compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Hubert Falco,

M. Jacques Gillot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 19 octies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Article 19 octies

Consommation

Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la consommation (projet n° 244, texte de la commission n° 283, rapport n° 282, avis n° 300).

Nous poursuivons la discussion des articles.

chapitre III (suite)

Crédit et assurance

Section 1 (suite)

Crédit à la consommation

M. le président. Hier, nous avons entamé l’examen, au sein de la section 1 du chapitre III, de l’article 19 octies, dont je rappelle les termes.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Article 19 decies

Article 19 octies (suite)

I et II. – (Supprimés)

III. – L’article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « l’adhésion à » et les mots : « de groupe qu’il a souscrit » sont supprimés ;

2° Au 2°, le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » et, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « ou à la tarification du contrat » ;

3° Après la première phrase du cinquième alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :

« Il en est de même lorsque l’emprunteur fait usage du droit de résiliation mentionné au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au deuxième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7 du présent code. Au-delà de la période de douze mois susmentionnée, le contrat de prêt peut prévoir une faculté de substitution du contrat d’assurance en cas d’exercice par l’emprunteur du droit de résiliation d’un contrat d’assurance de groupe ou individuel mentionné à l’article L. 113-12 du code des assurances ou au premier alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. Dans ce cas, l’existence d’une faculté de substitution ainsi que ses modalités d’application sont définies dans le contrat de prêt. » ;

4° Le sixième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Si l’emprunteur fait usage du droit de résiliation du contrat d’assurance dans le délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7, le prêteur notifie à l’emprunteur sa décision d’acceptation ou de refus dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception d’un autre contrat d’assurance. En cas d’acceptation, le prêteur modifie par voie d’avenant le contrat de crédit conformément à l’article L. 312-14-1, en y mentionnant, notamment, le nouveau taux effectif global calculé, conformément à l’article L. 313-1, en se fondant sur les informations transmises par l’assureur délégué dans les conditions fixées au septième alinéa du présent article. Le prêteur ne peut exiger de frais supplémentaires de l’emprunteur pour l’émission de cet avenant. » ;

5° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « de groupe » sont supprimés et, après le mot : « propose », sont insérés les mots : « , y compris en cas d’exercice du droit de résiliation en application du premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou du deuxième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité ».

IV. – Après l’article L. 113-12 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-12-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-12-2. – Lorsque le contrat d’assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un prêt mentionné à l’article L. 312-2 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, l’assuré peut résilier le contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7 du même code. L’assuré notifie à l’assureur ou à son représentant sa demande de résiliation par lettre recommandée au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée. L’assuré notifie également à l’assureur par lettre recommandée la décision du prêteur prévue au sixième alinéa de l’article L. 312-9 du même code. En cas d’acceptation par le prêteur, la résiliation du contrat d’assurance prend effet dix jours après la réception par l’assureur de la décision du prêteur. En cas de refus par le prêteur, le contrat d’assurance n’est pas résilié.

« Ce droit de résiliation appartient exclusivement à l’assuré.

« Pendant toute la durée du contrat d’assurance et par dérogation à l’article L.113-4, l’assureur ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »

V. – L’article L. 221-10 du code de la mutualité est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le contrat a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un prêt mentionné à l’article L. 312-2 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, le membre participant peut résilier son contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt. Le membre participant notifie à la mutuelle ou à l’union, ou à son représentant, sa demande en envoyant une lettre recommandée au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée. Le membre participant notifie également à la mutuelle ou à l’union par lettre recommandée la décision du prêteur prévue au sixième alinéa de l’article L. 312-9 du même code. En cas d’acceptation par le prêteur, la résiliation du contrat d’assurance prend effet dix jours après la réception par la mutuelle ou l’union de la décision du prêteur. En cas de refus par le prêteur, le contrat d’assurance n’est pas résilié.

« Ce droit de résiliation appartient exclusivement au membre participant.

« Pendant toute la durée du contrat d’assurance, la mutuelle ou l’union ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »

VI. – (Non modifié) Au II de l’article 60 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».

VII. – (Non modifié) Le III est applicable aux offres de prêts émises à compter du 26 juillet 2014. Les IV et V sont applicables aux contrats souscrits à compter du 26 juillet 2014.

VIII. – (Non modifié) Un bilan de l’impact de ces dispositions est remis au Parlement dans un délai de trente-six mois.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, à la demande de la commission, le Sénat a décidé d’examiner l’amendement n° 309 séparément.

L'amendement n° 309, présenté par M. César, Mme Lamure, M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le dernier alinéa de l’article L. 312-8 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires est supprimé.

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « Jusqu’à la signature de l’offre définie à l’article L. 312-7, » sont supprimés.

III. – Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

…° Les sixième et septième alinéas sont supprimés.

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Il ressort des débats la volonté des parlementaires d’instituer un délai après l’acceptation de l’offre par l’emprunteur pour permettre à ce dernier de proposer au prêteur une solution alternative d’assurance présentant des garanties équivalentes à celles qui sont souscrites lors de l’acceptation de l’offre.

Les conditions de présentation d’une solution alternative aménagées par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires prévoyaient le cas dans lequel l’emprunteur propose une autre assurance après l’émission de l’offre et avant son acceptation. Leur mise en œuvre se traduira par une complexité opérationnelle accrue.

Avec le nouveau délai institué par le présent projet de loi, l’intérêt de couvrir cette situation diminue fortement, puisque l’emprunteur disposera désormais d’un cadre légal après l’acceptation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous abordons l’examen de l’article 19 octies, qui contient le principal nouveau sujet introduit au stade de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Deux raisons expliquent que cette avancée apparaisse en fin de navette.

D’une part, la question a été abordée lors des débats sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, mais l’importance du sujet justifiait une évaluation préalable, laquelle a été confiée à l’Inspection générale des finances, qui a publié son rapport au mois de novembre dernier.

D’autre part, si le problème, posé dans le cadre d’une loi bancaire, trouve sa solution dans un texte relatif à la consommation, c’est parce que la liberté de choix de l’assuré est en cause. Or le présent projet de loi comporte d’ores et déjà des avancées majeures pour faciliter le changement d’assurance, qu’il s’agisse d’assurances automobile, habitation, ou encore d’assurances dites « affinitaires », comme celles qui sont proposées aux acheteurs d’un téléphone portable. La possibilité de choix doit favoriser la concurrence et, nous l’espérons, la baisse des primes.

J’en viens à la signification globale de la position prise par la commission.

D’abord, pour ce qui concerne le principe essentiel d’un délai de substitution restreint à douze mois pour limiter la démutualisation tout en exerçant une pression concurrentielle sur le montant élevé des commissions, le bon sens plaidait en faveur de l’extension pure et simple de la liberté de choix illimitée au secteur de l’assurance emprunteur.

Or les quelque trois cents pages du rapport de l’Inspection générale des finances relayent un message de prudence dans ce domaine. La raison en est que notre modèle français de l’assurance emprunteur – une singularité dans les pays développés – comporte une dimension cachée qui se résume au concept de mutualisation : concrètement, la mutualisation se traduit par le fait qu’un emprunteur âgé de cinquante-six ans peut assurer le remboursement de son prêt contre le risque de décès en payant une prime deux à trois fois plus élevée que s’il était âgé de vingt-six ans. Tel était encore le cas voilà plusieurs années.

Je note que Mme Marie-Noëlle Lienemann, par le biais de l’un de ses amendements exprime le souhait d’imposer une égalité des primes, quels que soient l’âge et la profession de l’emprunteur.

Cependant, les choses évoluent vite et cette mutualisation a d’ores et déjà un peu décliné au profit de la vérité des prix ou, plus exactement, de la vérité des primes, calculées en fonction de l’espérance de vie. Ainsi, depuis plusieurs années, certains assureurs alternatifs proposent des tarifs très intéressants aux jeunes couples, mais sept à huit fois plus élevés aux personnes âgées de cinquante-six ans et plus.

Comme bien souvent dans les affaires publiques, il faut donc « naviguer entre deux eaux ». La liberté de choix totale pendant toute la vie du prêt – souhaitée par les organisations de consommateurs – signerait, selon l’Inspection générale des finances, la fin de la mutualisation, à laquelle nos concitoyens sont attachés – les sondages le montrent –, un peu comme à notre modèle social.

La commission a donc considéré qu’il fallait préserver la mutualisation, ou plus exactement, ne pas trop accélérer le processus en cours de démutualisation. Pour autant – je me tourne vers vous, madame Lienemann –, elle estime périlleuse l’idée de décréter l’égalité des primes pour tous. En effet, cela reviendrait, d’abord, à bouleverser la logique de l’assurance et, ensuite, en pratique, à exclure les personnes âgées de l’accès au crédit immobilier. Ce serait, à notre sens, la conséquence la plus tragique dans un monde où, je le rappelle, tout banquier est en droit de refuser un prêt.

Parallèlement, la commission a désapprouvé les amendements qui tendent à geler la situation actuelle ou à limiter à trois, quatre ou six mois le droit de substitution. Le statu quo ne nous paraît pas souhaitable pour une raison majeure, qui renvoie à la deuxième caractéristique fondamentale de l’assurance emprunteur, je veux parler du niveau élevé des commissions reversées par les assureurs aux banques. Il existe là une marge de manœuvre pour donner une impulsion à la concurrence et, par la suite, selon toute vraisemblance, à la baisse des primes.

En pensant aux banquiers et assureurs qui ont pu solliciter les uns et les autres, j’apporterai un petit bémol à cette remarque sur le niveau élevé des primes d’assurance emprunteur : respectons aussi l’arithmétique. Les taux d’intérêt ayant atteint un plancher historique, il n’est pas étonnant que la prime d’assurance emprunteur représente une proportion importante du coût du crédit.

Bref, entre l’immobilisme et la liberté de choix illimitée, la commission a choisi une liberté de substitution pendant les douze mois qui suivent la signature du contrat de prêt. Ce choix soulève des objections à la fois des partisans du statu quo et des partisans de la liberté totale. Cela étant, les diverses positions exprimées par les auteurs des nombreux amendements que nous allons examiner tracent un « nuage de points » dont la tendance moyenne correspond au texte adopté par la commission, lequel prévoit douze mois de liberté de substitution.

Les amendements que nous allons examiner soulèvent, par ailleurs, la question des modalités du changement proposé.

Tout d’abord, plusieurs amendements concernent les frais de substitution et, comme vous le savez, le diable est dans les détails. Ces frais sont interdits, par principe, dans le texte adopté par la commission en matière d’assurance. Je vous soumettrai, mes chers collègues, un amendement visant à interdire également les frais induits par la modification du contrat de prêt et demanderai le ralliement des auteurs des amendements ayant le même objet à celui de la commission.

Je vous présenterai aussi un amendement qui répond à vos préoccupations et à celles, parfaitement fondées, des associations de consommateurs : il s’agit de sanctionner, par la création d’une amende de 3 000 euros, le banquier qui manquerait à son obligation d’accepter la substitution de contrat d’assurance. Là aussi, je sollicite le ralliement des auteurs d’amendements similaires à celui de la commission.

Ensuite, de façon plus technique, plusieurs amendements soulèvent la question de la substitution après le délai légal de douze mois. Dans le texte adopté par la commission, rien n’empêche la banque et son client de signer un contrat qui prévoit une telle possibilité de substitution. C’est la liberté contractuelle.

Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont soutenu l’idée d’encadrer les clauses de ce contrat. À mon avis, cela conduirait à compliquer la rédaction de la loi, sans pour autant changer son résultat pratique, puisque le banquier pourra soit ne pas proposer des possibilités de substitution, soit faire une proposition assortie de frais de dossier ou, je l’espère, sans frais.

Enfin, hier soir, notre collègue Marie-Noëlle Lienemann a soulevé l’intéressante question de la conformité à la Constitution de ce droit de substitution.

Certains ont en effet tenté d’assimiler la substitution et la rétractation en soulignant que le droit en vigueur ne donne aucun exemple de délai de rétractation atteignant douze mois.

Toutefois, je pense sincèrement qu’un changement d’assurance emprunteur s’apparente non pas à une rétractation, mais bien à une résiliation. Sans quoi, par le même raisonnement, on en viendrait à remettre en cause le droit de changer d’abonnement téléphonique ou d’assurance habitation.

In fine, je le répète, il se dégage, si l’on réalise une moyenne entre les dispositions contenues dans ces quelques amendements, une ligne directrice que la commission a suivie. Je m’efforcerai de faire de même en exprimant l’avis de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais exposer la position du Gouvernement sur cette question de l’assurance emprunteur, ce que je n’ai pas eu l’occasion de faire hier soir. Je vous ferai également part de l’avis du Gouvernement sur les différents amendements déposés, ce qui permettra, je l’espère, d’abréger les débats.

La réforme de l’assurance emprunteur est très importante, très attendue par bon nombre de ceux qui souscrivent aujourd’hui un emprunt immobilier et souhaitent rembourser leur capital aux taux d’intérêt les plus bas. Ces personnes sont tout autant attentives aux taux pratiqués en matière d’assurance emprunteur, laquelle peut représenter jusqu’à un tiers du coût du crédit. Il est assez légitime que les emprunteurs puissent bénéficier de la fluidité du marché et faire jouer la concurrence pour obtenir, le cas échéant, une baisse des prix et un moindre coût de remboursement. Dans une période où le pouvoir d’achat est tendu pour bon nombre de ménages, le gain est tout à fait important !

Comme vous le savez, le Gouvernement défend, depuis plus d’un an, des mesures visant à renforcer, au bénéfice des consommateurs, la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires comporte ainsi des dispositions de transparence, avec la création du taux annuel effectif de l’assurance, qui permet au consommateur de bien connaître le coût de son assurance emprunteur, ce qui constitue déjà en soi un élément de transparence et de progrès.

La loi précitée comprend également des dispositions tendant à assurer la pleine effectivité du dispositif mis en place sous la précédente majorité, dans le cadre de la loi Lagarde, et qui constituait la première ouverture à la concurrence sur ce marché de l’assurance emprunteur, dont il est vite apparu qu’il était nécessaire de le déverrouiller encore davantage.

Lors des débats sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, puis, de nouveau, en première lecture du projet de loi relatif à la consommation qui revient devant vous aujourd’hui en deuxième lecture, a été formulée une demande quasi unanime sur toutes les travées, de la gauche à la droite en passant par le centre, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, pour que le Gouvernement aille plus loin.

De nombreux amendements avaient été déposés et défendus afin que la loi permette d’ouvrir une possibilité de changer d’assurance, non seulement avant la signature du prêt, mais aussi au-delà et à tout moment, sans limite de durée.

Pierre Moscovici et moi-même avions, à l’époque, souligné les risques qu’une telle réforme pouvait présenter pour l’équilibre de l’assurance emprunteur elle-même – il n’y a pas que des avantages à ouvrir un certain nombre de marchés à la concurrence, notamment dans le domaine de l’assurance. Nous pensions, en particulier, au risque d’une démutualisation, dont les pouvoirs publics devraient nécessairement tenir compte et qui pourrait conduire à une très forte segmentation de l’offre toujours au détriment des mêmes publics, les populations présentant les profils de risques les plus élevés, notamment les emprunteurs les plus âgés ou ceux dont le risque en matière de santé est aggravé.

Je me permets ce rappel pour bien souligner que c’est le Gouvernement qui a, le premier, relevé ce risque. Sur ce point, il n’a changé ni de discours ni de position. Nous voulons que le coût de l’assurance emprunteur baisse sans le payer d’une démutualisation qui amène de facto à faire supporter le prix de cette ouverture à la concurrence par les populations les plus exposées, notamment les personnes âgées, dès lors qu’elles voudraient emprunter.

Pierre Moscovici et moi-même nous sommes donc engagés à aller plus loin, tout en rappelant que nous ne le ferions qu’après nous être assurés que la réforme que nous porterions éviterait néanmoins d’aller trop loin et de tomber dans le risque de démutualisation.

Pour nous aider dans nos travaux, nous avons demandé à l’Inspection générale des finances de nous remettre un rapport sur ce sujet. Quelle en est la principale conclusion ? Aujourd’hui, la concurrence ne joue pas assez sur le marché de l’assurance emprunteur, ce qui se traduit, notamment, par des marges trop élevées.

Il fallait donc agir et faire des propositions permettant véritablement à la concurrence de jouer, dans l’intérêt des consommateurs. Pour cela, l’Inspection générale des finances proposait d’ouvrir une fenêtre de trois mois à compter de la signature du prêt, pendant laquelle l’emprunteur gardait la faculté de substituer son assurance par une autre, selon le même mécanisme que celui qui avait été mis en place par la loi Lagarde.

Le Gouvernement a repris cette idée, en faisant toutefois le choix d’une période non pas de trois, mais de douze mois. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que nos consultations auprès des acteurs du marché et des associations de consommateurs ont montré que le délai de trois mois était trop court pour être véritablement efficace. Je vais vous expliquer pourquoi.

Lorsque vous achetez votre logement à crédit, vous avez de nombreuses préoccupations en tête : vous devez trouver le logement à acquérir et une banque qui vous prête la somme dont vous avez besoin pour votre achat, organiser la signature d’un compromis de vente, puis d’un acte de vente chez un notaire. Il vous faut, en même temps, organiser votre déménagement, le cas échéant l’inscription de vos enfants dans une nouvelle école et effectuer d’autres procédures administratives. Vous devez enfin, le plus souvent, faire des travaux... Toutes ces démarches doivent être réalisées au même moment. Nos concitoyens qui se trouvent dans cette situation ont donc bien d’autres préoccupations que le coût de l’assurance emprunteur et son incidence sur leur pouvoir d’achat, et n’ont guère le loisir de faire jouer la concurrence dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu substituer au délai de trois mois un autre de douze mois.

Cette période de trois mois nous semblait en effet trop courte pour permettre aux consommateurs d’envisager le remplacement de leur assurance initiale par un autre type de contrat, de faire jouer la concurrence, de comparer les avantages des différentes offres à garanties équivalentes, voire d’en solliciter.

Pourquoi, en sens inverse, ne pas aller au-delà de ce délai de douze mois ? La raison en est simple : le Gouvernement – et ni Pierre Moscovici ni moi-même n’avons varié sur ce point – ne veut pas prendre le risque d’aller trop loin.

Le délai de douze mois nous semble une solution raisonnable dans la mesure où le profil de risque de l’emprunteur, en particulier du point de vue de l’âge, ne varie pas suffisamment dans ce laps de temps pour que cela puisse fonder une segmentation supplémentaire.

Madame Lienemann, vous m’avez demandé, hier soir, si cette période de douze mois n’était pas trop longue et disproportionnée, au risque d’être inconstitutionnelle. Je me permets de vous rassurer sur ce point : il n’en est rien.

Vous avez fait un parallèle avec la situation qui prévaut en matière d’assurance vie, domaine dans lequel il existe un droit de renonciation de trente jours. Or il s’agit là de deux situations très différentes.

Ce que le Gouvernement introduit dans le présent article, c’est un droit de résiliation, accompagné d’une obligation d’acceptation de la substitution par le prêteur si les garanties offertes par le contrat sont équivalentes, et non un droit de renonciation, comme dans le cas de l’assurance vie.

L’exercice d’un droit de résiliation met fin au contrat. Dans ce cas, notamment, les primes correspondant à la période pendant laquelle l’assureur a couvert le risque lui sont dues. L’exercice d’un droit de renonciation a, quant à lui, pour effet de ramener les cocontractants dans la situation antérieure à la signature du contrat. Entre autres conséquences, les primes doivent, dans ce cas, être remboursées à l’assuré.

Je le répète, ce que nous mettons en place procède donc bien, du point de vue du contrat d’assurance, d’un droit de résiliation, et non d’un droit de renonciation.

Un droit de renonciation de douze mois aurait été, nous en convenons, disproportionné. Mais ce n’est pas ce que nous proposons. Nous souhaitons, au contraire, tenir compte de cet écueil afin d’éviter le risque d’inconstitutionnalité.

Je vous rappelle enfin qu’il existe pour les contrats à tacite reconduction un droit de résiliation annuel, et que ce projet de loi introduit, pour les assurances automobile et multirisque habitation, un droit de résiliation à tout moment, à compter d’un an de souscription.

Pour ces assurances, comme pour l’assurance emprunteur, je ne considère pas que l’introduction d’un droit de résiliation pose de problème constitutionnel.

Mon propos était un peu long, mais je tenais à indiquer par avance la position du Gouvernement. Je serai plus bref au moment de donner son avis sur les amendements qui vont suivre.

Le Gouvernement sera défavorable à tous les amendements qui tendent à revenir sur la durée de douze mois prévue dans le texte, qu’ils visent à un raccourcissement ou à un allongement de cette durée. De même, il sera défavorable à ceux dont l’adoption remettrait en cause l’ambition de la réforme.

À l’inverse, il sera favorable aux amendements déposés par la commission qui, selon moi, répondent à des questions posées par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Sur l’amendement n° 309, l’avis est donc défavorable.