M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement cohérent avec la rédaction retenue pour l’article 63-1 du code de procédure pénale pour la garde à vue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord remercier mon collègue Alain Vidalies, qui a consenti à me remplacer dans cet hémicycle pendant que j’étais à l’Assemblée nationale pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la géolocalisation.

Cela dit, pour des raisons identiques à celles qu’a avancées la commission, le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Madame la garde des sceaux, M. Vidalies vous a suppléée et non remplacée, car vous êtes irremplaçable ! (Exclamations amusées.)

M. le président. Cette discussion s’annonce sous de bons auspices… (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je crains la suite ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'elle sollicite l’exercice de ce droit, elle est convoquée à une date ultérieure ne pouvant être inférieure à cinq jours.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Cet amendement vise à permettre un exercice effectif du droit prévu au 6° de l’article 1er, à savoir la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit. Il nous paraît opportun de laisser un délai raisonnable pour la mise en œuvre de ce droit dès lors que la personne concernée le sollicite. Le présent amendement a surtout pour objet d’ouvrir le débat sur cette question ; en effet, si ce 6° est intéressant et créateur d’un droit utile, il pose en même temps des problèmes concrets.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une structure d’accès au droit ? À quel moment et dans quels délais pourra-t-on s’y rendre ? Avant la convocation à l’audition lorsque l’on se trouve déjà dans les locaux de police ou de gendarmerie ?

Dans cette dernière hypothèse, afin que les choses soient claires, ne faudrait-il pas que la personne concernée soit expressément informée de la possibilité de quitter momentanément les locaux pour bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit ? Enfin, ce droit peut-il concrètement être mis en œuvre pendant l’enquête de flagrance ?

Autant de questions qui révèlent les difficultés d’application de ce nouveau droit et qui nous laissent penser qu’il serait peut-être plus simple d’ouvrir le droit à l’assistance de l’avocat à l’ensemble des auditions libres et de ne pas le cantonner au seul cas des auditions concernant des crimes ou des délits punis de peines d’emprisonnement, comme le prévoit l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le caractère « libre » de l’audition rend inutile la précision que vous proposez d’introduire, mon cher collègue, puisque la personne convoquée a le droit de se taire ou de partir si elle le souhaite, notamment pour exercer son droit de bénéficier d’une consultation juridique auprès d’un point d’accès au droit ou d’un avocat. Il n’est donc pas opportun d’accroître le formalisme de ces auditions libres.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement partage les arguments que vient de présenter M. le rapporteur.

Je rappelle que pour les gardes à vue existent des permanences d’avocat qui pourront servir pour assister les personnes convoquées à une audition libre. Par ailleurs, comme l’a indiqué M. le rapporteur, celles-ci se verront notifier leur droit de conserver le silence ou de quitter les locaux.

Je crains qu’à trop compliquer la procédure on n’incite à recourir à la garde à vue plutôt qu’à l’audition libre. Je le répète, ce dispositif souple permet aux personnes d’être entendues librement, de se voir notifier leurs droits de garder le silence, de bénéficier de conseils juridiques, d’être assistées par un avocat et de quitter les lieux immédiatement. Il doit favoriser la progression des enquêtes tout en assurant la protection des libertés individuelles.

Je ne souhaite pas voir se multiplier les gardes à vue comme cela a été le cas ces dernières années au cours desquelles on voulait « faire du chiffre ». Il faut armer correctement les enquêteurs, mais ne pas compliquer les choses au point qu’ils soient obligés de recourir à des armes inutilement lourdes.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite à retirer cet amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Favier, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Christian Favier. Non, je le retire, monsieur le président ; nous ne voulons pas alourdir inutilement les procédures.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Afin de permettre à la personne concernée un exercice effectif de ses droits, notamment celui qui est prévu au 6° de l’article 1er, il est nécessaire que la convocation fasse mention de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction pour laquelle elle sera entendue. Il s’agit donc d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est un peu plus qu’une précision, monsieur Favier ! (Sourires.)

Lors de sa première séance de travail, la commission, à la demande de M. Hyest, avait souhaité que la convocation à une audition libre ne mentionne pas la nature de l’infraction. Néanmoins, à la faveur de la présentation du présent amendement, il lui a paru intéressant que cette précision soit introduite.

Qui n’a pas reçu de courrier de convocation au commissariat « pour affaire vous concernant », selon la formule en vigueur ? Si, dans l’espoir d’obtenir quelques précisions, vous téléphonez au commissariat et que par chance vous obtenez un interlocuteur, celui-ci vous répond en général : « Je ne suis pas au courant ; ce n’est pas moi qui traite ce dossier ; c’est mon collègue de la énième section. » C’est donc les jambes tremblantes que vous vous rendez au commissariat.

En l’espèce, la mention de la qualification des faits reprochés concernera toutes les infractions, y compris les contraventions, comme les troubles du voisinage, les abandons de famille ou de déchets ménagers, ou encore les excès de vitesse. Ainsi, avant l’audition, en toute connaissance de cause, les personnes convoquées pourront consulter un avocat ou une maison de la justice et du droit, notamment pour savoir quelles pièces apporter. Si, par exemple, la personne est l’objet d’une plainte pour abandon de famille, elle saura qu’elle doit produire les relevés de banque prouvant le paiement de la pension alimentaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis favorable, estimant qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise mesure.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mieux : c’est une bonne mesure !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet n’est pas mineur. Le Gouvernement y a réfléchi au cours des travaux préparatoires et ne s’est pas déclaré favorable à une telle disposition.

Je comprends néanmoins les raisons pour lesquelles M. le rapporteur a changé d’avis. Moi aussi, j’ai été parlementaire et, comme tous les parlementaires, j’ai été sollicitée par des citoyens ordinaires ayant reçu une convocation au commissariat et qui, pris de panique, n’ont pas songé à consulter un avocat.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons le souci de préserver les libertés individuelles et nous ne pouvons donc pas négliger le fait que ces convocations portant la mention « pour affaire vous concernant » sont de nature à traumatiser, à paniquer sans raison.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quand nous légiférons dans ces matières, la difficulté constante est de trouver le bon équilibre entre la protection des libertés individuelles et l’efficacité des enquêtes, c’est-à-dire la nécessité de faire en sorte que les enquêteurs ne soient pas démunis face à des délits ou des crimes.

Du reste, lorsque des auteurs d’infraction reçoivent un courrier les convoquant « pour affaire vous concernant », ils savent très bien de quoi il s’agit !

Mme Éliane Assassi. Effectivement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour ces raisons, mais aussi par égard aux travaux préparatoires, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Bien évidemment, si le présent amendement est adopté, je retirerai l’amendent n° 1, puisque la mention sur le courrier de convocation des faits reprochés sera facultative, le texte de la commission précisant à l’alinéa 11 que ces informations « peuvent » y figurer.

Madame la garde des sceaux, s’il est vrai que, en général, les auteurs de crimes et de délits savent pour quelles raisons ils sont convoqués, ce n’est pas toujours le cas, car certains en commettent tellement (Sourires.) ! En tout cas, ils peuvent avoir quelques hésitations : pensons à ces voleurs de voitures ayant dérobé jusqu’à quatre-vingts véhicules…

Je comprends les préoccupations qui ont été exprimées, mais il ne faudrait pas que les officiers de police se retrouvent les mains liées dans la suite de l’enquête en raison d’une qualification pénale des faits trop précise. Une trop grande précision pourrait se retourner contre cette procédure d’audition libre, car, pour les faits un peu plus graves, mais qui pourraient faire l’objet d’une telle audition, les enquêteurs risquent de préférer systématiquement la garde à vue.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’ai bien écouté le débat et la prise de position de Mme le garde des sceaux.

Néanmoins, l’amendement présenté par M. Favier me paraît très opportun, étant donné la description de la réalité faite par M. le rapporteur : le sentiment de panique que suscite chez le justiciable la réception d’une convocation au commissariat dénuée de la moindre précision quant au motif d’une telle convocation.

Du reste, l’autre raison pour laquelle je me rallie à cet amendement a été indiquée par M. Hyest, qui a bien fait remarquer que la mention des informations en cause restera facultative. (Mme Éliane Assassi approuve.) Il s’agit donc, madame le garde des sceaux, d’une simple possibilité laissée à l’officier de police judiciaire de donner une information utile. Si, pour des raisons liées à la justice et à la sécurité, il juge qu’il ne faut pas le faire, il pourra s’en dispenser.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

doivent

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Je vous confirme, monsieur le président, que je retire cet amendement à partir du moment où la mention de l’infraction est seulement facultative.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales
Article 2

Article 1er bis (nouveau)

Après l’article 61 du même code, il est inséré un article 61-2 ainsi rédigé:

« Art. 61-2. – Si la victime est confrontée avec une personne entendue dans les conditions prévues à l’article 61-1 pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, elle peut demander à être également assistée, selon les modalités prévues à l’article 63-4-3, par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure, ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

« La victime est informée de ce droit avant qu’il soit procédé à la confrontation.

« Les frais d’avocat sont à la charge de la victime. »

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est également informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle.

II. - En conséquence, alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois a très heureusement introduit la possibilité pour la victime d’être assistée par un avocat lorsqu’elle est confrontée avec un suspect faisant l’objet d’une audition libre et étant lui-même assisté par un avocat. C’est une bonne mesure, qui établit un parallèle avec le régime de la garde à vue.

Le présent amendement vise à préciser que la victime est informée que les frais d’avocat sont à sa charge, sauf si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je sais gré à Mme la garde des sceaux d’avoir déposé cet amendement – il en est de même de deux amendements de coordination que nous examinerons à la fin de la discussion du projet de loi –, qui vise à permettre à la victime de bénéficier de l’aide juridictionnelle en cas de confrontation avec un suspect lors d’une audition libre.

En effet, et je tiens à l’affirmer avec force en cet instant, dans notre procédure pénale inquisitoire, la victime est partie au procès ; elle y a toute sa place. Il est donc normal qu’elle puisse être assistée d’un avocat lors d’une audition libre à laquelle elle est convoquée par le magistrat souhaitant la confronter avec le suspect.

On nous fait l’éloge des procédures accusatoires, mais je rappelle que, dans ces procédures, la victime n’est pas partie au procès, elle n’existe pas ! Elle peut bien sûr avoir recours à un avocat pour négocier avec la partie adverse, moyennant des sommes très importantes, le retrait de la plainte ou encore inciter le procureur à agir dans tel ou tel sens. On l’a vu à la télévision dans une récente affaire célèbre. Mais en l’espèce, la victime n’était pas partie au procès pénal. Ce n’est qu’ensuite qu’elle a demandé des dommages et intérêts au cours d’un procès civil. En Grande-Bretagne, la situation est exactement la même : la victime n’est pas partie au procès pénal.

Je fais cette remarque, parce que notre procédure pénale présente un avantage pour les victimes. Oui, la justice se préoccupe des victimes,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Beaucoup !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … parce qu’elles sont parties au procès.

En outre, désormais, dans le cadre de l’audition libre nouvellement créée, elles pourront bénéficier de l’assistance d’un avocat et, le cas échéant, de l’aide juridictionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales
Article 3

Article 2

I. – À l’article 77 du même code, après les mots : « Les dispositions », sont insérés les mots : « des articles 61-1 et 61-2 relatives à l’audition d’une personne suspectée ainsi que celles ».

II. – L’article 154 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « Les dispositions », sont insérés les mots : « des articles 61-1 et 61-2 relatives à l’audition d’une personne suspectée ainsi que celles » ;

2° À la seconde phrase du second alinéa, la référence : « à l’article 63-1 » est remplacée par les références : « aux articles 61-1 et 63-1 », et après les mots : « précisé que » sont insérés les mots : « l’audition ou ». – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives aux personnes faisant l’objet d’une privation de liberté

Section 1

Dispositions relatives à la garde à vue

Article 2
Dossier législatif : projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales
Article 4

Article 3

I. – L’article 63-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « , le cas échéant au moyen de formulaires écrits » sont supprimés ;

2° Au 2°, les mots : « De la nature et de la date présumée » sont remplacés par les mots : « De la qualification, de la date et du lieu présumés » et sont ajoutés les mots : « ainsi que des motifs justifiant son placement en garde à vue en application des 1° à 6° de l’article 62-2 » ;

3° Le 3° est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont elle est la ressortissante » ;

b) Après le quatrième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« - s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;

« - du droit de consulter, au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l’article 63-4-1 ;

« - de la possibilité de demander au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue, que cette mesure ne soit pas prolongée. » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Conformément aux dispositions de l’article 803-6, un document énonçant ces droits est remis à la personne. »

II. – L’article 63-4-1 du même code est ainsi modifié:

(nouveau) À la première phrase, les mots : « du dernier » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La personne gardée à vue peut également consulter les documents prévus au présent article ou une copie de ceux-ci. »

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue

par les mots :

dans les meilleurs délais

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Afin d’éviter tout retard dans l’exercice du droit prévu à l’alinéa 8 de l’article 3, il convient de permettre à la personne concernée de consulter dans les meilleurs délais les documents mentionnés, sans attendre une éventuelle prolongation de la garde à vue.

Si la rédaction initiale du texte, qui prévoyait la consultation ces documents « en temps utile », était trop imprécise, les termes « meilleurs délais » ne devraient pas soulever de difficultés et devraient permettre un exercice de ce droit dès que possible, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En effet, dans sa décision du 11 août 1993 relative à la garde à vue, ce dernier a considéré que les termes « dans les meilleurs délais » « doivent s'entendre comme prescrivant une information qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons objectives tenant aux nécessités de l'enquête, doit s'effectuer dans le plus bref délai possible de manière à assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dans le domaine du droit, je n’aime pas que l’on recoure aux termes « meilleurs délais ».

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mais en l’occurrence, comme l’a rappelé M. Favier, ces termes sont mentionnés dans la décision susvisée du Conseil constitutionnel, même si les interprétations de celui-ci ne me paraissent pas toujours formidables, et c'est un euphémisme. (Sourires.) Cela étant, la commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La position du Gouvernement est plus nuancée, car, indépendamment de la périphrase qui vient d’être relevée, l’expression « dans les meilleurs délais » ne me semble pas suffisamment précise.

La rédaction résultant des travaux de la commission – « au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue » – me paraît préférable.

J’ai bien noté le souci que vous avez exprimé, monsieur Favier. Peut-être serait-il possible de trouver un compromis en écrivant « dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue » ?

M. le président. Monsieur Favier, que pensez-vous de la suggestion de Mme la garde des sceaux ?

M. Christian Favier. La précision souhaitée par Mme la garde des sceaux est tout à fait utile. Par conséquent, j’y souscris et je rectifie mon amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

de consulter,

insérer les mots :

dans les meilleurs délais et

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable, puisque son texte est repris.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 9, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

que cette mesure ne soit pas prolongée

par les mots :

la fin de cette mesure

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. C’est un amendement « balai », qui vise à unifier les termes retenus en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je m'étonne de la position de la commission, car sa rédaction me semblait préférable : c'est lorsque la garde à vue sera prolongée que le justiciable pourra faire valoir des observations utiles pour, précisément, éviter la prolongation.

Au bénéfice du doute, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

1° La première phrase est ainsi rédigée :

« À sa demande l’avocat peut consulter l’ensemble des pièces du dossier utiles à la manifestation de la vérité et indispensables à l'exercice des droits de la défense. » ;

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Nous en arrivons au point dur de ce débat : quels sont les documents accessibles, et quelle est la place de l’avocat lors de la garde à vue ? Peut-on continuer à accorder à l’avocat un droit a minima de consultation du dossier, alors même que l’article 7, alinéa 1, de la directive que nous devons entièrement appliquer avant le 2 juin prochain précise : « Lorsqu’une personne est arrêtée et détenue à n’importe quel stade de la procédure pénale, les États membres veillent à ce que les documents relatifs à l’affaire en question détenus par les autorités compétentes qui sont essentiels pour contester de manière effective conformément au droit national la légalité de l’arrestation ou de la détention soient mis à la disposition de la personne arrêtée ou de son avocat » ? Et cette disposition concerne également la garde à vue.

J’estime qu’il convient de reprendre, dans le présent projet de loi, la formulation de cette directive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez beaucoup contribué aux travaux de la commission et présenté de nombreux amendements, malheureusement, la commission ne pourra pas vous satisfaire.

En l’occurrence, nous retrouvons le grand débat relatif à la possibilité pour l’avocat d’accéder à l’intégralité des pièces du dossier lors de la garde à vue.

Lorsqu’il s’agira de transposer complètement la directive C, nous en discuterons de nouveau, mais, pour l’instant, disposant d’un laps de temps supplémentaire, le Gouvernement s'est limité à une transposition partielle de cette directive.

À ce stade de nos travaux, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, il s'agit là d’un vrai sujet, qui mérite débat et qui arrive à point nommé dans notre discussion, puisqu’il va nous permettre d’apporter des précisions. Il semble toutefois que mon collègue Alain Vidalies vous ait déjà donné quelques éléments de réponse par anticipation, compte tenu du travail que vous aviez produit.

J’en profite pour vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos interventions au cours de la discussion générale. Je les lirai très attentivement dans le Journal officiel, ou même avant sa parution si vous me faites l’amabilité de m’en remettre dès aujourd'hui une copie. Vos propos me seront utiles dans la perspective de la lecture du présent texte à l’Assemblée nationale. Je pense alors ne pas être soumise à une obligation d’ubiquité, comme cet après-midi.

On peut comprendre et que la défense veuille avoir accès à l’intégralité du dossier, et que les enquêteurs ne refusent cet accès. Je le répète, c'est un vrai sujet.

Nous améliorons substantiellement l’état du droit actuel en permettant au justiciable d’accéder à la partie du dossier qui était déjà mise à disposition de l’avocat : le procès-verbal de notification des droits, le procès-verbal d’audition, toutes ces pièces indispensables pour garantir que la garde à vue ou l’audition sont pratiquées dans des conditions conformes au droit.

Les données juridiques se composent du droit actuel, des arrêts du Conseil d'État, des décisions du Conseil constitutionnel, de la directive B, que nous sommes en train de transposer, et de la directive C. Les textes européens prescrivent que le justiciable ou son avocat aient accès aux éléments du dossier permettant, le cas échéant, une contestation effective de la légalité de la procédure, donc de la garde à vue ou de l’audition libre.

Or c’est bien cette disposition que nous allons introduire dans notre droit et même en anticipant par rapport à la date de transposition de la directive C – elle est fixée à la fin de l’année 2016 –, puisque nous permettons à l’avocat d’accéder à un plus grand nombre d’éléments qu’à l’heure actuelle.

Pourquoi ce débat dérangeant est-il récurrent ? Ces dernières années, notre procédure pénale a été modifiée sous le coup des directives européennes (M. Gérard Longuet approuve.), sans rechercher forcément la cohérence de la procédure pénale et sans anticiper, c'est-à-dire sans vraiment garder la main sur l’évolution de notre droit.

Selon moi, il faut arrêter d’introduire des dispositions les unes après les autres en provoquant le mécontentement des avocats, qui voudraient plus, et des enquêteurs, qui se plaignent d'être désarmés pour travailler efficacement.

C'est pourquoi j'ai souhaité, avant la transposition de la directive C, dont la logique est identique à celle de la directive B, à savoir la reconnaissance mutuelle des procédures et des décisions judiciaires, l’introduction d’une dose de contradictoire dans la procédure pénale.

Le parquet à la française n’existe pas en tant que tel dans les autres pays européens et, nous le savons, un combat est constamment livré au sein de l'Union européenne entre les tenants de notre droit continental et ceux de la common law.

Néanmoins, aucune raison ne justifie d'être sur la défensive et d’avancer dans le chaos.

J'ai donc pris l’initiative de charger le procureur général près la cour d’appel de Lyon, Jacques Beaume, d’une mission. Il est entouré d’un haut fonctionnaire de police – le directeur adjoint de la direction de la police judiciaire –, d’un avocat, d’un magistrat du parquet, d’un procureur, ainsi que d’un magistrat du siège.

Cette mission, que j’ai mise en place depuis deux semaines, va étudier, dans une logique d’anticipation, les modalités d’une introduction du contradictoire dans nos enquêtes pénales. En France, 97 % des affaires restent entre les mains du parquet car elles ne nécessitent pas une information judiciaire et ne relèvent pas de la cour d’assises.

Or, au cours d’une information judiciaire, la phase contradictoire arrive assez vite, tandis qu’elle survient beaucoup plus tard lors d’une enquête préliminaire.

Pour ne pas continuer à rester sur la défensive, la mission susvisée, qui me remettra son rapport au début du mois de juin, fera probablement des propositions de nature à introduire le contradictoire de façon plus efficace.

En l’état, nous faisons non seulement une transposition fidèle de la directive B, mais nous anticipons partiellement pour ce qui concerne la directive C et espérons être en mesure, à l’issue des conclusions des travaux de cette mission, d’organiser de manière complète et cohérente l’architecture de nos enquêtes pénales et d’introduire le contradictoire avec efficacité.

L’examen du présent amendement aura donc eu l’avantage de susciter ce débat, de me permettre de clarifier les choses et d’en dire plus sur le chantier lancé par le Gouvernement. Je vous en remercie, madame la sénatrice.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous suggère de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.