprime au nom du groupe UDI-UC, je veux expliciter les deux critiques majeures qu’appelle le dispositif mis en forme par le Gouvernement, soulignant ainsi le contraste qui le différencie de nos propres options.

En premier lieu, s’agissant des prévisions de croissance, nous avions cru comprendre qu’en créant le Haut Conseil des finances publiques le Gouvernement avait enfin décidé, et c’était admirable, de rompre avec la vieille et coupable pratique des prévisions volontaristes. Malheureusement, il n’en est rien. Le Haut Conseil, tout juste installé, affiche d’emblée une louable indépendance, faisant taire les suspicions qu’avait suscitées sa création. En effet, il a osé, au terme de ses analyses, déclarer que la France est, cette année, en récession.

Devant ce langage de vérité, amplement confirmé par les signes que nous vérifions tous les jours dans nos départements et nos circonscriptions (M. le président de la commission des finances opine.) – montée du chômage, procédures d’alerte, dépôts de bilan de très nombreuses entreprises –, le Gouvernement persiste dans sa vision irréaliste.

Il est vrai que la trajectoire budgétaire tend plus facilement vers la résorption des déficits dès lors que les hypothèses de croissance sont dopées artificiellement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et le déficit est au rendez-vous !

M. Jean Arthuis. Vous avez donc choisi, monsieur le ministre, de perpétuer des méthodes douteuses, historiquement datées, pour mieux sauver les apparences.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean Arthuis. Qui peut croire à une croissance de 2 % dès 2015 ? Pour que cela se vérifie, il faudrait mettre en œuvre des réformes structurelles qui, à la vérité, contredisent vos dogmes.

Votre stratégie pour le redressement n’est pas à la hauteur de la situation dramatique de notre pays. Et cessons, je vous prie, de nous renvoyer la balle sur ce qui aurait pu et dû être accompli hier par les équipes au pouvoir (Exclamations sur les travées de l'UMP. – M. Jackie Pierre applaudit.),

M. Roland Courteau. Cela a duré 10 ans, quand même !

M. Jean Arthuis. … qu’il s’agisse de la rigueur budgétaire, de la durée du temps de travail ou des normes.

M. Marc Daunis. Vous avez eu le pouvoir pendant 10 ans, alors ne nous donnez pas de leçons, d’accord ?

M. Jean Arthuis. C’est vrai qu’hier, on a laissé filer le déficit public, c’est vrai qu’hier, on a oublié d’abroger les trente-cinq heures, et que l’on s’en est remis trop facilement à des usines à gaz.

M. François Rebsamen. Ce sont vos méthodes, pas les nôtres !

M. Jean Arthuis. Donc, cessons de nous renvoyer ainsi la balle. Ce qui compte, c’est se sortir de cette crise et redonner l’espoir et la confiance à nos concitoyens. Ce que vous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, ne peut suffire à enrayer le processus de déclin.

M. Roland Courteau. Et vous, qu’avez-vous fait ?

M. Jean Arthuis. Par conséquent, efforçons-nous de nous rassembler sur l’essentiel.

J’en viens à ma seconde critique. Vos réformes sont symboliques et ne peuvent produire les effets attendus. La Banque publique d’investissement (M. Roland Courteau s’exclame.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Parlons-en !

M. Jean Arthuis. … n’est que le recyclage d’OSEO, de CDC entreprises et du Fonds stratégique d’investissement, avec, en prime,…

M. Henri de Raincourt et M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ségolène Royal !

M. Jean Arthuis. … une gouvernance que je qualifierai d’abracadabrantesque, ainsi qu’en témoigne son dispositif de communication et de porte-parolat. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Et, à mon avis, on n’a pas tout vu ! (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Quant au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, il perpétue la complexité : sa circulaire d’application tient en une quarantaine de pages !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le choc de simplification !

M. Jean Arthuis. En effet, c’est sans doute l’illustration du « choc de simplification » prescrit par le Président Hollande.

Ce CICE opère à la marge un allégement des charges sociales, très en deçà des préconisations de Louis Gallois, elles-mêmes en deçà de ce qu’il conviendrait de faire, c’est-à-dire basculer au moins 50 milliards d’euros de cotisations sociales.

M. Roland Courteau. Que ne l’avez-vous fait !

M. Jean Arthuis. Un tel « choc de compétitivité » ne peut être financé que par une taxe sur les produits, y compris les produits que nous importons et que nous consommons.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jean Arthuis. Pour l’essentiel, cette taxe serait non plus un impôt de production, mais un supplément de TVA.

Nous commençons, enfin, à reconnaître, ici et là, que les impôts pesant sur la production poussent à la délocalisation des activités…

M. Jean Arthuis. … et, par conséquent, à la montée du chômage.

Mme Nathalie Goulet. Parfaitement !

M. Jean Arthuis. Cette mesure, avec d’autres, permettrait de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens et d’améliorer le sort des entreprises françaises.

À cet égard, l’INSEE vient de le confirmer, les marges des entreprises n’ont cessé de baisser, à tel point qu’elles sont aujourd’hui les plus faibles des entreprises des dix-sept pays de la zone euro.

M. François Rebsamen. Elles étaient les plus fortes en 2002 !

M. Jean Arthuis. Triste record pour la France !

Enfin, ceux qui nous observent et attendent le redressement de la France estiment que, si nos réformes constituent un pas dans la bonne direction, elles ne suffisent pas. Tel est, parmi d’autres, le diagnostic que vient de dresser la Commission européenne, et dont vous devriez tenir compte, monsieur le ministre.

Par ailleurs, pour équilibrer les comptes publics, le matraquage fiscal a ses limites. La question fondamentale est d’engager le reflux des dépenses publiques. Telle est, je le sais bien, monsieur le ministre, votre détermination, mais il va falloir le démontrer.

Le Gouvernement multiplie les initiatives coûteuses. Ce matin, en commission des finances, nous examinions le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, avec le rétablissement de la scolarité à deux ans et la création de 60 000 postes d’enseignants.

M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est très bien !

M. Éric Bocquet. Des investissements d’avenir !

M. Jean Arthuis. Voilà quelques mesures parmi d’autres ! Nous attendons de connaître le détail du moratoire sur les normes, les modalités d’abrogation des 35 heures (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.), vos arbitrages pour réduire les dépenses sociales, votre réforme des retraites, les informations précises sur les économies que vous escomptez réaliser, autant de mesures indispensables dont vous ajournez la concrétisation. C’est malheureusement la chronique d’un sinistre annoncé !

Enfin, mes chers collègues, je voudrais que l’on évite, à l’occasion de ce débat, tout réquisitoire anti-européen. Il est, bien sûr, toujours tentant dans les circonstances aussi graves que celles que nous connaissons aujourd'hui de transformer l’Europe en bouc émissaire.

Le seul procès que nous pourrions lui intenter est d’avoir permis à la France de pratiquer si longtemps des déficits aussi importants sans encourir de sanction.

M. Yannick Vaugrenard. Depuis dix ans !

M. Jean Arthuis. Le redressement incontournable est, certes, un engagement européen. Mais si la France n’était pas dans la zone euro, elle serait en situation calamiteuse, catastrophique,…

M. Roland Courteau. La faute de qui ?

M. Jean Arthuis. … et ce sont nos créanciers qui nous dicteraient les réformes à accomplir. Combien de dévaluations devrions-nous subir ? Quel serait alors le prix de l’énergie ? Celui du carburant ? Ce serait à n’en point douter l’explosion du chômage !

M. François Rebsamen. Ça, c’est vrai !

M. Jean Arthuis. Apocalyse Now ! (M. Alain Bertrand s’exclame.)

Pendant ce débat, austérité et rigueur sont les mots que le Gouvernement oppose souvent. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, l’austérité n’est que la sanction fatale du manque de rigueur.

Monsieur le rapporteur général, vous attendez beaucoup des propos qu’a tenus hier M. Barroso. Pour avoir rencontré à Berlin, avec Jean Bizet, quelques responsables allemands,…

M. Jean Arthuis. … je puis vous dire que la tonalité était quelque peu différente. Ne vous y trompez pas !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ils sont 27 !

M. Jean Arthuis. Le programme de stabilité nous engage. Aussi, comme tel, il devrait être légitimé par un vote au Parlement.

M. Jean Arthuis. Je regrette amèrement le dédain manifesté par le Gouvernement à l’encontre du Sénat…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est scandaleux !

M. Jean Arthuis. … et plus encore la docilité résignée de la majorité sénatoriale, face à ce que j’appelle « une maltraitance ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ladislas Poniatowski. On a censuré le Sénat !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est pour cette raison que nous nous opposons !

M. Jean Arthuis. Voulez-vous dire, mes chers collègues de la majorité, que tout est fait comme si le Sénat n’était qu’une « anomalie démocratique » ?... (Même mouvement.)

En ces temps de crise de confiance,…

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean Arthuis. … l’angoisse face à la mondialisation et à l’avenir est perceptible. Le Sénat devrait être la chambre de la lucidité, du courage…

M. Jean-Claude Lenoir. Et c’est pourquoi on ne lui donne pas la possibilité de voter !

M. Jean Arthuis. … et de la sagesse. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Vincent Placé. Le Sénat n’est jamais résigné !

M. Jean Arthuis. Le Sénat devrait être…

M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de faire preuve de rigueur dans le temps qui vous est imparti.

M. Jean Arthuis. Je conclus, monsieur le président.

Le Sénat devrait être, disais-je, l’espace où le jeu politicien s’apaise pour faire émerger des propositions consensuelles supra-partisanes, le lieu privilégié où renaissent l’espoir et l’optimisme sur d’autres bases que des chiffres fallacieux et des conventions de langage. (M. Didier Guillaume s’exclame.)

M. Marc Daunis. Excessif !

M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de démontrer l’originalité et l’utilité de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y avait un vote,…