M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela faisait trois ans que nous n’avions pas eu l’occasion de nous réunir pour voter sur l’ensemble d’un projet de loi de finances. C’est pourtant un des événements majeurs de l’année parlementaire, comme en témoigne la solennité des modalités du scrutin. Que nous puissions aujourd’hui y prendre part aujourd’hui est assurément une bonne nouvelle !

En effet, si, comme il est probable, la majorité sénatoriale adopte le texte, nos collègues députés seront amenés à se prononcer sur quelques sujets que le Sénat, dans sa légendaire sagesse, a choisi de mettre en avant. Je pense, par exemple, au consensus qui s’est dégagé autour du maintien de ces taxes, qualifiées de « petites », qui viennent abonder le budget des collectivités locales et tendent ainsi, modestement, à préserver leur fragile autonomie financière.

Je citerai également la décision, quasi unanime, de proroger le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, si importante pour la mutation de notre économie rurale en même temps que pour la qualité sanitaire et gustative de notre alimentation.

Sans texte du Sénat, ces dispositions, bien que largement adoptées, ne pourraient même pas être soumises à l’Assemblée.

Si la seule existence d’un texte est donc déjà une source de réjouissance, cela n’empêche toutefois pas de s’interroger précisément sur son contenu, car, au-delà des exemples que je viens d’évoquer, ce projet de loi de finances recèle quelques motifs d’inquiétude.

Que l’on ne s’y trompe pas, l’excédent de 30 milliards qu’arbore désormais ce budget n’est qu’un pur artefact, et je pense que, sur toutes les travées de cet hémicycle, on est prêt à en convenir.

Mais alors, chers collègues de l’opposition, quel sens faut-il donner à votre budget, que vous avez allégé de ses principales missions ? Dans la mesure où vous aspirez, bien légitimement, à gouverner prochainement la France, nous sommes non moins légitimement en droit de nous poser la question.

Votre démarche présente au moins un choix dépourvu d’ambiguïté : celui de limiter la baisse des dotations aux collectivités locales. Les écologistes partagent cette volonté. On y reconnaît le réalisme d’élus locaux qui, au sein de leur commune, leur département ou leur région, se trouvent confrontés aux besoins profonds de la société.

En revanche, là où nous peinons à vous suivre, chers collègues, c’est lorsque vous abhorrez la dépense publique nationale dans le même temps que vous louez la dépense publique locale : honni soit l’État qui mal dépense et tout le pouvoir aux Conseils ! (Rires.)

M. André Gattolin. C’est cela que vous nous proposez !

Vous avez, certes, encore un peu de temps devant vous, mais, entre une droite bonapartiste et une droite girondine, il va falloir choisir !

À cette véritable schizophrénie qui vous habite, nous préférons pour notre part la cohérence qui consiste à envisager globalement la question de la dépense publique, nationale et locale.

Cette posture quant à la dépense publique vous a donc conduits – et c’est la deuxième tendance claire qui se dégage de votre travail – à proposer quelques mesures d’économies choisies pour leur charge « idéologique », dirai-je, au mépris de l’efficacité, quand ce n’est pas au mépris du simple bon sens.

Vous nous avez proposé, chers collègues, de réduire le budget de l’aide médicale d’État. Sans même qu’il soit besoin d’évoquer nos valeurs humanistes, comment ne pas voir, au moment où nous sommes menacés d’une pandémie liée au virus Ebola, l’absurdité, pour ne pas dire l’inconscience, d’une telle démarche ?

Vous nous avez aussi proposé de supprimer 9 500 postes d’enseignants dans l’éducation nationale. Alors que les journaux sont remplis de reportage sur ces classes dépourvues d’enseignants, alors que depuis plusieurs années consécutives, les concours de recrutement ne permettent plus de pourvoir tous les postes ouverts, il vous reviendra d’expliquer à nos concitoyens comment vous comptez assurer ce service public fondamental pour la cohésion de notre République.

Vous avez également choisi de supprimer des dizaines de milliers d’emplois aidés, au motif, il faut que nos concitoyens le sachent, qu’ils s’adressent au secteur non marchand : comme si le travail marchand résumait à lui seul tout le travail ! Surtout, en cette période où le MEDEF nous explique que le patronat ne peut malheureusement pas embaucher malgré les 40 milliards d’euros qui lui ont été consentis, ceux de nos concitoyens qui sont en recherche d’emplois et qui auraient pu prétendre à ces emplois aidés apprécieront certainement d’avoir été sacrifiés sur l’autel du dogmatisme.

Davantage de dotations pour les collectivités, quelques économies idéologiques… Quel est donc le bilan de ces choix ? Eh bien, c’est 500 millions d’euros d’économies supplémentaires, à peine plus que l’épaisseur du trait ! Et encore ce calcul ne prend-il évidemment pas en compte les missions rejetées. En effet, si l’on s’y arrête un instant, au-delà des apparences, non seulement on s’aperçoit que ces suppressions de missions ne sont pas des économies, mais nous sommes même fondés à penser que vous avez dissimulé là un monceau de dépenses supplémentaires que vous n’assumez pas !

Vous nous expliquez que la gauche sénatoriale, en 2011, sous la houlette de notre collègue Nicole Bricq, avait également supprimé des missions. C’est exact, mais c’était parce que nous considérions que les crédits de certaines missions étaient trop faibles. L’article 40 de la Constitution nous interdisant de les augmenter, nous n’avions d’autres choix que de les rejeter.

En réalité, cela semble également être votre cas, chers collègues. Si vous aviez simplement voulu faire davantage d’économies, il ne tenait qu’à vous de réduire les crédits de ces missions. C’était parfaitement faisable, mais en réalité vous avez fait tout le contraire !

Sur la mission « Défense », vous prétendez que le compte n’y est pas, qu’il n’y a pas assez d’argent... C’est une position respectable, mais ça ne fait pas pour autant une économie. Sur la mission enseignement supérieur et recherche, vous adoptez le rétablissement des crédits, avant de rejeter la mission ! Avez-vous eu des remords tardifs ? Où est la cohérence ? Quel sens cela a-t-il ?

À propos de l’article 30, qui porte sur la contribution au budget de l’Union européenne, j’avais évoqué un mystère mallarméen. Aujourd’hui, c’est plutôt le surréalisme de La Trahison des images qui me vient à l’esprit, et j’ai envie de vous dire, avec Magritte : « Ceci n’est pas un budget » ! (Sourires.) Cela y ressemble, cela en a l’apparence, mais ce n’est pas un budget. Vous proclamez urbi et orbi que votre ligne politique est une réduction du déficit encore plus drastique que celle du Gouvernement, et vous nous proposez un texte désarticulé dont nous pouvons à bon droit penser qu’il masque en réalité une dégradation du solde par rapport au projet du Gouvernement.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. André Gattolin. Avant que la droite remporte la majorité dans cette assemblée, nous avions une idée claire de ce que voulait l’UMP : 150 milliards d’euros d’économies. C’est irréaliste, mais c’est clair ! Maintenant que vous êtes en situation de responsabilité au Sénat, nous ne comprenons plus votre ligne politique. Peut-être est-ce parce que l’UMP n’est pas majoritaire, me direz-vous... J’y reviens donc, mes chers collègues : même si l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, entre une droite bonapartiste et une droite girondine, il vous faut choisir votre ligne... (Protestations sur les travées de l'UMP.)

J’avais eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale : le projet de loi de finances que nous présentait Gouvernement ne suscitait pas l’enthousiasme chez les écologistes. Sans même parler de nos doutes, partagés par le Haut Conseil des finances publiques, quant au réalisme de la trajectoire des finances publiques, il nous semble que la démarche consistant à faire payer aux ménages et au service public, notamment celui de l’écologie, des baisses de cotisations sociales et d’impôts pour les entreprises, sans véritables contreparties, ne permet pas de conduire notre économie sur la voie d’une réelle transition écologique.

Nous aurions préféré un budget qui, dans cette période difficile, épargne les ménages et privilégie l’investissement stratège dans les filières d’avenir et la transition énergétique. Cela permettrait de ranimer une économie à bout de souffle, de préserver notre environnement et d’entraîner, à moyen terme, de formidables économies, comme sur les importations d’énergie ou sur la santé.

Ne retrouvant pas réellement ces orientations dans le projet qui nous était soumis, nous avions alors décidé de nous abstenir. Parce que nous ne les retrouvons pas davantage, il s’en faut de beaucoup, dans le texte sur lequel nous nous prononçons aujourd’hui, mais surtout parce que nous dénonçons avec force la duplicité politique de ce travail, vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes voteront résolument contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. Joseph Castelli et Mme Françoise Laborde applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe CRC.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà des recommandations de la Commission de Bruxelles, le Sénat français vote un budget 2015 excédentaire de plus de 1 point de PIB.

Un grand quotidien du soir a d’ailleurs immédiatement pointé cette situation dans son édition datée de demain.

En annulant 106 milliards d’euros de crédits dans plusieurs missions budgétaires et en revenant sur les moyens de quelques autres, la majorité sénatoriale UMP, UDI-UC et non-inscrits issue des élections de septembre dernier a transformé le projet de loi de finances pour 2015 de telle sorte qu’il présente aujourd’hui un excédent de 29,7 milliards d’euros .

Ma première observation sera de pure forme.

Le débat budgétaire a été mené à son terme par le Sénat et le Gouvernement, contrairement aux deux années précédentes – où il disposait pourtant d’une majorité parlementaire pour ce faire –, n’a demandé de seconde délibération que pour « constater » les effets des votes intervenus au Sénat.

Cela signifie que, en lieu et place de l’apport du Sénat de gauche en 2012 et 2013, le Gouvernement a préféré voir la droite sénatoriale faire son affaire de la loi de finances. D’ailleurs, Jean Germain vient de poser la question : à quoi bon discuter au Sénat du budget pendant un mois pour en arriver là ?.

Ma deuxième observation de forme nous ramène évidemment au fond, puisque ni le texte gouvernemental, marqué profondément par l’austérité – nous avions d’ailleurs marqué notre opposition à ce texte par le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable – ni le texte issu des travaux du Sénat ne sont susceptibles d’apporter des réponses aux attentes sociales et collectives des Françaises et des Français.

Le projet de loi de finances rectificative dont nous allons entamer l’examen dans deux jours vient pourtant confirmer que la cure d’austérité imposée aux Français par la réduction de la dépense publique n’est pas suffisante pour aboutir aux résultats escomptés, c’est-à-dire la baisse sensible des déficits et de la dette publique.

Oui, mes chers collègues, le citoyen peut s’interroger sur le sens de son propre vote, notamment en faveur des candidats partisans d’un certain changement. Cette situation illustre, hélas ! la convergence de vue qui existe sur bien des points entre le Gouvernement et la majorité du Sénat.

J’en viens au contenu du texte du Sénat.

À quoi ressemblerait donc la France du 1er janvier 2015 si, par malheur, les choix de la majorité UMP, UDI-UC étaient mis en application ?

Dans une formule rapide, ces choix, c’est tout simplement zéro euro pour les artistes et créateurs,…

M. Thierry Foucaud. … zéro euro pour les demandeurs d’asile, zéro euro pour l’écologie, zéro euro pour les logements sociaux,…

Mme Éliane Assassi. Absolument !

M. Thierry Foucaud. … zéro euro pour les handicapés, les personnes âgées dépendantes, les allocataires du revenu de solidarité active.

M. Philippe Dallier. Quelle caricature !

Mme Éliane Assassi. Non, ce sont vos choix !

M. Thierry Foucaud. C’est même zéro euro pour la défense du territoire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Certes, ces budgets avaient déjà été amputés par l’Assemblée nationale.

L’obsession de la réduction de la dépense publique, déjà présente dans l’actuelle politique gouvernementale, confine de fait à la caricature.

Concrètement, dès le 1er janvier 2015, si nous suivons la majorité sénatoriale, les chantiers de construction de logements sociaux seront immédiatement arrêtés, tout comme la réalisation de lignes de tramway ou d’autobus en site propre.

Nous devrons cesser immédiatement le versement des allocations de logement aux familles, les aides personnalisées au logement aux organismes bailleurs ; il faudra également interrompre le versement du revenu de solidarité active aux allocataires, ou de l’allocation aux adultes handicapés.

Les universités et les locaux du CNRS seront, pour leur part, fermés jusqu’au 1er janvier 2016.

Oui, la majorité sénatoriale UMP, UDI-UC s’est aussi attaquée au montant des crédits d’un certain nombre de missions.

Ainsi, elle a réduit les crédits de la mission « Santé » d’une partie du montant de l’aide médicale d’État destinée notamment aux personnes dites « en situation irrégulière », une AME déjà bien malmenée dont le montant représente, pour mémoire, environ 0,3 % des dépenses d’assurance maladie de notre pays...

Elle s’est aussi attaquée aux crédits de l’enseignement scolaire en revenant sur la ligne ouverte pour financer la formation de nouveaux enseignants stagiaires.

Là, mes chers collègues, je m’interroge.

Une bonne partie des penseurs de la droite française professe, ces dernières années, contre toute évidence, que le niveau des élèves et étudiants est en baisse, que leur maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe laisserait à désirer, que leurs connaissances scientifiques et techniques seraient insuffisantes, et j’en passe, le tout sur le refrain éculé du « c’était mieux avant ». (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.) C’était mieux avant, sans doute, à l’époque où la France ne comptait que 250 000 étudiants, et non pas 3 millions, comme aujourd’hui...

Seulement voilà ! les temps changent, et le rôle de l’État est de relever le défi de la formation d’un nombre toujours plus important de jeunes, selon des rythmes scolaires adaptés.

Disons-le clairement : on peut légitimement protester contre le transfert aux collectivités locales de l’organisation d’une bonne partie du temps scolaire ou périscolaire, mais on n’a pas le droit, alors, de proposer des suppressions massives de postes d’enseignants !

Limiter ne signifie pas rejeter : cela suppose même d’accepter ! Je fais là référence à la position de la droite sénatoriale sur la question de la DGF. Alors même que près d’un conseil municipal sur deux dans notre pays s’est exprimé, avec l’Association des maires de France, contre la baisse de la DGF, la majorité du Sénat a accepté une sorte de pis-aller en se contentant de limiter la réduction de cette dotation.

Vous n’avez pas, mes chers collègues, ni d’un côté ni de l’autre, respecté les demandes de vos propres mandants !

En acceptant la réduction des dotations budgétaires aux collectivités locales, au nom du calcul « fumeux » faisant du secteur public local l’un des responsables de la crise des finances publiques, vous avez exprimé votre position de fond, c’est-à-dire le respect aveugle des orientations européennes, de la trajectoire de réduction de la dette et des déficits publics, qui nous mène, nous le constatons tous les jours, droit dans le mur !

Il est plus facile de « taper » dans le budget des collectivités locales ou dans la poche des salariés et des retraités que d’aller chercher l’argent là où il se trouve.

Très symboliquement, au travers de son dernier amendement, M. le rapporteur général nous proposait d’inviter le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur l’imposition des patrimoines et des revenus patrimoniaux, sans doute au motif que certains, dans la bourgeoisie de ce pays, estiment payer trop en impôt sur la fortune, en taxation des plus-values, en contributions sociales sur leurs biens fonciers, immobiliers et mobiliers.

Monsieur le rapporteur général, je vous pose la question : un salarié disposant de vingt-deux ans d’ancienneté dans la même entreprise bénéficie-t-il, au moment de payer l’impôt sur le revenu, d’une décote de 3 % par année de présence ? Je ne le crois pas. Et le seul acquis de ce salarié, en cas de licenciement, ce sera le niveau de l’indemnité qui pourra lui être versée !

Les votes de la droite sénatoriale n’ont qu’un avantage : non pas donner au projet de loi de finances pour 2015 des couleurs de gauche qui ne sont pas les siennes, mais montrer que la baisse des dépenses publiques n’est pas la voie de la réduction du déficit et de la dette publique.

Mes chers collègues, pour effacer la dette publique, il faudrait trente à quarante années de la purge budgétaire que s’apprête à voter la majorité du Sénat pour l’année prochaine ! Autant dire que c’est du côté des recettes, de la justice fiscale et de l’efficacité économique des prélèvements qu’il faut aller chercher la solution à nos problèmes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous savez que nous avons formulé des propositions en ce sens : vous nous avez entendus les défendre dans cet hémicycle. Du reste, vous avez suivi nos travaux en permanence, et je vous en remercie.

Je conclurai sur cette question des recettes en citant les mots prononcés par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale le 1er décembre dernier, lors de l’examen du collectif budgétaire. Face aux multiples diminutions de taxation, il a conclu : « À force d’accumuler les crédits d’impôt, comme le crédit d’impôt compétitivité recherche ou le crédit d’impôt recherche, à ce rythme-là, bientôt, il n’y aura plus du tout d’impôt sur les sociétés ! » Ce propos peut s’étendre à l’impôt sur le revenu.

En supprimant moult crédits d’impôts et mesures diverses, nous avons de quoi remettre d’aplomb les recettes de l’État et améliorer l’état des comptes publics. Toutefois, cela suppose d’autres choix, des choix de gauche, là où, pour l’heure, nous ne trouvons que des mesures d’austérité.

Vous l’aurez compris : nous n’aurions pas voté le texte du Gouvernement…

M. Henri de Raincourt. Ah bon ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Thierry Foucaud. … et nous ne voterons pas ce projet de loi de finances, dans sa version amendée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Michel Billout. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, au titre des sénateurs non inscrits.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré certaines améliorations apportées par notre assemblée, ce projet de loi de finances s’inscrit dans la droite ligne des budgets qui ont défait la France depuis des décennies. (Brouhaha.)

Ces budgets ont été marqués par des choix idéologiques plus que pragmatiques.

Ces budgets s’attaquent aux ménages et aux entreprises pour diminuer le déficit que vous, vraie gauche et fausse droite, avez aggravé durant des années de partage du pouvoir. (Protestations. – M. Daniel Raoul s’exclame.)

Ces budgets, tous déficitaires, n’ont fait que creuser la dette de la France depuis quarante ans, engraissant les banquiers et enchaînant notre pays à des prêteurs en majorité étrangers.

Ces budgets ne permettront pas de retrouver le chemin de la croissance et encore moins celui de l’emploi.

Ces budgets mettent à mal le modèle français, héritier de siècles d’histoire, en opposant les territoires entre eux.

Ces budgets rognent, une nouvelle fois, sur les missions régaliennes de l’État, notamment en appauvrissant notre outil de défense.

Ces budgets, votés à des fins électoralistes, empêchent toute réforme de structure, ce qui permet à la chancelière allemande de se croire obligée de nous faire la leçon.

M. Stéphane Ravier. Ces budgets préfèrent casser ce qui fonctionne, comme les professions réglementées, plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes.

Ces budgets sont écrits sous la dictée des commissaires européens, sous le regard de Bruxelles, avec son œil droit et avec son œil gauche… (Exclamations.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Assez !

M. Stéphane Ravier. Bref, ces budgets, depuis tant d’années, font le bonheur des financiers et le malheur des Français.

Toutefois, peut-être est-ce la dernière fois que le Parlement vote, avec un semblant d’indépendance, le budget de la nation : nous sommes suspendus au jugement de Bruxelles, qui, dans quelques mois, émettra un avis pouvant aller jusqu’à notre mise sous tutelle…

Comment voulez-vous mener une politique économique sans indépendance monétaire, sans indépendance commerciale et, désormais, sans indépendance budgétaire ?

M. le président. Monsieur Ravier, il faut conclure.

Mme Éliane Assassi. C’est fini !

M. Stéphane Ravier. Dites au moins aux Français que vous n’avez plus les manettes. (C’est fini ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et du CRC.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Stop !

M. Stéphane Ravier. Pourtant, des pistes de réforme existent : elles se nomment restauration des frontières, protectionnisme intelligent, retour à une monnaie nationale, priorité nationale, réduction drastique de l’immigration. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Voilà ! Le vrai visage du Front national !

M. Stéphane Ravier. Nous voterons par conséquent contre ce budget,…

M. le président. Monsieur Ravier, il faut vraiment conclure !

M. Stéphane Ravier. … qui, je le répète, ne fait qu’exprimer les exigences de l’euromondialisme,…

M. Marc Daunis. Mais bien sûr !

M. Stéphane Ravier. … au détriment des Français… (Couverte par le brouhaha, et en l’absence de sonorisation, la fin de l’intervention de l’orateur devient inaudible.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (M. Jacques-Bernard Magner applaudit.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier des propos aimables que vous avez tenus à mon égard et à l’intention des membres de mon équipe.

J’ai moi-même plaisir à saluer la qualité de nos débats, due aux divers orateurs et à la présidence de la commission, à la fluidité de nos échanges avec M. le rapporteur général, à la présidence de séance et à l’ensemble des services de la Haute Assemblée. Cette discussion budgétaire s’est révélée un bon débat.

Nous parvenons aujourd’hui au terme de notre troisième, voire de notre quatrième rendez-vous budgétaire de cet automne : nous avons examiné ensemble le projet de loi de financement de la sécurité sociale – je me suis efforcé d’être présent lors de l’examen de sa partie « recettes » –, le projet de loi de programmation des finances publiques, la première partie du présent projet de loi de finances et, à présent, l’ensemble du budget pour 2015. D’autres rendez-vous suivront : le premier est prévu dès la fin de cette semaine.

Je dois l’avouer, l’évolution de nos débats m’a quelque peu étonné. Somme toute, à l’issue du vote de la première partie du budget, la majorité sénatoriale ne remettait fondamentalement en cause aucun des choix du Gouvernement.

Certes, le Sénat avait opté pour un changement de méthode sur divers sujets, comme l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages, mais, en l’occurrence, il n’avait opéré aucun changement de volume. Il en avait été de même pour un certain nombre de recettes, y compris pour les chambres de commerce et d’industrie.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a tout de même les collectivités…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aussi, j’attendais avec une certaine impatience la seconde partie, c’est-à-dire l’examen des dépenses.

Or j’ai constaté à cette occasion une opposition esquissée dès la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous avez adopté une programmation des finances publiques sans trajectoire budgétaire pour les trois prochaines années. Que vous n’approuviez pas la perspective tracée par le Gouvernement, soit ! Si vous aviez proposé une autre solution, par exemple une trajectoire plus ambitieuse, plus modérée, voire identique, en substituant simplement les efforts des uns à ceux des autres, cette position aurait été concevable. Néanmoins, vous n’avez pas adopté la moindre trajectoire budgétaire.

M. Francis Delattre. À force de vous fréquenter… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aujourd’hui, à l’issue de l’examen de cette seconde partie, que beaucoup dans cet hémicycle regrettaient de ne pouvoir effectuer depuis plusieurs années, le Sénat s’apprête, selon toute vraisemblance, à adopter un texte, mais celui-ci ne présente pas de solde !

Soyons exacts : il y a bien un solde, mais chacun s’accorde à dire qu’il ne signifie rien. En effet, il est excédentaire de presque 30 milliards d’euros, ce qui serait miraculeux s’il ne faisait pas abstraction de dépenses qui représentent, chacun le sait, environ 100 milliards d’euros.

Non seulement ce budget est peu clair, puisqu’il ne fait pas apparaître de solde crédible, mais il est inapplicable, puisqu’il empêcherait de payer quelques centaines de milliers de fonctionnaires…

M. Francis Delattre. Cessez d’abord d’en recruter !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ou d’honorer des dizaines de milliards d’euros d’investissements publics.

Rejeter les crédits des missions, c’est facile !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela peut même être respectable. Néanmoins, tel n’est pas le cas lorsqu’on ne propose rien en contrepartie, lorsqu’on ne précise pas de quel montant on souhaiterait voir les montants en question augmenter. Les règles constitutionnelles ne permettent pas toujours d’établir les comptes à la virgule près.

M. Charles Revet. Ce n’est pas dans les textes !