M. Yvon Collin. Pour ce qui concerne les ménages, je me réjouis que le Gouvernement se soucie de protéger les plus modestes d’entre eux en réindexant le barème de l’impôt sur le revenu et en revalorisant la décote. L’Assemblée nationale a utilement complété ces dispositions par une augmentation du revenu fiscal de référence. Nous vous proposerons des amendements tendant à aller plus loin et à instaurer une revalorisation plus importante de la décote. C’est pour nous une question de justice et d’équité.

Par ailleurs, les modifications relatives à l’ISF adoptées à l’Assemblée nationale qui conduisent à prendre en compte des revenus non perçus dans son plafonnement soulèvent des questions. Même si notre excellent rapporteur général souhaite, par le biais de l’un de ses amendements, compléter ces dispositions afin d’éviter une rupture d’égalité entre différents types de revenus, on peut s’interroger sur la constitutionnalité de l’article 8 ter.

Quant aux mesures du présent projet de loi de finances qui visent les entreprises, je regrette les revirements répétés auxquels nous avons assisté et qui peuvent susciter un sentiment d’impréparation. Ils alimentent les contestations.

L’an dernier, la révolte des Pigeons avait conduit à la réécriture complète de l’article du projet de loi de finances relatif aux plus-values de cession de valeurs mobilières. Toujours insatisfaisant pour les entrepreneurs et considéré comme néfaste pour l’investissement, ce régime est encore une fois modifié dans le présent projet de budget. Nous espérons qu’il sera effectivement en mesure de favoriser l’investissement – en particulier dans les PME risquées –, qui se situe à un niveau beaucoup trop faible dans notre pays.

Cette année, nous avons assisté à une autre polémique à propos de l’article 10, qui instaurait, dans la version initiale du texte, une nouvelle taxe sur l’excédent brut d’exploitation. Après une nouvelle fronde des entreprises, cette taxe a été supprimée et remplacée par une augmentation de 10,7 % de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Or cette solution de secours ne me semble pas véritablement satisfaisante.

Je le répète, ce dont les entreprises ont besoin pour investir, pour maintenir et dynamiser l’activité et l’emploi, c’est d’une fiscalité simple et d’un abaissement des charges. C’est la raison pour laquelle nous avions soutenu avec conviction et voté le CICE, inspiré par l’excellent rapport Gallois.

Quant aux cotisations sociales versées par les employeurs, les radicaux de gauche, par la voix de leur président, ont souhaité qu’elles soient assises « non plus sur la masse salariale, mais sur la valeur ajoutée nette créée par les entreprises, afin de ne plus pénaliser la création d’emploi ».

Enfin, renforcer la justice fiscale, c’est aussi lutter efficacement contre la fraude. Sur ce point, je ne peux que me réjouir des mesures du présent projet de loi de finances qui visent à combattre la fraude et à limiter l’optimisation fiscale. Elles sont dans la droite ligne de celles que nous avions adoptées dans les précédents textes budgétaires, depuis l’alternance intervenue en 2012. Dans ce domaine, le volontarisme du Gouvernement est indéniable et mérite d’être salué.

Comme les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales – j’ai eu l’honneur et le plaisir d’y participer – l’avaient montré, nous devons agir sur les prix de transfert qui sont un vecteur de fraude important. Nous devons également prendre des mesures radicales, si j’ose m’exprimer ainsi, pour lutter contre la fraude à la TVA, qui prend une ampleur très inquiétante.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui, c’est inquiétant !

M. Yvon Collin. Ces deux avancées figurent dans ce projet de loi de finances, et nous en prenons acte.

Pour conclure, je souhaite aborder deux points qui me tiennent à cœur : l’aide publique au développement – je suis le rapporteur spécial de la mission qui lui est dédiée – et l’agriculture.

Pour ce qui concerne l’aide publique au développement, je regrette que notre pays ne soit pas en mesure d’atteindre les engagements qu’il a pris dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies. Je le rappelle, il lui revenait de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement en 2015 et 0,56 % en 2010. Or ce ratio atteignait seulement 0,46 % en 2012 !

Pour ce qui est de l’agriculture, je ne peux que m’inquiéter de la baisse significative des crédits budgétaires par rapport à l’an dernier, comme de la prise en charge insatisfaisante des aléas climatiques, économiques et sanitaires qui touchent de plein fouet les agriculteurs. Ceux-ci nous le font savoir en ce moment.

Malgré quelques faiblesses que j’ai soulignées, la majorité des membres du RDSE, ainsi que l’a précisé le président Mézard, apportera son soutien à ce projet de budget pour 2014, afin de poursuivre le redressement des comptes publics. Toutefois, nous souhaitons que davantage soit fait pour le pouvoir d’achat, et tel sera l’objet des amendements que nous défendrons.

Enfin, nous estimons que, lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2015, il faudra revenir aux fondamentaux, ceux qui sont inscrits aux articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 disposant respectivement : « une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, même si nous n’approuvons pas votre projet de budget, nous respectons votre compétence et apprécions très souvent la clarté de vos raisonnements et de vos réponses. (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Solidarité normande !

M. Philippe Bas. Monsieur le président de la commission des finances, nous avons été très impressionnés par la qualité de l’éclairage que vous nous avez apporté, et que nous partageons en tous points.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous en remercie, mon cher collègue !

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, ce projet de budget intervient dans un contexte général qui n’est pas fameux, celui du marasme économique. C’est toutefois assez surprenant si l’on considère la croissance forte de tant d’économies dans le reste du monde. C’est comme si une sorte de malédiction s’était abattue sur notre économie et, plus largement, sur celle d’un certain nombre de pays européens.

En 2011, nous avons connu le pic de la crise de l’euro, dont nous sommes sortis grâce à un plan de redressement vigoureux, au traité budgétaire et à la règle d’or. Ces mesures ont certes permis de desserrer l’étau, mais, aujourd'hui, les contraintes demeurent et les risques ne sont pas écartés. L’urgence de la période actuelle commande non seulement de parvenir à la maîtrise de nos dépenses, aussi nécessaire soit-elle, mais également de retrouver la compétitivité de l’économie française et donc de nos entreprises.

Pour ce qui concerne les charges générales de la nation, nous constatons, avec ce projet de budget et le précédent – il faut bien tenir compte des deux budgets présentés depuis l’élection présidentielle –, une aggravation très nette et forte des prélèvements obligatoires : en deux ans, le taux est passé de 45 % du PIB à 46,1 %, soit une augmentation de 1,1 point, un record historique pour notre pays.

Or, compte tenu des doutes exprimés par le Haut Conseil des finances publiques sur la crédibilité des hypothèses économiques sur lesquelles repose ce projet de loi de finances, on ne peut que s’inquiéter de l’exécution de ce budget, s’il devait être adopté en l’état, notamment parce que le Haut Conseil estime exagérément optimistes les hypothèses d’évolution de la masse salariale.

Eu égard aux moins-values fiscales constatées aujourd'hui par rapport à ce qu’attendait le Gouvernement pour l’année 2013, on ne peut qu’être inquiet des moins-values qui risquent d’être enregistrées l’année prochaine encore. Ainsi, comme l’a souligné précédemment le président de la commission des finances, le retour à l’équilibre risque fort d’être retardé.

Par ailleurs, les réformes structurelles, qui sont nécessaires, ont un caractère nettement insuffisant. Je fais référence ici à la réforme des retraites. Le secteur public, qui est responsable de la moitié du déficit, est oublié ; pour le reste, les mesures prises ne couvrent que la moitié du chemin qui resterait à parcourir. C’est donc un quart de réforme qui nous a été proposé et, dans ce contexte économique de marasme, cela n’est pas de nature à nous rassurer sur la maîtrise de l’évolution des charges de la nation.

Quant au rapport entre les économies budgétaires et l’impôt dans la combinaison des moyens destinés à rétablir progressivement l’équilibre de nos finances publiques, nous considérons que le compte n’y est pas. L’appel à l’impôt continue à dominer la maîtrise des dépenses.

Pour ce qui concerne la compétitivité des entreprises, force est de le constater, le choc fiscal de 2012 se prolonge. Vous avez commencé par abandonner la baisse des cotisations avec, en contrepartie, la hausse de la TVA. Vous avez ensuite découvert ce problème de compétitivité et inventé – vous ne vouliez pas revenir sur les traces de vos prédécesseurs ! – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Là encore, le Haut Conseil des finances publiques a souligné à quel point cette mesure, d’ailleurs très compliquée, était en deçà de ce qui est nécessaire pour renforcer la compétitivité de notre pays.

Pour ce qui est de l’épisode de la taxation de l’excédent brut d’exploitation, malgré une longue familiarité avec les inventions du ministère des finances, je n’ai jamais vu, à l’égard d’un tel montant, une mesure fiscale aller aussi loin, avant d’être retirée ! Comment a-t-on pu ne pas anticiper les difficultés en la matière ?

Le décrochage de notre pays par rapport à l’Allemagne est aujourd'hui consommé, avec la hausse de l’impôt sur les sociétés, qui conduit à un taux d’imposition sans équivalent en Europe. Voilà qui laisse à penser que le nécessaire, voire l’indispensable, n’est pas fait pour stimuler la compétitivité de nos entreprises.

Par ailleurs, au début du quinquennat, vous avez recouru à une opposition stérile entre l’imposition des ménages et celle des entreprises. Je constate que ce discours est moins mis en avant aujourd'hui, ce dont je me réjouis, mais, dans les actes, les choses n’ont pas changé.

Rappelons que les entreprises sont à l’origine du revenu des ménages. Rendre plus difficile leur activité revient à brider à la fois l’évolution des salaires et l’emploi. La fiscalité qui pénalise l’entreprise pénalise aussi, en fin de compte, les ménages.

Or, dans vos deux budgets, les ménages ne sont pas épargnés, loin de là ! Je pense à la refiscalisation des heures supplémentaires ; à la prolongation, pendant un an, du gel du barème de l’impôt sur le revenu, une mesure à laquelle vous renoncez heureusement ; à la hausse de la TVA au mois de janvier prochain, sans baisse des cotisations sociales pour contrepartie, bien au contraire – avec la réforme des retraites et les prélèvements supplémentaires sur les artisans et les commerçants, les charges augmentent ; à la baisse du quotient familial, à la fiscalisation des avantages familiaux de retraite, à la fiscalité de l’épargne, pour un montant de 600 millions d’euros ; sans compter, bien sûr, les mesures déjà prises, telle la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, qui conduit le taux marginal d’imposition sur les revenus à dépasser, CSG comprise, les 60 % du revenu, une mesure évidemment très dissuasive pour les créateurs de richesses de notre pays, ceux qui investissent et créent l’emploi.

Pour ce qui est des économies, vous avez votre propre manière de compter. Vous faites valoir que, sans votre action, on aurait enregistré 15 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au budget de l’année dernière, somme que vous comptabilisez comme des économies. Je prends acte de cet effort, mais il faut procéder à une comparaison homogène des économies d’une année sur l’autre. Il faut considérer le solde net des économies et non pas cet effort que vous présentez comme étant un effort considérable et sans précédent.

D’ailleurs, je relève qu’une partie de ces économies se fait sur le dos des autres !

Vous faites des économies sur le dos de la sécurité sociale, avec l’affectation au Fonds de solidarité vieillesse de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, destinée à financer la dépendance des personnes âgées, et au budget de l’État de la fiscalisation des avantages familiaux de retraite, qui devait contribuer à l’amélioration de l’équilibre financier de la branche famille.

Vous faites aussi des économies sur le dos de la défense nationale. Alors que la loi de programmation militaire vient d’être votée, le financement des opérations extérieures ne donne pas lieu à un effort supplémentaire du budget de l’État ; celles-ci doivent être inscrites au budget du ministère de la défense.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas du tout ! Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Bas. Vous nous apporterez des précisions en ce sens, monsieur le ministre ! Je serai alors heureux de constater que cela n’est pas vrai.

Enfin, vous faites des économies sur le dos des collectivités locales.

Je veux rappeler que le montant des dotations aux collectivités locales résulte, d’une part, de transferts de charges de l’État et, d’autre part, de la compensation de ressources fiscales supprimées. Ces dotations font partie d’un pacte entre l’État et les collectivités locales.

Or la remise en cause de ce pacte par la diminution des dotations est très grave et s’ajoute à de nouveaux transferts de charges non compensés.

Je pense naturellement à la réforme des rythmes scolaires ou à des mesures moins visibles, comme le transfert de l’instruction des permis de construire aux maires, ou encore la garantie universelle des loyers, qui vient d’être créée dans la loi Duflot et aura un coût pour les collectivités locales.

Je pense également à l’explosion des dépenses sociales des départements, à laquelle vous apportez une réponse : vous arguez du fait que vous allez permettre à ces collectivités d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux. Mais, en agissant ainsi, vous demandez aux collectivités locales de créer les impôts que vous, vous ne créez pas ! Je ne crois pas que ce soit de bonne méthode.

Par ailleurs, la remise à plat de notre système fiscal est annoncée. Pourquoi pas ? Nous souhaitons participer avec vous à la réflexion. Mais commencez par énoncer vos objectifs ! Je ne les entends pas !

Pour notre part, nos objectifs sont la compétitivité, la maîtrise des dépenses publiques, une maîtrise plus vigoureuse que celle que vous avez amorcée, la baisse des impôts des ménages, la fin des impôts qui se surajoutent sur un même revenu et, enfin, peut-être, une meilleure distinction, pour un certain nombre d’impôts, entre l’argent qui dort et celui qui est réinvesti, une distinction que vous n’avez pas opérée lorsque vous avez procédé à l’extension de l’impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une intervention très claire !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le présent projet de budget dans une situation particulièrement explosive, avec la multiplication des plans sociaux et une exaspération fiscale rarement égalée.

Ce ras-le-bol fiscal était largement prévisible. Fraîchement élu sénateur voilà deux ans, j’avais dans cette enceinte même indiqué à Valérie Pécresse qu’il ne fallait pas utiliser, par priorité, le levier fiscal pour réduire notre déficit et redresser nos finances.

Malheureusement, vous en avez rajouté deux couches, monsieur le ministre, en 2012 et 2013. Au final, entre 2011 et 2013, ce sont, selon les sources, 60 à 70 milliards d’impôts supplémentaires qui ont été prélevés, répartis de façon à peu près égale entre les entreprises et les ménages.

On peut comprendre que les entreprises dénoncent un marché de dupes : un jour, vous leur ponctionnez de 30 à 40 milliards d’euros et, le lendemain, vous leur reversez 20 milliards d’euros, sous forme de crédit d’impôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Une grande cohérence !

M. Vincent Delahaye. Aux ménages, vous aviez dit que seuls les riches allaient payer. Le Premier ministre nous avait annoncé l’an dernier que neuf Français sur dix seraient épargnés. Entre-temps, il y a eu la défiscalisation des heures supplémentaires, la baisse du quotient familial, la réduction des avantages liés aux emplois à domicile. Toutes ces décisions ont eu des effets et, aujourd'hui, tout le monde est touché.

Dans ce contexte, on comprend que le Président de la République ait annoncé, à grand renfort de communiqués, une « pause fiscale » pour 2014. Qu’en est-il ? En guise de pause fiscale, on va avoir une ponction fiscale supplémentaire !

En raison de l’augmentation de la TVA et de la diminution du quotient familial ajoutées à différentes mesures, les prélèvements vont augmenter à hauteur de 10 à 12 milliards d’euros, selon les sources ! Vous avez bien entendu, mes chers collègues, 10 à 12 milliards supplémentaires ! Cela a été souligné, la France atteint un taux record des prélèvements obligatoires : 46,1 % du PIB. Le levier fiscal a donc été très largement utilisé. On devrait faire non pas une pause fiscale, mais un reflux fiscal !

Ce n’est pas le ras-le-bol fiscal qui est le plus grave ! Alors que les Français ont réalisé d’importants efforts, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages, la situation ne s’est pas assainie.

M. Roger Karoutchi. C’est cela le problème !

M. Vincent Delahaye. Si encore les Français pouvaient constater que leurs efforts ont porté leurs fruits et que la situation s’est améliorée ! Mais ce n’est pas le cas.

Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez prévoit un déficit de 70 milliards d’euros, et même de 82 milliards d’euros si l’on tient compte des investissements d’avenir, alors que, dans le projet de loi de finances pour 2013, le déficit prévu était de 62 milliards d’euros.

Avec cela, vous criez victoire parce que le déficit envisagé est inférieur à celui qui sera réalisé cette année, lequel sera de 72 milliards d’euros dans le meilleur des cas – pour ma part, je pense qu’il risque d’être un peu plus élevé.

À la vérité, il faut aller plus loin dans la réduction des déficits, dont l’accumulation fait s’envoler la dette.

Vous avez dénoncé, à juste titre, la progression de plus de 500 milliards d’euros de la dette entre 2007 et 2012. Seulement, que s’est-il passé depuis mai 2012 ? Entre ce mois et celui de juin de cette année, la dette a augmenté de 195 milliards d’euros, au point que nous dépasserons bientôt les 2 000 milliards d’euros. Je suis sûr que l’accroissement de la dette, loin de ralentir, s’est accéléré au cours des dix-huit derniers mois !

Monsieur le ministre, il est grand temps de prendre conscience que nous ne pourrons pas continuer ainsi. Une dette de 2 000 milliards d’euros – nous y serons début 2014 – correspond à sept années d’impôt. En d’autres termes, pour la rembourser, il faudrait que les Français paient leurs impôts pendant sept ans sans bénéficier du moindre service public.

Pour les collectivités territoriales, on considère que la zone rouge est atteinte lorsque la dette représente une année de recettes. Nous en serons bientôt à sept années d’impôt !

Heureusement que les marchés sont cléments avec nous,…

M. Roger Karoutchi. Pour combien de temps ?

M. Vincent Delahaye. … ce qui nous permet d’emprunter, pour l’instant, à des taux d’intérêt très bas.

En dépit de ces conditions favorables, la charge de notre dette atteint, dans le présent projet de loi de finances, le niveau du budget de l’éducation. Mes chers collègues, il faut vous figurer ce que cela signifie : notre dette est aussi lourde que les dépenses d’éducation !

M. Gérard Miquel. À qui la faute ?

Mme Michèle André. Ce n’est pas arrivé en dix-huit mois !

M. Vincent Delahaye. J’espère vraiment que les avis des marchés sur la France ne vont pas se retourner ; car si nos taux d’intérêt augmentent, je ne vois pas comment nous pourrons continuer à boucler nos budgets.

Comme nous le répétons depuis longtemps, la solution consiste à opérer des baisses de dépenses ; je parle, monsieur le ministre, de baisses réelles, pas de diminutions comme vous nous en proposez.

Sous prétexte que les dépenses augmentent de 0,4 %, ce qui est moins que la tendance antérieure, le Gouvernement soutient que nous réaliserions des économies. Pour ma part, je pense que les Français ne comprennent rien à ce discours. Comment comprendraient-ils qu’on réalise des économies alors que les dépenses augmentent ? En vérité, c’est incompréhensible !

Il en va de même pour le solde structurel : le Gouvernement se gargarise d’une prétendue amélioration de ce solde, mais c’est le solde effectif que nous avons besoin de financer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’améliore aussi !

M. Vincent Delahaye. Le solde effectif s’améliore doucement. Nous verrons bien comment évoluera le déficit rapporté au PIB, mais, en ce qui me concerne, je ne crois pas du tout que nous atteindrons l’objectif rappelé ce matin par le ministre de l’économie et des finances, qui consiste à le ramener à moins de 3 % en 2015. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Pour respecter cet engagement, il faudrait accomplir des efforts beaucoup plus importants en matière de dépenses et entreprendre des réformes structurelles dont, aujourd’hui, on ne voit pas le début du commencement, ce qui est dramatique.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Vincent Delahaye. M. Arthuis a soulevé le problème du temps de travail. On pourrait aussi aborder, entre autres, celui des retraites, tant il est vrai que la réformette proposée par le Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux.

Le Gouvernement prétend que, cette année, 1 milliard d’euros sera économisé sur les dépenses. Sur le dos de qui ? Des collectivités territoriales ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.) De fait, on leur demande des efforts considérables, puisque leurs dotations vont baisser de 1,5 milliard d’euros.

M. Gérard Miquel. Et vous, qu’aviez-vous prévu ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Beaucoup moins !

M. Vincent Delahaye. Quand le gouvernement auquel appartenait Valérie Pécresse proposait de les baisser de 200 millions d’euros, quels hurlements n’entendait-on pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et comment ! Des cris d’orfraie !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On s’en souvient !

M. Vincent Delahaye. Aujourd’hui, les dotations vont donc baisser de 1,5 milliard d’euros, et on n’entend plus rien : c’est tout de même assez surprenant !

Monsieur le ministre, après les Pigeons et les Poussins, vous allez avoir les Dindons : les dindons de la farce, ce sont les collectivités territoriales !

M. Roger Karoutchi. C’est sûr !

M. Vincent Delahaye. En effet, en plus de subir une baisse de 1,5 milliard d’euros de leurs dotations, elles vont devoir assumer d’innombrables dépenses qui leur sont imposées : des cotisations de retraite en hausse, des cotisations dédiées à formation en hausse, sans parler du coût de la réforme des rythmes scolaires.

Mme Michèle André. Une excellente réforme !

M. Vincent Delahaye. À cet égard, le Gouvernement nous a annoncé des aides ; mais, dans le projet de budget, on ne les voit pas ! Si on avait prévu 50 euros par enfant, comme le Gouvernement le prétend, les aides devraient s’élever à plus de 250 millions d’euros, puisqu’il y a 5 300 000 enfants ; or le projet de loi de finances prévoit seulement 62 millions d’euros. Peut-être ces fonds sont-ils visés ailleurs ; mais, en examinant le « bleu » budgétaire relatif à l’éducation, je ne les ai pas trouvés.

Je regrette que les collectivités territoriales voient ainsi leurs charges augmenter, alors que leurs recettes baissent. En vérité, je le répète, elles sont les dindons de la farce ! (M. le président de la commission des finances acquiesce.)

Parmi les dindons, il y a aussi les militaires. De fait, on demande de gros efforts à l’armée ; bien sûr, c’est la Grande Muette ! En cinq ans, les armées ont dû abandonner 45 000 postes. Pourtant, le projet de loi de finances prévoit une augmentation de la masse salariale de 500 millions d’euros. Personne n’y comprend rien : c’est bel et bien incompréhensible !

Certes, je pourrais parler des opérateurs, auxquels le Gouvernement s’attaque enfin – je crois qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine –, et des quelques budgets dont la dotation diminue ; mais ces mesures homéopathiques sont loin d’être suffisantes eu égard à la situation.

Monsieur le ministre, il faudrait avoir le courage de faire exactement l’inverse de ce que vous proposez : réduire la pression fiscale et les dépenses.

J’ai l’impression que, en pleine tempête, le Gouvernement n’a pas de cap.

M. Vincent Delahaye. En tout cas, s’il en a un, celui-ci n’est pas clair, et on navigue à vue ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

L’improvisation fiscale, pour ne pas dire l’amateurisme, est au pouvoir. C’est ainsi que, dans l’urgence et l’affolement, le Premier ministre a annoncé une remise à plat de notre système fiscal.

D’un côté, je prends espoir, parce que je réclame de longue date une grande réforme fiscale. De l’autre, je m’inquiète, parce que cette réforme aura lieu à niveau constant de prélèvements, alors qu’il faudrait réduire la pression fiscale. En outre, elle ne tiendra pas compte de la TVA, selon nous la pierre angulaire de toute réforme, ni des entreprises.

Je m’inquiète aussi lorsque j’entends le Premier ministre affirmer que le Gouvernement prendra ses responsabilités, comme il l’a fait au sujet des retraites ; je ne suis pas du tout rassuré, parce que je considère que, dans le domaine des retraites, il n’a pas pris ses responsabilités ! (MM. Roger Karoutchi et Francis Delattre acquiescent.)

Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances alourdit la fiscalité sans réduire franchement le déficit, laisse s’envoler la dette et ne s’attaque pas pour de bon à la réduction de la dépense : nous ne le voterons pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)