M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous le confirmez, monsieur Lenoir. Il faut effectivement le dire, pour pouvoir faire pression.

Cela vaut également pour la production laitière caprine. Le médiateur, qui a fait un excellent travail, a proposé 60 euros pour les mille litres de lait, et cette mesure s’applique. J’ai constaté que deux ou trois coopératives se sont déjà engagées.

Nous devons en tout état de cause être vigilants sur l’application de ces mesures.

Nous allons appliquer ce système de médiation à la filière porcine française pour essayer de débloquer une situation qui le mérite.

Mme Sylvie Goy-Chavent. On l’espère !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est, là encore, un système nouveau, qui permet de répondre aux questions que vous vous posez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, un cycle de négociations relatif à la PAC vient de s’achever sur un accord intervenu le 26 juin dernier, qui doit encore recevoir l’approbation du Parlement européen en septembre prochain. Vous avez, à juste titre, salué cet accord.

Il semble en effet que la réforme prévue pour la période 2014-2020 amorce une redistribution plus équitable des aides non seulement entre les régions, mais également entre les exploitants agricoles. C'est, en tout cas, ce que nous souhaitons, car nous devons tourner définitivement le dos à des systèmes qui créent souvent des effets d’aubaine, dont bénéficient certaines grandes exploitations, au détriment des agriculteurs les plus fragiles.

C’est l’une des raisons qui expliquent le déficit de légitimité dont souffre la PAC. Je ne sais pas si cette énième réforme permettra de reconquérir le cœur des agriculteurs, mais certaines mesures ont reçu un écho favorable – je pense notamment à l’option de soutien couplé ou aux mesures pour le développement rural.

En revanche, je m’inquiète, comme nombre de mes collègues, de l’absence de régulation de la production laitière, une filière en souffrance. Les exploitations ont entrepris des investissements importants, ce qui entraîne une nette augmentation du taux d’endettement des éleveurs. Malgré cet effort, la productivité laitière s’est dégradée en raison du rapport entre le coût des intrants et le prix à la production. Les réformes conduites entre 1992 et 2008 ont limité les possibilités d’intervention publique en matière de régulation des marchés.

Concernant le lait, le bilan de santé de la PAC a supprimé les quotas à l’horizon 2015. Une conférence consacrée à l’après-quota doit se tenir en septembre prochain. Avez-vous, monsieur le ministre, quelques pistes – vous en avez déjà évoqué certaines – pour rassurer les éleveurs quant à l’avenir de leur filière, s’agissant en particulier de la politique des prix ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, votre question est à peu près identique à celle qui vient de m’être posée sur les objectifs européens pour l’après-quota. Nous avons déjà lancé des initiatives, et nous allons continuer à le faire pour aborder cette discussion en position de force. Pour cela, nous devons trouver une position commune avec un certain nombre de pays.

Par ailleurs, je l'ai dit, nous avons engagé une nouvelle formule : la médiation. Nous devons maintenant être capables tous ensemble de la faire appliquer, et je le dis d'autant plus volontiers que c'est le médiateur qui a négocié et fait tout le travail.

Pour notre part, nous avons poussé en particulier la grande distribution à débloquer les prix, puisque c'est bien là que les choses se jouent.

Nous avons également modifié la LME, en prévoyant la possibilité d'intégrer les coûts de production, un point important.

Et, plus globalement, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, nous allons essayer d’améliorer le système de la contractualisation, en gardant comme objectif la préservation du pouvoir des producteurs à l’égard non seulement des industriels privés, mais aussi des coopératives, auxquelles les contrats ne s'appliquaient pas jusqu'à présent. Il n'y a pas de raison que cela ne change pas. Quant aux garanties de collecte, ce n'est pas simplement l’assurance d’une collecte : il faut aussi que des garanties soient apportées. Toutes ces questions seront discutées.

En ce qui concerne le lait, il est vrai que nous connaissons aujourd'hui une phase de transition extrêmement difficile à gérer pour les agriculteurs. Nous savons que nous allons sortir des quotas laitiers. D’ailleurs, leur niveau a été tellement relevé qu'ils n'ont plus aucun lien avec les prix.

Les prix du lait, comme ceux des céréales d'ailleurs, dépendent aussi des prix mondiaux, et c'est ce qui est le plus difficile. Ce qui se passe dans l'hémisphère sud a une influence directe sur les prix : une sécheresse en Nouvelle-Zélande provoque une augmentation du prix de la poudre de lait, quoi que l’on fasse en Europe, que la production augmente ou baisse. Il en va de même pour les céréales : une sécheresse aux États-Unis a des conséquences sur leur prix sans qu'on ait la capacité de réguler quoi que ce soit. Il s’agit d’un véritable problème.

Dans la phase que nous connaissons actuellement, nous avons besoin de construire un cadre qui puisse offrir aux producteurs laitiers davantage de visibilité et de stabilité. (MM. Yvon Collin et Alain Bertrand applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le ministre, vous le savez, l’avenir de la viticulture passe par des mesures dynamiques et de reconquête des marchés.

Cependant, il n’est pas pensable, dans le même temps, d’accepter que les pouvoirs publics français condamnent la consommation de vin parce qu’elle serait dangereuse.

Je veux parler ici des différents rapports publiés récemment qui ont fortement ciblé le vin et les produits vitivinicoles. Augmentation massive de la fiscalité sur le vin, interdiction de la publicité sur internet, interdiction de l’affichage sur la voirie et les lieux publics : les mesures préconisées pourraient fragiliser l’un des secteurs les plus dynamiques de notre économie.

La fiscalité dite « comportementale » en matière de consommation de vin n’a pas vraiment de sens aujourd’hui, car elle vise indistinctement toutes les consommations, sans faire de différence entre consommation abusive et consommation modérée. Les pays de l’Europe du Nord qui l’ont appliquée n’ont pas enrayé pour autant le phénomène d’alcoolisation massive des jeunes, le fameux binge drinking.

Nous souhaitons que la question de la consommation de vin soit abordée de manière non pas idéologique, mais pragmatique et responsable, en lien avec les professionnels, de façon à mettre en œuvre des actions concrètes de prévention, d’éducation et de communication responsable. Nous souhaitons que le Conseil de modération et de prévention, au sein duquel M. Courteau et moi-même siégeons et qui est aujourd’hui en sommeil, reprenne toute sa place.

Monsieur le ministre, quelles actions allez-vous mener d’ici à la réunion du comité interministériel du 10 juillet prochain relative à la validation du plan de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ?

Enfin, je veux évoquer les inquiétudes, dont je vous ai déjà fait part, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu au salon Vinexpo, provoquées par la décision de la Commission européenne de lutter contre le dumping chinois sur les exportations de panneaux solaires en Europe. Pékin a annoncé hier l’ouverture officielle de l’enquête sur les éventuelles subventions et pratiques de dumping touchant les exportations de vins européens en Chine. Ce pays passe des menaces aux mesures de rétorsion. Nous avons dans le Bordelais – ce n’est pas la seule région touchée – la preuve formelle que certains importateurs chinois ont déjà pris des mesures coercitives, qui se concrétisent par l’arrêt des commandes depuis un mois. Seules les commandes prépayées partent vers la Chine.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard César. Que compte faire le Gouvernement pour soutenir une filière qui est stratégique tant pour la France que pour l'Europe ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

Monsieur le ministre, je vous demande de respecter le temps qui vous est imparti pour répondre à l’orateur.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le président, vous le savez, les sénateurs sont particulièrement bavards, surtout lorsqu’ils parlent de la viticulture : cela prouve tout l'intérêt qu'ils portent à ce secteur ! (Sourires.)

Monsieur César, vous avez soulevé la question de la fiscalité comportementale. J'ai déjà dit ce que j’en pensais. Le Sénat a d’ailleurs publié un rapport sur ce thème.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour ma part, je n'y suis pas favorable.

Le vin en France n'est pas à l'origine du phénomène que vous avez évoqué, le binge drinking, qui vient d'autres pays. On ne peut donc pas établir de lien entre les deux.

M. Gérard César. Exactement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut arrêter de présenter les choses de cette manière puisque nous sommes tous attachés à la culture du vin.

Pour illustrer la « Marque France », ont été utilisées non seulement de belles réalisations de notre histoire industrielle, comme Airbus, mais aussi des images de vaches – j'ai d'ailleurs noté qu’il s’agissait de Normandes, et pas de Bretonnes pie noir ! (Sourires.) – et de bouteilles de vin !

Nous devons assumer le fait qu’une consommation de vin de qualité n'est pas, et ne doit pas être, un élément qui conduit à l'alcoolisme. Nous sommes bien évidemment tous d'accord sur ce point, et c'est la position que je défends. Je l'ai dit publiquement lors du salon de l'agriculture Aquitaine qui s’est tenu en Gironde, et je continuerai de le faire. C'est clair et net ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

J’en viens à la Chine. Lors du salon Vinexpo, j'ai eu l'occasion de discuter, avec l'ensemble des représentants de FranceAgriMer pour la viticulture, de cette question extrêmement délicate, qui concernait à l’origine les panneaux solaires et qui touche aujourd’hui le vin.

Deux stratégies sont envisageables.

La première consiste à trouver une solution, comme l'avait souhaité le Président de la République, pour que les pays européens parlent d’une même voix…

M. Stéphane Le Foll, ministre. … et que les négociations priment sur les menaces. C'est ce que nous sommes en train de faire.

La Chine avait choisi au départ de viser les importations de vin, donc les pays du Sud, puis les voitures, l’Allemagne ne voulant pas de mesures de rétorsion. Une volonté de négociation s’est manifestée : nous devons aller en ce sens.

Si la procédure est déclenchée, nous devrons nous organiser pour y répondre. Nous avons réuni au ministère de l’agriculture l'ensemble des professionnels. Nous allons nous mettre en ordre de marche aux niveaux financier et technique, dans la plus grande transparence. Nous n’avons rien à craindre : il n'y a pas de subventions anti-dumping pour le vin.

M. Gérard César. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite exprimer ici toute ma satisfaction.

C'est en effet avec grand plaisir que nous avons appris que le trilogue entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen était parvenu à un accord dans le cadre de la future PAC pour maintenir le système de régulation des plantations de vignes jusqu'en 2030. Je veux vous remercier non seulement pour le travail que vous avez accompli, mais aussi pour avoir su porter et faire entendre la voix de la France et du monde viticole.

Voilà une grave erreur, voire une faute majeure, commise en 2008, qui est aujourd’hui – enfin ! – réparée. Le groupe d'études de la vigne et du vin du Sénat s'en réjouit, comme pourra vous le confirmer son président, notre collègue Gérard César. Il en va de même pour l’ANEV, l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait mobilisé en 2012 plus de 2 000 communes pour le rétablissement des droits de plantation.

Saluons également l’action forte du Parlement européen, mais aussi le soutien actif de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes du Sénat.

Monsieur le ministre, lorsque nous vous avons alerté, vous nous avez écoutés et, surtout, entendus, et vous avez agi avec succès.

Cela dit, je souhaite revenir sur la question des aides à l’hectare, qui sont indispensables à la survie des viticulteurs de certaines zones françaises, comme le Languedoc-Roussillon ou l'Aude en particulier – ce n’est pas Marcel Rainaud qui me démentira ! (Sourires.)

En effet, les revenus à l’hectare en viticulture sont extrêmement variables d’un vignoble à l’autre, et cette culture est peut-être, dans certains cas, le dernier rempart avant la friche.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez demandé aux services de votre ministère d’expertiser deux pistes : le recours à l’article 38 dans le cadre du premier pilier de la PAC et, dans le cadre du deuxième pilier, les mesures agro-environnementales qui peuvent bénéficier aux viticulteurs. Pouvez-vous, aujourd’hui, nous en dire plus sur ces expertises ?

Concernant l’implantation de l’INAO à Narbonne, je reprends à mon compte les remarques formulées par notre collègue Claude Bérit-Débat et qu’approuve certainement également notre collègue Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, comme pour les menaces qui pèsent sur le vin, nous vous faisons là aussi entièrement confiance. (M. Robert Tropeano applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé la position que nous avions adoptée sur la plateforme vitivinicole en matière de droits de plantation, un point très important. Nous l'avons fait dans le souci de trouver un accord général, qui a d'ailleurs poussé la Commission européenne à faire des propositions et à trouver maintenant un accord au niveau européen. Cela s'est fait avec l'appui du Sénat, de l'Assemblée nationale et, ne l’oublions pas, du Parlement européen,…

M. Gérard César. C'est vrai !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … qui a été extrêmement allant sur cette question. Cette conjonction est une bonne manière de négocier à l'échelle européenne : lorsqu’on s’allie au lieu de revendiquer ou de critiquer, cela donne des résultats !

Ensuite, en ce qui concerne les aides à l’hectare pour la vigne, je sais que la demande est importante dans le Languedoc-Roussillon. Je l’ai dit à plusieurs reprises, cette question soulève plusieurs problèmes.

Si l’on accorde de telles aides, alors il faut les donner à tout le monde.

M. Roland Courteau. Spécificité méditerranéenne !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si je pouvais le faire, je le ferais, mais ce n’est pas le cas !

Cela signifie donc qu’il faudrait distribuer des aides à l'hectare à tous les vignobles français,…

M. Jean-Luc Fichet. En Champagne !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … y compris en Champagne.

M. Gérard César. Et dans le Bordelais !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oh ! quand même…

Voilà le problème auquel je suis confronté. J’ai donc été obligé de faire un autre choix.

Si l’on distribue des aides à l'Aude – allons jusqu'au bout de la logique –, celles-ci seront fixes. Or il n’est absolument pas certain qu’elles permettront de faire face, demain, à une crise ou à des problèmes économiques. J’en veux pour preuve les aides versées à d'autres productions, qui n’ont pas pour autant permis de régler tous les problèmes.

C'est la raison pour laquelle l’OCM vitivinicole m’a semblé être la meilleure solution pour répondre à notre double préoccupation.

La première, c'est de pouvoir faire de la promotion sur le marché européen : nous avons obtenu ce droit dans la négociation. Nous allons pouvoir nous atteler à reconquérir en partie le marché européen, qui a connu une baisse du niveau de consommation de vin.

La seconde, c'est de se positionner sur les marchés émergents. En effet, au-delà des questions que soulève la mondialisation des échanges, il faut bien voir que la France représente une image du vin. À un moment où la consommation mondiale de vin tend à s’accroître, notre pays doit prendre toute sa place sur ce marché, ne serait-ce que parce que c'est économiquement, mais aussi culturellement, important pour nous. Les questions de la promotion et de l’organisation vitivinicole sont donc très importantes.

Quand on connaît l'histoire de la viticulture de l'Aude, on ne peut qu’être frappé, comme je l’ai été lors de la visite d’une coopérative à Narbonne, par la reconversion menée par ce département pour produire des vins qui, maintenant, s’exportent, avec toutes les conséquences qui en découlent. Nous avons besoin de soutenir de telles stratégies. Si nous revenons au système des aides à l’hectare, nous n’en serons plus capables. L’OCM vitivinicole nous en offrira la capacité, à condition que ceux qui en profitent le plus soient bien ceux qui en ont le plus besoin. Tel est l'objectif que nous nous sommes fixé.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, la montagne, ce ne sont pas seulement la neige, les cols du Tour de France ou les grands espaces, ce sont aussi les pâturages et les éleveurs qui y vivent. Permettez-moi de relever que j’étais l’un de ceux-là il y a un certain nombre d'années.

L'agriculture de montagne doit être identifiée positivement, en raison de la qualité de ses produits, mais aussi négativement, au travers de ses handicaps. Il s’agit non pas, monsieur le ministre, d’opposer l'agriculture de montagne à l'agriculture de plaine ou à l'agriculture céréalière, mais simplement de prendre en compte ses handicaps.

Vous le savez, la géographie, la topographie, le climat et les divers surcoûts qu’ils entraînent sont indiscutables. Demander la compensation des handicaps est non pas un privilège, mais un rapprochement des coûts de compétitivité.

Les agriculteurs de montagne souhaitent une politique d’installation incitative, un soutien à la modernisation des bâtiments d’élevage, des aides à l'investissement et à l’agroalimentaire – particulièrement pour les circuits courts – ainsi que, dans le cadre de la réforme de la PAC, un renforcement du dispositif de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.

Monsieur le ministre, je résumerai en quelques mots la situation, que vous connaissez déjà. Les organisations agricoles, quelles qu’elles soient, insistent sur trois priorités : un paiement vert mutualisé et non individualisé, un taux de couplage activé au maximum pour toutes les productions animales en danger et, enfin, une politique ambitieuse pour les zones les plus défavorisées. Elles appellent aussi de leurs vœux une simplification administrative et une politique européenne cohérente.

Je sais, monsieur le ministre, qu’il y a le vouloir et le pouvoir, qui se décline aux niveaux financier et réglementaire. Pensez-vous que l’agriculture de montagne puisse encore être fondée à espérer, comme elle le fait depuis des dizaines d’années ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, l'agriculture de montagne est un élément de l'aménagement du territoire, et la compensation des handicaps est la condition du maintien de cette agriculture. C'est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, les plafonds concernant l'indemnité compensatoire de handicaps naturels seront augmentés, conformément à nos objectifs.

De même, on tiendra compte du pastoralisme. Aussi, le couplage des aides a été augmenté pour intégrer des aides découplées à l'échelle de l'Europe – je pense à la prime nationale à la vache allaitante.

Toutes ces mesures s’inscrivent dans la stratégie qui est la vôtre et que je partage. Il faut en effet demeurer très soucieux de l'agriculture de montagne, dont dépend notre capacité à occuper l'ensemble de notre espace. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, lors du Grenelle II, j’avais défendu et fait voter à l'unanimité un amendement, repris par la commission mixte paritaire, indiquant que les ruminants devaient être essentiellement nourris à l'herbe !

C’est à partir d'une nourriture faite de fourrage et d'herbe que nous obtenons la meilleure production de viande et de lait. Les nappes phréatiques s'en trouvent protégées. Et avec des animaux nourris à l'herbe, jamais nous n’aurions connu la crise de la vache folle ! Entre un bel herbage et une auge contenant une farine à la qualité incertaine, pour ne pas dire médiocre, une vache choisira l’herbe.

Je voudrais cependant savoir, monsieur le ministre, si le dispositif prévu dans cet amendement, qui a été adopté, a quelques chances d'être appliqué, ce qui serait une bonne chose pour tous les éleveurs de montagne, particulièrement les éleveurs d'ovins, qui ont généralement les revenus les plus faibles. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Fortassin, vous avez la passion de l'herbe… (Sourires.) Elle est, bien entendu, en lien avec la prairie ! Je partage votre approche. Dans le verdissement de la politique agricole commune, une partie est consacrée aux prairies permanentes.

À ce propos, je réponds à la question de savoir si l'on peut prendre en compte le fait que les lignes puissent bouger un peu pour ce qui concerne les prairies permanentes. Je réponds par l'affirmative. (M. Jean-Paul Emorine confirme.) Nous le ferons à l'échelon national ou régional. Cette discussion, pour laquelle je suis d'ailleurs prêt à partager l'avis que vous avez formulé, se fera à l'échelle de la région. Nous ne sommes donc pas complètement corsetés, ce qui est très important.

J’en reviens à la question de l'herbe, qui fait partie intégrante du verdissement de la politique agricole commune. Après avoir déposé un amendement et porté l’idée de la production à l'herbe, vous en trouvez la réalisation avec les 30 % des aides du premier pilier consacrées au verdissement, dont le versement implique la préservation des prairies permanentes, c'est-à-dire des herbages. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, nous en avons parlé tout à l’heure, l'élevage constitue un enjeu majeur pour l'ouest de la France, où l'inquiétude laisse souvent la place au découragement, voire au désarroi.

Les responsables agricoles de mon département de l'Orne – j’en parlerai spécifiquement, avec le soutien de mon collègue Philippe Bas, de la Manche – me demandent de vous dire deux choses.

En premier lieu, vous devez être extrêmement ferme dans la négociation que vous menez. J’attire votre attention sur ce point, la convergence des aides aura un impact très négatif pour les régions situées à l'ouest de la France. Dans mon département, nous estimons la perte à environ 30 % au cours des cinq ans à venir et les nombreuses petites exploitations, de 40 à 50 hectares, situées dans le bocage – celles de la Manche et du Calvados sont aussi concernées –, verront leurs droits à paiement unique diminuer bien plus fortement que les exploitations plus importantes, notamment céréalières. Les représentants du monde de l'élevage poussent véritablement un cri d'alarme.

En second lieu, concernant le recouplage, nous vous demandons de donner la priorité à l'élevage, qui se trouve en grande difficulté à cause des charges alimentaires. Vous l'avez bien compris : c'est ce qu’on dit les manifestants, le 23 juin dernier, sur le pavé parisien. L’ensemble de la filière est menacé.

Tout à l'heure, vous avez eu raison de dire que moins de bovins, moins d'animaux, c'est moins de travail pour les abattoirs. Or les abattoirs connaissent aujourd'hui une forte diminution de leur chiffre d'affaires, et c'est l'ensemble de la filière qui se trouve ainsi touché.

Devant cette situation, quel message adressez-vous, monsieur le ministre, au monde de l'élevage pour lui donner de l'espoir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez posé la question essentielle que j’ai évoquée tout à l'heure de manière un peu technique : la convergence, telle qu’elle a été proposée par la Commission européenne, aboutissait à transférer les aides concernées du Grand Ouest et de la polyculture élevage vers le grand bassin allaitant et vers la Méditerranée, si bien que ceux qui, en termes de DPU, se situaient en dessous de la moyenne, en voyaient le montant augmenter, et inversement pour ceux qui se situaient au-dessus de la moyenne. Pour leur part, les céréaliers, qui se trouvaient dans la moyenne, voyaient leurs DPU inchangés. Je ne les dénonce pas, mais il fallait essayer de régler ce problème.

Pour éviter une perte majeure pour l'élevage laitier, on a relevé les DPU pour les cinquante premiers hectares. Si l'on rajoute ainsi 30 %, vous avez une partie de la réponse puisqu'une baisse de 30 %, vous l'avez dit vous-même, est anticipée par ailleurs.

Pour limiter la perte, qui a été évoquée, il ne faut pas considérer le total des aides sur tous les hectares : la perte est plus importante lorsque des DPU très élevés sont concentrés sur peu d'hectares. Par exemple, les exploitations de pruneaux d'Agen bénéficient de 3 000 à 4 000 euros par hectare, alors qu’il ne s’agit pas de grandes surfaces.

La limitation de la perte aura son sens, car elle s'effectue non pas au regard de la base et de la surface, mais à destination de ceux qui avaient des DPU élevés, ce qui nous ramène à notre propos de tout à l'heure.

Si l’on ajoute les indemnités compensatoires de handicaps naturels, qui seront versées dans un certain nombre de zones en Normandie,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. … ainsi que la prime herbagère agro-environnementale, dont nous verrons comment elle pourra être intégrée pour former un système simple, nous irons dans le sens de l'herbe et de l'élevage, particulièrement dans les zones que vous avez évoquées. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, la PAC fait peser de lourdes menaces sur l’élevage dans la mesure où elle laisse en l’état la répartition des aides au travers des DPU.

Le risque de clivage atteint son paroxysme puisque, en matière de revenus, les céréaliers et les éleveurs ne jouent pas dans la même cour. Les premiers bénéficient du marché mondial et de prix ayant sensiblement progressé, en dépit des inflexions récentes. En revanche, les éleveurs sont soumis à l’impérialisme de la grande distribution, qui, sous l’étendard de la défense des consommateurs, tire les prix vers le bas, alors même que ces derniers doivent faire face à une hausse des tarifs des aliments, à base de céréales, que consomment leurs animaux.

Au surplus, notre compétitivité est en cause. C’est si vrai que, contre toute attente, l’Allemagne vient de détrôner la France dans la plupart des productions. N’est-il pas temps de rechercher les raisons de cette rétrogradation ? Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que l’heure de travail d'un ouvrier dans un important abattoir de porcs, en Mayenne, comparée à ce qui se pratique chez notre voisin allemand, revient à dix euros de plus ?

Dans ces conditions, au-delà de l’élevage, ce sont les emplois dans l’industrie agroalimentaire qui vont disparaître. Tous les indices confirment en effet une tendance dont je récuse la fatalité : au niveau des exploitations agricoles, le basculement de l’élevage vers les céréales ; au niveau des entreprises de transformation, la fermeture d’abattoirs et de laiteries, ainsi que la suppression d'emplois.

Si la PAC nécessite des inflexions significatives, l’urgence appelle, certes, la recherche de convergences entre l’Allemagne et la France, notamment la fixation d’un salaire minimum, comme vous l’avez relevé précédemment.

Mais la France ne peut attendre de l’Europe qu’elle mette en œuvre des réformes structurelles que les gouvernements successifs n’ont pas eu le courage de décider : réduction des charges sociales, taxation des produits et non plus de la production – permettez-moi d'évoquer la TVA sociale, dite encore TVA « compétitivité » ou « anti-délocalisation » –, abrogation des 35 heures, simplification des normes et accélération des procédures de délivrance des autorisations de construire des structures d’élevage.

Les éleveurs ont besoin de perspectives claires et encourageantes. La disparition de l’élevage, c’est la perte d’emplois et la disparition du bocage. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Joël Labbé applaudit également.)