M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

(Supprimé)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article additionnel après l'article 1er bis

Article 1er bis (nouveau)

À l’article 495-7 du code de procédure pénale, les mots : « ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code » sont supprimés.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 2

Article additionnel après l'article 1er bis

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 495-7 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-7-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-7-1. – La convocation établie en application de l’article précédent indique que la personne pourra, au moins dix jours avant sa comparution devant le Procureur de la République, consulter par l’intermédiaire de son avocat le dossier de la procédure, dans lequel figurera la proposition de peine envisagée. Elle précise également que la personne doit se faire assister d’un avocat et qu’elle peut à cet effet demander la désignation d’un avocat commis d’office. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’ai déjà évoqué les dispositions de cet amendement. D’aucuns se demandent comment cette proposition de peine pourrait figurer dans le dossier dès lors que nous sommes à un stade de la procédure où aucun contact direct n’a encore eu lieu entre le procureur et la personne concernée. Nous devons entendre cet argument, puisque la procédure repose sur une forme d’individualisation de la sanction.

D’autres considèrent au contraire que cette proposition permet, dès le départ, de rassurer sur le cadre dans lequel va se dérouler la rencontre avec le procureur. L’avocat peut ainsi dûment informer la personne intéressée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu vos observations sur l’état de notre droit pénal et les peines qui figurent dans notre code pénal. Celui qui reçoit cette proposition sait ce qu’il a fait, puisque c’est la raison même de sa convocation. Par conséquent, la première chose qu’il fait, a fortiori à l’heure d’Internet – mais c’était déjà le cas avant –, c’est de se précipiter sur le code pénal. Dans certains cas, sa première réaction à la vue de ce qu’il risque sera de rédiger immédiatement son testament ou de fuir ! Il se dira qu’il ne lui reste plus qu’à liquider ses biens…

J’ai donné un exemple tout à l'heure : dix ans de prison pour le vol d’une bouteille de Coca-Cola dès lors que celui-ci est commis à deux, c'est-à-dire en groupe. On imagine la réaction du prévenu lorsqu’il découvre le quantum de la peine encourue… Cela justifie qu’une proposition soit formulée en amont.

L’amendement du Gouvernement vise donc à répondre à la critique que vous formulez tous, à juste titre : il faudra bien que l’on revisite un jour le code pénal, dans la mesure où il existe aujourd'hui une rupture entre les dispositions pénales et les sanctions prononcées.

J’ai souligné également qu’il serait possible d’informer la victime ; c’est un point important. Cette dernière pourra elle aussi savoir ce qui va se passer. Cela lui permettra de ne pas se sentir écartée de cette procédure si particulière, de ne pas avoir le sentiment d’intervenir de manière trop tardive. Ce sentiment pourrait en effet expliquer une partie des échecs de la procédure.

La transparence que nous proposons sera rassurante à la fois pour le prévenu et pour son avocat. En effet, l’étape qui suit la réception de la convocation, c’est la rencontre entre le prévenu et son avocat. Je pense que la connaissance de la peine envisagée sera un plus pour l’avocat, dont le rôle est d’expliquer à une personne totalement affolée que la peine prévue par le code pénal ne correspond absolument pas à ce qu’elle risque réellement, la discussion avec le procureur s’engageant sur une autre base.

L’individualisation – vous voulez respecter ce principe, comme tout le monde – suppose que le prévenu reçoive une proposition individuelle, au lieu d’avoir le quantum de peine, c'est-à-dire le maximum, puisqu’il n’y a pas de minimum, pour seule information. Si aucune proposition ne lui est faite, cela crée un rapport extrêmement anxiogène à la procédure.

Le Gouvernement s’appuie également sur l’expérience. Dans certains endroits, l’information sur la peine encourue est déjà transmise verbalement par le parquet, et cela fonctionne plutôt bien. Nous ne proposons pas quelque chose de dramatique. Il s'agit d’une amélioration. Dans la mesure où il souhaite que cette proposition de loi devienne un jour notre droit positif, le Gouvernement a souhaité ouvrir ce débat d’une manière déterminée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Monsieur le ministre, j’en suis mortifié, mais je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement.

L’argument que vous venez d’exposer vaut pour toutes les procédures, quelles qu’elles soient : la peine mentionnée dans le code pénal est toujours supérieure à celle que risque réellement le prévenu. Par conséquent, pourquoi votre critique se limite-t-elle à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?

Je voudrais vous expliquer la logique de notre raisonnement, qui ne repose pas sur des a priori. Qu'on le veuille ou non, la cheville ouvrière du dispositif, c’est le procureur. Cela peut ne pas plaire, mais c’est comme ça. Nous voulons mettre le procureur dans une situation lui permettant de proposer la peine la plus adaptée et de l’individualiser le plus possible. Cela suppose qu’il ait entendu la victime au préalable : la victime ne doit pas apparaître à la fin de la procédure.

Si nous souhaitons que la victime puisse présenter ses observations d’emblée, ce n’est pas simplement pour lui faire du bien. C’est également pour donner au procureur des informations qu’il n’a peut-être pas, par exemple sur la manière dont les faits ont été commis ou – cela compte en cas de harcèlement, par exemple – sur la nature des relations entre la victime et le prévenu. Ces informations peuvent être très importantes.

Votre proposition part d’une bonne intention, mais nous craignons que le procureur ne s’engage sur une peine avant d’avoir vu le prévenu. Or il faut qu’il dispose de tous les éléments : il doit savoir à quoi ressemble le prévenu, comment il réagit, quel est son type de personnalité, etc. À défaut, on pourra légitimement reprocher à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de s’apparenter à un marchandage : le prévenu se dira qu’il a gagné tant d’années par rapport à ce qui était prévu.

Dans cette procédure, tout tourne autour du procureur : le magistrat se contente de baliser, de s’assurer que la décision n’est pas contraire au droit. C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, j’étais plutôt favorable à la possibilité pour le magistrat de réduire la peine. Cependant, mes collègues m’ont convaincu que ce n’était pas une bonne idée. Il faut laisser le procureur assumer la responsabilité de ce qu’il a proposé, dans les limites de la loi, bien entendu ; c'est ici qu’intervient le magistrat.

Nous avons eu un long débat sur votre proposition, monsieur le ministre, et mes collègues m’ont convaincu. À nos yeux, il serait contre-productif que le procureur soit obligé de s’engager – par écrit, qui plus est – sans avoir tous les éléments d’information. Or la rencontre avec le prévenu constitue l’un des principaux éléments d’information.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis d'accord pour que l’on indique au prévenu qu’il doit se faire assister d’un avocat. La seule chose qui me gêne dans l’amendement, c’est l’idée que le dossier de la procédure doive comporter la proposition de peine envisagée.

Je partage l’opinion de notre rapporteur. Par définition, c’est le dialogue du procureur avec l’auteur de l’infraction qui permet au premier de proposer une peine. L’enjeu, c’est la personnalisation de la peine. Or comment voulez-vous que le procureur puisse individualiser la peine s’il se contente de consulter le dossier ? Le même problème se pose en ce qui concerne l’adaptation de la peine. Le procureur peut par exemple proposer une peine de détention avec sursis, assortie de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.

Je comprends votre intention, monsieur le ministre, mais votre dispositif priverait la procédure d’une partie de son efficacité et de sa justification. C'est pourquoi il ne me semble pas pertinent. Ou alors, il faudrait prévoir deux convocations : une première pour que le procureur indique au prévenu la date de son audition, et une seconde pour qu’il l’informe de la peine envisagée. Dans ces conditions, est-ce que la procédure aurait encore un intérêt ?

Je ne voterai pas cet amendement en l’état. Cependant, je serais prêt à le voter si M. le ministre le rectifiait en lui ôtant le membre de phrase prévoyant que le dossier de la procédure comporte la proposition de peine envisagée.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je ne reprendrai pas les arguments développés par notre rapporteur et par Jean-Jacques Hyest. Je voudrais toutefois souligner que consigner par écrit une proposition de peine empêcherait, me semble-t-il, de prononcer une peine plus lourde.

Or le procureur peut estimer, à l’issue de son dialogue avec le prévenu, que sa proposition initiale ne convient pas, au vu des circonstances ou de la personnalité du prévenu. L’individualisation de la peine ne consiste pas forcément à la diminuer. J’ai du mal à comprendre comment votre système pourrait fonctionner dans ce cas, monsieur le ministre.

C’est le rôle de l’avocat de rassurer le prévenu en amont de la convocation. Je partage l’interrogation de Jean-Jacques Hyest sur la nécessité ou non d’avertir le prévenu que son avocat doit intervenir ; il me semble préférable que le prévenu reçoive cette information. Il appartient à l’avocat d’expliquer à son client qu’il ne risque pas réellement la peine inscrite dans le code pénal. C’est le rôle de l’avocat, non celui du parquet.

Quid de la victime ? La force de l’écrit est telle que, si elle voit qu’une proposition de peine est formulée d’entrée de jeu, elle aura l’impression que le jugement a été rendu avant même qu’elle n’ait été entendue.

Mme Virginie Klès. On casserait ainsi toute la logique de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. C'est pourquoi je n’arriverai pas, moi non plus, à voter votre amendement, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars, pour explication de vote.

M. Stéphane Mazars. Je partage l’avis de mes collègues. Il est important d’informer le prévenu qu’il doit se faire assister d’un avocat et qu’il peut à cet effet demander la désignation d’un avocat commis d’office, mais cette information figure déjà dans la convocation remise au prévenu dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. De ce point de vue, les dispositions de l’amendement n’apportent rien de nouveau par rapport à la situation actuelle.

Quant à l’idée que les réquisitions devraient être versées au dossier et portées à la connaissance de l’avocat avant même l’audition du prévenu, je n’y souscris pas, moi non plus.

En effet, les réquisitions sont prises lors la comparution du prévenu, en présence de son avocat, dans le bureau du procureur de la République. C’est à ce moment que l’avocat peut fournir à ce dernier les éléments – sur la personnalité du prévenu, notamment – qui lui permettront d’adapter au mieux ses réquisitions. Il faut privilégier ce moment, et non demander au procureur de la République de se prononcer en amont sur la peine qu’il envisage de proposer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. On voit bien qu’il y a deux approches sur cette question, ce qui est assez naturel. Cet amendement du Gouvernement est inspiré par la pratique actuelle et par les réactions qu’elle suscite chez un certain nombre de justiciables, ainsi que parmi les procureurs.

Néanmoins, si l’on remonte à la justification de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, on en arrive naturellement à ce qui vient d’être dit : le moment privilégié, c’est la rencontre entre le procureur et le prévenu. Je comprends donc vos réticences à l’idée que le procureur formule une proposition de peine avant cette rencontre.

Je demande à ceux qui s’opposent à cet amendement de prendre le temps d’y réfléchir. Le fait d’indiquer d’emblée au prévenu la proposition de peine envisagée apporterait un élément sécurisant dans une procédure inquiétante. Cette procédure s’en trouverait donc améliorée.

Cependant, sur le plan des principes, l’argument de la nécessaire individualisation de la peine est un argument majeur. Je reconnais qu’il est difficile pour un procureur de formuler une proposition de peine avant d’avoir eu un lien direct avec le prévenu.

Le Gouvernement a souhaité ouvrir le débat ; celui-ci n’est pas clos, mais, au vu de la force des arguments qui viennent d’être exposés, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 3

Article 2

Après les mots : « mesures d’aménagement », la fin de la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 495-8 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « prévues par les articles 132-25 à 132-28 du code pénal ». – (Adopté.)

Article 2
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Articles additionnels après l'article 3

Article 3

La deuxième phrase du second alinéa de l’article 495-9 du même code est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : 

« Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, ainsi que la régularité de la procédure et le caractère justifié des peines proposées par le procureur de la République au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur, il peut décider d’homologuer celles-ci. Il peut refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire, ou si les déclarations de la victime convoquée en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. »

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

celles-ci

par les mots :

ces peines

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à introduire une rédaction plus conforme à l’objet de l’article, qui tend à homologuer les peines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer le mot :

ordinaire

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le travail effectué en commission. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, on ne peut pas, hélas, modifier le statut de la victime au sein de notre droit pénal, au détour d’une loi, même si j’ai vraiment conscience du problème posé par le statut de la victime.

Contrairement à ce qu’a cru comprendre M. Kaltenbach, je n’ai pas du tout voulu dire que les victimes souhaitaient l’application de la loi du talion, qui constitue pourtant une avancée, je le répète, en ce que le désir de vengeance de la victime est satisfait par la réparation équitable du préjudice qu’elle a subi. À cet égard, j’insiste sur le fait que les victimes ne sont pas toujours animées d’un esprit de vengeance ; ce qui importe pour elles, c’est plutôt la reconnaissance de leur statut de victime et la compréhension des faits qui leur sont arrivés.

Par conséquent, je propose de supprimer le mot « ordinaire », qui n’apporte pas grand-chose au présent texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Cet amendement ayant été longuement discuté en commission, Mme Lipietz l’a déjà rectifié. En l’espèce, il s’agit d’une modification rédactionnelle, sur laquelle la commission ne peut qu’émettre un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 3 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du second alinéa de l’article 495-9 du code de procédure pénale est complétée par les mots : « à compter de la comparution devant le procureur ».

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à préciser le droit existant, puisque, comme je l’ai indiqué dans son objet, les spécialistes du droit pénal discutent du point de départ du délai mentionné à l’article 495-9 du code de procédure pénale, qui est l’un des éléments les plus importants. Il me paraissait nécessaire de profiter de l’examen de cette proposition de loi pour régler cette question.

Par ailleurs, je souscris tout à fait au sous-amendement du Gouvernement, qui corrige une erreur matérielle affectant mon amendement, puisque le délai est prévu non par le second, mais par le premier alinéa de l’article 495-9 du code de procédure pénale.

M. le président. Le sous-amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, alinéa 3

Remplacer les mots :

dernière phrase du second

par les mots :

seconde phrase du premier

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce sous-amendement a déjà été présenté par Mme Lipietz ! (Sourires.)

Le Gouvernement est d’accord avec l’objet initial de l’amendement n° 6, et son sous-amendement vise seulement à corriger une erreur matérielle, c’est-à-dire à indiquer que ce délai est prévu non par le second, mais par le premier alinéa de l’article 495-9 du code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. L’amendement n° 6 étant rendu encore plus excellent par la correction du Gouvernement, nous ne pouvons qu’y être favorables. (Nouveaux sourires.)

Mme Cécile Cukierman. Que d’excellence !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 6, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 13.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 13.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.

L'amendement n° 1, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l’article 495-13 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle est entendue, à sa demande, accompagnée le cas échéant de son avocat, par le procureur de la République avant que celui-ci ne propose à l’auteur des faits d’exécuter une ou plusieurs peines encourues. »

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement, que j’ai déjà évoqué lors de la discussion générale, vise à insérer un article additionnel après l’article 3 de la proposition de loi. Il est l’émanation de l’une des propositions du rapport d’information relatif à l’indemnisation des victimes d’infractions pénales, que j’ai rédigé avec Christophe Béchu.

En effet, lors des auditions, nous avons constaté que, bien souvent, les victimes étaient mécontentes d’être écartées des procédures rapides de jugement qui se sont développées ces dernières années.

S’agissant de la CRPC, la victime n’est invitée à faire valoir ses droits qu’au moment de l’audience de l’homologation, alors que l’essentiel a été décidé en amont, d’où l’insatisfaction que nous constatons.

Par conséquent, nous proposons, au travers de cet amendement, d’aménager la procédure de CRPC afin de permettre à la victime, si elle en fait la demande, d’être entendue lors de la première phase de la procédure par le procureur de la République, avant que ce dernier ne prenne sa décision.

Il ne me semble pas opportun de permettre à la victime d’être présente tout au long de l’entretien entre le procureur de la République, l’auteur des faits et son avocat. Par ailleurs, l’amendement n’a pas pour objet de préciser si la victime doit être entendue en même temps que l’auteur des faits ou séparément : il convient de laisser au procureur de la République le soin d’en apprécier l’opportunité au regard des circonstances de l’espèce.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Philippe Kaltenbach. Nous savons que M. le rapporteur a fait adopter en commission un amendement tendant à prévoir que la victime pourra s’adresser par écrit au procureur. Cette mesure est bien sûr positive, mais rien ne remplace une audition, d’autant que, comme l’a dit Mme Lipietz, les victimes souhaitent comprendre ce qui s’est réellement passé et être reconnues, sans pour autant être animées par un désir de vengeance. Le fait, pour celles-ci, d’être entendues par le procureur de la République contribue à la reconnaissance que nous leur devons. Cela peut également permettre à ce dernier de prendre une décision en pleine connaissance de cause.

J’ajoute que la mise en place, à côté de la procédure écrite, d’un entretien devant le procureur ne surchargera pas ce dernier de travail, pas plus que cela n’engorgera les tribunaux, puisque l’enjeu des affaires traitées en CRPC est faible et que les victimes ne se précipiteront pas pour demander à être entendues. Toutefois, lorsque l’une d’elles formulera une demande, le procureur pourra l’entendre et en tenir compte.

C’est la raison pour laquelle j’ai maintenu cet amendement malgré le peu de succès qu’il a obtenu lors du débat en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rappeler que la victime est aussi présente au moment de l’homologation et que, sur notre initiative, elle peut faire valoir préalablement ses conclusions et ses remarques concernant le dossier.

Toutefois, il ne faudrait pas que la rencontre du prévenu avec le procureur devienne une confrontation avec les victimes. Cela peut paraître aberrant ou contraire à nos principes, mais le pivot de cette procédure, je le répète, c’est le procureur. Nous voulons qu’il soit le mieux informé possible.

Certes, il faut aider la victime, mais le but d’un procès est tout de même de rendre la justice, c’est-à-dire de juger le prévenu dans les meilleures conditions possible. La tendance actuelle est de préconiser la plus grande sévérité afin de protéger la victime. C’est effectivement important, mais il ne faut pas oublier que l’on juge quelqu’un.

Par conséquent, nous estimons que la possibilité, pour la victime, d’avancer tout de suite un certain nombre d’arguments permettant au procureur d’avoir une meilleure appréciation de la situation et des protagonistes respecte l’équilibre global du dispositif.

Il s’agit non pas de déséquilibrer ce processus assez délicat, mais de faciliter, pour certains types de délits qui sont assez mineurs, même s’ils sont mal vécus, le traitement de ces dossiers dans les plus brefs délais, tout en garantissant le respect des droits des parties.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce débat resurgit chaque fois que l’on évoque la place de la victime dans la procédure pénale. À ce propos, je souhaiterais formuler une observation générale.

Nos concitoyens seraient effarés si nous leur présentions un petit exposé de droit comparé sur le rôle de la victime dans la procédure pénale, car ils sont absolument persuadés que nous avons beaucoup de progrès à faire en la matière et que la France est un pays arriéré dans lequel les droits de la victime ne sont pas reconnus, contrairement à ce qui se passe partout ailleurs, où la victime est placée au premier plan. Or c’est l’inverse !

M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a pas de partie civile !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Effectivement. La plupart des pays considèrent que le but de la procédure pénale est la protection de la société, défendue par le parquet. Ce dernier poursuit un individu n’ayant pas respecté la règle et prononce contre lui une sanction au nom, non de la victime en tant que personne privée, mais de la société tout entière. Ce principe est appliqué partout.

Or la France est le seul pays où, au cours de la procédure pénale, des droits sont accordés à la victime personne privée, y compris la possibilité d’interjeter appel et d’intervenir avant que la sanction ne soit prononcée. De ce point de vue, je vous invite tous à faire ce travail pédagogique, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que nos concitoyens acquièrent une vision exacte, au sein de notre procédure pénale, de la place de la victime. Il conviendrait aussi, plus généralement, d’éclairer les médias sur cette spécificité française méconnue de l’opinion publique et d’éviter de culpabiliser sur l’état de notre droit, car il est très largement protecteur.

La proposition qui consiste, à ce stade de la procédure pénale, à réintroduire la victime, me paraît donc disproportionnée compte tenu de la nature des infractions. Par conséquent, le Gouvernement partage totalement l’opinion et les arguments de M. le rapporteur. Ce serait prendre un risque affectant l’efficacité de la procédure elle-même que d’adopter une telle mesure.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.