M. Vincent Delahaye. Sur le fond, je ne souhaitais ni vexer M. le secrétaire d’État ni le faire sortir de ses gonds. Si j’ai parlé de « bricolage », c’était en réaction à la « boîte à outils » chère au Président de la République. Mais j’aurais aussi bien pu parler d’improvisation !

Quand la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu a-t-elle été décidée et par qui ? C’est le Premier ministre qui l’a annoncée, au lendemain des élections européennes.

Après l’échec de ces élections, le Premier ministre a sorti cette mesure de son chapeau, alors que l’on nous avait annoncé de grandes réformes fiscales, qui restent pour l’instant dans les limbes. On a donc l’impression que cette mesure est arrivée comme ça, d’un seul coup, pour faire plaisir à un certain nombre de personnes. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit une bonne façon de faire.

Concernant les chiffres, M. le secrétaire d’État indique que les revenus progressent d’une année sur l’autre. Je veux bien qu’ils augmentent peut-être de 1,5 % ou, tout au plus, de 2 %, mais de là à nous dire qu’il n’y aura plus d’impôts supplémentaires pour qui que ce soit à partir de 2015…

Monsieur le secrétaire d'État, le calcul est vite fait : 3,8 milliards d’euros sur 70 milliards, cela fait une progression de plus de 5 %. Si les revenus augmentent de manière naturelle dans une fourchette comprise entre 1,5 % et 2 % et que l’on escompte malgré tout 5 % de recettes supplémentaires, il y a une erreur de calcul. Soit il faut corriger les chiffres, soit il y aura effectivement des impôts supplémentaires pour un certain nombre de contribuables, qui le ressentiront.

Les membres du groupe UDI-UC s’associeront à l’amendement n° I-53 de la commission visant à relever le plafond du quotient familial, car les familles ont été mises à rude contribution. Même si quelques évolutions ont eu lieu, les familles ont, globalement, constitué, ces dernières années, la cible privilégiée de la politique fiscale, ce qui est, selon nous, injuste.

Toutefois, nous maintenons notre amendement, qui traduit notre conviction de fond. J’en conviens, on peut, à partir d’études complémentaires, réfléchir à cette question. La nouvelle majorité sénatoriale est aussi là pour faire des propositions et préparer l’avenir : à un moment, il faudra bien engager des réformes de fond ! (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Dans mon intervention sur l’article, j’ai dit pourquoi il fallait adopter l’article 2, en souhaitant que nous le votions à l’unanimité. Mais, après tout, s’il s’était agi d’améliorer cet article, nous aurions pu nous associer aux amendements nos I-396 et I-53 présentés respectivement par le groupe UDI-UC et par la commission.

Toutefois, je considère que ces deux amendements sont de nature à faire régresser la portée de cet article, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, d’après les chiffres dont nous disposons, visiblement, une proportion moindre de ménages et de contribuables bénéficierait de la sortie de l’impôt sur le revenu. À mon sens, cela constitue incontestablement une régression par rapport à l’ambition affichée par le Gouvernement au travers de cet article. Moins de personnes modestes profiteraient donc du dispositif proposé par le Gouvernement, ce qui est, me semble-t-il, inapproprié.

Ensuite, l’amendement que vient de défendre une nouvelle fois à l’instant M. Delahaye présente, à nos yeux, un grave inconvénient. Comme le mentionne la dernière phrase de l’exposé des motifs, cette réforme permettrait d’économiser 1 milliard d’euros ou, plutôt, 1,5 milliard, selon M. le secrétaire d’État - je ne sais pas si votre « boîte à outils » est suffisamment perfectionnée pour faire des simulations, mon cher collègue, mais il y a visiblement un gros écart entre les deux chiffres ! En tout cas, vous avez l’intention de permettre 1 milliard d’euros d’économies.

Ce que vous suggérez revient, en fait, à réduire de 1 milliard d’euros le pouvoir d’achat distribué aux catégories les plus modestes de notre pays !

C’est une raison supplémentaire de nous opposer à ces deux amendements, qui, je le répète, sont de nature à faire régresser la portée de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux souligner l’intérêt de l’amendement n° I-396 : le groupe UDI-UC ose ici proposer une réforme d’ampleur. En effet, on a atteint les limites de l’impôt sur le revenu. On va être obligé de corriger en permanence cet impôt, avec des mécanismes de décote qui deviennent totalement illisibles et entraînent des effets de seuil.

De plus, la prime pour l’emploi suscite, on le sait, un certain nombre d’effets pervers. Ce dispositif est peu efficace. D’ailleurs, le Gouvernement envisage lui-même de le réformer.

En jouant non seulement sur la première tranche d’imposition, mais également sur l’ensemble du dispositif, cet amendement a le mérite de poser le débat.

À mon sens, il faut bien avoir conscience que son adoption entraînerait un transfert de revenus entre les catégories, et il conviendrait de bien en mesurer les effets. C’est pourquoi, tout en partageant l’intention des auteurs de cet amendement, à titre personnel, je ne le voterai pas à ce stade.

Nous avons la chance de pouvoir compter sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui doit nous être remis en janvier prochain et qui sera sans doute particulièrement approfondi. J’espère aussi que le Gouvernement voudra bien nous donner les chiffres et les résultats des simulations. Cette année, le temps a parfois manqué, même si la commission a pu tout de même disposer de simulations pour son amendement. Avec ces nouvelles informations, nous pourrons faire des propositions de plus grande ampleur.

Ici, l’intention des auteurs de cet amendement est bonne : ils démontrent que l’on a atteint les limites d’un système qui est très progressif, qui a largement touché les familles et dont le rendement a fortement augmenté depuis 2012, je le confirme, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux rassurer M. Delahaye : je ne suis pas susceptible et je n’ai pas été vexé ! Il est normal que le dialogue soit parfois un peu vif.

Permettez-moi de revenir sur deux ou trois points.

Pardonnez-moi de le dire brutalement, mais je considère qu’il est injuste et faux d’affirmer que le Premier ministre aurait décidé de supprimer la première tranche d’impôt sur le revenu comme cela, sur un coin de table, au lendemain des élections.

Je vais vous dire, monsieur le sénateur, comment cela s’est passé, sans trahir de secrets d’État.

Au début du mois d’août, vous vous en souvenez, le Conseil constitutionnel a annulé, à la plus grande surprise de certains d’entre nous, un dispositif de réduction dégressive des cotisations salariales de sécurité sociale qui devait bénéficier aux salariés modestes, pour un montant de l’ordre de 2 milliards d’euros. C’est à ce moment-là que l’idée a germé.

Nous nous sommes alors interrogés, au sein du gouvernement, au cœur de l’été, alors que tout le monde était à la plage – en tout cas, beaucoup ! –, sur la façon de « recycler », si je puis dire, cette mesure et la transformer en une réduction d’impôt. Nous avons travaillé sur cette question compliquée et avons examiné différentes hypothèses à la fin du mois d’août.

Même si elle n’a été rendue publique qu’un peu plus tard, cette mesure avait donc été très largement préparée et quasi finalisée par le Gouvernement bien avant que le Premier ministre ne l’annonce à la tribune de l'Assemblée nationale. Je m’en souviens parfaitement, car j’y étais, monsieur le sénateur, et je suis même intervenu le lendemain à la radio.

Je tenais simplement à vous dire la réalité ; en tout cas, la mienne, celle que j’ai vécue. À vous de voir si vous me faites confiance !

Par ailleurs, je veux rappeler les conséquences qu’entraînerait l’adoption de l’amendement auquel vous vous êtes rallié : vous reportez l’effet de la mesure proposée par le Gouvernement en faveur des personnes les plus modestes, celles qui se trouvent à l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu, sur les personnes touchées par le plafonnement du quotient familial au-delà de 1 500 euros par demi-part.

Non seulement un nombre moins important de personnes en bénéficieront, monsieur le rapporteur général, comme le soulignait François Marc, mais il ne s’agira vraiment pas des mêmes catégories. C’est un choix politique. À vous de l’assumer, c’est votre problème !

Enfin, vous affirmez que la décote est moins lisible et qu’elle entraîne des effets de seuil.

Excusez-moi de le dire, la décote et la suppression de la première tranche ont été conçues pour simplifier la courbe d’entrée dans l’impôt sur le revenu.

Si l’on pouvait projeter des tableaux dans cet hémicycle… Mais il faut se plier au règlement ! (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il va falloir moderniser le Sénat ! (Nouveaux sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne vous ferai pas un dessin non plus ; cela ne ressemblerait à rien !

En tout cas, si je pouvais le faire, monsieur le sénateur, vous verriez aisément que la courbe est simplifiée.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je veux dire à mes collègues du groupe UDI-UC que le groupe UMP ne votera pas l’amendement n° I-396, s’il est maintenu, et je les invite à se rallier à l’amendement n° I-53, présenté par le rapporteur général, au nom de la commission.

Moi, je me méfie du « grand soir fiscal » qui nous est régulièrement annoncé. Au printemps dernier, j’ai fait partie du groupe de travail, réuni un peu dans l’urgence, que le Gouvernement avait mis en place parce qu’un certain nombre de Français avait découvert tout d’un coup que leurs impôts augmentaient. Le ras-le-bol fiscal était alors à son comble !

Les partenaires sociaux, les parlementaires, les services de Bercy ont donc réfléchi à différentes propositions.

Concernant la fusion entre le RSA et la prime pour l’emploi, tout le monde est à peu près d’accord sur ce point, et nous allons, selon moi, dans la bonne direction.

Concernant la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, il faut être beaucoup plus prudent ; j’ai l’impression que l’on peine à mesurer les effets pour chacun.

Quant au prélèvement à la source, c’est un véritable serpent de mer, mais il a brutalement disparu des radars ! D’ailleurs, je m’en réjouis, car on ne sait pas très bien de quelle manière nous mettrions ce mécanisme en œuvre.

Monsieur Marc, j’espère que vous êtes rassuré : nous n’avions pas l’intention de supprimer purement et simplement le dispositif du Gouvernement. Nous sommes dans une opposition constructive, à tel point que la proposition du rapporteur général ne creusera pas le déficit – nous restons dans l’enveloppe fixée par le Gouvernement -, mais nous voulons essayer de corriger le tir à l’égard des familles, très fortement touchées par les mesures que vous avez prises, à savoir la modulation des allocations familiales et la modification, à deux reprises, du plafond du quotient familial.

Il s’agit donc là d’une distribution différente de la même enveloppe, en faveur des familles que vous avez beaucoup pénalisées.

Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas l’amendement n° I-396, mais soutiendra l’amendement n° I-53.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-396.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’est effectivement pas possible de projeter de courbes dans l’hémicycle, monsieur le secrétaire d'État, et on peut le regretter, mais il suffit de lire le rapport de la commission, particulièrement instructif sur la progressivité de l’impôt et les réformes successives qui sont intervenues.

Ainsi que vient de le souligner mon collègue Philippe Dallier, nous assumons notre choix politique, celui de ne pas dégrader le solde – nous aurions pu diminuer l’impôt sur le revenu ! Nous souhaitons que la Haute Assemblée adopte ce projet de loi avec un solde amélioré. C’est une responsabilité que nous prenons.

En revanche, il nous semble impératif de revenir sur des mesures qui ont très largement touché les familles, comme cela a été dit.

Les abaissements successifs du plafonnement du quotient familial – 2 000 euros en 2013, puis 1 500 euros, en 2014 – combinés aux mesures relatives aux allocations familiales, corrigées – heureusement ! – par le Sénat, ont contribué à faire des familles les principales victimes de la politique fiscale du Gouvernement. Si la mesure relative aux allocations familiales était adoptée dans la version transmise par l’Assemblée nationale, ce sont 600 000 familles, je le rappelle, qui verraient le montant de leurs allocations familiales divisé par deux, par trois ou par quatre !

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter l’amendement de la commission, qui permettra une diminution effective de l’impôt pour les 1 038 000 familles qui ont été victimes des deux abaissements successifs du plafonnement du quotient familial. Il s’agit là d’une mesure non seulement symbolique, mais également forte en faveur des familles.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-53.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l'article.

M. Marc Laménie. L’article 2 du projet de loi de finances, que nous venons de modifier sur l’initiative de M. le rapporteur général, fixe pour l’année prochaine les modalités de l’impôt sur le revenu. Les discussions au sujet de cet impôt sont anciennes et, dans le rapport général, pas moins de trente pages concernent l’article 2 : preuve que l’impôt sur le revenu est important, ce que de nombreux collègues ont du reste rappelé.

M. le secrétaire d’État a insisté sur le rendement de cet impôt, c’est-à-dire sur les recettes qu’il rapporte à l’État ; tel est en effet l’objet de la première partie du projet de loi de finances. M. le rapporteur général a expliqué, avec une grande pédagogie, qu’il s’agissait d’un impôt progressif. Je vous rappelle que son produit a progressé de 35 % entre 2011 et 2014, pour atteindre 69 milliards d’euros, ce qui n’est pas une petite somme.

On a aussi parlé de justice. Le fait est que certaines personnes, qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu, le paient désormais. Or, même si le montant dû est faible en lui-même, devenir contribuable, outre que les déclarations ne sont pas simples à remplir, entraîne diverses répercussions, par exemple pour certains retraités et pour les locataires qui perçoivent des aides au logement.

Les modifications que nous venons d’apporter à l’article 2, sur la proposition de M. le rapporteur général, sont favorables au pouvoir d’achat, ce qui est important sur le plan de la justice fiscale et de la justice sociale. Je voterai donc cet article fondamental.

Pour le reste, les interventions de tous les orateurs montrent que, année après année, quel que soit le gouvernement, il est toujours aussi difficile de réformer l’impôt sur le revenu !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Organisation des travaux

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Articles additionnels après l’article 2

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, nous sommes désormais en mesure de préciser le programme de nos travaux sur la première partie du projet de loi de finances, dont vous savez qu’elle doit être mise aux voix mercredi après-midi, si possible pas trop tard.

Je sais combien la semaine prochaine sera animée, du fait du congrès des maires, qui risque de vous retenir un peu les uns et les autres, mes chers collègues. (Marques d’approbation sur l’ensemble des travées.) C’est pourquoi, comme il nous reste 350 amendements à examiner, je vous propose de siéger demain, samedi 22 novembre, de 10 heures à 12 heures 30 et de 14 heures 30 à 18 heures. Remarquez que je ne propose de siéger ni demain soir ni dimanche, comme la conférence des présidents en avait prévu la possibilité ! (Marques de satisfaction sur l’ensemble des travées.)

Je pense, madame la présidente, que cette organisation nous permettra d’avancer correctement et de reprendre nos travaux lundi, à 10 heures, dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, qu’en pense le Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la présidente, le Gouvernement est à la disposition du Sénat ! (Exclamations amusées et applaudissements.)

Mme la présidente. Je vous en remercie, monsieur le secrétaire d’État.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour de la séance du samedi 22 novembre s’établit comme suit :

Samedi 22 novembre 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 10 heures, à 14 heures 30 jusqu’à 18 heures :

- Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015) ;

-Suite de l’examen des articles de la première partie.

Organisation des travaux
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 3

Articles additionnels après l’article 2

Mme la présidente. L'amendement n° I-282, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est abrogé.

II. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Le taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 est ainsi fixé :

« 1° Pour les revenus bruts annuels compris entre 0 euro et 13 200 euros, le taux effectif évolue linéairement de 0 % à 2 % ;

« 2° Pour les revenus bruts annuels compris entre 13 200 euros et 26 400 euros, le taux effectif évolue linéairement de 2 % à 10 % ;

« 3° Pour les revenus bruts annuels compris entre 26 400 euros et 60 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 10 % à 13 % ;

« 4° Pour les revenus bruts annuels compris entre 60 000 euros et 120 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 13 % à 25 % ;

« 5° Pour les revenus bruts annuels compris entre 120 000 euros et 480 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 25 % à 50 % ;

« 6° Pour les revenus bruts annuels compris entre 480 000 euros et 1 200 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 50 % à 60 %. » ;

2° Les II et III sont abrogés.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par une hausse du taux des contributions sociales mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale pour les revenus annuels supérieurs à 1 200 000 euros.

IV. – Le produit des contributions mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est réparti entre l’État et les organismes de sécurité sociale selon des modalités fixées par décret, sans modifier l’affectation des produits des contributions visées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les écologistes sont très attentifs – je le dis sans malice – aux engagements de campagne du Président de la République. Or l’engagement n° 14 prévoyait « la fusion […] de l’impôt sur le revenu et de la CSG » en un grand impôt progressif, prélevé à la source, sur les revenus du capital et du travail, qualifié de « prélèvement simplifié sur le revenu », ou PSR.

Les écologistes, qui ne s’intéressent pas seulement à la fiscalité écologique, sont attachés à ce projet, non par suivisme ou par volonté de pousser le Président de la République à tenir ses engagements, mais parce qu’ils le prônent eux-mêmes depuis longtemps.

Comme il serait difficile de proposer par voie d’amendement une véritable fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, nous avons choisi de présenter un amendement tendant à supprimer l’impôt sur le revenu et à instaurer une CSG progressive, sans distinction entre retraités et actifs, ni entre revenus du travail et revenus du capital.

D’abord, l’impôt ainsi défini serait plus simple. Or la simplicité du système fiscal et sa lisibilité sont des déterminants primordiaux du consentement des citoyens à l’impôt. Ensuite, cet impôt serait plus juste et réellement progressif, alors que l’assiette de l’actuel impôt sur le revenu est littéralement mitée par les niches.

Les inégalités de revenus en France ont diminué jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, mais, depuis, la tendance s’est inversée. C’est ainsi que, en dix ans, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres n’a progressé que de 8 %, tandis que celui des 10 % les plus riches augmentait de 18 %.

Dans notre société globalement aisée, et même assez aisée par comparaison avec d’autres dans le monde, une telle évolution n’est pas acceptable. Parce que c’est notamment à la fiscalité d’y remédier, la grande réforme fiscale promise par François Hollande pendant la campagne présidentielle nous apparaît comme une bonne solution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue propose une réforme vraiment ambitieuse, puisqu’il s’agit tout bonnement de supprimer l’impôt sur le revenu pour le remplacer par une CSG réformée.

Outre qu’on peut lui opposer des critiques de fond, notamment parce qu’il ne tient pas compte de la famille en excluant le quotient familial, le système proposé par M. Gattolin soulève deux problèmes juridiques considérables.

D’une part, le taux maximal de 60 % prévu par les auteurs de l’amendement se heurte à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : comme M. le secrétaire d’État l’a signalé à juste titre, des taux de cet ordre risquent d’être jugés confiscatoires.

M. André Gattolin. Les rédacteurs de l’amendement ont un peu forcé le trait, il est vrai !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’autre part, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 décembre 2000 relative à la loi de finances pour 2001, a jugé que l’ensemble des revenus du foyer fiscal devaient être pris en compte. Un impôt totalement individualisé, comme le serait la CSG proposée par M. Gattolin, poserait donc un problème juridique indépendamment même de son barème.

La commission des finances considère que la capacité contributive doit s’apprécier au niveau du foyer fiscal, et non au niveau de l’individu, et donc tenir compte des charges de famille. Dès lors, elle ne peut qu’être défavorable à un amendement visant à supprimer l’impôt sur le revenu pour lui substituer une CSG progressive qui ne tient pas compte de la composition de la famille.

Au demeurant, monsieur Gattolin, le barème proposé suffit à condamner votre système.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’ambition est une qualité. Seulement, monsieur Gattolin, votre proposition est vraiment très ambitieuse, sans compter qu’elle pose certains problèmes de fond : « familialisation » ou non, progressivité ou non, constitutionnalité d’une CSG qui ne tient pas compte de la situation familiale.

En ce qui concerne la jurisprudence relative aux taux confiscatoires, le Conseil constitutionnel a accepté des taux de l’ordre de 66 %, voire de 68 %, pour certains types d’impôt, en prévenant expressément qu’il n’admettrait pas des taux supérieurs.

Outre ces problèmes de fond, de nature juridique, le système proposé poserait un certain nombre de problèmes techniques s’agissant des modalités de recouvrement, dans la mesure où la CSG est perçue « au fil de l’eau », c’est-à-dire au moment où le revenu est perçu, tandis que l’impôt sur le revenu est levé avec une année de décalage.

En outre, il aurait pour effet de porter à la connaissance de l’employeur des informations sur la situation des salariés, en particulier le montant total de leurs revenus.

Toutes ces difficultés, qui sont considérables, ne peuvent pas être résolues par voie d’amendement.

Reste que votre ambition est légitime, monsieur Gattolin. Simplement, il est probable qu’elle se réalisera par étapes. La première étape consiste à supprimer le plus grand nombre possible de niches fiscales. Une autre est sans doute d’aller vers la retenue à la source de l’impôt sur le revenu (M. André Gattolin acquiesce.) ; ainsi l’obstacle technique que je viens de souligner sera-t-il levé. Par ailleurs, un vrai débat est nécessaire sur l’opportunité de « familialiser » ou non l’impôt.

À ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de revenir quelques instants sur la discussion que nous venons de tenir au sujet de l’article 2, pour vous sensibiliser, chiffres à l’appui, aux effets de l’amendement que vous venez d’adopter.

Un couple avec un seul enfant n’était touché par le plafonnement du quotient familial qu’à partir d’un revenu mensuel déclaré de 5 373 euros par mois, ce seuil étant de 5 854 euros par mois pour un couple avec deux enfants. Je maintiens donc que c’est à ceux-là que bénéficiera l’adoption de l’amendement n° I-53. Dans notre dispositif, étaient concernés ceux des contribuables qui franchissent le seuil de l’imposition, soit évidemment une catégorie de personnes tout à fait différente.

Pour revenir à l’amendement n° I-282, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.