M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription de ce débat à notre ordre du jour.

Permettez-moi de débuter mon propos par une citation : « Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable est fixé de manière à ce que les ressources centralisées sur ces livrets dans le fonds prévu à l’article L. 221-7 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d’un coefficient multiplicateur égal à 1,25. […]

« Les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable non centralisées en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu’au financement des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens. […] Les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable rendent public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées. »

Dans ces extraits du code monétaire et financier se retrouve, à notre avis, le fond de notre débat de ce jour.

Je compléterai cette introduction en rappelant que, dans son programme présidentiel, le candidat François Hollande avait, entre autres mesures, annoncé le doublement du plafond du livret de développement durable, garanti une rémunération du livret A supérieure à l’inflation et annoncé, pour favoriser la construction de logements sociaux, le doublement de son plafond.

Au point où nous en sommes, rappelons donc que le taux de rémunération du livret A est aujourd’hui de 1,25 % et que son plafond n’a pas été doublé, mais n’a été porté qu’à 22 950 euros, au lieu de 15 300 euros au printemps de 2012. À la vérité, le Gouvernement semble bel et bien avoir changé son fusil d’épaule en matière d’épargne populaire, puisque la baisse de la rémunération des livrets défiscalisés, issue de la formule de calcul « Raffarin », a provoqué une relative décollecte ces derniers temps.

Mais le magot du livret A, comme celui du LDD ou des autres formules de livrets défiscalisés, continue d’intéresser au plus haut point les banquiers qui, en 2008, sur l’initiative d’établissements comme le Crédit agricole et sous la houlette de Christine Lagarde, ont combattu le « monopole » de distribution des caisses d’épargne et de La Poste, afin de pouvoir proposer, eux aussi, un équivalent du livret A.

Le livret A est devenu le produit d’appel des services financiers de BNP Paribas, de HSBC, de la Société générale et de l’ensemble de ces établissements « philanthropiques » dont la pingrerie, lorsqu’il s’agit de financer les petites et moyennes entreprises, n’a d’égale que la propension naturelle à développer des produits dérivés spéculatifs ! Il faut dire que les sommes attirent la convoitise : à la fin de janvier 2014, l’encours global atteint 267,8 milliards d’euros pour le livret A et 101,6 milliards d’euros pour le livret de développement durable.

Nous connaissons une partie des critiques formulées à l’encontre de cette épargne qui ne serait pas « vraiment » populaire, au sens où une minorité de détenteurs de livrets seraient « au plafond » et cumuleraient l’essentiel de l’encours. Il faut dire que, avec 63,3 millions de livrets A et 24,6 millions de LDD, les Français dépourvus de ce placement financier sont assez peu nombreux…

Mais comment ne pas souligner que cette ressource financière qui échappe à toute imposition ou contribution sociale – c’est une affaire d’un coût unitaire limité : 8,20 euros par an en moyenne pour le livret A et 9,15 euros pour le LDD, ce qui ne les apparente guère à des niches fiscales excessives –, relève d’un autre usage que certains autres dispositifs incitatifs que nous connaissons ?

Le détenteur d’un livret A dont l’encours atteint le plafond touchera en 2014 moins de 290 euros d’intérêts… Rien à voir, bien évidemment, avec les dispositifs incitant à l’investissement immobilier – voyez ce que nous a coûté le Scellier au regard de la crise du logement dans notre pays ! – et rien à voir avec, par exemple, le dispositif ISF-PME, dont le coût, pour les finances publiques et le bonheur des 40 000 contribuables concernés, est double de celui de l’exonération des intérêts du LDD pour 24,6 millions de livrets ! Pour les uns, c’est 9,15 euros d’exonération par livret, et pour les autres, c’est 11 000 euros de réduction d’impôt !

Le problème du devenir de l’épargne populaire est donc éminemment politique. Le Gouvernement, alors même que les politiques d’austérité à l’œuvre en Europe conduisent désormais à la déflation – à force de comprimer les salaires, on finit par faire baisser les coûts de production –, ne peut se permettre de réduire encore le taux de rémunération du livret A.

Il va falloir aussi s’expliquer sur l’usage de la collecte. Nos petites et moyennes entreprises ont des difficultés d’accès au crédit, que quelques rêveurs pensent résoudre en permettant aux plus « performantes » d’entre elles d’accéder aux marchés financiers, alors même que la cotation en bourse est d’un coût encore plus élevé !

Des centaines de milliers de nos compatriotes sont mal logés, privés de logement ou résident dans des gourbis insalubres, portant atteinte à la dignité humaine et à la décence la plus élémentaire !

Nous devons, dans le même temps, mener des politiques audacieuses et déterminées de transition énergétique et écologique, développer, en particulier, une offre de transports alternatifs à l’automobile.

Or, aujourd’hui, le Gouvernement laisse les plus récents collecteurs du livret A – les banques privées, pour aller vite – disposer à leur guise de la collecte réalisée en abaissant le niveau de la centralisation de l’encours, une centralisation que les deux réseaux historiques de La Poste et des caisses d’épargne continuent d’assumer pour l’essentiel, fidèles en cela à leurs missions de service public et d’intérêt général.

Le 30 juillet 2013, M. le ministre des finances, qui s’était déjà illustré en apportant la garantie de l’État à PSA Banque pour 10 milliards d’euros et, plus récemment, en facilitant l’entrée de l’État dans le capital du groupe automobile, a signé un décret laissant à la disposition des banques privées 20 milliards d’euros issus de la collecte du livret A et du LDD, et rien de moins que 10 milliards d’euros provenant de la collecte du livret d’épargne populaire. À quoi bon créer une Banque publique d’investissement si, parallèlement, on rend aux aventuriers de la finance rien de moins que 30 milliards d’euros !

Qu’il semble bien loin le temps où les parlementaires socialistes des deux assemblées cosignaient et défendaient des amendements pour assurer la centralisation des encours du livret A et l’utilisation de sa collecte en faveur du logement social ! Pour donner une chance à l’épargne populaire, la solution serait peut-être, mes chers collègues, de revenir sur ce décret passé évidemment inaperçu dans la tiédeur de l’été dernier… Encore une fois, les besoins sont immenses et nous devons mobiliser les outils nécessaires pour y répondre. Or ces outils, nous les avons, nos compatriotes demeurant attachés et fidèles à cette forme d’épargne presque bicentenaire : alors pourquoi s’en priver ? Entre la finance sans limites et la satisfaction des besoins collectifs, je le dis haut et fort, il va bien falloir choisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Jean Desessard. Il faut lever l’ambiguïté !

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré la crise, l’épargne des ménages représente des sommes particulièrement importantes, puisqu’elle constitue aujourd’hui un tiers de leur patrimoine total. En dix ans, son montant aura progressé de 55 %.

Rappelons que l’épargne réglementée et son adjudication permettent aux établissements de crédit de se refinancer auprès du fonds d’épargne afin de prêter directement aux organismes de logement social. C’est la raison pour laquelle elle occupe une place centrale dans les placements financiers des ménages. Sa rémunération influe donc fortement sur le coût des ressources permettant de financer les entreprises, le logement social et la politique de la ville.

Pour autant, sur les trente dernières années, la part de l’épargne réglementée est passée de 30 % à 15 % de l’épargne financière totale. Soulignons que, sur la même période, la part de l’assurance vie a, quant à elle, fortement augmenté, passant de 5 % à 40 %. Elle représentait 15 milliards d’euros en 1980, contre 1 500 milliards d’euros aujourd’hui.

Actuellement, 64 millions de livrets A sont ouverts auprès des établissements bancaires, pour un encours atteignant 250 milliards d’euros. Rappelons que la hausse de celui-ci a été supérieure à 15 % en 2012.

Je me permettrai d’évoquer ici deux points : l’importance de stabiliser et de sécuriser l’épargne réglementée et le devenir des contrats d’assurance vie en déshérence, qui recèle un enjeu budgétaire non négligeable.

Depuis le 1er mai 2011, les établissements de crédit centralisent au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations un montant égal, en moyenne, à 65 % de l’encours total. Ce montant est également ajusté en fonction de l’encours des prêts au logement social et à la politique de la ville.

Souvenez-vous aussi que le Président de la République s’était engagé à doubler le plafond du livret A sur le quinquennat et à doubler immédiatement celui du livret de développement durable. Cet engagement visait, d’une part, à dégager de nouvelles ressources pour le financement du logement social – avec un objectif de construction de 150 000 logements par an – et, d’autre part, à corriger les effets de la stagnation du plafond depuis novembre 1991.

Comme convenu, le Gouvernement a donc procédé au relèvement de 25 % du plafond du livret A, passé ainsi de 15 300 à 19 125 euros, et au doublement de celui du LDD, passé de 6 000 à 12 000 euros le 1er octobre 2012. Un nouveau relèvement de 25 % du plafond du livret A est intervenu le 1er janvier 2013, ce plafond s’établissant désormais à 22 950 euros.

Sur ce point particulier, je soutiens le travail réalisé par nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui ont remis au Premier ministre, en avril dernier, un rapport sur la dynamisation de l’épargne des ménages pour financer l’investissement et la compétitivité.

Dans ce rapport, ils plaident pour une affectation d’une part du produit de cette hausse au financement des entreprises et des grandes infrastructures, en particulier, par l’ouverture d’un droit de refinancement de 10 milliards d’euros pour les premières et de 10 milliards à 20 milliards d’euros pour les secondes, sans remettre en cause, bien entendu, la priorité donnée au financement de la construction du logement social.

Le relèvement des plafonds de l’épargne réglementée avait fait naître la crainte, chez la plupart des acteurs bancaires, d’une diminution de l’épargne fiscalisée et liquide. Pourtant, la perte de ressources liquides au bilan, estimée entre 20 milliards et 35 milliards d’euros, a été largement compensée par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros de ressources centralisées au fonds d’épargne, destinées à augmenter l’encours de prêts aux entreprises.

Concernant le taux du livret A, la révision semestrielle du 1er février dernier a donné lieu à des divergences d’appréciation entre le Gouvernement et la Banque de France. En effet, l’application stricte de la règle aurait dû logiquement entraîner une baisse du taux à 0,75 %. De son côté, la Banque de France proposait de le fixer à 1 %, estimant que la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des épargnants justifiait une dérogation à l’application stricte de la règle.

Cependant, le Gouvernement a souhaité maintenir le taux à 1,25 %, et je suis convaincu qu’il a eu raison. En effet, la baisse de 1,75 % à 1,25 % en août dernier avait entraîné une diminution de la collecte de 3,4 milliards d’euros entre août et décembre. Une diminution supplémentaire du taux aurait eu un effet trop négatif sur le volume des dépôts. Notons, toutefois, que la collecte reste largement positive sur l’année 2013 – à hauteur de 12,1 milliards d’euros –, grâce à l’augmentation du plafond intervenue le 1er janvier.

La réforme du livret d’épargne populaire est entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Ce livret permet d’aider les personnes disposant de revenus modestes à placer leurs économies dans des conditions assurant le maintien de leur pouvoir d’achat. La loi de finances rectificative pour 2013 a élargi son bénéfice à toute personne dont le revenu fiscal de référence pour 2013 est inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial. Selon les estimations, 3,3 millions de Français supplémentaires peuvent désormais souscrire un tel produit cette année.

Je voudrais à présent dire quelques mots d’une initiative de notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il est l’auteur d’une proposition de loi, adoptée voilà quelques jours, portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence.

La Cour des comptes a effectivement constaté une insuffisance des dispositions législatives qui encadrent les obligations des banques et des assurances envers leurs clients, notamment lorsque ceux-ci n’ont pas les moyens de se manifester spontanément, par méconnaissance des avoirs et prestations qui leur reviennent pourtant de droit. La Cour des comptes a également relevé une insuffisance des contrôles et, a fortiori, des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en cas de manquement.

Le montant des encours concernés par ces dispositions n’est pas mince : il a été évalué à près de 4 milliards d’euros, dont plus de 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires, et près de 2,8 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation.

Ces sommes demeurent toutefois dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurances, sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence.

Par ailleurs, la Cour des comptes souligne également la faiblesse des montants reversés à l’État au terme du délai de la déchéance trentenaire, limités à 50 millions d’euros en moyenne en 2011 et en 2012. L’enjeu budgétaire pourrait pourtant se révéler sensiblement plus significatif si les règles encadrant la déchéance de propriété en faveur de l’État étaient appliquées de manière beaucoup plus rigoureuse.

Le texte, qui sera débattu au Sénat mi-avril, prend acte du constat dressé par la Cour des comptes et des recommandations de celle-ci. Il a donc pour objet de renforcer la protection du droit de propriété des épargnants, mais aussi la protection des intérêts financiers de l’État, à qui les fonds doivent être retournés s’ils n’ont fait l’objet d’aucune réclamation pendant trente ans.

Mes chers collègues, l’épargne populaire, nous le savons, est une question majeure pour notre économie, tant par le montant des sommes en jeu que par l’importance qu’elle revêt pour nos concitoyens, à un moment où le pouvoir d’achat des ménages tend à se contracter et où la crainte de l’avenir incite à la constitution d’une légitime épargne de précaution. Le Gouvernement et la représentation nationale en sont conscients. Je me félicite qu’il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1818, lorsque le philanthrope Benjamin Delessert créa la Caisse d’épargne et, avec elle, le livret d’épargne, qui deviendra un siècle et demi plus tard le livret A, il ciblait explicitement ce que l’on appelait à l’époque les « classes populaires ».

Pourtant, ce livret n’a pas tout de suite rencontré un franc succès auprès de cette catégorie de la population, qui faisait montre d’une certaine méfiance. En 1822, la situation était résumée en ces termes par le fondateur de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris, François XII de la Rochefoucauld : « La classe que vous avez plus particulièrement l’intention d’aider se persuade difficilement que des hommes d’une fortune indépendante veuillent s’occuper de ses intérêts, en rejetant jusqu’à l’idée du moindre avantage personnel. »

Près de deux siècles plus tard, la situation a bien changé et l’épargne populaire est bel et bien devenue une réalité, du moins si l’on se réfère au nombre de livrets A détenus par des personnes physiques, qui s’établissait à plus de 63 millions à la fin de 2012, soit un taux de détention équivalant à 96 % de la population française.

Outre le livret A, les deux autres principaux livrets réglementés et entièrement exemptés de prélèvements sociaux et fiscaux, c’est-à-dire le livret de développement durable et le livret d’épargne populaire, rencontrent eux aussi un franc succès, même si leur nombre est moins élevé.

Le Gouvernement a fait le choix, malgré la faiblesse de l’inflation, d’une politique volontariste, qui s’est traduite par le maintien d’un taux de rémunération relativement élevé pour ces trois livrets. En effet, alors que la Banque de France préconisait une nouvelle baisse de la rémunération du livret A et du LDD, pour la ramener à 1 %, le ministre de l’économie et des finances a choisi de maintenir le taux à 1,25%.

Ce choix politique en faveur du pouvoir d’achat des ménages favorise la confiance de ces derniers dans des produits d’épargne déjà largement plébiscités du fait de leur défiscalisation, de leur liquidité parfaite et de leur rémunération qui garantit un niveau de sécurité maximal.

Nous soutenons ces mesures qui permettent aux ménages, notamment aux plus modestes d’entre eux, de constituer une épargne de précaution, plus que nécessaire en ces temps incertains, mais il convient de ne pas oublier que l’un des principaux déterminants de l’épargne reste le revenu. Les conditions économiques dégradées, la croissance morne et le chômage endémique sont les véritables obstacles à la constitution d’une solide épargne populaire.

D’ailleurs, il convient de rappeler que si plus de 90 % de la population française détient un livret A, l’encours moyen de ces livrets, comme celui des livrets de développement durable, se situe autour de 3 700 euros, bien loin de leurs plafonds fixés respectivement à 22 950 euros et à 12 000 euros. Surtout, 64 % des livrets A ont un encours inférieur à 1 500 euros, et plus de 10 % un encours inférieur à 10 euros. L’encours moyen des livrets d’épargne populaire est, quant à lui, un peu plus élevé, puisqu’il s’établit à quelque 5 300 euros.

Ce que nous souhaitons, c’est donc avant tout l’amélioration des conditions économiques, et en premier lieu le retour des emplois et de la croissance, pour permettre à ceux qui le désirent de constituer une épargne de précaution significative.

Madame la ministre, le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage la première de ses priorités et nous lui apportons tout notre soutien. Des signes encourageants de reprise sont aujourd’hui perceptibles. Nous espérons que la diminution drastique du taux de chômage est véritablement enclenchée.

Les réformes récentes ont aussi répondu à un second objectif en matière d’épargne, celui de justice fiscale, auquel les membres du RDSE sont extrêmement attachés.

Enfin, il ne faut pas oublier que, comme le rappelaient les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre dans leur rapport d’avril 2013 sur l’épargne financière des ménages, « l’épargne réglementée bénéficie d’un traitement fiscal et social très favorable conforme à sa nature d’épargne populaire qui permet le financement de priorités d’intérêt général ».

En effet, les montants collectés au titre des livrets A et des LDD centralisés au fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations permettent de financer la politique en faveur du logement social ainsi que celle de la ville, mais peuvent aussi, ponctuellement, contribuer au financement d’autres politiques publiques, en matière d’infrastructures, de santé, etc.

Dans les prochaines années, le fonds d’épargne devrait continuer à accompagner ces politiques prioritaires, notamment pour atteindre l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an. Néanmoins, des problèmes autres que celui de l’épargne se posent.

Le véritable enjeu, pour l’épargne en France, n’est nullement celui du niveau d’épargne des ménages, d’ailleurs relativement élevé puisqu’il se situe autour de 15 % ; c’est surtout celui de son allocation.

Si une partie de l’épargne populaire contribue au financement des PME, notamment au travers des obligations qui incombent aux établissements financiers collecteurs du livret A et du LDD, l’épargne – et pas seulement l’épargne populaire – reste insuffisamment orientée vers le financement de l’économie.

Historiquement, la forte aversion au risque des ménages français, qui a été renforcée par la crise économique, les conduit, de manière tout à fait légitime, à se tourner vers les produits d’épargne les plus liquides et les moins risqués : livret A, LDD… Cela se traduit aussi par le placement de 85 % des encours d’assurance vie sur des contrats en euros ou sur les compartiments euros des contrats multisupports, dont le capital est garanti à tout moment.

De surcroît, la réglementation et la fiscalité de l’épargne incitaient peu, jusqu’à présent, à une prise de risque plus importante, qui permettrait d’orienter davantage l’épargne vers le financement de l’économie, notamment vers le développement des PME.

L’amélioration du financement de l’économie était aussi un des principaux objectifs de la réforme de l’épargne réglementée mise en œuvre en plusieurs étapes par le Gouvernement. Celle-ci s’est caractérisée, tout d’abord, par le doublement des plafonds du livret A et du LDD, puis par la baisse des taux des prêts du fonds d’épargne, et enfin par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros provenant des ressources centralisées au fonds d’épargne, afin de leur permettre d’accroître les prêts aux PME.

Les différentes réformes engagées doivent porter leurs fruits dans les années à venir. Il nous semble qu’il faut désormais maintenir une certaine stabilité, d’ailleurs promise par le Président de la République. Cette stabilité est indispensable pour garantir la confiance des épargnants et des investisseurs, confiance qui est elle-même la clé, comme nous le soulignons souvent, de la croissance, et donc de l’emploi, lequel demeure notre priorité !

Il faut dire aussi que l’épargne populaire a permis, dans les années passées, de maintenir un parc automobile relativement important. Quant à l’épargne détenue par les personnes âgées, elle sert souvent à acheter la mobylette ou le scooter du petit-fils ou de la petite-fille…

Madame la ministre, nous sommes très attachés à l’épargne populaire car, si nombreux sont ceux qui en bénéficient, ce sont, à l’évidence, surtout les plus modestes qui tireront avantage des réformes entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC nous propose aujourd’hui un débat sur l’épargne populaire. Il convient, tout d’abord, de définir ce que signifie cette expression. S’agit-il uniquement du livret d’épargne populaire, produit financier réglementé à l’usage des personnes ayant un revenu fiscal de référence inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial, de l’ensemble des livrets d’épargne réglementés, qui comprend, outre le livret d’épargne populaire, le livret A et le livret de développement durable, ou encore de toute épargne qui serait « populaire » ?

J’ai noté que le député UDI Charles de Courson avait proposé, début février, une refonte de la fiscalisation des livrets d’épargne réglementée.

Mme Muguette Dini. Nous ne sommes pas d’accord !

M. Jean Desessard. Mme Férat a cependant signalé que telle n’était pas sa position.

Mme Muguette Dini. Absolument !

M. Jean Desessard. M. de Courson propose de soumettre les intérêts des livrets A et des livrets de développement durable à l’impôt sur le revenu au-delà d’un certain seuil qu’il conviendra de fixer ultérieurement. Son argument principal est que la défiscalisation des intérêts de ces livrets coûte cher dans un contexte de restriction budgétaire : 665 millions d’euros en 2013, selon ses estimations. Il affirme également qu’une fiscalisation de ces produits ne toucherait pas les plus modestes, qui sont exonérés de l’impôt sur le revenu. Il déclare enfin que l’exonération fiscale « favorise ceux qui bourrent ces livrets comme une façon de mieux rémunérer leur épargne liquide », remettant ainsi en cause le caractère « populaire » de cette épargne, ces produits étant principalement utilisés par des personnes aisées.

J’ai bien compris que telle n’était pas la position du groupe UDI-UC du Sénat. (Mme Muguette Dini acquiesce.)

M. Joël Guerriau. Absolument !

M. Jean Desessard. Mme Férat a en effet défendu les livrets de l’épargne réglementée, qui, comme leur nom l’indique, sont réglementés, c’est-à-dire que la définition de leurs intérêts, leur collecte et l’utilisation de celle-ci sont de la responsabilité du secteur public. Ainsi, les banques reversent 65 % des sommes placées par leurs clients sur les livrets A et les LDD et 70 % de celles qui sont placées sur les livrets d’épargne populaire à un fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. Les 35 % restants sont gérés par les banques, qui ont pour obligation de les employer pour le financement des PME et des opérations de rénovation énergétique des bâtiments anciens. Le respect de cette obligation est à vérifier…

Le fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations a pour priorité de financer le développement de l’offre de logements sociaux et la politique de la ville. En 2012, cette manne financière a permis à la Caisse d’accorder 14,9 milliards d’euros de prêts. Durant cette même année, plus de 100 000 logements sociaux ont pu être acquis ou construits grâce au fonds d’épargne. En janvier 2013, le Gouvernement a décidé de doubler le plafond du livret A. Cet effort permettra de renforcer le soutien financier au logement social sur le long terme.

Les livrets de l’épargne réglementée sont ainsi socialement utiles à notre pays. Il est évidemment possible de débattre de la légitimité d’une fiscalisation, car la fixation des plafonds à des niveaux élevés profite principalement aux plus aisés. Néanmoins, d’autres produits financiers mériteraient davantage notre attention : je veux parler des assurances vie.

Si les assurances vie peuvent être considérées comme des assurances pour les proches du souscripteur en cas de décès, elles sont avant tout des produits d’épargne très intéressants pour les assurés. Le montant total de l’encours des assurances vie témoigne de l’attractivité de ces produits : 1 400 milliards d’euros à la fin de 2012. On dépasse de loin les 385 milliards d’euros d’encours cumulés des livrets A, des LDD et des LEP à la même date.

Ces placements sont beaucoup plus rentables pour les épargnants que les livrets, même si l’écart tend à se réduire. En effet, si les assurances vie proposent un taux de rémunération d’environ 3 % en moyenne selon les placements, les taux des livrets se situent entre 1,25 % et 1,75 %.

Un des écueils majeurs de l’assurance vie est que, à la différence de ceux des livrets réglementés, ses encours ne sont pas fléchés par les pouvoirs publics. Elle n’a donc aucune utilité sociale puisque ses encours ne sont pas orientés vers des investissements choisis pour l’intérêt qu’ils présentent pour l’ensemble de la société.

Certes, depuis plusieurs années, les assurances vie proposent à leurs souscripteurs d’investir dans des fonds « ISR » – investissement socialement responsable –, dont les gérants tiennent compte de critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance démocratique. Si l’émergence de ces pratiques est un point positif, il convient de rester lucide sur leur ampleur et leur impact réels. Le choix est laissé aux souscripteurs des assurances vie d’utiliser leurs fonds comme ils l’entendent, et les placements ISR ne se distinguent pas par une rentabilité financière supérieure. Ainsi, seulement 54,6 milliards d’euros ont été placés dans ces fonds en 2012 par les assureurs, selon une étude du cabinet Novethic publiée en avril 2013. De plus, il n’existe pas de cadre réglementaire définissant ces « bonnes pratiques ».

Si l’utilité sociale de l’assurance vie est plus que limitée, son régime fiscal est très avantageux, puisque les prélèvements sont uniquement effectués lors d’un mouvement de fonds : rachat total ou partiel, sortie en rente ou capital décès. Les gains sont imposés, mais uniquement au prorata des sommes retirées ; si l’on rachète 10 % du total du contrat, l’imposition ne portera que sur 10 % des intérêts produits depuis l’ouverture de ce dernier.

Pour toutes ces raisons, plutôt que de taxer les détenteurs de livrets, dont l’épargne profite à la société, il serait préférable de flécher les encours de l’assurance vie.