M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, j’ai pris note avec beaucoup de satisfaction de toutes les dispositions qui sont actuellement mises en œuvre dans le cadre du pacte territoire-santé.

Néanmoins, je reviens sur le doublement du numerus clausus et aux 8 000 places, pour souligner que la formation d’un médecin requiert tout de même entre huit ans et dix ans. Lors de son instauration en 1971, le numerus clausus rendait possible l’admission en deuxième année de médecine de 8 588 étudiants ; en 1992, on était tombé à 3 500 !

Il faudrait donc augmenter ce numerus clausus beaucoup plus fortement encore pendant un certain nombre d’années, compte tenu du désert qui risque d’apparaître en médecine générale, comme c’est déjà le cas dans certaines parties du territoire, notamment dans votre département, madame la ministre. En effet, entre les départs en retraite et le moment où les étudiants sont en poste dans les établissements, il faut tenir compte de la durée incompressible des études.

Peut-être faut-il réfléchir au numerus clausus lui-même. La sévérité des notations qui conditionnent le passage en deuxième année est selon moi excessive. Les médecins issus des facultés de médecine d’autres pays européens ne sont pas moins bons – tant s’en faut parfois – que les nôtres. Cette question doit être revue profondément. Échouer deux fois à l’admission en deuxième année interdit toute poursuite des études de médecine, ce qui décourage beaucoup de candidats, puisque, ensuite, il n’y a pas véritablement de réorientation possible. Les futurs candidats essaient donc de trouver d’autres voies.

Cette sélection trop exigeante risque de nous pénaliser. Il faut remettre en chantier la réflexion sur le numerus clausus, au-delà de toutes les excellentes dispositions qui ont été prises et que vous avez bien voulu rappeler, madame la ministre.

désertification médicale

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 537, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la ministre, comme beaucoup d’autres départements ruraux, la Nièvre se vide de ses médecins généralistes. Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur une commune emblématique de la situation nivernaise, Imphy, l’une des communes les plus importantes du département et siège de l’industrie métallurgique locale.

Le dernier médecin installé à Imphy vient d’annoncer son départ. Depuis 2009, la commune s’est pratiquement vidée de ses quatre médecins, malgré l’implication financière et politique de la municipalité pour tenter d’inverser la situation. Les médecins qui ont remplacé ceux qui sont partis à la retraite ne sont pas restés.

Malgré le coût très élevé d’une telle démarche, la ville a pourtant décidé de recruter, via un cabinet de recrutement, ses propres médecins généralistes afin de stopper l’hémorragie. Or tous ces efforts ne peuvent enrayer le processus : en juillet dernier, le dernier médecin généraliste qui exerce à temps plein a fait savoir qu’elle ne resterait pas seule médecin de la commune après le départ de son collègue qui, actuellement, exerce à mi-temps.

Depuis plusieurs années, la commune a tout fait pour assurer l’implantation de nouveaux médecins, mais aujourd’hui, à Imphy comme dans d’autres communes rurales ou périurbaines, les élus sont découragés : leurs efforts se soldent par des échecs répétés.

Une grande partie de la population n’a plus de médecin traitant ; les médecins des communes environnantes, qui sont au maximum de leur quota, refusent de prendre de nouveaux patients ; l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la commune, qui compte soixante-neuf lits, connaît de graves difficultés, qui ont d’ailleurs conduit le personnel et la direction à engager un mouvement de protestation relayé par la presse locale ; soixante et un patients de cet établissement sont actuellement sans médecin traitant et ont des problèmes très importants de suivi et de renouvellement d’ordonnance.

De plus en plus de communes souffrent de ne plus garantir à leurs administrés l’égalité d’accès aux soins médicaux. La situation d’Imphy n’est malheureusement pas unique dans la Nièvre et bon nombre de communes, bourgs-centres de bassin de vie ruraux, connaissent les mêmes difficultés.

Les autorités locales, les maires, les municipalités se sentent totalement désarmés pour lutter contre ce que l’on ne peut que nommer la « désertification médicale ».

Malgré les interventions de l’Agence régionale de santé, qui rencontre les élus dans le cadre de la préparation du pacte territoire-santé mis en place par Mme la ministre de la santé, peu de solutions sont trouvées pour résoudre les problèmes urgents que rencontrent les territoires.

L’attribution d’un poste de médecin territorial d’ici à juin 2013 a été sollicitée. Pourriez-vous soutenir cette première démarche, madame la ministre ? Elle ne suffira sans doute pas à régler la situation, mais constituerait un signal fort à l’adresse des élus engagés localement.

De manière plus globale, je vous demande, madame la ministre, quelles nouvelles mesures vous envisagez de prendre pour combattre les inégalités d’accès aux soins sur les territoires, pour stopper les départs de médecins généralistes et spécialistes que subissent nos départements et pour soutenir les élus locaux, qui tous les jours se battent pour faire vivre leurs communes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Au préalable, je souhaite assurer M. Le Menn, ainsi que vous-même, madame Emery-Dumas, que je transmettrai à Mme la ministre de la santé les questions supplémentaires que vous aurez soulevées à l’occasion de cette séance.

La réponse que j’ai faite tout à l’heure à M. Le Menn vaut aussi en partie pour la situation que vous avez évoquée, madame la sénatrice, même si, bien sûr, je vais vous communiquer des informations propres à la Nièvre et à la commune d’Imphy, cette cité métallurgique où l’on rencontre certainement, compte tenu de l’industrie qui s’y est implantée, des pathologies particulières, notamment des maladies professionnelles.

La lutte contre la désertification médicale est une priorité pour le Gouvernement. La situation de la Nièvre, en particulier celle de la commune d’Imphy, illustre les réalités très concrètes auxquelles nous sommes confrontés.

Je le redis, le pacte territoire-santé mis en place par Mme Touraine prévoit douze engagements visant à apporter des solutions à ces situations, au travers d’évolutions dans la formation, par la facilitation de l’installation des jeunes médecins et par la transformation des conditions d’exercice des professionnels de santé.

Les premiers résultats, je l’ai dit tout à l'heure, sont là : cinquante contrats ont déjà été signés et cent sont en cours de signature. Ainsi, dans les prochains mois, deux cents médecins généralistes viendront renforcer l’offre de soins dans les territoires fragiles, dont le vôtre.

La mise en œuvre de ces actions a débuté en Bourgogne, région qui a un peu fait naître les projets. Ainsi, 100 % des étudiants de deuxième cycle feront un stage en médecine générale dès cette année. La médecine générale est la section où l’on a aujourd’hui le plus de difficultés puisqu’elle est devenue en soi une spécialité.

Douze postes de praticiens territoriaux de médecine générale ont été attribués à la région et seront effectifs avant la fin de l’année.

Le soutien à la création de maisons de santé a été renforcé ; trente seront en service à la fin de cette année.

Par ailleurs, le nombre de contrats d’engagement de service public a été augmenté et le dispositif étendu, ce qui est un fait nouveau, aux chirurgiens-dentistes, car la problématique de la désertification vaut également pour eux.

Pour assurer la mobilisation de tous les acteurs, l’ARS a mis en place dans chaque territoire de proximité un groupe d’animation territoriale. Ce groupe a vocation à réunir l’ensemble des acteurs de la santé, auxquels s’ajoutent les élus, les institutionnels, les professionnels de santé et les usagers, afin de mettre concrètement en œuvre ces orientations et les actions qu’elles impliquent.

Pour la Nièvre, notamment le pays Nevers – sud nivernais, une première réunion s’est déroulée le 23 septembre dernier afin de présenter la démarche, engager le travail de lutte contre la désertification et renforcer l’attractivité des zones fragiles. Au cours de cet échange, en présence du maire, la situation d’Imphy a pu être abordée et de premières pistes de réflexion ont été explorées. Une deuxième réunion de ce groupe de travail interviendra avant la fin du mois de novembre.

Enfin, madame la sénatrice, je relaierai auprès de ma collègue Mme Marisol Touraine la demande que vous avez formulée concernant l’attribution d’un poste de médecin territorial, de manière qu’au cours de cette rencontre du mois de novembre la demande très pressante et très précise qui est la vôtre puisse être entendue et prise en compte.

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir relayer auprès de Mme Marisol Touraine la demande que j’ai formulée. Elle est effectivement très pressante, car la situation devient extrêmement difficile dans notre département.

Je crains d’ailleurs que le détachement de médecins hospitaliers pour des prestations obligatoires ne suscite également d’autres problèmes, les postes de médecins hospitaliers étant malheureusement loin d’être eux-mêmes pourvus.

L’action que nous menons s’agissant des maisons de santé, voire des maisons publiques de santé - un certain nombre de collectivités pensent à recréer ce que l’on appelait dans le temps des dispensaires, en embauchant directement des médecins - pourrait être une solution et recevoir le soutien du Gouvernement.

prise en compte de l’évolution des techniques relatives au traitement du cancer

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la question n° 538, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Hervé Marseille. Madame la ministre, 2014 sera l’année du troisième plan cancer. Économiquement, cette année sera particulièrement difficile pour les établissements de santé dédiés à la lutte contre le cancer.

Malgré une bonne progression de l’activité dans les centres de lutte contre le cancer, on constate en 2012 un déficit de 0,5 % des recettes, le plus élevé depuis 2008. Aussi les perspectives ne permettent-elles pas d’envisager un comblement de ce déficit, comme cela a été le cas entre 2008 et 2011. Douze des dix-huit centres ont prévu un résultat en 2013 encore plus déficitaire, de près de 4 % pour deux d’entre eux.

Il faut dire que le financement actuel à l’activité est extrêmement complexe : il se caractérise par une forte inertie et se révèle insusceptible d’accompagner les évolutions des pratiques.

L’enveloppe destinée aux missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation, les MERRI, qui sert à financer la validation des innovations et des activités de recours mises en œuvre de façon pionnière par les établissements de santé, est ridiculement petite : 35 millions d'euros pour l’ensemble des établissements de santé sur un ONDAM T2A de 56,6 milliards en 2013, soit moins de 0,01 %...

Les centres de lutte contre le cancer sont nombreux à mettre en œuvre des techniques ou des organisations nouvelles. Or, alors que ces innovations pourraient être source d’économies pour l’assurance maladie, elles accroissent paradoxalement aujourd’hui le déficit de ces établissements du fait de modalités de financement inadaptées.

Ainsi, dans le domaine de la radiothérapie, de nouvelles générations d’équipements permettent une irradiation plus précise de la tumeur, avec moins de séances. Pour les femmes atteintes d’un cancer du sein, par exemple, on passe de trente à quinze, voire à dix séances. Cependant, la diffusion de cette innovation, qui va manifestement dans l’intérêt du patient, est freinée par le financement à la séance, ce qui n’incite pas à en réduire le nombre.

Il en est de même dans le domaine de la radiologie interventionnelle, qui vise à délivrer un courant électrique de haute fréquence à travers la paroi thoracique et sous contrôle radiologique pour détruire des métastases, dans le poumon, par exemple, et à éviter des interventions chirurgicales. C’est donc un incontestable bénéfice pour le patient, qui ne subit pas une intervention lourde avec ouverture du thorax et évite ainsi les conséquences potentielles d’une telle opération, notamment la douleur. C’est également un bénéfice en termes budgétaires, puisque le coût d’un tel geste est estimé à 4 300 euros, contre 7 000 euros pour une thoracotomie.

Madame la ministre, ces interventions ne sont pas remboursées par l’assurance maladie. Par conséquent, les huit centres qui mettent en œuvre ces techniques perdent de l’argent, alors qu’ils proposent un meilleur traitement au patient !

Dernier exemple, dans le domaine de l’organisation des soins, des expérimentations d’infirmières de coordination financées par l’Institut national du cancer ont montré une amélioration du parcours de soins des malades et une moindre sensation de rupture entre l’hôpital et la ville. Les neuf centres concernés ont choisi de pérenniser ces postes d’infirmière sur leurs fonds propres, convaincus de leur utilité pour les malades. En revanche, pour ce qui est de leur budget, ils y ont perdu.

Ainsi, l’évolution des techniques et des organisations permet aujourd’hui de réduire le coût de la prise en charge médicale. Madame la ministre, de quelle façon le Gouvernement entend-il procéder à une réforme profonde du financement de la cancérologie, avec une politique publique de financement de l’innovation efficace et réactive, qui soit le moteur, et non le frein, de la lutte contre le cancer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, à l’occasion d’une autre question orale, nous avons ce matin évoqué le fléau que représentent les accidents vasculaires cérébraux, mais le cancer est la première cause de mortalité. Mille nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués quotidiennement en France et quatre cents personnes décèdent chaque jour.

De tels chiffres montrent l’absolue nécessité d’intervenir pour faire en sorte que l’incidence des cancers ne continue pas d’augmenter, comme c’est le cas ces trente dernières années. Il faut que, grâce aux progrès thérapeutiques et à des diagnostics plus précoces, la mortalité continue à reculer.

Face à l’ampleur de l’enjeu, deux plans cancer se sont succédé depuis 2003. Le prochain plan cancer devra conforter les avancées réalisées, développer les pistes explorées et engager de nouvelles initiatives afin que de nouveaux progrès soient réalisés. C’est ce que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur, dans le cadre des innovations purement médicales ou de celles qui sont attachées à la profession d’infirmière. Dans tous les cas, cela suppose des budgets.

Dans ce cadre, les vingt centres de lutte contre le cancer jouent un rôle majeur. Ils traitent en effet 10 % des patients atteints de cancer, en particulier 30 % des femmes atteintes d’un cancer du sein. Ils contribuent par ailleurs fortement à l’innovation et au développement de nouvelles modalités de prise en charge, adaptées aux patients.

Monsieur le sénateur, vous vous interrogez sur l’adaptation de la tarification à l’activité, la T2A, à l’innovation et à l’évolution des modalités de prise en charge. Comme vous le savez, Marisol Touraine a engagé à la fin de l’année 2012, dans le cadre d’un comité de réforme de la tarification hospitalière, une réflexion sur l’évolution des modalités de financement des établissements de santé.

Dans ce cadre, deux mesures relatives aux problématiques que vous avez évoquées sont prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : d’une part, l’expérimentation d’un nouveau modèle de financement sur certains champs qui s’y prêtent plus particulièrement, telle la radiothérapie ; d’autre part, l’accélération de la prise en compte des actes et pratiques innovants dans le modèle de financement.

Bien évidemment, ces premières propositions n’épuisent pas le sujet. La ministre est tout à fait ouverte aux suggestions qui pourraient lui être soumises.

La réflexion se poursuivra dans les prochains mois. La question des chimiothérapies, avec le développement de la chimiothérapie orale et l’impact du transfert vers la ville, ainsi que celle de la chirurgie carcinologique feront l’objet d’un véritable travail collectif.

Cette réflexion portera notamment sur les conditions d’une remontée d’informations permettant un état des lieux et une visibilité des évolutions des actes ou techniques de prise en charge en cancérologie. Elle concernera aussi l’amélioration de la prise en compte de la diversité des modes de prise en charge : consultations pluridisciplinaires ou longues, hôpitaux de jour avec peu d’actes techniques, mais un fort accompagnement psychosocial, etc.

Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu vos observations. Je les relayerai également auprès de ma collègue, car elles contribuent à nourrir la réflexion et sont aujourd’hui porteuses d’un véritable espoir pour l’ensemble de nos malades touchés par ce fléau.

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Elles conforteront sans nul doute tous les acteurs de ces établissements de santé, qui travaillent au quotidien pour lutter contre ce fléau - vous en avez rappelé les ravages : quatre cents morts par jour – et qui sensibilisent chaque jour davantage les familles. Hélas ! aujourd'hui, personne n’est épargné et chacun connaît malheureusement dans son entourage ou parmi ses proches une personne atteinte de cette terrible maladie.

Les établissements de santé novateurs doivent pouvoir continuer à prendre de l’avance. En attendant que se mettent en place les dispositions prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et que les évaluations d’expérimentations soient menées, il convient d’envisager des mesures-cadres spécifiques pour financer l’innovation, sans mettre en péril l’équilibre budgétaire de ces centres pionniers, qui accomplissent un travail d’exploration extrêmement important pour les autres établissements de santé.

Sur la réduction du nombre de séances de radiothérapie et ses incidences en matière de tarification, la sophistication des techniques et les contraintes liées au respect des normes de qualité et de sécurité entraînent un allongement de chaque séance qui obère la possibilité d’augmenter le nombre global de patients traités. C’est une préoccupation qu’il faut garder à l’esprit.

Madame la ministre, je compte sur vous pour transmettre les inquiétudes que j’ai exprimées à votre collègue Marisol Touraine.

statut des élus bénéficiaires d’une pension d’invalidité

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 558, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le statut de nos collègues élus locaux bénéficiaires d’une pension d’invalidité. Je me fais leur relais au Sénat en ma qualité de président de l’Union des maires de l’Aisne, département dont je suis l’élu et qui, comme vous le savez, compte 816 communes.

Ce dossier récurrent, sur lequel plusieurs questions écrites ont été déposées depuis 2011 – toujours sans réponse ! –, suscite de plus en plus de remarques de la part de nos élus.

Les bénéficiaires d’une pension d’invalidité sont autorisés à reprendre un travail sans perdre cette pension, dès lors que leur salaire se situe dans la limite de celui qu’ils percevaient avant de devenir invalides, augmenté d’un coefficient fixé par décret. Or, s’ils sont élus, par exemple en qualité de maire adjoint, la sécurité sociale considère qu’ils sont dans la même situation que s’ils reprenaient un travail et ils perdent dès lors le versement de leur pension d’invalidité, avec tous les accessoires rattachés. Par conséquent, ils seraient contraints de choisir une seule des deux sources de revenus.

Or comment analyser les indemnités qui sont censées compenser les frais inhérents à l’exercice d’un mandat politique, montant déterminé par le code général des collectivités territoriales, et la pension d’invalidité, qui vise à la prise en charge par la solidarité nationale des contraintes liées à la situation d’invalidité ?

La législation actuelle peut être considérée comme source d’inégalités entre élus selon leur situation sociale et perçue comme une discrimination envers les personnes handicapées, qui ne peuvent, de ce fait, s’impliquer dans la vie politique.

Récemment, certains élus handicapés percevant l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation de logement sociale ou l’allocation de logement familiale, ont vu la caisse d’allocations familiales prendre en compte leurs indemnités d’adjoint pour reconsidérer le montant de leurs ressources. La CAF a d’ailleurs décidé, d’une part, de supprimer le versement de l’AAH et, d’autre part, de réclamer le remboursement du trop-perçu, qui s’élève à plusieurs milliers d’euros.

Je vous relaterai le cas d’un maire adjoint handicapé d’une commune d’un peu plus de 1 700 habitants de mon département bénéficiant de l’AAH, de l’ALS et de la majoration pour la vie autonome. Au mois de juillet 2013, la CAF lui a envoyé un courrier lui annonçant un réexamen de ses droits depuis le mois juillet 2011, soit près de deux années rétroactivement. Résultat, la CAF lui demande aujourd'hui le remboursement de plus de 3 000 euros et procède à des retenues sur ses allocations.

Cette situation est insupportable pour ces élus, actifs dans leur délégation, qui se voient pénalisés du fait de leur handicap ! En outre, cela est de nature à décourager les bonnes volontés qui acceptent encore d’assumer les charges municipales.

Je m’étonne d’autant plus de cette situation que, le 11 octobre dernier, dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, l'Assemblée nationale a voté à l’article 12 un amendement du Gouvernement qui clarifie le fonctionnement du cumul emploi-retraite pour les indemnités des élus locaux. En effet, depuis le 1er janvier 2013, ceux-ci sont affiliés au régime général d’assurance vieillesse.

Marisol Touraine a expliqué que « l’application du principe de non-ouverture de nouveaux droits en cas de cumul emploi-retraite conduirait les élus locaux souhaitant liquider leurs retraites à mettre fin à leur mandat ». Je la cite toujours : « Les élus locaux déjà pensionnés du régime général d’assurance vieillesse n’ayant pas atteint l’âge légal ou ayant liquidé leur retraite sans pour autant justifier du taux plein, se trouveraient placés dans une situation de cumul emploi-retraite plafonné et pourraient voir le service de leurs pensions de retraite suspendu en cas de dépassement du plafond. Cela interviendrait alors même que le mandat d’élu local n’est pas une activité salariée. Il est donc proposé d’introduire une dérogation au fonctionnement du cumul emploi-retraite : les indemnités d’élu local, au même titre, par exemple, que les activités à caractère artistique, littéraire, scientifique ou juridictionnel, ne seront pas considérées comme des ressources au sens du cumul emploi-retraite. » Ce sont les propres termes de la ministre !

Madame la ministre, ce qui est possible pour le cumul emploi-retraite par les élus locaux doit être possible pour le cumul des allocations d’invalidité de ces mêmes élus locaux ! Il paraît nécessaire, et évident, d’exclure les indemnités des élus du calcul des revenus suspendant la pension d’invalidité.

M. Philippe Bas. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je répondrai à cette très bonne question en vous transmettant les informations que m’a communiquées la ministre des affaires sociales et de la santé. Cela étant, en tant que ministre chargée des collectivités territoriales, je suis particulièrement sensible au sujet que vous avez évoqué et je ne manquerai pas de m’y intéresser avec une attention particulière, notamment dans le cadre de la réflexion à venir sur le statut de l’élu local.

Les allocations de solidarité, comme l’allocation aux adultes handicapés ou l’allocation de logement sociale, constituent un filet de sécurité pour toutes les personnes qui disposent de faibles ressources du fait de leur handicap. Elles visent à permettre à ces dernières d’avoir des conditions de vie décentes.

L’allocation aux adultes handicapés est versée sous condition de handicap. Le critère est un taux d’incapacité permanente de 80 % ou compris entre 50 % et 80 %, avec une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi.

Son versement dépend également des ressources du demandeur et de son conjoint, concubin ou partenaire de PACS : elles ne doivent pas dépasser 9 482 euros pour une personne seule et 18 964 euros pour une personne en couple.

Toute évolution de la situation de l’allocataire – union, séparation, naissance d’un enfant, reprise d’emploi même à temps partiel, arrivée à l’âge de la retraite – est donc susceptible de modifier le versement de l’allocation aux adultes handicapés. Il en va de même pour l’allocation de logement sociale, également versée sous condition de ressources.

Une personne en situation de handicap, si elle perçoit une rémunération en tant qu’élu local, voit ses revenus augmenter. Le montant des allocations en est d’autant diminué.

Les conséquences d’une reprise d’activité ou d’un mandat donnant lieu à une rémunération sont les mêmes pour les allocataires du revenu de solidarité active. Il n’y a donc pas d’inégalité entre les élus percevant un minimum social, qu’ils soient ou non en situation de handicap.

Ces règles n’entraînent pas non plus d’inégalité avec les élus qui exerçaient une activité professionnelle avant leur mandat, et qui continuent d’ailleurs souvent de l’exercer pendant leur mandat.

Telles sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter aujourd’hui, monsieur le sénateur. Je serai bien entendu très vigilante et je n’hésiterai pas à me reporter aux propos de Mme la ministre des affaires sociales que vous avez bien voulu citer, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si j’ai bien compris qu’il s’agissait plutôt de celle que les services de Mme la ministre de la santé lui ont préparée, et qui ne peut me donner entière satisfaction, dans la mesure où elle vient contredire selon moi les propos que Mme la ministre a tenus.

Pour autant, je retiens votre engagement, madame Escoffier, vous qui êtes tout spécialement chargée des collectivités territoriales, d’examiner de plus près cette question du cumul des indemnités de fonction avec une pension d’invalidité dans le cadre du prochain projet de loi relatif au statut de l’élu. Ce serait l’occasion, en effet, de nous pencher sur ces inégalités au moment où nous nous apprêtons, au printemps prochain, à connaître une vague de renouvellement des élus municipaux. J’espère que les candidats seront nombreux, car la mission est de plus en plus complexe. Il ne faudrait pas donner le sentiment que certains de nos concitoyens sont traités de façon discriminatoire.

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