Mme Cécile Cukierman. Beaucoup a déjà été dit, mais les dispositions de ces amendements en discussion commune présentent quelques nuances.

Le présent amendement, rédigé après consultation de l’ensemble des associations, vise à améliorer la situation des personnes transsexuelles, qui doivent aujourd’hui passer par un réel parcours du combattant afin d’obtenir la reconnaissance, à l’état civil, du genre auquel elles appartiennent.

Il est important de rappeler ici que le transsexualisme n’est pas une maladie. Si un individu considère qu’il appartient à un genre différent de celui qui lui a été attribué à la naissance, il s’agit de son droit le plus strict. Cet amendement vise donc à encadrer la procédure de modification de la mention du sexe sur les documents d’état civil et à permettre à toutes les personnes transsexuelles de voir leur situation régularisée et leur genre reconnu.

L’adoption de notre amendement, qui tend à rédiger un nouveau chapitre du code civil, doit permettre que le changement d’état civil se fasse de façon démédicalisée, si la personne le souhaite, et déjudiciarisée, conformément aux recommandations de la CNCDH auxquelles mes collègues viennent de faire référence. Il vise également à prévoir que le ministère public met à disposition des personnes transgenres des formulaires permettant une rectification intégrale et rapide de ces mentions, y compris sur l’acte de naissance.

En 2012, voilà un an, nous étions longuement intervenus sur cette question. Ce n’était pas le bon moment, nous avait-on dit. Aujourd’hui non plus, si j’en crois ce que j’ai entendu. Finalement, ce n’est jamais la bonne période !

Mme Jouanno l’a dit, ces personnes souhaitent être respectées en tant que femmes et hommes et veulent voir leur dignité reconnue. C’est une question d’égalité. Il nous semblait donc important, pour cette raison, de déposer cet amendement dans le cadre du présent projet de loi.

Qu’il soit ou non adopté, notre amendement, qui n’est pas exhaustif sur cette question, vise à poursuivre le travail que vous avez engagé, madame la ministre, en vue d’adopter des mesures plus générales, d’aborder tous les sujets et de permettre à ces personnes de vivre dignement dans notre pays.

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié ter, présenté par Mmes Jouanno, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réalité de la dysphorie de genre acte la nécessité du changement d’état civil. Le trouble de l'identité de genre également appelé dysphorie de genre doit avoir été constaté par des médecins librement choisis par la personne concernée. Ce constat est établi sous la forme d'un ou de plusieurs rapports médicaux qui attesteront de la réalité du trouble d’identité de genre ainsi que du consentement éclairé du patient.

Le requérant se présente accompagné de deux témoins de son choix, capables et dépourvus de lien d’ascendance ou de descendance avec le demandeur. A contrario, ils peuvent être des collatéraux. Ces témoins déclinent leur identité, leurs liens avec le demandeur et attestent sur l’honneur de la bonne foi et de la légitimité de la demande, autrement dit de l’identité de genre du requérant.

La chirurgie de réassignation sexuelle, la notion d’irréversibilité des traitements ou des actes chirurgicaux, ainsi que la stérilisation ne sauraient constituer une ou des conditions nécessaires à la modification de l’état civil.

Une ou des filiations antérieures à la requête ne sauraient constituer une ou des conditions opposables à cette dernière.

Les services de l'état civil des mairies auront pour charge la gestion des changements d'état civil pour transsexualisme. Ces procédures sont supervisées par le juge aux affaires familiales et visées par le procureur du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la commune où a lieu un changement d'état civil. La requête doit être traitée dans les deux mois qui suivent le dépôt de la demande. Ce délai de deux mois écoulé, le jugement devra être rendu au titre de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, de l'article L. 111-3 du code de l'organisation judiciaire, et, de l'arrêt de principe rendu le 28 juin 2002 par le Conseil d'État.

En cas de litige, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance peut être saisi, le ou la requérante pourra alors bénéficier d’une aide juridictionnelle sans conditions de ressources conformément à l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. La décision de ce dernier est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation. Si un expert est commis d'office par le juge aux affaires familiales ou sur demande du ministère public, la rémunération de ce dernier sera à la charge du Trésor. Le médecin choisi librement par le requérant désigne conjointement avec le juge aux affaires familiales le dit expert.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Je souhaite présenter au travers de cet amendement, dans la droite ligne de ceux qui viennent d’être défendus, trois arguments relatifs au changement d’état civil des personnes transgenres.

Il est vrai, tout d’abord, que cette question concerne sans doute peu de personnes. Certains sont donc tentés de dire que l’on verra cela plus tard, lorsqu’il y aura de la place dans l’agenda parlementaire.

Pourtant, même si elles sont peu nombreuses, ces personnes ne valent pas moins que les autres. Par ailleurs, cela fait longtemps que cette question a été posée.

Ensuite, et ce point est ressorti des propos de Mme la rapporteur, la France n’avance pas sur ce sujet, car l’ensemble de notre droit relatif à l’état civil est déterminé par l’ordre public, si bien que l’on nous renvoie immédiatement à l’argument de sécurité.

Or nombre de pays ont légiféré sur cette question. L’Espagne a ainsi opéré un changement intégral en la matière. Quant au Royaume-Uni, il a complètement déconnecté la procédure médicale de la procédure judiciaire. Nous devrions donc pouvoir évoluer à cet égard sans que la France, pour autant, devienne un dangereux eldorado.

Enfin, cela a été rappelé à plusieurs occasions, le processus est extrêmement long dans notre pays, du fait de la règle selon laquelle il faut d’abord avoir subi un changement médical intégral et irréversible avant de pouvoir entamer une procédure judiciaire. Ces personnes sont donc plongées pendant six ans – imaginez ce que cela représente dans une vie ! – dans une situation de discordance entre leur état civil et leur état physique. Ces procédures, pour la plupart, sont donc de véritables casse-tête.

Les amendements que nous présentons en discussion commune tendent à se rejoindre, même si les procédures proposées diffèrent légèrement. Nous souhaitons tous simplifier la procédure et la démédicaliser.

Il ne devrait plus être nécessaire de subir une procédure médicalisée à 100 % avant de pouvoir entamer une procédure judiciaire. Il devrait être suffisant de disposer d’un faisceau d’indices permettant de s’assurer que la personne veut effectivement changer d’identité sexuelle et que, par exemple, elle est femme au-delà de tout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Madame Jouanno, si vous avez compris que je me référais précédemment à l’ordre public, c’est que je me suis mal exprimée. Ce que je voulais dire, c’est que, en matière d’état civil, il est important de fournir à la personne un titre d’identité reconnu, dans lequel ses interlocuteurs auront confiance.

En aucun cas je n’ai voulu invoquer des motifs de sécurité et d’ordre public, ou dire qu’il ne fallait pas modifier les procédures de changement d’état civil.

Je profite de cette intervention pour remercier Mmes Blondin, Meunier, Jouanno, Benbassa et Cukierman de l’important travail qu’elles ont réalisé sur ce sujet difficile.

Les personnes transgenres, qu’elles soient nées hommes et souhaitent devenir femmes, ou nées femmes et veulent devenir hommes, sont des citoyens et des citoyennes à part entière dans notre pays. En ce sens, elles méritent notre respect le plus absolu, comme n’importe lequel ou laquelle d’entre nous. Pour ces raisons, j’insiste sur la nécessité de leur fournir des titres d’identité dans lesquels chacun aura confiance.

Il est vrai que l’on parle de ces questions depuis longtemps et qu’il est urgent de s’en occuper. Il faut au plus vite harmoniser, simplifier, accélérer et améliorer ces procédures sur le territoire national, afin que ces personnes puissent obtenir des titres d’identité conformes à ce qu’elles ressentent et à ce qu’elles sont.

Toutefois, il faut aussi, et c’est toute la complexité du problème, protéger les enfants nés de ces personnes avant qu’elles ne changent de sexe. Comment faire ? Les points de vue divergent sur ce point. Certains sont favorables à un effacement complet de l’état civil, d’autres au maintien de certains éléments. Il faut aussi tenir compte des parents de ces personnes. Pour toutes ces raisons, à ce stade de notre réflexion, j’émettrai un avis défavorable.

De très nombreux éléments sont à prendre en considération, sur le plan non seulement de la procédure mais aussi des critères.

Il est nécessaire, également, de protéger les plus jeunes. Certains proposent en effet de rendre la procédure de changement d’état civil accessible dès l’âge de seize ans. Je ne connais pas suffisamment ce dossier pour trancher ce point. Doit-on répondre que l’on est suffisamment mûr à cet âge pour faire des choix qui engageront sa vie entière ? Ou que l’adolescence est un passage parfois difficile au cours duquel on peut se tromper sur son identité ?

Il est impératif de prendre en compte tous ces paramètres pour apporter une véritable réponse à ces personnes.

Je crois que Mme la ministre va prendre des engagements précis, formels, et proposer un calendrier. C’est ce que nous attendons.

Une fois de plus, je remercie mes collègues qui ont travaillé sur ce sujet et l’ont soumis au débat public ce soir. À ce stade, pourtant, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, mais ce n’est en aucun cas une marque de désintérêt ou d’irrespect pour les personnes transgenres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vous remercie tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir attendu que l’ensemble des amendements aient été défendus avant que je ne formule une réponse générale.

Au fond, ces amendements visent tous le même sujet, celui des droits des hommes nés avec l’état civil d’une femme, ou des femmes nées avec l’état civil d’un homme.

C’est une question difficile et qui me tient à cœur, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même, lors de la discussion de la loi relative au harcèlement sexuel. Elle concerne en effet la vie quotidienne de milliers de personnes, voire sans doute plus, qui ont suivi un parcours dont nous savons, et vous l’avez rappelé, combien il est dangereux, coûteux et difficile, car elles sont exposées à la violence de la société, de manière générale, et à celle de leur famille.

Ce parcours est difficile, aussi, parce que les règles que le juge a fixées pour la rectification de leur état civil les rejettent trop souvent dans la clandestinité et la précarité pendant toute la durée de la transition.

Dans le cadre du plan d’action que le Gouvernement a adopté en octobre dernier, je m’étais engagée à ce que nous apportions des réponses, avec le souci absolu de la protection des personnes. Pour que nous puissions avancer sereinement, avec ma collègue garde des sceaux, nous avons demandé à la Commission nationale consultative des droits de l’homme de nous rendre un avis sur le sujet.

Cet avis, dont vous avez pris connaissance, a été publié en juin dernier. Il est d’une grande clarté et il ouvre de nombreuses pistes, que vous avez rappelées.

Je veux, au-delà de l’avis de la CNCDH, saluer le travail entrepris ici, notamment par Mmes Blondin et Meunier, mais aussi par l’ensemble des groupes. Je me réjouis d’ailleurs de constater l’existence d’une forme de consensus entre les différents groupes sur la nécessité de protéger les droits fondamentaux des Françaises et des Français.

Ce que je peux vous dire aujourd’hui, c’est qu’il nous faut poursuivre le travail.

Le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes était-il le bon véhicule pour introduire des dispositions comme celles que vous proposez par voie d’amendements ? Je crois que ce sujet mérite mieux, en réalité, que des mesures partielles, lesquelles, je vous l’ai dit, pourraient être considérées comme des « cavaliers » par le Conseil constitutionnel. Ce serait alors décevoir les espoirs que nous aurons fait naître.

En revanche, pour répondre à votre requête, je puis m’engager clairement sur un calendrier. Le projet de loi de simplification du droit, qui sera présenté au premier semestre 2014 par ma collègue Christiane Taubira, contiendra un certain nombre de dispositions sur le changement des règles de notre état civil de nature à répondre aux questions que vous vous posez.

Ce projet de loi s’inspirera des travaux que vous êtes en train de mener. Je ne peux donc que vous encourager à les finaliser d’ici là, ainsi que les amendements que vous venez de déposer.

À la lumière de ces explications, je vous demande donc, mesdames les sénatrices, de bien vouloir retirer ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je vous remercie de vos propos, madame la ministre. Je me réjouis de la qualité de nos débats, qui se sont déroulés dans un climat sérieux, serein et respectueux des positions de chacun.

Nous l’avons souligné à plusieurs reprises : il y a désormais urgence à répondre à ces questions, car la France a suffisamment attendu. Les actes sont là, dans les propositions de toutes celles et de tous ceux qui, avec ma collègue Maryvonne Blondin, ont bien voulu signer cet amendement n° 92 rectifié, afin de faire bouger les lignes.

Nous prendrons toute notre part aux travaux du futur projet de loi de simplification du droit que vous nous avez annoncé. Vous pouvez compter sur notre vigilance et notre soutien.

En conséquence, nous retirons l’amendement n° 92 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 92 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 169 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 154 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 17

A. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa de l’article 373-2 du code civil est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable à l’autre parent six semaines à l’avance, et au plus tard le 15 mai quand ce changement est envisagé pendant la période d’été. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant.

« Le juge répartit les frais et la charge des déplacements et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Pour les frais de déplacement, le juge statue en fonction des motifs qui ont provoqué le changement de résidence de l’un des parents et des ressources véritables et potentielles de chacun des parents. Pour la charge de déplacement, le juge dit, sauf empêchements dirimants, que celui qui change de résidence amènera l’enfant au domicile de celui qui reste et que ce dernier le ramènera.

« En cas de déplacement durable de l’un des parents, la préférence est donnée par le juge aux intérêts et maintien des repères de l’enfant, sauf circonstances exceptionnelles.

« Tout enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses deux parents. Dès lors que l’autorité parentale est conjointe, le juge aux affaires familiales a pour devoir de maintenir et, si besoin, de rétablir ce lien parental.

« Lorsqu’un parent est exclu par l’autre parent de tout choix, de toute orientation, de toute décision concernant le présent et l’avenir de l’enfant, ou lorsqu’il est victime de toute entrave à l’exercice de son autorité parentale telle que définie à l’article 371-1, il peut saisir le juge aux affaires familiales afin de faire respecter ses droits.

« Au vu des entraves constatées dans les relations familiales, dans le domaine éducatif, ou dans tous les domaines se rapportant à la santé ou la sécurité de l’enfant, le juge prend toutes les mesures de nature à faire cesser l’entrave à l’autorité parentale. Dans ce cadre, il rappelle les devoirs et les droits mutuels de chaque parent. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la ministre, comme vous l’avez dit hier, « l’égalité est un tout, un ensemble cohérent de causes et de conséquences, de l’égalité parentale à l’égalité professionnelle ». Je ne puis que souscrire à ces propos.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que vous nous avez proposé de réformer le complément de libre choix d’activité. La nouvelle prestation partagée d’accueil de l’enfant vise, certes, à favoriser le retour des femmes vers l’emploi, mais aussi à modifier la répartition des responsabilités parentales au sein du couple.

Rappelons que le congé parental est pris à près de 97 % par les mères, et que ce sont elles qui mettent majoritairement leur carrière entre parenthèses pour pouvoir s’occuper des enfants.

Pourtant, un certain nombre de pères aimeraient s’investir davantage dans la vie familiale. Mais la stigmatisation sociale menace la volonté des hommes d’assumer pleinement leur parentalité. Le père qui prend un congé parental, ou celui qui demande un aménagement de son temps de travail pour s’occuper de ses enfants le mercredi, par exemple, est souvent regardé avec suspicion et rencontre l’incompréhension.

Nous sommes tous d’accord : un changement des mentalités est nécessaire. Ce changement doit s’opérer à tous les niveaux. Lorsque nous nous battons pour l’égalité entre les femmes et les hommes, nous devons accepter qu’elle existe dans les deux sens !

Ainsi, après un divorce, la garde des enfants est très souvent confiée à la mère, au détriment du père. Nous vivons dans une société qui véhicule un schéma où il est acquis que la mère doit garder son enfant et que le père doit se battre pour obtenir davantage.

En réalité, la question est de savoir si un enfant peut se construire sans ses deux parents. Un enfant a besoin de ses deux parents pour grandir, et il est primordial qu’il n’y ait pas un parent principal et un parent secondaire.

C’est dans cet esprit que le législateur a doté les magistrats d’un nouvel outil, la médiation familiale, pour rétablir la communication entre les parents et les amener à un accord. Toutefois, elle est encore trop peu utilisée en France.

Nous ne souhaitons pas imposer à tout prix la résidence alternée, qui ne convient pas forcément à tous les enfants, ni à tous les parents, mais rétablir une certaine équité entre les deux parents, adaptée à chaque situation. Confier systématiquement l’enfant à la mère et laisser au père un maigre droit de visite et d’hébergement limité à quelques jours par mois n’est dans l’intérêt ni des parents ni des enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Il y a dans votre amendement des dispositions intéressantes, madame la sénatrice. La commission juge toutefois que le véhicule choisi n’est pas le plus adapté, votre proposition se fondant principalement sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Un projet de loi relatif à la famille arrivera en discussion au Parlement d’ici à peu. Je vous suggère donc plutôt de réitérer votre amendement à l’occasion de ce texte.

En l’état, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sur cette question importante, le Gouvernement fait par principe confiance au juge pour apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant.

Prendre en compte cet intérêt supérieur suppose de laisser au juge la possibilité d’examiner au cas par cas les circonstances d’une séparation, qui sont à chaque fois différentes. Le juge ne doit pas se voir dicter ses choix par l’insertion dans la loi d’un principe automatique tel que celui que vous énoncez.

Sur l’initiative de mes collègues Christiane Taubira et Dominique Bertinotti, un groupe de travail s’est formé sur ces sujets, car l’on perçoit bien dans la société des demandes d’évolution de notre législation. On trouve en son sein les représentants des associations, mais aussi des magistrats, des avocats et des personnalités qualifiées.

Le projet de loi relatif à la famille apparaît en effet comme le vecteur idéal pour porter les conclusions de ce groupe de travail.

Sachez toutefois que le dialogue qui s’est noué au sein de ce groupe ne doit pas se faire aux dépens de l’une ou l’autre des parties en présence. Nous voulons aller au fond des choses, à travers un échange équilibré, et garder toujours à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant.

La résidence alternée, qui s’est largement développée puisqu’elle concerne aujourd’hui un enfant sur quatre, est un mode de garde intéressant. Il serait toutefois problématique de l’envisager comme une règle automatique, dans la mesure où, dans certains cas, si elle correspond à l’intérêt des parents, elle ne va pas nécessairement dans le sens de celui des enfants.

C’est la raison pour laquelle je vous remercie de bien vouloir retirer votre amendement, madame Laborde. À défaut, je me prononcerai contre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai été très sensible à l’argumentation de Mme Laborde concernant le respect des droits de chacun des parents. Je remercie aussi Mme la ministre d’avoir abordé le sujet de la garde alternée.

Je pense en effet qu’il est nécessaire d’avoir des éclaircissements complémentaires sur ce mode de garde, qui pourrait être dans certains cas plus intéressant pour les parents que pour les enfants.

Il me semble vraiment important d’approfondir la réflexion sur ce mode de garde, qui est désormais très largement envisagé en cas de séparation des parents. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, un enfant sur quatre vit sous le régime de la garde alternée.

Vous nous avez indiqué que des travaux seraient conduits sur ce sujet dans le cadre de la loi sur la famille : pour ma part, je les attends avec impatience, car, comme d’autres, ce sujet m’interpelle.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Comme la quasi-totalité des parlementaires, je suis sollicité presque quotidiennement par des demandes de soutien de la part de pères divorcés qui vivent très mal – c’est le moins que l’on puisse dire – le fait d’être privés de la garde de leur enfant.

Vous ne pouvez ignorer, madame la ministre, les démonstrations particulièrement fortes qui ont eu lieu ces derniers temps ; elles méritent à tout le moins du respect. Nous ne pouvons pas continuer à assister à ces appels au secours sans réagir.

J’ai bien noté, madame la ministre, que vous souhaitiez réserver cette discussion au prochain projet de loi sur la famille. Je pense pour ma part que, au regard de leur envergure, nous ne pouvons pas rester plus longtemps sourds à ces manifestations.

C’est la raison pour laquelle il me semble que le moins que nous puissions faire ce soir est de nous associer à la démarche de Mme Laborde, pour bien montrer notre intérêt pour ces appels au secours qui, indépendamment du fond des dossiers, méritent considération dans tous les cas.

Il va de soi que chacun de ces appels constitue une situation particulière, qu’il convient d’examiner séparément. Pour autant, je souhaite que l’on accorde dès ce soir de l’importance à ce problème.

C’est la raison pour laquelle, comme les autres membres de mon groupe, me semble-t-il, je voterai cette proposition d’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. J’ai bien entendu les arguments de Mme la ministre. Je sais qu’un groupe de travail sur la coparentalité a été constitué, dont les travaux devraient avoir un prolongement législatif.

Je sais par ailleurs que vous prônez le renforcement du dispositif de médiation entre les parents plutôt que la garde alternée automatique.

Je répète toutefois que ma volonté n’est surtout pas de généraliser la résidence alternée, mais bien de permettre aux enfants d’être élevés par leurs deux parents quand cela est possible, afin qu’ils conservent un lien fort avec chacun d’entre eux.

Nous maintenons donc notre amendement, sur lequel j’ai demandé un scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 341 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 186
Contre 158

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 72 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social, il est inséré un article 99-1 ainsi rédigé :

« Art. 99-1. - Est interdite l'organisation de concours de beauté pour les enfants âgés de moins de 16 ans. L'infraction au présent article est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« Sont passibles des mêmes peines les personnes qui favorisent, encouragent ou tolèrent l'accès des enfants à ces concours.

« Pour cette infraction, les associations de jeunesse et d'éducation populaire, de défense de l'enfance en danger, ainsi que les associations de défense et de promotion des droits de l'enfant, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. »

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise un autre de mes chevaux de bataille : la question de l’hypersexualisation des enfants. J’ai rédigé un rapport sur ce sujet, bien que je n’en sois pas experte, à la demande de Roselyne Bachelot. J’ai ainsi pu mesurer – je vous le disais en introduction – combien les fondements mêmes de l’égalité et de la parité étaient menacés par la très grande banalisation des images hypersexualisées des enfants.

L’hypersexualisation touche les enfants dans la période dite « de latence », c'est-à-dire entre six et douze ans. Pendant cette période, il faut qu’ils mettent entre parenthèses la question de la sexualité, pour concentrer toute leur énergie sur l’acquisition des savoirs.

À travers ce que nous interdisons ou autorisons, nous leur inculquons des valeurs. Or, même s’ils sont encadrés par des chartes qui interdisent les maquillages trop exubérants ou encore les talons, les concours de beauté pour enfants ou concours de « mini Miss » ne sont ni plus ni moins qu’une démonstration fondée uniquement sur l’apparence physique, un jugement fondé uniquement sur l’apparence physique, une mise en scène fondée uniquement sur l’apparence physique. Ils entrent donc en contradiction totale avec notre objectif.

Je rappelle également que nous sommes liés par une convention internationale qui introduit dans notre droit le principe d’intérêt supérieur de l’enfant, et je vois mal en quoi ces concours sont conformes à ce principe.

Pour information, lorsque j’ai rencontré l’organisateur de ces concours, je lui ai demandé pourquoi il n’y avait pas de concours de « mini Boys ». Il m’a doctement répondu que les petits garçons ne s’abaisseraient pas à cela... Par conséquent, mon amendement vise bien l’égalité entre les femmes et les hommes, c'est-à-dire le sujet qui nous préoccupe.

Mes chers collègues, je vous propose d’interdire purement et simplement les concours de beauté pour les enfants de moins de seize ans. On peut discuter de ce seuil, mais il correspond à l’âge à partir duquel les enfants peuvent être utilisés comme mannequins, et c'est pourquoi il me semble constituer une bonne frontière.