compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

M. Gérard Le Cam,

Mme Catherine Procaccia.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 26 juin 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 27 juin 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le premier alinéa de l’article L. 651-2 du code de commerce (liquidation judiciaire d’une personne morale) (2014-415 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

3

Débat sur le bilan annuel de l’application des lois

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l’application des lois, organisé à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois (rapport d’information n° 623 [session parlementaire 2012-2013]).

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents des commissions permanentes, mes chers collègues, le débat qui nous réunit cet après-midi se déroule à un moment où beaucoup ont les yeux tournés vers une échéance importante pour notre pays et chère aux amateurs de sport, dont je sais que M. Karoutchi n’est pas. (Sourires.)

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Quoi qu’il en soit, nous sommes au travail pour traiter d’un sujet essentiel : le bilan annuel de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. D’année en année, ce débat est devenu l’un des temps forts de l’activité de contrôle du Sénat. Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté de l’inscrire à l’ordre du jour de cette dernière séance de la session ordinaire, témoignant ainsi de l’intérêt qu’il y porte.

À l’approche du prochain renouvellement triennal du Sénat, cette discussion me donne aussi l’occasion de dresser un rapide bilan des trois premières années d’activité de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Vous en trouverez les données détaillées dans mon rapport écrit, où vous constaterez que, depuis sa mise en place effective en janvier 2012, cette nouvelle commission a beaucoup travaillé et a trouvé sa place au sein des institutions du Sénat. Partant de rien, elle a inventé ses méthodes de travail en bonne harmonie avec les commissions permanentes, avec la conférence des présidents et avec le Gouvernement.

Je tiens à souligner le soutien que nous avons trouvé auprès de chacun de nos interlocuteurs naturels : les présidents des commissions permanentes, même s’il n’est pas évident pour tous d’engager ce type de collaboration, les différents ministres chargés des relations avec le Parlement – M. Le Guen, son prédécesseur ou M. Ollier auparavant – et le secrétaire général du Gouvernement, que je salue, qui est son « bras armé » pour toutes les questions relatives à l’application des lois.

Finalement, la commission s’est installée sans heurt dans le paysage institutionnel du Sénat, favorisant de nouvelles approches et de nouveaux réflexes, en acquérant ce que j’ai coutume d’appeler la « nouvelle culture du contrôle et de l’évaluation ».

Comme je l’ai souvent dit à cette tribune, le Parlement ne peut plus se contenter aujourd’hui de voter des lois. Il doit aussi contrôler la manière dont ces lois s’appliquent, en vérifiant qu’elles répondent non seulement aux attentes de nos concitoyens, mais aussi à la volonté du législateur. C’est un enjeu de démocratie, une question de crédibilité de l’action publique et de confiance dans l’institution parlementaire.

En outre, je vois une continuité logique évidente entre la fonction de contrôle et la fonction législative : en faisant le bilan des législations en vigueur, nous pouvons identifier leurs faiblesses ou leurs lacunes et envisager les améliorations nécessaires lorsque leur application s’est avérée contraire aux attentes ou, comme cela se produit parfois, lorsqu’elles ont emporté des effets qui n’avaient pas été anticipés. De ce fait, le contrôle débouche de lui-même sur une amélioration de notre environnement normatif, que nous essayons de rendre plus simple, plus lisible et plus proche des besoins réels.

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas gagné !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. En tout cas, c’est une volonté affirmée par l’ensemble des parlementaires aujourd’hui.

Certes, nos moyens de contrôle sont limités par rapport à d’autres assemblées, comme le Sénat américain par exemple, mais nous savons que les deux systèmes institutionnels sont différents. En France, c’est le Gouvernement qui dispose des moyens matériels et politiques du contrôle. C’est l’un des paradoxes institutionnels de la Ve République : les assemblées sont obligées de demander au Gouvernement les moyens et les informations qui leur sont nécessaires pour contrôler son action...

Par ailleurs, la recherche de la qualité de la législation ne doit pas faire tomber dans le travers inverse, qui consisterait à évaluer cette qualité uniquement selon des critères de performance ou de rentabilité, termes que j’entends parfois en matière d’élaboration de la loi ! Le critère qui définit une bonne loi dépend avant tout de la perception politique de chacun. Il est de la nature de la loi et de l’action du Parlement d’exprimer des projets politiques et des options de société qui seront déclinés en textes juridiques au service d’une politique publique. Il revient au Parlement de trouver la meilleure voie entre une démarche trop strictement politique, dont la qualité juridique pourrait pâtir, et une approche trop technique, qui limiterait l’expression des choix politiques.

Pour en venir au bilan annuel de l’application des lois, dont vous trouverez les statistiques détaillées dans mon rapport écrit, je retiendrai quatre grandes tendances.

Première grande tendance : la production législative a été soutenue. Sur la période de référence, cinquante lois ont été promulguées, hors conventions internationales, signe d’un haut niveau d’activité législative durant cette première année pleine du quinquennat.

Sur ces cinquante lois, dix-neuf sont issues de propositions de sénateurs ou de députés. Presque 40 % de la législation est donc d’initiative parlementaire. Le Sénat, avec onze propositions de loi, a été l’an dernier à l’origine de plus d’une loi sur cinq. La montée en puissance de l’initiative parlementaire est l’un des effets positifs de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Ceux-ci sont trop rares pour qu’on ne les signale pas !

Deuxième grande tendance : les pourcentages de mise en application des lois se sont maintenus cette année au niveau élevé de l’exercice précédent. Pour faire simple, retenons cet indicateur : le taux global de mise en application des mesures législatives adoptées en 2012-2013 a atteint 64 %, soit deux à trois fois plus que ceux constatés jusqu’en 2010, dernière année du quinquennat précédent, sous l’impulsion, alors, de M. Ollier, que j’ai souvent salué.

L’application des lois a été une priorité forte des deux derniers gouvernements. Nous devons leur en donner acte. Dès son entrée en fonctions, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait confirmé l’objectif affirmé en 2008, mais rarement respecté jusque-là, de faire paraître les décrets d’application des lois nouvelles dans un délai de six mois maximum. Quant au gouvernement de Manuel Valls, vous nous avez indiqué en commission, monsieur le secrétaire d’État, qu’il maintiendrait ce cap.

Troisième grande tendance : si l’on raisonne en nombre de lois, on constate que 90 % des lois de la session 2012-2013 ont été appliquées partiellement ou totalement.

Enfin, quatrième grande tendance : sur l’ensemble des textes de la XIVe législature, c’est-à-dire ceux de l’actuelle majorité, la pente est la même. Ainsi, 88 % des lois ont déjà été appliquées partiellement ou totalement, même s’il est bien sûr trop tôt pour en tirer des enseignements définitifs.

Au final, si nous n’avons pas encore atteint 100 %, un chiffre que le Parlement est pourtant en droit d’attendre, ces résultats traduisent toutefois une réelle prise de conscience : aujourd’hui, plus personne n’accepterait les taux calamiteux des années précédentes. Je suis convaincu que la création de notre commission a favorisé cette évolution, car elle a porté la question de l’application des lois dans le débat politique, ce qui a mis le Gouvernement sous pression.

Le bilan est donc positif. Pourtant, on relève quatre éléments moins favorables que je veux décliner.

Le premier a trait à la mise en application des textes issus de l’initiative parlementaire, qui est moins bonne que celle des textes d’origine gouvernementale, notamment pour ce qui concerne les amendements. Circonstance aggravante, le Gouvernement montre plus d’empressement pour les textes de l’Assemblée nationale que pour ceux du Sénat. (Murmures sur diverses travées.) Autrement dit, les décrets d’application sont pris moins vite pour les textes d'initiative parlementaire que pour les projets de loi et, dans ce cadre, les textes issus du Sénat sont moins bien traités que ceux de l’Assemblée nationale.

Cette année, les taux atteignaient 67 % pour les amendements du Gouvernement, 48 % pour ceux de l’Assemblée nationale et seulement 24 % pour ceux du Sénat. Le Sénat est en droit d’exprimer un certain mécontentement, voire de la colère !

Le deuxième élément concerne l’application des lois votées après l’engagement de la procédure accélérée. Celle-ci n’a pas été plus rapide que celle des autres lois. À quoi bon imposer au Parlement des cadences rapides si l’urgence invoquée en amont bute, en aval, sur des délais incompressibles ? Je ne remets pas en cause la nécessité de cette procédure quand il y a effectivement urgence pour la société, mais si les décrets sont publiés tardivement, le bénéfice pour nos concitoyens en est annulé et seul le travail parlementaire en pâtit.

Le troisième élément porte sur le taux de mise en application du « stock ancien », c’est-à-dire des lois antérieures à 2007, qui végète sans aucun progrès notable.

On peut comprendre qu’un gouvernement, quel qu’il soit, n’ait pas parmi ses priorités la mise en application de lois issues d’une autre majorité parlementaire. Je rappelle que, entre 2007 et 2012, la majorité politique d’alors, identique à celle à qui elle a succédé, ne s’était pas empressée de faire appliquer les textes de la précédente législature. L’ancienne majorité ne peut donc pas totalement critiquer l’actuelle majorité pour son manque de zèle.

Toujours est-il que, sur le plan des principes, je trouve choquant que des lois restent inappliquées pendant des années et finissent par devenir obsolètes, sans que cette situation soit l’objet d’une explication formelle qui pourrait conduire à régler la question ou que ces textes soient abrogés.

Enfin, quatrième élément, on ne constate aucun progrès significatif dans la remise des rapports d’information : cette année encore, beaucoup des rapports attendus n’ont pas été présentés, et ceux qui l’ont été n’apportaient pas toujours des informations très exploitables. Ce constat vaut aussi bien pour les rapports à présenter en vertu d’une disposition législative ponctuelle que pour les rapports dits « de l’article 67 », dans lesquels le Gouvernement doit faire le point sur la mise en application de toute nouvelle loi six mois après sa promulgation.

Je parle bien là de deux types de rapports.

Je parle de ceux qui, classiquement, lors de la discussion des articles, sont demandés par le Sénat au travers d’un amendement, en vue, très souvent, de l’organisation d’un débat, et qui sont rarement réalisés. Aussi, il convient que les parlementaires ne tombent pas dans l’excès concernant cette demande…

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. … et ne détournent pas la procédure en demandant un rapport avec, pour unique objectif, la tenue d’un débat.

M. Philippe Kaltenbach. Les sénateurs ne sont pas comme ça ! (Sourires.)

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Pour ce qui nous concerne, soyons donc plus sérieux !

Toutefois, si un amendement visant à prévoir l’élaboration d’un rapport a été adopté par les deux assemblées parlementaires, le Gouvernement doit respecter la volonté du législateur et rédiger un rapport sérieux.

Quant aux rapports relatifs à l’application de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004, ils sont trop inégaux et très peu exploités par les commissions. Dans ces conditions, le secrétariat général du Gouvernement ne s’empresse pas d’en publier de meilleurs. Il est donc souhaitable que tout le monde les lise.

Monsieur le secrétaire d'État, j’avais déjà appelé l’attention du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement sur cette question l’an dernier, et vous avez reconnu, lors de votre audition, que celle-ci reste un point faible, sur lequel nous devons réfléchir de concert. En effet, les parlementaires ont une part de responsabilité en la matière : nous demandons trop de rapports, souvent comme « lot de consolation » en échange du retrait d’un amendement. Ma conviction est que nous devrions en réclamer moins et mieux tirer parti de ceux qui nous sont remis.

Je quitte le terrain des statistiques pour en venir à quelques considérations plus générales sur l’amélioration de l’environnement normatif, dont j’ai rappelé l’importance au début de mon propos.

Chaque pas dans cette direction renforcera la confiance dans l’institution parlementaire, en particulier dans le Sénat, moins tenu par la logique majoritaire que l’Assemblée nationale.

Mme Nathalie Goulet. Ça, c’est sûr !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. À cet effet, nous devons renforcer l’efficacité des procédures existantes pour que nos pratiques et le suivi de nos actions de contrôle débouchent sur des améliorations de la législation en vigueur.

J’ai formulé dans mon rapport écrit plusieurs propositions concrètes, notamment pour tirer un meilleur parti des questions parlementaires et de leur suivi, au service de l’application des lois.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, que vous étiez prêt à vous joindre à cette réflexion, en relayant les « alertes » que ma commission pourrait désormais donner si une question écrite concernant l’application d’une loi n’a pas obtenu de réponse dans les délais requis, en vue d’accélérer, parfois, ces délais. C’est l’un des chantiers concrets sur lesquels nous pourrons travailler dès la prochaine rentrée parlementaire.

Je préconise également de mieux réguler la pratique du renvoi à un décret en Conseil d’État, qui est l’une des causes de l’engorgement du processus réglementaire. Il faut éviter les abus ! Dans la plupart des cas, on obtiendrait les mêmes garanties avec un renvoi à un décret simple, voire en ne prévoyant pas de renvoi du tout.

Dans cet ensemble, je voudrais souligner certaines mesures prises cette année afin de faciliter le dialogue normatif entre l’État et les collectivités territoriales. Ces mesures font écho aux souhaits exprimés par les états généraux de la démocratie territoriale, organisés sur l’initiative du président Jean-Pierre Bel.

Nous le savons tous, les collectivités territoriales rencontrent de grandes difficultés dans la mise en œuvre des normes, surtout les petites et moyennes communes. En la matière, le choc de simplification, qui doit succéder au choc de complication que nous vivons en permanence, doit être une avancée significative. À cet égard, il faut saluer la création, sur l’initiative du Sénat, d’un conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, issu d’une proposition de loi présentée par nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur.

Je tiens aussi à saluer la nomination de Thierry Mandon, qui est chargé, au sein du Gouvernement, de la simplification de notre environnement normatif notamment. Je me félicite également de l’installation d’un médiateur spécialisé pour faciliter le dialogue normatif entre l’administration et les collectivités, fonction qui vient d’être confiée à notre ancien collègue Alain Lambert.

Mme Nathalie Goulet. Excellent médiateur !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Pour conclure, je veux dire que le Sénat a amplifié la mission nouvelle qui lui était dévolue, avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Les rapports montrent que les résultats sont là, mais qu’il ne faut pas baisser la garde. Nous devons avant tout assumer notre fonction de contrôle de l’exécutif, inscrite dans la Constitution. Notre manque de moyens est compensé par notre forte volonté politique et l’attention particulière que portent tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à cette fonction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Claude Dilain, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le président de la commission des affaires économiques Daniel Raoul, qui n’a pas pu se libérer cet après-midi. Il me fait le grand honneur de vous transmettre ses conclusions.

Le rapport établi cette année par la commission des affaires économiques que préside Daniel Raoul, après, vous le savez, la scission de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire en deux commissions, prend en compte vingt-six lois.

L’étude de certains textes trop anciens n’étant plus jugée pertinente, le bilan dressé en 2014 mesure l’application des lois promulguées de 2003 jusqu’au 30 septembre 2013.

Sur les vingt-six lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, neuf d’entre elles sont totalement applicables. On remarque même que trois des quatre lois promulguées entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013, examinées, de ce fait, pour la première fois cette année dans le bilan de la commission des affaires économiques, sont d’ores et déjà totalement applicables. Je veux parler de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social et de la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. Cette situation est totalement satisfaisante.

S’agissant de la loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour accélérer les projets de construction, celle-ci est considérée – formellement – d’application directe. Toutefois, il est intéressant de relever que non seulement les sept ordonnances prévues ont été adoptées dans les délais, mais également que six d’entre elles ont d’ores et déjà été ratifiées par l’article 174 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». À cet égard, nous nous félicitons que Cécile Duflot, alors ministre de l’égalité des territoires et du logement, ait pris la peine de venir spécifiquement, par deux fois, présenter ces textes devant notre commission.

Néanmoins, et en sortant des bornes de l’examen du bilan d’application des lois, le président de la commission souhaite relever la longueur des délais pris pour l’adoption d’un décret relatif aux pouvoirs de sanction de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Dans une décision du 5 juillet 2013, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions de l’article L. 36-11 relatif au pouvoir de sanction de l’ARCEP, considérant que la séparation des pouvoirs d’instruction et de sanction n’était pas respectée. Cela a eu pour conséquence de priver cette autorité de son pouvoir de sanction, qui constitue l’un des moyens fondamentaux de son action, ce qui est particulièrement problématique dans un secteur à fort taux de contentieux.

Afin de combler cette carence, le Gouvernement a introduit, à l’article 1er de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, une disposition, adoptée par le Parlement, l’autorisant à prendre par ordonnances les mesures de nature législative propres à sécuriser, au sein du code des postes et des communications électroniques, le pouvoir de sanction de l’ARCEP à l’encontre des opérateurs concernés. L’ordonnance du 12 mars 2014 relative à l’économie numérique instaure, dans les secteurs des postes et des communications électroniques, une nouvelle procédure de sanction selon le modèle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dont la constitutionalité a été validée par le Conseil d’État. Toutefois, le décret devant venir préciser les modalités d’application de ces dispositions n’a, à ce jour, toujours pas été publié, ce qui est fort regrettable, compte tenu de l’urgence. Pour quelles raisons, monsieur le secrétaire d'État, ce décret n’a-t-il pas été publié et à quel horizon le sera-t-il ?

En outre, l’étude des dix-sept lois partiellement applicables dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques aboutit à un bilan mitigé.

Exception faite de deux lois – la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche –, pour lesquelles ont été pris respectivement un décret en Conseil d’État et deux décrets simples, aucune mesure réglementaire n’a été prise depuis le bilan établi en 2013. Ainsi en est-il, par exemple, de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, applicable à 85 %, et de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, applicable à 50 %.

Par ailleurs, il est regrettable de constater que, parmi le stock des lois examinées par la commission des affaires économiques, l’unique loi d’initiative sénatoriale, la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale, soit celle qui affiche le taux d’application le plus faible, à savoir 12 %. Les décrets encore attendus pour ce texte issu d’une proposition de loi présentée par Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues, annoncés pour la fin du premier semestre de 2013, n’avaient toujours pas été publiés au 31 mars 2014.

Sur les vingt-six lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, quatorze d’entre elles ont été adoptées selon la procédure accélérée. On relève que les quatre lois examinées pour la première fois cette année dans le bilan de la commission ont été adoptées selon cette procédure.

Cependant, nous ne pouvons que nous étonner de constater que huit lois promulguées entre 2004 et 2011 après engagement de la procédure accélérée ou après déclaration d’urgence ne sont encore que partiellement applicables.

Sur les vingt-six lois dont je viens de parler, une seule a fait l’objet de la remise d’un rapport en vertu de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, depuis le bilan établi en 2013. Le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer a été présenté au Parlement le 14 mars 2014, mais avec un certain retard.

Cette absence de rapport est regrettable pour la bonne information des parlementaires sur le suivi des textes qu’ils adoptent. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire plus sur cet état de fait ?

Comme l’année dernière, le président Raoul déplore la défaillance dont fait preuve l’administration en ce qui concerne la remise des rapports au Parlement. Les chiffres sont éloquents : sept rapports prévus par certaines dispositions des lois dont la commission des affaires économiques assure le suivi ont été rendus au cours de la période nouvellement étudiée cette année, à savoir du 1er avril 2013 au 31 mars 2014, alors que trente-cinq d’entre eux sont encore attendus ! Aussi, il se pose la question d’opposer parfois l’article 40 de la Constitution à la demande de rapports, qui sont toujours coûteux, alors même qu’ils ne sont pas toujours consultés.

Pour conclure, je veux me féliciter de la coopération mise en place entre la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et les commissions permanentes.

Après le rapport d’information sur le tourisme rédigé par nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre et publié en octobre dernier, qui dressait un bilan en demi-teinte de la loi du 22 juillet 2009, un rapport contrôlant l’application de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services est en cours de rédaction par nos collègues Claude Bérit-Débat, au nom de la commission des affaires économiques, et Jean-Claude Lenoir, en tant que membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Ce rapport sera examiné par nos deux commissions en réunion conjointe le 9 juillet prochain.

Au-delà d’un bilan purement quantitatif, ces rapports permettent d’apprécier l’effectivité de l’application des lois au regard des objectifs fixés par le législateur. N’oublions pas, mes chers collègues, que c’est ainsi que s’entend la fonction de contrôle du Parlement, reconnue par la réforme constitutionnelle de 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Carrère, est retenu par d’autres obligations, mais c’est avec beaucoup de plaisir que je m’exprime à sa place dans ce débat sur l’application des lois.

Tout d’abord, notre commission tient à saluer l’excellent travail accompli par la commission présidée par David Assouline. Ce travail témoigne de la grande importance que le Sénat attache au suivi de l’application des lois qu’il adopte.

Avant de vous présenter le bilan de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la session parlementaire 2012-2013, je ne résiste pas au plaisir de vous dire avec quelle profonde satisfaction notre commission a reçu, la semaine dernière, le rapport sur l’entrée en programmation militaire 2014-2019, alors que le Gouvernement, aux termes de la loi, n’était tenu de nous le remettre qu’un an après le début de la période de programmation, c’est-à-dire en juin 2015.

Recevoir un rapport qu’on n’a pas vraiment demandé, cela peut arriver : la preuve ! (Sourires.)