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Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil Constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 juillet 2013, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

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Nomination de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.

La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à ces éventuelles commissions mixtes paritaires :

Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Anziani, Mmes Virginie Klès, Cécile Cukierman, MM. Jean-Jacques Hyest, François Pillet, Michel Mercier ;

Suppléants : M. Nicolas Alfonsi, Mmes Esther Benbassa, Jacqueline Gourault, MM. Antoine Lefèvre, François Marc, Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Vial.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

livret a

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. Francis Delattre. Une question « Allo ! » « Allo ! »

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le Premier ministre, nous avons appris ce matin que le taux du livret A passerait au 1er août prochain de 1,75 % à 1,25 %. Avant de vous faire part des précisions que je souhaiterais obtenir à ce sujet, il me semble bon de rappeler quelques éléments sur cette question à laquelle nos concitoyens sont très attentifs.

La baisse du taux du livret A ne doit pas être analysée de manière isolée. Au contraire, elle doit être replacée dans la stratégie financière et fiscale que le Gouvernement mène depuis un an.

Ce taux de 1,25 %, c’est la rémunération qui était celle du livret A en 2009. La baisse annoncée aujourd’hui paraissait indispensable aux yeux des experts, notamment du fait du faible niveau des taux d’intérêt du marché monétaire et de la baisse de l’inflation, qui sont d’ailleurs de bonnes nouvelles.

M. Francis Delattre. Ça, c’est la réponse !

M. Charles Revet. Le Premier ministre va poser les questions !

M. Jean-Pierre Caffet. Toutefois, alors que certains auraient souhaité une baisse plus importante du taux du livret A, le taux de 1,25 % semble constituer un bon compromis entre deux impératifs.

Le premier impératif, c’est de protéger les petits épargnants, qui sont des millions à choisir dans le livret A un moyen de sécuriser leur épargne. Ce livret comme le livret de développement durable ont d’ailleurs connu une seconde jeunesse grâce au relèvement de leur plafond puisque, pour la seule année 2012, ce sont environ 50 milliards d’euros qui ont été collectés, chiffre à comparer aux 18 milliards d’euros de 2011.

Le second impératif, c’est d’utiliser le livret A comme force de frappe pour relancer notre économie.

C’est vrai pour le « choc d’offres » en matière de logement : les objectifs ambitieux mais nécessaires de 150 000 logements sociaux nouveaux par an…

Mme Catherine Procaccia. On est loin du compte !

M. Jean-Pierre Caffet. … nécessitent une politique financière de soutien dynamique. La baisse du taux du livret A permettra d’alimenter les besoins en la matière.

C’est également vrai pour la bataille que nous menons pour la croissance : les fonds du livret A, en partie réinjectés par la Caisse des dépôts dans le financement des territoires et des collectivités territoriales, sont absolument nécessaires à l’heure ou l’accès au crédit bancaire se tend pour ces dernières. De fait, soutenir l’investissement public local, c’est soutenir les carnets de commandes de milliers d’entreprises du bâtiment, les réseaux à haut débit et les infrastructures en général.

Nous soutenons donc cette politique cohérente.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, d’une part, nous indiquer les conséquences que pourra entraîner cette baisse du taux du livret A, tant pour le financement de notre économie que, plus largement, pour la vie de nos concitoyens, et, d’autre part, nous dire comment cette mesure s’inscrit dans la politique économique que vous conduisez ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Francis Delattre. Déjà répondu !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons bientôt au terme de cette session extraordinaire. J’ai conscience que le Gouvernement vous a demandé beaucoup de travail. Vous avez répondu avec votre disponibilité habituelle et enrichi, par vos contributions, les projets de loi déposés par le Gouvernement. Je tiens tout simplement à vous en remercier.

Monsieur Caffet, vous avez posé une question très judicieuse.

M. Francis Delattre. Et même opportune…

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En effet, ce matin même, Pierre Moscovici et Cécile Duflot ont annoncé, lors d’une conférence de presse, la décision du Gouvernement relative au taux du livret A.

Mme Catherine Procaccia. Quelle actualité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’épargne populaire est essentielle, et le livret A tout comme le livret de développement durable sont particulièrement appréciés par les Françaises et les Français. Il s’agit d’une épargne garantie par l’État, ce qui n’est pas rien dans ces périodes parfois marquées par l’incertitude. Du reste, n’oublions pas que le livret A et le livret de développement durable contribuent fortement à l’investissement dans le logement, dans la rénovation urbaine et en faveur des collectivités territoriales.

Vous le savez également, le taux du livret A est calculé selon des règles précises, en fonction de l’inflation : tous les six mois, le gouverneur de la Banque de France émet un avis à ce propos, précisément pour tenir compte de l’évolution de l’inflation.

Par ailleurs, à la suite des engagements pris par le Président de la République, le plafond du livret A a été substantiellement rehaussé et celui du livret de développement durable a été doublé. Il existe donc maintenant des disponibilités financières, des liquidités nécessaires à notre économie, au financement de nos investissements dans le logement et les infrastructures et de nos investissements publics en général. C’est cette situation qui a conduit le Gouvernement à prendre ses responsabilités.

Garantir le pouvoir d’achat des épargnants, telle était notre préoccupation. Si nous avions appliqué mécaniquement, comme c’est la règle, l’actualisation du taux du livret A, c’est une rémunération de 1 % qu’il aurait fallu adopter, c’est-à-dire un taux d’environ 0,25 % supérieur à celui de l’inflation constatée, qui s’élève aujourd’hui à 0,8 %. Toutefois, le Gouvernement a souhaité maintenir un niveau supérieur de pouvoir d’achat du livret A.

M. Francis Delattre. Le Gouvernement est grand !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est pourquoi le taux de 1,25 % a été retenu.

Étant donné que l’inflation est faible – comme M. Jean-Pierre Caffet l’a rappelé, c’est une bonne chose –, d’un côté, nous maintenons, voire nous améliorons le pouvoir d’achat avec la rémunération du livret A et du livret de développement durable et, de l’autre – c’est ce que la Caisse des dépôts a décidé, et son directeur général, Jean-Pierre Jouyet, participait d’ailleurs à la conférence de presse qui s’est tenue ce matin –, nous voulons provoquer un choc supplémentaire en faveur de l’investissement, en particulier dans le secteur du logement, où les besoins sont très importants.

La bouffée d’oxygène que cela représente pour le logement social, c’est 600 millions d’euros. Ainsi, pour les prêts de la Caisse des dépôts en faveur du logement social, cela se traduira par une baisse du coût de financement supplémentaire de 0,25 % dans les six prochains mois, soit un effort global en faveur du logement social, par une sorte de prime pour ceux qui lanceront de nouveaux projets, de l’ordre de 120 millions d’euros.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette aide concernera également la rénovation thermique. Actuellement, le taux des prêts existant en la matière s’élève à 1 %. Il a été décidé de le porter à 0,5 %. On ne peut pas faire plus bas, si l’on ne veut pas imposer des frais excessifs à la Caisse des dépôts. Il s’agit là d’un geste politique extrêmement important.

M. François Rebsamen. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Concernant les collectivités territoriales (Ah ! sur les travées de l'UMP.), je vous indique que j’ai rencontré cette semaine les représentants de toutes les associations d’élus – des communes, de toutes les tailles, des départements et des régions. Nous avons adopté les conclusions du pacte de confiance et de responsabilité.

Le Gouvernement a demandé à chacun de contribuer à l’effort d’amélioration des comptes publics. Les collectivités territoriales ont été sollicitées. Dans le même temps, les recettes de celles-ci doivent être stabilisées et les départements doivent être sécurisés par rapport à la dépense sociale. L’accord conclu va dans le bon sens, et je remercie tous ceux qui y ont contribué. Il y va de même pour les régions, même si un certain nombre de points de détail restent à définir, ce que nous sommes en train de terminer.

Parallèlement, les collectivités territoriales m’ont exprimé leurs attentes, pour poursuivre leur politique d’investissement dans les infrastructures de transport, dans les réseaux d’eau et d’assainissement et dans des domaines comme le numérique. Depuis des mois, elles plaident à la fois pour des emprunts longs et pour les taux les plus bas possible. Le Gouvernement s’y était déjà engagé. L’évolution du taux du livret A permettra d’améliorer encore sa proposition : actuellement, les taux proposés s’élèvent à 3,05 % ; à compter du 1er août, ils seront fixés à 2,25 %. Il s’agit là d’une information extrêmement importante pour nos territoires.

Le 9 juillet dernier, j’ai annoncé un grand plan d’investissement qui s’étend à de nombreux secteurs, dont celui des transports, en particulier le transport ferroviaire. Ce plan concernera tous les territoires.

J’ai également annoncé que le Gouvernement engagerait à la rentrée la négociation des contrats de plan avec les régions et l’ensemble des collectivités, précisément pour mettre en œuvre ces investissements. Il est évident que, si les prêts sont plus longs et les taux d’intérêt plus bas, les collectivités retrouveront les marges de manœuvre dont elles ont besoin pour leurs investissements. Il s’agit là d’investissements utiles à nos territoires, à la cohésion sociale et territoriale et au développement du pays tout entier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

politique ferroviaire

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Monsieur le ministre, vendredi dernier, nous avons tous été saisis par l’émotion face à l’accident qui s’est produit sur la ligne Paris-Limoges, que je connais bien, en gare de Brétigny-sur-Orge. Ce mardi, c’est un wagon d’un train de fret transportant du gravier qui a déraillé à la suite d’une rupture d’essieu à Saintes. Les enquêtes sont en cours, et il ne faut pas, ici, anticiper les conclusions qui seront remises.

Pour autant, la question de l’état de l’infrastructure ferroviaire dans notre pays, support matériel de l’exécution du service public ferroviaire, est posée avec acuité. Le constat du sous-investissement chronique dans les infrastructures de transport ferroviaire est unanime. Depuis vingt ans, les budgets de maintenance n’ont cessé de baisser, tout comme la contribution aux infrastructures de l’État. RFF et la SNCF, sous les injonctions de l’État actionnaire, ont été appelés à des économies drastiques, contraints de diminuer le nombre de cheminots et de rogner sur certaines dépenses courantes essentielles. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.)

L’objectif du précédent gouvernement résidait exclusivement dans l’ouverture du rail à la concurrence. Au vu du quatrième paquet ferroviaire, ce mouvement s’accélère. Comment l’accepter, au regard de l’expérience, notamment en termes de sécurité, que nous avons en ce domaine ? À l’inverse, et alors que la réforme ferroviaire se dessine, nous estimons que si celle-ci doit prioritairement réunir la famille ferroviaire dans le cadre d’un groupe public intégré, elle doit, dans le même mouvement, s’adosser à des engagements financiers forts, concrets et tangibles.

Alors que le budget de l’État est en baisse constante, des annonces intéressantes ont été faites le 9 juillet dernier pour le financement du système ferroviaire. Malheureusement, elles sont peu précises, notamment en ce qui concerne les ressources nouvelles de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et la répartition de l’effort entre privé, public et collectivités. Pis, ces financements reposent également, pour partie, sur la vente des actifs de l’État.

Monsieur le ministre, quand l’État s’engagera-t-il concrètement pour la reprise de la dette de RFF ? Par quels financements concrets alimentez-vous l’AFITF ? Pourquoi ne pas remettre en cause la privatisation des concessions d’autoroutes, qui la prive, à l’échelle des dix années à venir, de plus de 12 milliards d’euros, soit le montant des investissements d’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de renouveler l’hommage aux victimes et de redire aux familles toute mon émotion.

Sachez que j’ai nommé hier M. Philippe Cèbe, haut fonctionnaire, coordonnateur pour assurer l’accompagnement nécessaire des familles face à pareille situation. En outre, comme M. le Président de la République et M. le Premier ministre l’ont fait sur place, je tiens à saluer la mobilisation de toute la famille cheminote, des bénévoles, des volontaires et de l’ensemble des services de sécurité et de secours. Cela a été un énorme geste de solidarité.

Vous avez eu raison de souligner que l’on ne peut faire le rapprochement entre un accident – je souligne que trois enquêtes ont été ouvertes, notamment celle du bureau des enquêtes sur les accidents de transport terrestre – et l’état du réseau ferroviaire, que vous avez qualifié de vétuste.

Dès notre arrivée aux responsabilités, nous avons demandé la réactualisation de l’étude de l’École polytechnique de Lausanne, qui fait autorité en la matière. Elle a confirmé la dégradation continue des infrastructures de transport depuis des dizaines d’années, faute d’investissements suffisants. Pourquoi ? Parce que des engagements financiers ont été mobilisés, souvent à crédit, sur des projets de prestige, au détriment du transport du quotidien.

De ce point de vue, M. le Premier ministre a annoncé, le 9 juillet, une mobilisation forte avec à la fois des financements de l’État et des moyens dégagés par RFF. Ainsi, 2,5 milliards d’euros s’ajouteront aux 2 milliards d’euros engagés pour la modernisation et l’entretien du réseau ferroviaire. Dans le cadre du contrat de plan État-région, 500 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au volet ferroviaire, soit une hausse de 40 %, ce qui est nécessaire à la sécurité et à la modernisation.

Vous avez évoqué la politique de privatisation qui a été menée jusqu’à présent. Dès notre entrée en fonctions, nous avons refusé une anticipation d’une privatisation, qui ne nous est d’ailleurs pas imposée par l’Europe. La France a donc été très claire dans son refus de cette anticipation.

Par ailleurs, la réforme ferroviaire, conformément à l’orientation du Gouvernement, visera à réunir la gestion des infrastructures de transport ferroviaire, en permettant à RFF et à la SNCF de travailler ensemble dans une structure unifiée, afin que nous puissions être plus efficaces dans nos réponses aux enjeux des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

politique ferroviaire et réseaux secondaires

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Le groupe du RDSE, auquel j’appartiens, est très attentif à la question des infrastructures, qu’elles soient routières, ferroviaires, aériennes ou fluviales. C’est d’ailleurs sur notre initiative que le Sénat avait pu discuter, voire parfois le contester, du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, qui nous avait été présenté il y a deux ans.

L’accident de vendredi dernier a mis en lumière, de manière dramatique, la question essentielle de l’entretien de ces infrastructures. Cet entretien est désormais clairement affiché comme une priorité par le Gouvernement, ce dont nous nous réjouissons.

Nous nous félicitons également de l’annonce, par le Premier ministre, il y a quelques jours, d’un programme d’investissement annuel de 5 milliards d’euros, consacré à la modernisation et au développement de nos réseaux. Cette décision est la preuve tangible de l’engagement du Gouvernement. Nous y souscrivons bien entendu, car il n’est plus l’heure de lancer tous azimuts des lignes à grande vitesse – nous n’en avons plus les moyens – ou de promettre 245 milliards d’euros, comme c’était le cas avec le SNIT, sans en prévoir le financement. À cet égard, le travail effectué, à votre demande, monsieur le ministre, par la commission Duron afin de hiérarchiser le catalogue d’investissements établi par le précédent gouvernement et d’en programmer l’exécution représente un réel progrès.

Vient maintenant le temps des décisions !

Monsieur le ministre, je vous demande d’entendre le désespoir des territoires enclavés et, souvent, ruraux. Deux questions en particulier me viennent à l’esprit.

La première concerne les routes nationales. N’ayant pas été inscrites dans le rapport Duron, elles seront obligatoirement financées par les PDMI. Ces programmes de modernisation des itinéraires routiers, nous le savons aujourd’hui, ne représentent plus, dans la plupart des cas, que 40 % des engagements de l’État. Il est bien évident que les territoires ruraux ou enclavés ne seront pas en mesure de financer les 60 % restants. Je pourrais citer le cas de la RN 88, de la RN 122, de la RN 20, de la RN 21, et d’autres.

Ma seconde question s’inscrit dans le cadre des propositions – au nombre d’une dizaine – de l’excellent rapport de nos collègues Jacques Mézard et Rémy Pointereau.

M. François Rebsamen. C’est vrai, ce rapport est excellent !

M. Raymond Vall. Quels critères envisagez-vous de retenir afin d’affecter les crédits destinés à la remise à niveau des infrastructures existantes ? Nous nous interrogeons d’autant plus que les territoires concernés doivent également investir considérablement pour se désenclaver dans le domaine du numérique.

Monsieur le ministre, nous attendons des réponses concrètes de votre part à ces deux questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Vall, ainsi que l’indiquait à l’instant M. le Premier ministre, l’État va se mobiliser aux côtés des collectivités. C’est en ce sens qu’il a demandé que le volet « infrastructures de transport et mobilité » du contrat entre l’État et les territoires – régions, départements, agglomérations – puisse être anticipé, de sorte qu’avant la fin de l’année la priorisation des investissements publics soit actée et qu’une approche coordonnée soit établie en fonction des attentes des territoires.

Il s’agit d’éviter que ne se produise la situation paradoxale que vous avez relevée : jusqu’à ces dernières années, les investissements importants ont porté sur les grandes infrastructures au détriment des territoires enclavés ou ne bénéficiant pas d’infrastructures susceptibles d’assurer l’égalité territoriale. Avec Cécile Duflot, nous travaillons ardemment sur cette question.

Vous avez en outre souligné la situation des PDMI, c'est-à-dire des travaux routiers. Or il aurait fallu que, chaque année, pour respecter sa promesse, l’État verse 700 millions d’euros. Seuls 350 millions d’euros, c'est-à-dire la moitié de cette somme, ont été attribués en dotation !

Nous avons donc accumulé un retard équivalant au moins à un contrat de PDMI. Il nous faut maintenant le rattraper, tout en faisant face à la nécessité de moderniser les infrastructures ferroviaires. Il nous faudra en effet renouveler le matériel roulant à hauteur de 500 millions d’euros. Le Premier ministre s’est engagé à ce que les trains Corail, qui datent souvent de 1975, soient tous renouvelés d’ici à 2025. Il nous faudra aussi établir un programme routier, en fonction des territoires, qui nous permette de répondre aux priorités.

C’est dans le dialogue et la confiance avec les collectivités que nous pourrons déterminer les priorités, celles d’une région ne correspondant pas nécessairement à celles d’une autre. Je suis persuadé que, d’ici à la fin de l’année, nous pourrons apprécier enfin le sérieux de la parole de l’État à travers sa volonté de ne pas mettre en place des schémas d’infrastructures de transport comme nous en avons trouvé en entrant en fonctions, c'est-à-dire conçus comme autant de promesses à crédit, qui ne font finalement que fragiliser l’engagement de l’État ainsi que la parole publique dans son ensemble.

Il faut du sérieux ! Il faut du pragmatisme ! Il faut surtout apporter une réponse aux attentes de nos concitoyens dans nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

sécurisation des lignes ferroviaires en île-de-france

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, ont été particulièrement marqués par l’accident de Brétigny-sur-Orge et frappés aussi – il faut dire ce qui est positif – par le sens des responsabilités du président de la SNCF et son souci de transparence.

Monsieur le ministre, vous avez fait des choix d’investissement, ce qui est logique en période de disette budgétaire. Cependant, je ne vous poserai pas cet après-midi une question sur ce sujet – on peut être d’accord ou pas pour abandonner telle ou telle ligne. En réalité, depuis longtemps, nous avons, soyons clairs, mis en place des TGV, sans consacrer beaucoup de moyens aux autres lignes. Pour ce qui concerne l’Île-de-France, on a fait mieux : entre 1980 et 2000, on a utilisé les sommes réservées à l’amortissement du matériel roulant pour financer le TGV, sans les rendre. Tous les gouvernements, gauche et droite confondues, ainsi que la SNCF ont agi ainsi.

Aujourd'hui, en Île-de-France, comme partout ailleurs dans le pays, des lignes sont usées. J’ai entendu le président de RFF affirmer qu’il n’y avait aucun problème : l’usure ou l’ancienneté du matériel ne présente aucun risque et ne pose aucune difficulté. Pardonnez-moi de vous le dire, je n’y crois guère. L’usure finit par présenter des risques ou, à tout le moins, des inconvénients majeurs pour les voyageurs ; je veux parler des retards, des annulations ou des pannes qui se multiplient. Il n’y a pas que les accidents graves ; se pose aussi le problème constant, en Île-de-France comme ailleurs, des retards subis par tous les voyageurs et des difficultés qu’ils rencontrent.

M. Gérard Larcher. C’est vrai !

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, il a été évoqué un plan d’urgence pour résorber ce qu’on appelait les points noirs, c'est-à-dire les aiguillages les plus anciens, les systèmes les plus difficiles, les lignes que les associations d’usagers appellent elles-mêmes « les lignes poubelles ». Je ne parle pas du matériel, je parle bien ici des lignes ferroviaires.

Ne serait-il pas temps de définir, dans le cadre du budget relatif à l’entretien que vous avez évoqué, un plan d’urgence pour résorber les points noirs du système ferroviaire afin de régler au plus vite, au-delà de l’entretien normal de l’ensemble des lignes, la situation de toutes celles qui présentent un véritable danger ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, les propos que je viens de tenir, en écho à ceux de M. le Premier ministre, ont souligné les carences, que vous avez d’ailleurs constatées, de la politique antérieure, avec une concentration – je reprends ce que vous avez dit – des financements sur les grands ouvrages, telles les LGV, les lignes à grande vitesse. Non pas que les grandes infrastructures ne soient pas nécessaires – elles le sont –, mais elles ont été lancées à un rythme qui était bien supérieur à nos capacités, puisque nous n’avions pas – vous n’aviez pas – la possibilité de financer, dans le même temps, le réseau existant.

Dès notre prise de fonctions, j’ai demandé à RFF de mobiliser un plan d’urgence, avec précisément 2,5 milliards d’euros supplémentaires, qui s’additionneront aux 2 milliards d’euros consacrés à la modernisation et à l’entretien du réseau. Alors qu’il était de 1,4 milliard d’euros au cours des années précédentes, le budget dévolu à la modernisation du réseau classique sera de 5,5 milliards d’euros annuels.

Cela vaut aussi pour l’Île-de-France. Demain, le Premier ministre signera avec le président de la région, un événement auquel Cécile Duflot et moi-même assisterons, une convention de financement du plan de mobilisation, qui, en marge du nouveau Grand Paris, permettra d’engager 7 milliards d’euros de travaux pour améliorer le réseau et accroître la régularité des transports.

Certes, il importe de répondre à la question de l’entretien. Pour autant, il convient de ne pas faire de confusion entre entretien et sécurité. Si des lignes posaient des problèmes en termes de sécurité, elles seraient bien évidemment fermées. D’ailleurs, des mesures sont prises lorsque la sécurité est mise en cause, dont, régulièrement, l’abaissement du seuil de vitesse.

Lorsque nous parlons – il faut être précis sur la terminologie – de lignes malades, nous parlons des lignes sensibles en termes de régularité. Lorsque vous avez évoqué les problèmes de sécurité, vous avez vous-même invoqué les retards, les annulations ou encore les pannes. En l’occurrence, il s’agit non pas de critères de sécurité, mais bien de dysfonctionnements du réseau – le matériel roulant sera renouvelé – ou de l’infrastructure elle-même, qui est vieillissante, voire parfois vétuste.

Il faut signaler que la France fait partie des pays les plus sécurisés, avec une infrastructure ferroviaire les plus sûres d’Europe. Pour autant, j’ai demandé au mois de mars dernier à l’établissement public de sécurité ferroviaire de bien vouloir me rendre un rapport – je ne savais pas que l’actualité nous amènerait à nous entretenir du sujet – pour faire un point précis sur les problèmes de sécurité et d’organisation qui se posent.