M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite moi aussi souligner la qualité des rapports de nos collègues, qui éclairent parfaitement les enjeux soulevés par la question.

La piraterie est un véritable fléau pour les navires de commerce et de pêche, ainsi que pour les bateaux de plaisance. Le Bureau maritime international a recensé, toutes zones géographiques confondues, 264 attaques en 2013, dont 141 en Asie du Sud-Est et 51 en Afrique de l’Ouest.

Il est inutile de détailler ici toutes les menaces et les formes d’attaques, recensées notamment par le ministère de la défense, pour constater l’extension des actes de piraterie et la montée en puissance de leur violence. C’est pourquoi, dès le début de nos débats, je tiens à dire que les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont convaincus que la situation appelle des mesures fortes pour renforcer la sécurité du transport maritime et, avant tout, protéger la vie des équipages et les marchandises.

Or, si l’on veut avoir des résultats, il est nécessaire de réfléchir non seulement aux causes de la piraterie, mais aussi à tout ce qui contribue à l’accentuer : la guerre, le développement d’un marché de sécurité privé en zone de conflits internationaux, la pauvreté, l’insuffisance de l’aide au développement des pays des zones sous tension. La situation nécessite également, comme le préconise le Conseil économique et social européen dans son avis du 16 janvier 2013, de renforcer les efforts visant à détecter et couper les circuits financiers impliqués dans la piraterie.

Reste que la solution proposée, qui consiste à légaliser les gardes armés privés sur les navires battant pavillon français, ignore la question dans son ensemble et soulève plusieurs difficultés tant théoriques que pratiques. Ces difficultés nous paraissent d’autant plus rédhibitoires que, de notre point de vue, le projet de loi ne garantira ni la réalisation des objectifs économiques mis en avant par les armateurs ni celle des objectifs de sécurité.

En premier lieu, l’argument tiré de la compétitivité n’est pas tout à fait convaincant. Les entreprises françaises sont d’abord et avant tout confrontées à la concurrence de pavillons tiers, et la question de l’offre d’une protection privée est secondaire dans ce contexte. Les pavillons de complaisance, comme le pavillon anglais, exerce malheureusement, au détriment de notre filière nationale, une attractivité accrue auprès des armateurs, au regard des conditions fiscales ou sociales qu’ils pratiquent. C’est pourquoi, si elle souhaite préserver le pavillon de premier registre français, la France doit engager des réformes.

Le dernier exemple en date, pour ce qui concerne la flotte stratégique pétrolière, témoigne d’un mouvement inverse. Après l’annonce de la compagnie Maersk de dépavillonner ses navires, le groupe CRC a adressé une lettre au précédent gouvernement pour qu’il modifie la loi de 1992, en élargissant les obligations de capacités de transport à l’ensemble des produits énergétiques stratégiques de la France. L’indépendance de notre pays en matière de transport et de ravitaillement en produits pétroliers n’est plus assurée, car nous ne disposons quasiment plus de flotte pétrolière battant pavillon français. Il doit nous rester quatorze ou quinze navires ! Il faut donc arrêter cette fuite en avant, qui consiste à porter des législations de moins en moins exigeantes pour les personnels, au nom de la compétitivité.

Nous l’avons déjà dit, l’Europe devrait construire un pavillon européen équivalent au pavillon de premier registre. En attendant, la France doit dès à présent consolider une flotte stratégique de pétroliers, gaziers et chimiquiers sous pavillon français de premier registre, armée par des armateurs français, seule à même d’être mobilisée par l’État en cas de crise et d’être compatible avec les exigences de défense et de sécurité nationale.

De notre point de vue, le projet de loi ne va pas dans ce sens. L’efficacité et la qualité des équipes de protection embarquées de la marine nationale sont saluées par les armateurs et les équipages, ainsi que par vous-mêmes, mes chers collègues. Dès lors, dans le respect de l’exercice par l’État de ses missions régaliennes, il aurait été souhaitable de les renforcer.

L’étude d’impact estime par ailleurs entre 400 et 500 le nombre de personnels nécessaires à la sécurisation des navires, mais ne s’engage pas sur la localisation des emplois. Sur la période 2008-2012, 2 600 emplois ont été supprimés dans la flotte de commerce française.

Au titre de l’article 12 du projet de loi, aucune condition de nationalité n’est requise pour les agents employés par les entreprises privées de protection des navires. La multiplicité des nationalités pose, tout comme pour les équipages navigants, des difficultés de communication, qui peuvent engendrer incompatibilités et complications.

En second lieu, le projet de loi présente des défaillances en termes de sécurité.

L’Assemblée nationale a porté à trois le nombre minimum d’agents requis à bord, ce qui constitue bien sûr une amélioration. Toutefois, il convient de le préciser, les commandos de la marine embarquent au minimum six militaires pour assurer une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre – il faut bien qu’ils se reposent ! –, pendant des trajets qui peuvent durer jusqu’à dix jours en fonction de la puissance du navire et de la zone à couvrir.

De plus, les membres des commandos de marine intervenant dans la lutte contre la piraterie reçoivent, outre une formation initiale solide, une formation particulière. Dans le cadre des sociétés d’armement privées, on peut s’interroger sur la prise en compte des règles de déontologie, essentielles au regard de la dangerosité de l’activité.

Par ailleurs, des précautions sont prises sur le nombre d’armes et les catégories d’armes embarquées, ce que l’on peut comprendre. Cependant, comment pourront se faire les opérations dissuasives comme les tirs de barrage ?

Enfin, l’encadrement de l’emploi de la force et l’application du droit commun de la légitime défense constituent un artifice juridique dangereux pour les agents de sécurité et le capitaine. Après l’avoir très justement remarqué, madame la rapporteur, vous avez tenté d’apporter des corrections sur ce point. L’avis du Conseil économique et social européen précise pourtant que, dans le cadre du recours aux vigiles privés, les États devraient « définir un encadrement juridique strict qui fixe entre autres les conditions de responsabilité du commandant du navire, notamment en cas d’ouverture de feu ».

Soulignant l’inadaptation du régime de la légitime défense et de l’état de nécessité, Arnaud Leroy, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, affirme : « Incertain de ce que sera finalement la lecture juridictionnelle de ces dispositions, […] votre rapporteur […] appelle cependant le pouvoir réglementaire et les autorités judiciaires à la plus grande vigilance dans les conditions de son application. »

Au-delà du risque de mise en danger des équipages, nous déplorons particulièrement la situation d’insécurité juridique dans laquelle pourra se trouver le capitaine du navire. En réalité, l’argumentaire initié dans l’étude d’impact pour réfuter les escortes privées, selon lequel « l’effectivité de l’autorité que le capitaine du navire protégé sera en mesure d’exercer sur le navire d’escorte est donc plus qu’incertaine », est largement transposable à bord.

Pour finir, si l’article 8 dispose que l’autorisation d’exercice ne confère aucune prérogative de puissance publique à l’entreprise ou aux personnes qui en bénéficient, il s’agit, nous le savons tous, d’une déclaration de principe. Précisons que cette dernière n’est pas valable du point de vue du droit international, qui tiendra, dans tous les cas, l’État du pavillon responsable des agissements des entreprises privées. Ainsi, le droit coutumier international, codifié à l’article 5 du texte de la Commission du droit international des Nations unies sur la responsabilité internationale de l’État, et confirmé par la Cour internationale de justice, dispose que « le comportement d’une personne ou entité qui n’est pas un organe de l’État […], mais qui est habilitée par le droit de cet État à exercer des prérogatives de puissance publique, pour autant que, en l’espèce, cette personne ou entité agisse en cette qualité, est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international ».

Au sens du droit international, on ne voit donc pas comment l’exercice d’une mission de surveillance armée dans les espaces internationaux et dans les mers territoriales étrangères, sur des navires arborant le pavillon de l’État, pourrait être autre chose que l’exercice de prérogatives de puissance publique. Du reste, si tel n’était pas le cas, pourquoi cette loi serait-elle nécessaire, si ce n’est pour déroger à l’exclusivité étatique des fonctions de police ?

En raison de toutes ces remarques, et bien que nous le regrettions, car nous aurions aimé soutenir ce texte, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, qui souhaitent que la politique de transport maritime se construise en France et en Europe autour de l’emploi maritime et des activités à terre, en assurant l’avenir de la filière et la pérennisation des savoir-faire de la marine marchande et des professions des gens de la mer, voteront contre le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la piraterie maritime n’est pas seulement un thème de prédilection du cinéma et de la littérature, c’est aussi et surtout un phénomène sérieux, permanent, récurrent et évolutif, dont les conséquences physiques et psychologiques sur les marins, ainsi qu’environnementales et économiques, sont considérables.

Certains chiffres sont édifiants. Alors que 90 % du commerce mondial se fait par la voie maritime, plus de 230 attaques ont été recensées en 2013 par le Bureau maritime international, touchant 300 à 500 membres d’équipages, malmenés, retenus en otages, blessés ou parfois même tués. Une telle situation oblige l’industrie des transports maritimes à se structurer, notamment en contournant les zones à risques, en accélérant lorsqu’il n’est pas possible de les éviter, en allouant des primes de risque à leur équipage ou en augmentant les dépenses de sécurité.

Toutes ces mesures, auxquelles il convient d’ajouter les surprimes demandées par les assurances, coûtent très cher. Leur montant annuel a été évalué entre 7 milliards et 12 milliards de dollars au niveau mondial et entre 5 milliards et 8 milliards d’euros pour les armateurs français, ce qui finit par peser lourdement sur la compétitivité de notre pavillon.

En France, la marine nationale est chargée de la protection des navires battant pavillon français ou d’intérêts français. Depuis décembre 2008, elle participe à l’opération Atalante, première opération navale de l’Union européenne, dont l’objectif est de dissuader, de prévenir et de réprimer les actes de piraterie et de brigandage au large des côtes somaliennes. Elle est également partie prenante de la force multinationale 151, mise en place par l’OTAN.

Par ailleurs, depuis 2009 et l’attaque du Ponant et de plusieurs thoniers français dans l’océan Indien, la marine française offre, sous certaines conditions, la possibilité aux navires français évoluant dans des zones dangereuses, de demander un renfort en personnels pour les protéger, qu’on appelle « équipes de protection embarquées ».

Ces opérations, il faut le souligner, ont eu un effet dissuasif certain et entraîné une nette diminution des actes de piraterie dans l’océan Indien. En effet, dans cette zone, les prises d’otages étaient quasi systématiques et particulièrement violentes. À la mi-avril, un navire et cinquante marins étaient encore otages dans la région.

Le dernier incident concernant l’un de nos concitoyens remonte à septembre 2011 ; il avait donné lieu à la mort de l’un des plaisanciers et au sauvetage in extremis, par la force « Atalante », de son épouse.

L’accalmie apparente observée dans l’océan Indien ne doit pas faire retomber la vigilance générale, car des groupes pirates sont toujours actifs et le risque de réversibilité du phénomène restera important tant que la situation économique et politique ne sera pas résolue en Somalie.

De plus, compte tenu de la mouvance du phénomène, le recul dans cette zone a été parallèlement marqué par une émergence de la piraterie dans le golfe de Guinée.

Nous savons que les forces déployées, dont l’exceptionnel travail n’est pas en cause, ne sont pas à même de répondre à l’ensemble des demandes des armateurs sur une zone aussi vaste. C’est la raison pour laquelle 40 % des bateaux français naviguent aujourd’hui sous pavillon étranger pour pouvoir recourir à une protection armée à bord, interdite dans notre pays, mais pourtant autorisée par la plupart de nos voisins européens, comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Danemark ou la Norvège.

S’il ne fait aucun doute que la sécurité est et restera un domaine régalien auquel la France est extrêmement attachée, ce texte en propose une conception plus dynamique en mettant en place un cadre légal autorisant et encadrant le recours à des services de protection privés des navires. Il n’est pas ici question de se défausser de cette compétence, mais d’autoriser, à titre complémentaire, son exercice par des sociétés privées, dont l’activité fera l’objet d’un encadrement très strict. Le présent projet de loi prévoit ainsi notamment de soumettre l’exercice de cette activité à l’obtention d’une autorisation par le Conseil national des activités privées de sécurité.

Les agents recrutés ne pourront être vêtus de tenues pouvant porter à confusion avec les tenues des forces de police, des forces armées ou de la douane. Ils pourront porter une arme et recourir à la force dans le seul cadre de la légitime défense.

II s’agit, à n’en point douter, d’un texte équilibré et respectueux tant du droit international que de nos principes constitutionnels.

Enfin, je tiens à saluer la solution retenue par la commission des lois du Sénat, saisie pour avis, pour résoudre les difficultés de codification que présentait le texte, en insérant des articles définissant le régime d’enregistrement et de surveillance des entreprises de sécurité dans le code de la sécurité intérieure et en laissant les modalités, l’emploi et l’encadrement à la mer relever du code des transports. Le choix du processus de codification différent ne remet évidemment pas en cause le bien-fondé du texte mais participe à l’intelligibilité de la loi.

Pour conclure, je dirai que ce dispositif s’inscrit dans la continuité de l’engagement pris par le Gouvernement lors du comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013, approuvé par Jack Lang, auteur d’un rapport remis au secrétaire général des Nations unies sur les « questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes » en janvier 2011. Il répond également à des recommandations plus anciennes, telles que celles qui ont été formulées par MM. Peyronnet et Trucy, dans un rapport d’information sénatorial du 11 avril 2012, intitulé Lutte contre la piraterie maritime : une loi utile, une mission sans fin, dans lequel ils préconisaient également le recours à des sociétés de sécurité privées.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bonne référence !

M. Thani Mohamed Soilihi. Le 29 avril dernier, nos collègues députés ont adopté à l’unanimité ce texte, qui répond à une demande forte et légitime des armateurs français et permettra de leur assurer une sécurité et une compétitivité accrues. Le groupe socialiste du Sénat y apportera son soutien, et j’invite tous les membres de cette assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Je serai bref, nombre d’arguments très pertinents ayant déjà été exposés.

Le ton du débat et la qualité des travaux, comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, montrent qu’un large consensus se dessine, même s’il n’est pas total.

M. Pierre-Yves Collombat. On s’en approche !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Certes, et l’examen des amendements permettra peut-être de faire évoluer certaines positions vers une abstention positive… Rassurez-vous, je ne cherche pas à faire pression, mais je pense que le sens du vote nous permettrait d’adresser un signal fort.

Monsieur le rapporteur pour avis, cher Alain Richard, je peux vous dire que nous avons des réunions de concertation mensuelles avec l’ensemble des armateurs, y compris les représentants de sociétés privées, permettant d’établir à la fois les modalités d’application et le référentiel de formation. Ainsi, dès le vote du projet de loi et la publication des décrets d’application, nous aurons, dans un délai de six mois, la possibilité de mettre en œuvre très concrètement ce texte.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Sur la notion de légitime défense, votre démonstration juridique était parfaite. Pour ma part, je souhaite souligner que la protection des navires s’exerçant dans un contexte international, cette activité doit être strictement encadrée. L’usage de la force ne peut être possible que dans le cadre de la légitime défense.

Monsieur Revet, vos propos étaient en quelque sorte un hommage rendu à la célérité du Gouvernement à répondre aux attentes des professionnels.

M. Charles Revet. Il doit y avoir célérité pour les décrets, monsieur le secrétaire d’État !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Je m’y engage.

Le Gouvernement devait se saisir du sujet puisque, même s’il y avait eu une loi, les professionnels eux-mêmes considéraient que le cadre législatif existant était imparfait, insuffisant. Or, comme vous l’avez vous-même noté, les conséquences économiques sont réelles.

Monsieur Bockel, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à ce texte.

Vous avez soulevé la question du devenir des pirates appréhendés. Il ne s’agit pas de prisonniers de guerre, statut qui est réservé aux soldats d’une armée régulière. Les pirates sont des délinquants, des terroristes. Il est extrêmement important que nous puissions faire cette distinction et que les règles de droit qui sont les nôtres s’appliquent.

Il revient au capitaine du navire de remettre les pirates aux autorités judiciaires ou au consulat le plus proche lors d’une escale, sauf accords internationaux ou bilatéraux. S’il devait y avoir des risques en termes de droits de l’homme, il y aurait alors déroutement du navire considéré de sorte que, là encore, les droits de l’homme soient garantis, même si les pirates eux-mêmes ne sont pas, c’est le moins que l’on puisse dire, très attentifs à la valeur de la vie humaine.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Nous devons donc, de ce point de vue, être respectueux du droit à un procès équitable, en mettant en œuvre, malgré tout, des procédures qui soient les plus adaptées aux situations auxquelles nous sommes confrontés.

Madame Didier, vous le savez, même si je peine à vous convaincre,…

M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. Ce n’est pas faute d’essayer !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … je ne renonce jamais.

La volonté du Gouvernement est de construire une politique maritime forte et intégrée. Nous savons, en tant que témoins ou acteurs, que cette construction est nécessaire. M. Bockel indiquait d’ailleurs que la mer pourrait bien être l’avenir de la Terre. Elle l’est indiscutablement. Elle recèle en effet des ressources écologiques qui permettront à notre planète de trouver des perspectives de développement qui sont encore insoupçonnées.

Je vous trouve sans indulgence, notamment lorsque vous évoquez la loi de 1992. Vous savez très bien que nous sommes à la manœuvre, oserai-je dire de façon imagée, pour faire en sorte que la rédaction des dispositions législatives en cours – les principes peuvent paraître simples, mais la mise en application est particulièrement compliquée – permette d’aboutir à un meilleur dispositif. Je tiens donc à vous réaffirmer – car la déception de vous savoir tentée par un vote négatif serait grande, même si j’espère encore que tel ne sera pas le cas – la volonté qui est la nôtre de nous saisir avec force des questions maritimes. Le CIMER avait été le cadre d’engagements du Gouvernement. Vous en avez ce soir la concrétisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires

Titre Ier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Discussion générale (suite)
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Article 2 A (nouveau)

Article 1er

I. – Le livre IV de la cinquième partie du code des transports est complété par un titre IV intitulé : « Activités privées de protection des navires » et comprenant les articles L. 5441-1 à L. 5443-12, tels qu’ils résultent de la présente loi.

II. – Au début du même titre IV, il est inséré un chapitre Ier ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Dispositions générales

« Art. L. 5441-1. – Est soumise au présent titre, dès lors qu’elle n’est pas exercée par des agents de l’État ou des agents agissant pour le compte de l’État, l’activité qui consiste, à la demande et pour le compte d’un armateur, à protéger, contre les menaces extérieures, des navires battant pavillon français.

« Cette activité ne peut s’exercer qu’à bord du navire qu’elle a pour but de protéger. Elle a pour fin de garantir la sécurité des personnes embarquées sur le navire, équipage et passagers. Elle pourvoit également à la protection des biens transportés.

« Les personnes morales exerçant cette activité sont dénommées entreprises privées de protection des navires. Les personnes physiques exerçant cette activité, employées par ces entreprises, sont dénommées agents. Les conditions d’exercice de cette activité sont définies au titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Titre II

CONDITIONS D’EXERCICE DE L’ACTIVITÉ PRIVÉE DE PROTECTION DES NAVIRES

Chapitre Ier

Personnes morales

Article 1er
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Article 2

Article 2 A (nouveau)

I. – L’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° À la demande et pour le compte d’un armateur, à protéger, contre les menaces extérieures, des navires battant pavillon français, en application de l’article L. 5441-1 du code des transports. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 612-1 du même code, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° ».

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

II.- Le premier alinéa de l'article L. 612-1 du même code est ainsi rédigé :

« Seules peuvent être autorisées à exercer à titre professionnel, pour elles-mêmes ou pour autrui, les activités énumérées au 1° à 3° de l’article L. 611-1, et à titre professionnel, pour autrui exclusivement, l’activité mentionnée au 4° de l’article L. 611-1 : ».

La parole est à M. Alain Richard, rapporteur pour avis.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. Comme nous l’avons dit au sein de la commission des lois et de la commission du développement durable, il nous semble important de préciser que la société responsable de la gestion du navire, à la différence de ce qui se produit pour d’autres professions, ne peut pas assurer elle-même la sécurité. L’entreprise qui exerce l’activité de protection des navires ne peut agir que pour autrui.

Il s’agit donc d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Odette Herviaux, rapporteur. La commission du développement durable a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 A, modifié.

(L'article 2 A est adopté.)

Article 2 A (nouveau)
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Article 3

Article 2

Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires » ;

2° Le chapitre Ier est complété par l’article L. 616-1 qui devient l’article L. 611-2 ;

3° Le chapitre VI est intitulé : « Activités de protection des navires » et comprend les articles L. 616-1 à L. 616-5. – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article 1609 quintricies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I est complété par les mots : « et sur l’activité mentionnée à l’article L. 5441-1 du code des transports » ;

2° Après le 2° du II, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les personnes morales établies en France qui effectuent à titre onéreux l’activité mentionnée à l’article L. 5441-1 du code des transports. » ;

3° Au premier alinéa du III, la référence : « au 1° » est remplacée par les références : « aux 1° et 3° ».

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. L’éventuelle soumission des entreprises privées de protection des navires à l’imposition prévue par l’article 3 relève d’une loi de finances. Comme je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, il existe un monopole fiscal.

En outre, cette disposition ne vise que les prestations réalisées dans notre pays par des entreprises établies sur le territoire français. Il y a donc distorsion de concurrence. Les entreprises établies ailleurs qu’en France seraient tout simplement exonérées. C'est un argument supplémentaire pour étayer la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois est défavorable à cet amendement.

D’une part, même si M. le secrétaire d’État reprend ici ce qu’il a dit à l’Assemblée nationale, son affirmation est contredite par l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances. Il est parfaitement possible, et ce gouvernement, comme d’autres, a fait usage de cette faculté, d’instaurer une imposition par une loi ordinaire.

D’autre part, sur le fond, il nous semble que cette activité de sécurité privée peut, comme toutes les autres, contribuer au financement des frais de contrôle et d’agrément. Ces procédures ont un coût !

Si l’on raisonne en termes de concurrence internationale, il faudrait alors faire une comparaison avec le régime fiscal applicable aux sociétés exerçant la même activité dans d’autres pays.

Si nous croyons en ce que nous faisons, monsieur le secrétaire d’État, le rôle d’encadrement, de sécurisation et de validation de ces activités exercé par le CNAPS a aussi une valeur commerciale puisqu’il assoit la crédibilité des entreprises agréées. Il ne paraît donc pas justifié de dire qu’une société française qui assure cette activité ne devrait pas contribuer, pour sa part, aux coûts de fonctionnement du CNAPS, qui d’ailleurs y perdra de l’argent.