Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 28, 29, 30, et 31, puisqu’ils portent tous sur les conditions et les modalités de saisie des conseils de prud’hommes par les stagiaires.

La proposition de loi aborde dans sa rédaction actuelle la question en prévoyant, à la suite de l’adoption d’un amendement de nos amis du groupe GDR, qu’en cas de saisie le conseil de prud’hommes statue immédiatement en conseil.

Cela a pour effet d’accélérer la procédure, ce qui est une bonne chose eu égard à la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouvent les stagiaires contraint de saisir les prud’hommes.

Pour autant il nous semble que le dispositif peut être complété, et c’est précisément le sens de nos amendements.

En effet, les conditions de saisie des conseils de prud’homme restent d’abord et avant tout jurisprudentielles, notamment pour obtenir la requalification d’un stage en contrat de travail.

Une construction jurisprudentielle que nous regrettons puisque par le passé, avant la recodification du code de travail, il existait un article dans la partie réglementaire précisant les cas ou les conditions permettant aux stagiaires d’agir en justice.

Afin de faciliter les démarches des stagiaires dans la reconnaissance de leurs droits, nous proposons de préciser explicitement que le stagiaire peut saisir les juges prud’homaux, dès lors qu’il estime que l’organisme d’accueil n’a pas respecté ses obligations figurant dans la convention de stage.

Qui plus est, nous proposons d’apporter à la rédaction actuelle deux précisions, l’une portant sur les faits de la requalification dont nous souhaitons préciser que ses effets débutent dès le premier jour, et l’autre précisant que la prescription d’action du stagiaire est enfermée dans un délai de trois ans, c’est-à-dire un an de plus que le délai de prescription de droit commun.

Enfin, notre dernier amendement porte sur les effets de la requalification et, d’une manière plus globale, sur la réparation que pourra décider le conseil de prud’hommes.

Nous proposons de préciser dans la loi que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du stagiaire, il peut lui accorder le salaire normalement dû pour le poste occupé, le paiement des heures supplémentaires accomplies en méconnaissance de la convention de stage, ainsi que le paiement de l’indemnité lié au paiement des congés, des congés payés afférents au poste occupé par le stagiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement de Mme Laurence Cohen tend à permettre la saisie du conseil de prud’hommes pour une requalification si le stagiaire estime que l’organisme d’accueil n’a pas respecté ses obligations figurant dans la convention de stage.

La requalification d’une convention de stage en contrat de travail repose bien sur le fait que les activités exercées en réalité par le stagiaire ne correspondent pas à celles qui sont prévues par la convention dans des conditions qui ne sont pas traditionnellement celles qui sont réservées à des stagiaires.

De plus, c’est bien le stagiaire qui est à l’origine de la demande de requalification.

Cet amendement me semble donc pleinement satisfait par l’état actuel du droit, en particulier par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet le même avis, pour les mêmes raisons, monsieur le président.

M. le président. Madame Pasquet, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?

Mme Isabelle Pasquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 61

Après le mot :

affaire

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

est portée devant le bureau de conciliation. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Dans la discussion sur l’apprentissage, on avait estimé que le premier contact lors d’un conflit ne devait pas être devant les prud’hommes. De la même manière, on estime que, dans le cadre d’un problème de requalification en contrat de travail, il serait préférable qu’il y ait une phase de conciliation, avant que cela soit porté directement devant les prud’hommes.

Même si cela ne constitue pas le début d’une carrière professionnelle, si le premier contact avec l’entreprise se traduit déjà par le fait d’aller devant les tribunaux, le jeune aura, je le pense, une vision sans doute assez négative du monde du travail (Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.), et ce n’est pas l’objectif du stage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’amendement de Mme Procaccia prévoit le passage devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes en cas de demande de requalification de la convention de stage en contrat de travail.

La procédure spécifique prévue pour la requalification, qui reprend celle qui existe en cas de demande de requalification d’un CDD en CDI, vise à permettre un traitement rapide de la demande.

Cet objectif est incompatible avec le passage devant le bureau de conciliation dont on sait la durée, pour un ensemble de raisons que je n’aborde pas ici, mais qui ne sont pas neutres.

Afin de prévoir l’examen dans un délai d’un mois par le bureau de jugement, je pense qu’il faut maintenir le texte tel qu’il est rédigé. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Même avis, pour les mêmes motifs, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Marseille, est ainsi libellé :

Alinéa 61

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas de recours, l’établissement d’enseignement est tenu de produire les rapports de suivi du stage ou de la période de formation en milieu professionnel.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 132, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 61

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil de prud’hommes requalifie la convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée en cas d'abus ou de non-respect des termes de la convention de stage, notamment :

« - lorsque l'employeur n'a pas respecté les articles L. 128, L. 128–1, L. 129, L. 129–1, L. 130–2, ainsi que le troisième alinéa de l’article L. 124 du code de l'éducation ;

« - lorsque la formation est absente ou insuffisante ;

« - lorsque le stagiaire se voit attribuer des tâches manifestement disproportionnées par rapport à ses missions ;

« - lorsque le travail du stagiaire se poursuit au-delà du terme de la convention.

« La requalification produit ses effets à compter du premier jour du stage.

« En cas de requalification, l’employeur peut être condamné pour : travail dissimulé, abus de vulnérabilité et situation de dépendance tel que prévu par l'article 225–13 du code pénal. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 61

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La requalification produit ses effets à compter du premier jour du stage. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 61

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du stagiaire, il peut lui accorder le salaire normalement dû pour le poste occupé, le paiement des heures supplémentaires accomplies en méconnaissance de la convention de stage ainsi que le paiement de l’indemnité liée au paiement des congés payés afférant au poste occupé par le stagiaire. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Ce sont les conséquences de la requalification de la convention de stage en contrat de travail.

Cet amendement précise que les prud’hommes pourront accorder au stagiaire les sommes et indemnités, heures supplémentaires et congés payés normalement dus à un salarié pour le poste de travail occupé.

Il s’agit de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui est d’ailleurs plus étendue puisqu’elle intègre également les indemnités de rupture de contrat. Par conséquent, il ne faut pas que cette liste puisse apparaître limitative.

L’amendement est à mon sens satisfait. Il pourrait même être contre-productif. Aussi, nous invitons ses auteurs à le retirer, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 61

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’action mentionnée à l’alinéa précédent se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 32 est présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 134 est présenté par Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 64

Rédiger ainsi cet alinéa :

VI. – La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique et le deuxième alinéa de l’article L. 612–11 du code de l’éducation sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 32.

Mme Laurence Cohen. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dite loi HPST, a placé les étudiants des établissements médicaux et paramédicaux sociaux dans une situation injuste.

Ces derniers ne peuvent en effet pas bénéficier de la gratification des stages qu’ils réalisent, à l’inverse des étudiants des autres filières, et ce alors même que leur stage sont obligatoires pour valider leur cursus et que très vite ils accomplissent des missions et des actes qui sont utiles aux établissements dans lesquels ils interviennent.

Cette disposition qui s’apparente à une véritable rupture d’égalité entre étudiants en fonction de la formation qu’ils poursuivent est injuste pour les stagiaires, raison pour laquelle en séance publique Mme la ministre s’était engagée à ce que la gratification des stagiaires des fonctions publique territoriale et hospitalière prévue depuis la loi de juin 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche s’applique à la rentrée 2014.

C’est pourquoi comme nous l’avions proposé lors de l’examen de la loi HPST, à l’image d’ailleurs de nos collègues du groupe socialiste à l’époque, nous proposons de supprimer la dernière phrase de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique et le deuxième alinéa de l’article L. 612–11 du code de l’éducation, de telle sorte que tous les stagiaires, y compris les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, ou encore les ergothérapeutes, puissent bénéficier d’une gratification.

M. le président. L’amendement n° 134 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Il s’agit donc de l’existence de ce régime dérogatoire qui, je le dis très clairement, ne me réjouit pas vraiment, mais qui est nécessaire au vu de l’organisation des formations de ces professions.

Le remettre en cause aujourd’hui engendrerait de très importantes difficultés. J’espère toutefois que le Gouvernement engagera une réflexion. Mais, en l’état actuel des choses, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Une telle gratification – c’est la raison pour laquelle en liaison avec le ministère de la santé, nous avions exclu du champ de la loi du 22 juillet 2013 les auxiliaires médicaux –représenterait un montant de près de 600 millions d’euros, à la charge principalement des établissements de soins ; on voit bien la difficulté.

Par ailleurs, il convient de souligner que les étudiants paramédicaux peuvent bénéficier de l’indemnisation de contraintes liées à l’accomplissement de leur stage – article L. 4381–1 du code de la santé publique – et que certains d’entre eux perçoivent des indemnités de stage versées par les établissements de santé support ou gestionnaire.

Je vous donne quelques exemples : infirmier première année, 230 euros pour dix semaines de stage ; ergothérapeute deuxième année, 360 euros pour douze semaines de stage : masseur-kinésithérapeute troisième année, 800 euros pour vingt semaines de stage.

Il est vrai que ce n’est pas globalement satisfaisant, mais, en l’état actuel du contexte budgétaire que connaissent les établissements de soins, nous mettrions gravement en danger leur équilibre financier en remettant les auxiliaires médicaux dans le droit général des gratifications de stage.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je vais voter l’amendement n° 32, mais j’ai du mal à comprendre le raisonnement adopté par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État, à moins de décider que l’État est à part.

Depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, j’entends dire qu’il faut unifier le droit, assurer une cohérence. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de retirer un amendement, malgré de fortes réticences. J’ai également adopté de nombreuses dispositions proposées par le Gouvernement ou par M. le rapporteur, dans ce même souci de cohérence.

On considère que le stagiaire n’est pas un salarié ni un demi-salarié, que le stage n’est pas un premier pas dans l’emploi, mais qu’il s’agit d’une période dans la formation. Une fois ce principe posé, deux attitudes sont possibles : la première consiste à distinguer les différents cas de figure, parce que tout le monde sait que l’on ne demande pas la même chose à un élève de l’enseignement secondaire ou à un étudiant de troisième ou de quatrième année ; la seconde attitude consiste à unifier le droit, c’est le parti qui a été retenu.

Plusieurs demandes ont fait état de l’absence de moyens de certains centres de formation ou d’associations, mais elles ont été écartées au nom de la cohérence. La nécessité du maintien de la cohérence a été constamment réaffirmée et là, d’un seul coup, M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État nous disent que ce n’est plus possible !

Oui, ça coûte. Mais ça coûtait aussi avant, à d’autres, qu’il s’agisse d’associations, de municipalités, de départements ou de l’État.

Nous avions choisi de nous en tenir à une cohérence, mais, d’un seul coup, l’État décide de ne pas se soumettre à la règle commune…

Mme Catherine Génisson. Il ne s’agit pas de l’État, mais de la fonction publique hospitalière !

M. Jean Desessard. Mais cette proposition de loi aura un coût pour tout le monde !

J’ai entendu le Gouvernement parler des bas salaires, des difficultés financières des plus modestes, de la nécessité de relancer le pouvoir d’achat : or cet amendement lui donnait l’occasion d’unifier le régime des gratifications de tous les stagiaires !

Pour tout investissement, à un moment, il y a un retour. J’ai cru comprendre que c’était l’argument invoqué dans le cas des entreprises. On investit des milliards d’euros pour améliorer la compétitivité des entreprises et on en attend des retombées positives.

Dans le cas présent, les sommes en jeu ne sont pas très importantes et l’argent qui serait investi pour assurer la cohérence de la proposition de loi aurait nécessairement des retombées positives, puisque les stagiaires ne vont pas aller le dépenser à l’extérieur des frontières, il sera nécessairement consommé sur place et contribuera à la vie économique locale !

Je ne comprends donc absolument pas la cohérence de la position adoptée par le rapporteur et par le Gouvernement. Depuis le début de cette discussion, nous disons que nous adoptons une approche unifiée et, d’un seul coup, nous l’abandonnons. Le rejet de cet amendement détruit tout ce qui a été fait précédemment et nous nous sentons un peu floués !

Nous avons rejeté ou retiré tous les amendements qui visaient à prendre en compte des cas particuliers, car l’intérêt de cette proposition de loi est précisément qu’elle introduit un régime unifié. Brusquement, on abandonne cette logique et c’est très difficile à comprendre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 31
Contre 315

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10, présenté par M. Desessard et Mme Archimbaud, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le titre de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi rédigé :

« Information et consultation en matière de formation professionnelle, d’apprentissage et de formation continue »

... - Après l’article L. 2323–38 du même code, il est inséré un article L. 2323–38–... ainsi rédigé : 

« Art. L. 2323–38–... - Le comité d’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, est informé une fois par trimestre du nombre de stagiaires relevant de l’article L. 612–8 du code de l’éducation, accueillis dans l’entreprise et de leurs caractéristiques, ainsi que, le cas échéant, des causes éventuelles de la rupture du stage. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La proposition de loi prévoit le renforcement des pouvoirs de l’inspection du travail pour s’assurer du respect des conditions de travail des stagiaires. Ces dispositions vont évidemment dans le bon sens, mais il convient également de renforcer le contrôle interne à l’entreprise.

C’est pourquoi nous proposons que les instances représentatives du personnel soient informées de manière trimestrielle du nombre de stagiaires présents dans l’entreprise. Cet amendement permettra à ces instances de jouer pleinement leur rôle en assurant de manière plus étroite la défense des intérêts des stagiaires. En effet, les personnes présentes au sein de l’entreprise peuvent plus facilement vérifier les conditions d’exécution des stages que des personnes extérieures.

Cette disposition est issue de l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011 sur l’accès des jeunes aux stages et à l’alternance. Elle fait ainsi l’objet d’un large consensus parmi les organisations syndicales et patronales. Lors des négociations, le MEDEF ne s’était d’ailleurs pas opposé à cette mesure – je sais que je ne vais pas me faire que des amis en disant cela ! (Mme Christiane Demontès sourit.)

C’est pourquoi nous vous proposons aujourd’hui d’adopter cet amendement, afin d’enrichir le dispositif de cette proposition de loi et de permettre aux représentants du personnel d’être informés des flux de stagiaires et de leurs conditions d’accueil.

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Après l’article L. 2323-38 du code du travail, il est inséré un article L. 2323-38-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2323-38-... – Le comité d’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, est informé une fois par trimestre du nombre de stagiaires relevant de l’article L. 612-8 du code de l’éducation, accueillis dans l’entreprise et de leurs caractéristiques, ainsi que, le cas échéant, des causes éventuelles de la rupture du stage. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Dans son rapport, notre collègue Jean-Pierre Godefroy fait référence à l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011 sur le développement de l’alternance et l’encadrement des stages en rappelant que celui-ci a été à l’origine de mesures positives et que, fait notable, il avait été signé par l’ensemble des organisations syndicales et patronales.

Toutefois, malgré cet unanimisme rare, sa transposition n’a été que partielle et certaines dispositions, pourtant contenues dans l’accord, n’ont toujours pas trouvé leur place dans la loi.

Tel est le cas de la disposition qui fait l’objet de cet amendement et qui prévoit que le comité d’entreprise – ou, à défaut, les délégués du personnel – soit informé une fois par trimestre du nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise et des caractéristiques des stages, ainsi que, le cas échéant, des causes éventuelles de la rupture du stage.

Cette disposition ayant déjà fait l’objet d’un accord unanime des partenaires sociaux, nous espérons qu’il en sera de même pour cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Ces amendements me semblent satisfaits par les dispositions de l’article L. 2323–51 du code du travail, qui prévoit que, chaque trimestre, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur informe le comité d’entreprise « du nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise, des conditions de leur accueil et des tâches qui leur sont confiées ». Dans les entreprises de plus petite taille, c’est le rapport sur la situation économique de l’entreprise qui contient ces informations, comme le prévoit l’article L. 2323–47 du code du travail.

J’invite donc les auteurs de ces amendements à les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l’article 1er.

Mme Catherine Procaccia. Nous avons passé deux soirées sur cet article 1er qui est particulièrement important. Cet article, reformulé, comporte un certain nombre de dispositions positives.

Pour ma part, j’insisterai surtout sur une nouveauté dont j’espère qu’elle sera réellement suivie d’effets, à savoir l’implication des établissements d’enseignement supérieur. Les problèmes que rencontrent les stagiaires ne sont pas dus uniquement aux entreprises, mais aussi aux établissements d’enseignement, quels qu’ils soient. En effet, ceux-ci envoient leurs élèves ou leurs étudiants en stage sans toujours se préoccuper du contenu du stage ni assurer de suivi, ce que nous avons réussi à imposer grâce à l’adoption de nos amendements.

En revanche, malgré les avancées sur les maisons familiales et rurales, le fait de laisser fixer par décret le nombre maximal de stagiaires par entreprise, ce qui nous laisse, nous législateurs, dans le flou, m’incite à m’abstenir et je pense que mon groupe adoptera la même position sur cet article. En effet, je persiste à trouver étrange qu’un texte de loi se borne à renvoyer à des décrets : à quoi servons-nous ?

Quant à l’encadrement des stagiaires, je demeure intimement persuadée que ces dispositions vont faire peur à de nombreuses entreprises,…

M. Charles Revet. C’est une certitude !

Mme Catherine Procaccia.  ce qui contribuera à diminuer l’offre de stages.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il y avait deux façons d’aborder le problème des abus dont sont victimes les stagiaires.

La première consistait à rédiger un texte général prévoyant une application secteur par secteur, en fonction du niveau de formation, pour tenir compte de ce que l’on appelle « la réalité du terrain ». C’était la position défendue par l’UMP et l’UDI-UC.

L’autre solution, avec quelques variations possibles, retenue par la gauche et les écologistes, consistait à trouver un dispositif globalement cohérent pour l’ensemble des stages, de façon à établir des principes généralement applicables. Telle est la voie que nous avons choisie, mais je ne suis pas sûr que nous parvenions à appliquer les dispositions nouvelles dans tous les secteurs.

Ce choix suppose que l’on se donne des moyens, mais nous avons fait ce pari et nous nous y tiendrons. Les écologistes voteront donc cet article 1er, mais ils sont très déçus par le rejet de l’amendement n° 32 présenté par le groupe CRC, dont l’adoption aurait permis d’établir une cohérence globale.

Et là, c’est à ne plus rien y comprendre ! On fonce, on y va ! La stratégie est prête, on la suit, c’est elle qui nous cimente ! Puis vient le moment où on ne veut plus jouer, car ce n’est plus possible et qu’on n’y va plus ! Que sont ces stratégies que l’on n’assume pas entièrement puisqu’on décide de ne pas aller jusqu’au bout, ce qui empêche de connaître les résultats qu’elles auraient pu produire ?

Si l’on commence – et vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État – à miter le projet en considérant que dans certains endroits il faut faire autrement, je ne serais pas étonné que des dérogations soient accordées dans les mois qui viennent !

Cet article 1er, nous allons le voter au nom de cette stratégie, mais nous éprouvons une déception car ladite stratégie est dépourvue de cohérence et n’est pas assumée jusqu’au bout !