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Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence de la vie publique
Demande de renvoi à la commission

Transparence de la vie publique

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 689, texte de la commission n° 724, rapport n° 722).

Je rappelle que la discussion générale commune a été close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence de la vie publique
Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 21.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (n° 724, 2012-2013).

La parole est à M. Gérard Longuet, pour la motion.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’article 2 du projet de loi, qui montre notre manque de maturité en ce qui concerne ce texte. En effet, il existe une différence significative entre le Gouvernement et la majorité, du moins telle que celle-ci s’est exprimée par la voix de la commission des lois, s’agissant de la définition du conflit d’intérêt.

La commission oppose, à juste titre, l’intérêt public et l’intérêt privé. À l’occasion de l’examen de la loi organique, nous avons précisé d'ailleurs ce point : l’intérêt privé s’entend au sens d’un intérêt personnel, matériel.

Le Gouvernement, au contraire, dans la ligne de la première lecture de l’Assemblée, envisage une définition du conflit d’intérêt à partir d’une coexistence conflictuelle ou concurrentielle entre l’intérêt public et des intérêts publics. Cette position est, reconnaissons-le, assez surprenante, compte tenu de la nature des missions, aussi bien d’un parlementaire que d’un élu local.

Les élus locaux comme les parlementaires représentent des territoires. Ils représentent des opinions, des convictions. Ils peuvent aussi, très légitimement, représenter des intérêts. Tel est le cas de ceux qui privilégient, par exemple, les intérêts des salariés, ce qui est une approche parfaitement légitime ; d’autres élus s’identifient à la cause des travailleurs indépendants ou des agriculteurs.

Peut-on raisonnablement leur adresser le procès d’intention du conflit d’intérêt, alors que toute leur existence et toute leur légitimité d’élu reposent sur la défense de ces intérêts ? Ces derniers sont certes, en apparence, catégoriels. Toutefois, dans les convictions qu’ils expriment, ils permettent de défendre, plus largement, les intérêts d’un territoire.

En effet, que serait un pays sans l’adhésion des salariés au projet des entreprises, dans la vie desquelles ils peuvent ainsi trouver leur bénéfice ? Que serait l’économie si les investisseurs, qui sont des capitalistes – appelons-les ainsi –, n’avaient pas intérêt à investir dans l’économie privée ?

La vie politique présente donc, par nature, des situations de conflits, ainsi que des méthodes pour les résoudre, à savoir l’élection, le débat, le vote. Par ailleurs, ces conflits se nourrissent d’une perception fondée sur des intérêts publics, qui se distinguent des intérêts privés, personnels et matériels.

Nous pourrions suivre la commission pour ce qui concerne les concepts d’intérêt public et d’intérêt privé. Cependant, elle est contrebattue par le Gouvernement qui, lui, retient une conception extraordinairement lâche, puisqu’il évoque intérêt public au singulier, comme s’il n’y en avait qu’un et un seul. Il serait d'ailleurs formidable, d’ailleurs qu’il n’y ait qu’un seul intérêt public : ratio imperans bonum - la raison commandant le bien -, nous pourrions suivre le seul intérêt public, s’imposant à tous. Il s’agit là d’une illusion unanimiste, tout simplement invraisemblable.

La nature même de la politique réside ainsi dans le conflit, dans la compétition des intérêts et le choix du compromis entre ces différents intérêts afin de parvenir à une solution, collectivement acceptée. En établissant l’interférence entre intérêt public, au singulier, et intérêts publics, au pluriel, on nie l’esprit même de la politique.

Quant à l’intérêt privé, nous en avons proposé une définition très stricte, retenue dans la loi organique : c’est l’intérêt matériel, personnel, de quelqu’un qui poursuit un avantage lié à sa condition spécifique, individuelle. Nous ne l’entendons donc pas au sens de l’intérêt privé, parfaitement légitime, de celui qui défend telle ou telle catégorie.

Cette incertitude sur la définition du conflit d’intérêt aurait été levée si vous aviez repris, comme cela a été évoqué à de nombreuses reprises, l’excellent travail réalisé au travers du rapport d’information n° 518 réalisé par MM. Jean-Jacques Hyest, Anziani et Collombat, entre autres. En refusant de la retenir, vous vous retrouvez dans une situation contradictoire, qui mérite une réflexion et un approfondissement.

Si le renvoi à la commission n’est pas voté, nous effectuerons de toute façon le travail d’examen de commission en séance plénière. Nous le faisons déjà depuis plusieurs jours, nous pouvons continuer ainsi.

Le deuxième point que je souhaitais évoquer découle directement de cette première observation sur la différence de définition des intérêts. Il s’agit de l’idée de confier à la même Haute Autorité de la transparence de la vie publique des catégories professionnelles aussi différentes que celles des ministres, des parlementaires, des élus locaux et des hauts fonctionnaires.

Les ministres sont nommés, en vertu de notre Constitution, sur proposition du Premier ministre, par le Président de la République. Qu’ils dépendent du Président de la République ou du Premier Ministre – nous n’allons pas ouvrir un débat constitutionnel à cet instant –, le fait est que le quinquennat avait pour objet d’éviter la cohabitation. Pour le moment, il y est presque parvenu, exception faite des difficultés de la majorité sénatoriale, mais ceci est un autre problème.

En revanche, les ministres dépendent directement du choix présidentiel ; je le sais pour avoir été ministre à la fois en période de cohabitation et en période de pleine autorité présidentielle. Et qu’ils soient des exécutants du Président de la République n’est pas fondamentalement choquant. En ce sens, lorsque le chef de l’État décide qu’au coup de sifflet tous les ministres doivent publier leur patrimoine, ces derniers ayant été nommés par lui, soit ils approuvent, soit ils démissionnent, comme le disait Jean-Pierre Chevènement.

Mme Nathalie Goulet. Soit ils sont démissionnés ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. En tout état de cause, il n’y a pas de grande marge de manœuvre.

Tel n’est pas le cas des parlementaires – nous en avons longuement discuté lors de la discussion du projet de loi organique –, dont je rappellerai simplement, sans rouvrir ce débat, qu’ils sont des élus du suffrage universel et qu’ils n’ont de comptes à rendre qu’à leurs électeurs. Aujourd’hui, on les encadre, on les enferme et, ce faisant, on prive en réalité les électeurs de leur liberté de choix. Il s’agit d’une question qui sera tranchée par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi organique, qui est de droit et, sans doute, de la loi ordinaire.

En revanche, mettre dans la même catégorie les élus locaux et les hauts fonctionnaires constitue un vrai malentendu. En effet, les élus locaux, même s’ils peuvent être des agents de l’exécutif, en tant qu’officiers ministériels, sont pour l’essentiel les responsables d’une collectivité décentralisée, dont les organes, notamment l’exécutif, sont élus pour conduire une politique.

À cet égard, peut-on les placer dans la même catégorie que les hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres, que le projet de loi ordinaire soumet à l’obligation de déclaration ? Il sera d’ailleurs intéressant de nous demander jusqu’où aller exactement, ce que nous aurons l’occasion de faire à l’occasion de l’examen des articles. Quels seront les hauts fonctionnaires concernés ?

En tant qu’ancien ministre de la défense, j’ai le souvenir d’avoir proposé au conseil des ministres la nomination de très nombreux officiers généraux : ceux-ci seront-ils soumis aux mêmes obligations que les parlementaires et que les élus locaux, par exemple ?

Par ailleurs, en ce qui concerne le parquet, certaines nominations se font en conseil des ministres, tandis que d’autres, me semble-t-il, sont faites par le Conseil supérieur de la magistrature. Je suis prudent sur ce terrain, mais j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez au cours du débat.

En revanche, la différence fondamentale entre les élus locaux et les hauts fonctionnaires, c’est que ces derniers ne détiennent pas directement leur pouvoir. Ils n’ont d’autre légitimité que celle qu’ils tirent de leur nomination. Il n’est donc pas complètement anormal qu’ils ressortissent à une commission administrative, laquelle peut à tout moment examiner si, dans la mise en œuvre d’un pouvoir qu’ils détiennent non pas par eux-mêmes, mais de par leur nomination en conseil des ministres, ils ne sont pas en situation de conflit d’intérêts.

Si l’on doit reconnaître la légitimité de la Haute Autorité, celle-ci ne doit faire aucun doute pour les hauts fonctionnaires, même si, permettez-moi de le dire, au vu de mon expérience lointaine, mais réelle, du corps préfectoral, j’en viens à me demander si l’État n’est pas en train de scier son autorité propre en affaiblissant ses hauts fonctionnaires et en les exposant à la délation sur le thème : ce préfet a signé tel ou tel arrêté pour des raisons strictement personnelles ou, au contraire, ne l’a pas signé, parce que sa crainte personnelle d’assumer une responsabilité devant les tribunaux plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années après, comme on a pu le voir, l’a conduit à s’abstenir.

Si l’on peut imaginer qu’une commission administrative veille à l’absence d’un conflit d’intérêts qui pourrait fausser le jugement de certains hauts fonctionnaires, encore faudrait-il que les règles de déontologie soient un peu plus claires et que ces malheureux ne soient pas soumis à un esprit de suspicion renforcé par l’organisation de la délation.

Cependant, les élus locaux exercent leur responsabilité de plein exercice quand ils prennent des décisions qui, en effet, peuvent être considérées, à un moment donné, par définition, comme les plaçant en situation de conflit d’intérêts. Un élu local est habitant d’une commune, parfois propriétaire, parfois locataire : toute décision d’urbanisme peut être vue, d’un point de vue excessivement critique et soupçonneux, comme l’amorce d’un conflit entre un intérêt public et un intérêt public local ou un intérêt strictement privé ou un intérêt associatif, que représenterait cet élu local.

Certes, nous avons naturellement une présomption tout à fait positive s’agissant de cette commission administrative appelée à contrôler les élus locaux : comment peut-on imaginer que des hauts fonctionnaires qui ont passé toute leur carrière à examiner le droit administratif, les comptes publics ou la procédure judiciaire ne puissent pas comprendre la vie quotidienne des élus locaux, qui est évidemment plus modeste, mais parfois beaucoup plus difficile ?

Toutefois, confier l’appréciation des conflits d’intérêts à cette Haute Autorité administrative est nécessairement de nature à ouvrir une série de litiges qui, je l’espère, pourront bénéficier de la clarification d’une jurisprudence. Mais qui rendra cette dernière ? Le conflit d’intérêts n’étant pas, à ma connaissance, un délit, qui en jugera donc ? Quelle sera l’autorité qui décidera in fine de l’existence d’un conflit d’intérêts, dans la mesure où nous sommes en dehors de la sphère du droit pénal ?

Pour conclure, chers collègues de la majorité, j’ai bien conscience que vous n’allez pas voter cette motion de renvoi à la commission, mais, en contrepartie, je puis vous assurer que nous allons faire du travail de commission en séance plénière, car nous allons découvrir, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi organique, toute une série de problèmes qui n’ont pas été évoqués ou qui, s’ils l’ont été, ont été insuffisamment traités à l’occasion de la préparation et de l’examen de ces projets de loi, qualifiés par l’un de nos collègues de chaotiques. En effet, malgré la gravité et l’ampleur des enjeux, ces textes restent profondément marqués par l’esprit de circonstance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.

M. Jean-Pierre Michel. Mon cher collègue, vous avez vous-même donné la réponse à votre demande de renvoi à la commission.

M. Gérard Longuet. Je suis réaliste en fin de soirée ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel. Vous avez pointé les difficultés posées par les conflits d’intérêts, qu’ils soient publics, privés ou personnels d'ailleurs. Vous avez rappelé que, à l’occasion de la discussion du projet de loi organique en séance au Sénat, des progrès avaient été faits, après que ce point eut été discuté. Il est vrai que c’est une question compliquée et difficile.

Par exemple, est-ce qu’un chef de parti peut être parlementaire ?

M. Gérard Longuet. Oui, par définition !

M. Jean-Pierre Michel. N’y a-t-il pas un conflit d’intérêts ? Le parlementaire est censé représenter la Nation tout entière. Est-ce que le propriétaire d’un grand quotidien peut être parlementaire ?

Mme Nathalie Goulet. La question peut se poser !

M. Jean-Pierre Michel. Comme vous dites, chère collègue. Je pourrais ainsi multiplier les exemples.

Il s’agit d’une vraie question, monsieur Longuet, qui n’a échappé ni à la commission ni au rapporteur. Je vous propose donc de la reprendre ici, dans l’hémicycle, d’autant que, si la proposition que vous soutenez était acceptée, la commission des lois se réunirait sans pouvoir bénéficier de vos observations.

M. Gérard Longuet. C’est vrai.

M. Jean-Pierre Michel. Ce serait dommage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir faire en sorte que le débat puisse se poursuivre non pas en commission, mais en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout d'abord, nous sommes très heureux d’accueillir M. le ministre, Benoît Hamon…

M. Christian Cambon. C’est le cinquième ministre sur cette question !

M. Gérard Longuet. Quand on aime, on ne compte pas. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, vous savez bien que M. Alain Vidalies a un problème de santé. Nous pensons d’ailleurs à lui, car nous avons eu grand plaisir à travailler avec lui,…

M. Gérard Longuet. C’est vrai.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … et c’est là une circonstance dans laquelle nous pouvons comprendre que le Gouvernement prenne toutes les dispositions pour être toujours représenté par des ministres de talent.

M. Christian Cambon. Mais pourquoi n’est-ce pas toujours le même ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Parce que les ministres ont des obligations. M. Longuet, qui a été ministre, sait ce que c’est.

D’ailleurs, monsieur Longuet, je voulais vous dire qu’il était dommage – je ne vous en fais pas grief, puisque vous n’êtes pas membre de la commission des lois – que vous n’ayez pu assister à notre intéressante réunion de jeudi.

M. Gérard Longuet. J’ai lu le rapport.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Au cours de cette réunion, nous avons pu remarquer – n’est-ce pas, monsieur Hyest, vous qui étiez là, ce dont je vous félicite…

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis toujours présent !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est vrai. Nous avons donc pu remarquer qu’il y avait un accord profond de tous les membres de la commission, m’a-t-il semblé, pour considérer que le conflit d’intérêts devait être vu comme opposant un intérêt public et un intérêt privé.

M. Pierre-Yves Collombat. Grâce à un excellent amendement !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous avons considéré que c’était s’engager sur un très mauvais chemin, monsieur Collombat, que d’imaginer entrer dans la catégorie des contradictions entre un intérêt public et un autre intérêt public.

Je pourrais en rester là, mais je veux vous dire en supplément, monsieur Longuet, que nous avons déjà pu bénéficier des joies du renvoi en commission (M. Pierre-Yves Collombat sourit.), et cela me fait immanquablement penser à ce texte de Georges Brassens – n’y voyez d’allusion à personne dans cet hémicycle – intitulé Stances à un cambrioleur.

L’auteur s’adresse à ce cambrioleur, qui lui a volé un certain nombre de choses, mais qui n’a pas emporté sa guitare ; il y voit la « solidarité sainte de l’artisanat ». Finalement, il lui déclare : « Ce que tu m’as volé,…

Mme Nathalie Goulet. « Je te le donne ! »

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … je te le donne », mais il conclut par cette phrase que nous devons avoir en mémoire s’agissant des renvois à la commission : « Ta moindre récidive abolirait le charme ». Ayant déjà bénéficié du charme d’un intéressant renvoi à la commission, je propose, cher collègue, que nous en restions là ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 21, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 313 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l’adoption 138
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est grâce à Brassens ! (Sourires.)

Discussion des articles

M. le président. La motion de renvoi ayant été repoussée, nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Chapitre Ier

La prévention des conflits d’intérêts et la transparence dans la vie publique

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence de la vie publique
Article 1er

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les crédits inscrits dans la loi de finances et mis à disposition du Parlement pour contribuer sur proposition d’un député ou d’un sénateur, au financement d’opérations d’intérêt local ou d’intérêt général constituent la réserve parlementaire. Cette réserve est répartie à parts égales entre les parlementaires afin que chacun formule ensuite ses propositions d’attribution.

II. - Le Gouvernement rend publique, au plus tard le 30 juin de chaque année, la liste des subventions imputées sur la réserve parlementaire durant l’année écoulée. Cette liste précise, pour chaque subvention, le nom et l’adresse de la personne bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, ainsi que le nom du parlementaire à l’origine de l’attribution.

III. - Pour chaque parlementaire, 90 % du montant total des subventions de la réserve parlementaire doivent être consacrés à des projets d’investissement de personnes morales de droit public. Les fondations et les associations à but politique ne peuvent pas bénéficier de subventions imputées sur la réserve parlementaire. Ces subventions ne peuvent pas être accordées à une structure de droit privé dans laquelle le parlementaire qui les propose exerce des responsabilités ou a des intérêts personnels directs ou indirects.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les crédits inscrits dans la loi de finances et mis à disposition du Parlement pour contribuer sur proposition d’un député ou d’un sénateur, au financement d’opérations d’intérêt local ou d’intérêt général constituent la réserve parlementaire. Cette réserve est répartie à parts égales entre les parlementaires afin que chacun formule ensuite ses propositions d’attribution.

Les fondations et les associations à but politique ne peuvent pas bénéficier de subventions imputées sur la réserve parlementaire. Ces subventions ne peuvent pas être accordées à une structure de droit privé dans laquelle le parlementaire qui les propose exerce des responsabilités ou a des intérêts personnels directs ou indirects.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-22 ainsi rédigé :

« Art. 2-22. – Toute association déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions traduisant un manquement au devoir de probité réprimées par les articles 432-10 à 432-16 du code pénal, les infractions de corruption et trafic d’influence réprimées par les articles 433-1, 433-2, 434-9-l, 435-1 à 435-11 et 445-l à 445-2-1 du code pénal, et les infractions réprimées par les articles L. 106 à L. 109 du code électoral. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-22 ainsi rédigé :

« Art. 2-22. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts des contribuables peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimées par les articles 432-10 à 435-11 du code pénal et les infractions visées par les articles L. 106 à L. 109 du code électoral. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

Articles additionnels avant l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence de la vie publique
Article 2

Article 1er

Les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d’un mandat électif local ainsi que celles chargées d’une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts.

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. L’article 1er est purement déclaratif. Heureusement, d’ailleurs, que la commission des lois l’a quelque peu corrigé ! En effet, le texte originel du Gouvernement était ainsi libellé : « Les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d’un mandat électif local ainsi que celles chargées d’une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et impartialité. Elles veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. »

Cette rédaction tendait donc à exonérer les membres du Gouvernement de l’obligation de prévenir ou faire cesser les conflits d’intérêts ! La commission des lois, qui était encore en forme – nous n’en étions qu’au début de l’examen du texte ordinaire ! – a corrigé cette erreur.

Cet article est purement déclaratif. On pourra discuter sur chaque terme : « dignité », « probité », « impartialité ». Par ailleurs, revient-il aux seules autorités mentionnées de veiller à prévenir ou faire cesser tout conflit d’intérêts ? Cela ne veut strictement rien dire ! Est-ce notre rôle d’adopter de tels textes ? Je le répète, c’est purement déclaratif.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais c’est beau !

M. Jean-Jacques Hyest. Non ! Ce texte n’est même pas beau, parce qu’il est mal écrit. Qui plus est, il n’a aucune conséquence juridique.

Cet article est donc inutile. Nous ferions mieux de passer tout de suite à la définition du conflit d’intérêts, à l’article 2, car elle justifie un débat qui sera extrêmement intéressant. Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement de M. Hyest, qui est contraire au point de vue de la commission. Ce faisant, je ne fais qu’énoncer une tautologie.

J’ajouterai, pour convaincre M. de Raincourt que je vois sceptique,…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … que M. Hyest a annoncé que nous aborderions un débat sur le fond avec l’examen de l’article 2. Or ce dernier renvoie à l’article 1er, en vertu d’une décision de la commission. Il y aurait donc quelque inconséquence à supprimer l’article 1er.

Par ailleurs, dans la définition donnée à l’article 1er, il ne vous aura pas échappé que nous avons proposé, à la suite de deux débats importants au sein de la commission, de remplacer le terme « impartialité », qui figurait dans le texte du Gouvernement, par le mot « intégrité ». En effet, nous avons considéré ensemble qu’il serait absurde de demander à des parlementaires ou à des ministres d’être impartiaux.

M. Jean-Jacques Hyest. On peut le demander à des juges !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ce qui fait l’intérêt de nos fonctions, c’est que nous défendons des idées, des projets, des convictions. On peut souhaiter effectivement que les juges soient impartiaux, mais les parlementaires sont des acteurs de la vie politique.

Par conséquent, le fait de substituer au mot « impartialité » le terme « intégrité » a du sens. C’est la raison pour laquelle nous tenons à cet article 1er. Compte tenu de ces considérations, peut-être M. Hyest retirera-t-il son amendement ?