compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Hubert Falco,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Article 1er

Consommation

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la consommation (projet n° 725, texte de la commission n° 810, rapport n° 809, avis nos 792, 793 et 795).

Nous poursuivons la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. Hier, nous avons entamé l’examen de l'article 1er, dont je rappelle les termes :

Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Action de groupe

« Section 1

« Champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir

« Art. L. 423-1. – Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles :

« 1° À l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;

« 2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

« Seule la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d’une des causes mentionnées aux 1° et 2° peut être poursuivie par cette action.

« Lorsque plusieurs associations introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles désignent l’une d’entre elles pour conduire celle qui résulte de la jonction de leurs différentes actions. À défaut, cette désignation est effectuée par le juge.

« Art. L. 423-2. – (Non modifié) L’action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

« Section 2

« Jugement sur la responsabilité

« Art. L. 423-3. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions de recevabilité mentionnées à l’article L. 423-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du professionnel. Il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement.

« Le juge détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu’il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices. Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le professionnel.

« À cette fin, à tout moment de la procédure, le juge peut ordonner toute mesure d’instruction légalement admissible nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel.

« Le juge ordonne, aux frais du professionnel, les mesures adaptées pour informer, par tous moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe, de la décision rendue.

« Les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que la décision sur la responsabilité n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.

« Le juge fixe les délais, qui ne peuvent être inférieurs à deux mois ni supérieurs à six mois à compter des mesures de publicité ordonnées par lui, et les modalités selon lesquels les consommateurs peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice. Il détermine notamment si les consommateurs s’adressent au professionnel soit directement, soit par l’intermédiaire de l’association ou du tiers mentionné à l’article L. 423-4. Il fixe le délai dans lequel les contestations portant sur les demandes d’indemnisation individuelle lui sont adressées. L’adhésion au groupe vaut mandat au profit de l’association requérante aux fins d’indemnisation ; elle ne vaut ni n’implique adhésion à celle-ci.

« Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut condamner le professionnel au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association, y compris ceux afférents à la mise en œuvre de l’article L. 423-4.

« Il peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel.

« Art. L. 423-4. – (Non modifié) L’association peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pour l’assister, notamment afin qu’elle procède à la réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe et plus généralement afin qu’elle représente les consommateurs lésés, auprès du professionnel, en vue de leur indemnisation.

« Section 2 bis

« Procédure d’action de groupe simplifiée

« Art. L. 423-4-1. – Lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un même montant ou d’un montant identique par période de référence, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe.

« Préalablement à son exécution par le professionnel et selon des modalités et dans le délai fixé par le juge, cette décision, lorsqu’elle n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation, fait l’objet de mesures d’information individuelle des consommateurs concernés, aux frais du professionnel, afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision.

« En cas d’inexécution par le professionnel, à l’égard des consommateurs ayant accepté l’indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, les articles L. 423-6 et L. 423-7 sont applicables et l’acceptation de l’indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section.

« Section 3

« Liquidation des préjudices et exécution

« Art. L. 423-5. – (Non modifié) Le professionnel procède à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement mentionné à l’article L. 423-3.

« Art. L. 423-6. – (Non modifié) Le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la phase de liquidation des préjudices.

« Il statue dans un même jugement sur toutes les demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit.

« Art. L. 423-7. – L’association requérante représente les consommateurs membres du groupe qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés, aux fins de l’exécution forcée du jugement mentionné au second alinéa de l’article L. 423-6.

« Section 4

« Médiation

« Art. L. 423-8. – Seule l’association requérante peut participer à une médiation, dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels mentionnés à l’article L. 423-1.

« Art. L. 423-9. – Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, qui vérifie s’il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s’appliquer et lui donne force exécutoire. Cet accord précise les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d’y adhérer, ainsi que les délais et modalités de cette adhésion.

« Section 5

« Modalités spécifiques à l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence

« Art. L. 423-10. – Lorsque les manquements reprochés au professionnel portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’action mentionnée à l’article L. 423-1 ne peut être engagée devant le juge que sur le fondement d’une décision constatant les manquements, qui n’est plus susceptible de recours et qui a été prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes.

« Dans ces cas, les manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable pour l’application de l’article L. 423-3.

« Art. L. 423-11. – L’action prévue à l’article L. 423-1 ne peut être engagée au-delà d’un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la décision mentionnée à l’article L. 423-10 n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.

« Art. L. 423-11-1 (nouveau). – Le juge peut ordonner l’exécution provisoire du jugement mentionné à l’article L. 423-3 pour ce qui concerne les seules mesures de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti.

« Section 6

« Dispositions diverses

« Art. L. 423-12. – (Non modifié) L’action mentionnée à l’article L. 423-1 suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu aux articles L. 423-3 ou L. 423-4-1.

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle, selon le cas, le jugement rendu en application des articles L. 423-3 ou L. 423-4-1 n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l’homologation prévue à l’article L. 423-9.

« Art. L. 423-13. – (Non modifié) Les décisions prévues aux articles L. 423-3 et L. 423-4-1 ainsi que celle résultant de l’application de l’article L. 423-9 ont également autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.

« Art. L. 423-14. – L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision du juge mentionnée à l’article L. 423-3 ou d’un accord homologué en application de l’article L. 423-9.

« Art. L. 423-15. – N’est pas recevable l’action prévue à l’article L. 423-1 lorsqu’elle se fonde sur les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices que ceux ayant déjà fait l’objet du jugement prévu à l’article L. 423-3 ou d’un accord homologué en application de l’article L. 423-9.

« Art. L. 423-16. – (Non modifié) Toute association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 423-1 et à tout moment, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de cette dernière.

« Art. L. 423-17. – (Non modifié) Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe.

« Section 7

« Dispositions relatives aux outre-mer

« Art. L. 423-18. – (Non modifié) Le présent chapitre est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 90 rectifié bis, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer douze alinéas ainsi rédigés :

« Section ...

« Jugement sur la recevabilité

« Art. L. 423-... – Le juge saisi d’une action de groupe visée à l’article L. 423-1 statue, après un débat contradictoire, sur la recevabilité de l’action dans un délai de deux mois à compter de sa saisine.

« Le juge déclare l’action de groupe recevable s’il constate que :

« 1° Les conditions mentionnées à l’article L. 423-1 sont réunies ;

« 2° Les questions juridiques et factuelles communes aux futurs membres du groupe prédominent sur les questions individuelles ;

« 3° L’action de groupe est une procédure supérieure comparée aux actions en justice individuelles ;

« 4° Il existe un groupe de demandeurs identifiable.

« Dans la même décision, le juge définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel pourrait être engagée et en fixe les critères de rattachement.

« Le juge ordonne, aux frais du professionnel, les mesures adaptées pour informer, par tous moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe, de la décision rendue.

« Les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que la décision sur la recevabilité n’est plus susceptible des voies de recours ordinaires et de pourvoi en cassation.

« Le juge fixe les délais, qui ne peuvent être inférieurs à deux mois ni supérieurs à six mois à compter des mesures de publicité ordonnées par lui, et les modalités selon lesquelles les consommateurs peuvent adhérer au groupe.

II. – Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 423-3. – Une fois que la décision sur la recevabilité n’est plus susceptible des voies de recours ordinaires et de pourvoi en cassation, le juge statue sur la responsabilité du professionnel.

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° 677, qui est la conséquence de l'amendement n° 90 rectifié bis.

Pour ce qui concerne l'action de groupe, l’article 1er que nous sommes en train d’examiner ne prévoit pas de phase préliminaire de recevabilité distincte de celle du jugement sur la responsabilité éventuellement encourue.

Selon les avis que j'ai recueillis, l’absence d’une phase propre à la recevabilité de l’action de groupe peut faire courir au présent projet de loi un risque d’inconstitutionnalité.

En effet, dans sa décision du 25 juillet 1989 relative à une loi permettant aux syndicats d’introduire des actions en justice en faveur des salariés sans avoir à justifier de mandat, le Conseil constitutionnel, appliquant le principe selon lequel nul ne plaide par procureur, avait considéré que toutes les personnes ayant un intérêt dans l’action en justice devaient être informées de leur droit dès le début de la procédure.

Or le mécanisme actuellement prévu par le texte que nous étudions se heurte à cette jurisprudence constitutionnelle, puisque les consommateurs ne pourront être informés qu’après le jugement sur la responsabilité, c'est-à-dire à un stade bien plus avancé de la procédure.

En outre, dans un système ne prévoyant pas de séparer la phase de recevabilité de celle du jugement sur la responsabilité, le professionnel ne connaît pas tous les demandeurs alors même que le juge statue sur sa responsabilité : une telle asymétrie de l’information au détriment du défendeur peut porter atteinte aux principes constitutionnels du respect du contradictoire et de l’égalité des armes entre les plaidants.

Le présent amendement a donc pour objet d’éviter que l’article 1er ne tombe sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel et vise à instituer une phase préliminaire de recevabilité, distincte de celle du jugement sur la responsabilité.

Enfin, je souligne que la Commission européenne va dans le même sens. Dans sa recommandation du 11 juin 2013 portant sur les recours collectifs dans l’Union européenne, elle indique en effet que les États membres devraient prévoir une vérification, au stade le plus précoce possible de l’instance, des conditions de recevabilité de l’action de groupe et le rejet, le cas échéant, des demandes manifestement infondées.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le juge statue sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels présentés par l’association requérante.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Aux yeux de la commission des lois, la mention selon laquelle le juge constate que les conditions de recevabilité de l’action de groupe sont réunies est inutile puisque cette obligation incombe, par définition, à tout juge saisi d’un litige, quel qu’il soit.

En revanche, la commission des lois considère qu'il convient de préciser que le juge statue sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels qui lui sont soumis par l’association requérante. En effet, il faut éviter que des actions de groupe ne prospèrent de manière artificielle, sans préjudice réel constaté.

Je précise que cet amendement reprend une disposition déjà adoptée par le Sénat en 2011.

M. le président. L'amendement n° 542, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

à l’article L. 423-1

par les mots :

aux articles L. 423-1, L. 423-15 du présent code et L. 211-15 du code de l’organisation judiciaire

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. L’amendement n° 542 vise à préciser le principe en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni à raison des mêmes faits.

Ce principe garantit à une entreprise qui aurait été reconnue responsable dans le cadre d’une action de groupe et qui aurait indemnisé les consommateurs membres du groupe de ne pas être exposée à une deuxième action de groupe identique à la première.

M. le président. L'amendement n° 277, présenté par Mme Aïchi, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 14, seconde phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

Il intègre par défaut au groupe tous les consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, ceux-ci ayant la faculté de s’exclure s’ils ne souhaitent pas être partie à l’instance engagée. Le juge fixe les délais et modalités selon lesquels les consommateurs peuvent obtenir réparation de leur préjudice. Il détermine notamment si les consommateurs doivent s’adresser au professionnel directement ou par l’intermédiaire de l’association.

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 277 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 90 rectifié bis, 4 et 542 ?

M. Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques. L’amendement n° 90 rectifié bis tend à apporter une précision quant au contrôle de la recevabilité de l'action de groupe par le juge et à introduire dans la procédure une phase préliminaire de recevabilité distincte de celle du jugement.

Il soulève plusieurs problèmes.

Tout d’abord, les conditions de recevabilité prévues, certes très strictes, sont cependant très floues. Que signifie ainsi la nécessité pour le juge de constater que « l’action de groupe est une procédure supérieure comparée aux actions en justice individuelles » ou, dans la même veine, que « les questions juridiques et factuelles communes aux futurs membres du groupe prédominent sur les questions individuelles » ? On peut s'interroger sur la portée juridique des termes « supérieure » et « prédominent ».

La commission, estimant ces éléments restrictifs, a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 4, il tend à apporter une précision utile sur le contrôle de la recevabilité de l'action de groupe par le juge qui statue sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels présentés par l’association requérante. La commission y est favorable.

S’il est adopté, l'amendement n° 542 deviendra sans objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a délibérément choisi d'exclure une phase de recevabilité de la procédure d'action de groupe. C'est la raison pour laquelle il est défavorable à l'amendement n° 90 rectifié bis.

En effet, il a considéré qu’une telle phase n'était pas nécessaire compte tenu des critères précis d'ores et déjà retenus par le texte pour déterminer le champ d'application de cette procédure et la qualité pour agir.

Je comprends que des inquiétudes puissent exister quant au caractère plus ou moins farfelu d'un certain nombre de procédures, mais nous considérons que le juge disposera de la totalité des moyens pour distinguer les actions fondées de celles qui ne le seront pas.

Je le répète, lors de l'examen de l'affaire au fond, il statuera sur la recevabilité de l'action dans les conditions de droit commun. Dans son jugement déclaratoire de responsabilité, il définira le groupe et fixera les conditions d'indemnisation des consommateurs victimes du préjudice économique.

En outre, ayant le souci de mettre en œuvre une procédure permettant un traitement aussi rapide que possible des contentieux de consommation de masse, le Gouvernement considère que la diffusion d'informations sur l'existence et la recevabilité d'une action de groupe avant que toute décision soit rendue est susceptible de porter gravement atteinte à la réputation du professionnel alors même que sa responsabilité pourrait finalement ne pas être retenue. On ne maîtrise pas la publicité qui pourra, le cas échéant, être faite sur cette phase de recevabilité… Je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous pouvez entendre cet argument.

C'est pourquoi dans le schéma prévu dans le projet de loi les consommateurs ne seront informés de l'existence de l'action de groupe qu’après la décision définitive rendue au fond et selon les modalités décidées par le juge.

Tel est le garde-fou que nous avons mis en place pour éviter toute tentation d’engager de multiples procédures, parfois même sur l’initiative d’un concurrent qui voudrait attaquer une autre entreprise par le biais d'une association de consommateurs.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Il est également défavorable à l'amendement n° 4, car la rédaction actuelle de l'alinéa 14 de l’article 1er vise justement à ne pas mettre en place de phase de recevabilité de l'action. Par cohérence avec l'avis défavorable donné à l'amendement n° 90 rectifié bis, nous ne voulons pas instaurer de phase supplémentaire qui, de surcroît, allongerait les délais.

Par ailleurs, l'amendement n° 4 tend à ce que la responsabilité du professionnel soit établie au vu de cas individuels présentés par l'association requérante. Or cette précision est, à nos yeux, inutile, car c'est au vu des éléments que cette dernière apporte que le juge doit définir le groupe de consommateurs lésés, à l'égard desquels la responsabilité du professionnel est retenue. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j’avais, hier, émis un avis défavorable sur un amendement de Mme Lamure relatif au fait que l'association de consommateurs et le juge doivent être dûment saisis.

Il est clair que la procédure retenue oblige d’ores et déjà l'association à présenter un certain nombre de réclamations qui justifient une saisine du juge.

Enfin, comme M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur l'amendement n° 542, puisque le principe non bis in idem est déjà consacré à l’alinéa 50 de l'article 1er du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mes chers collègues, une proposition de loi relative aux soins psychiatriques doit être discutée vendredi matin. Or des dérives ne sont pas impossibles...

Je vous propose de relever un challenge, à savoir terminer l’examen du présent texte, sur lequel il nous reste à examiner quelque six cents amendements, dans la nuit de jeudi à vendredi, sinon la discussion sera repoussée à vendredi après-midi, à une heure indéterminée.

J’invite donc mes collègues à faire preuve de concision lors de la présentation de leurs amendements et des explications de vote, ainsi que les rapporteurs et les membres du Gouvernement lorsqu’ils feront part de leur avis.

J’ajoute que, samedi, le Sénat participe aux Journées européennes du patrimoine…

M. Jean-François Husson. On nous verra travailler !

M. Philippe Marini. Et nous faisons partie du patrimoine ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Je retire l'amendement n° 542, car il est satisfait par l'amendement de la commission des lois.

M. le président. L'amendement n° 542 est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement tend à supprimer une mention que la commission des lois estime inutile et qui pourrait même devenir dangereuse. En effet, l'alinéa 14 ne rappelle que partiellement la règle de l’article 143 du code de procédure civile, qui vaut pour toutes les instances civiles et qui s'appliquera, sans qu’il soit besoin de le préciser, à la procédure d'action de groupe, comme aux autres actions civiles. Ce rappel pourrait donc suggérer, par un raisonnement a contrario, que les autres règles d’administration de la preuve ne s’appliqueraient pas à la procédure d’action de groupe.