Mme Évelyne Didier. Je le répète, monsieur le corapporteur, les deux critères seront exigés ! Au reste, Mme Blandin n’a pas coutume de proposer des dispositions fantaisistes.

M. François Pillet, corapporteur. Je maintiens, et le Gouvernement partage mon analyse, que l’amendement que vous soutenez tend à affaiblir l’élément matériel du délit !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le corapporteur a raison sur ce point. De surcroît, les dispositions légales permettant de sanctionner ce type de comportements existent déjà : il est interdit de revendre un billet dix fois son prix initial sans l’accord du producteur du spectacle ou de l’émetteur du billet.

Si le site que vous évoquez se livre effectivement à cette pratique, le corapporteur a raison de chercher à mieux caractériser le fait, mais le risque est déjà couvert par la loi.

Le problème en l’espèce est donc le contrôle, qu’il faut, comme toujours, renforcer. La réponse se trouve plutôt, si je puis dire, in vivo que in vitro, c'est-à-dire à travers l’ajout d’une nouvelle disposition législative qui, d'une part, n’apporte pas toutes les garanties formelles et, d'autre part, apparaît superfétatoire au regard du droit existant.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 1352 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je vais analyser plus avant le site Viagogo et me renseigner sur cette question ! (Sourires.)

Mme Blandin souhaitait affirmer l’existence d’un marché noir sur les billets contre lequel il faut lutter. Nous pensions proposer une solution, mais M. le corapporteur et M. le ministre ont jeté conjointement le doute sur son efficacité.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1352 est retiré.

Article additionnel après l’article 11 septies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l’article 11 octies

Article 11 octies

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation est ainsi rédigé :

« Les vendeurs de produits peuvent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage défini au second alinéa du présent article. »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. Cet article porte sur la définition du prix d’usage et du prix de vente.

D’après le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, ou CREDOC, « le consommateur […] se réfugie vers les valeurs simples et le durable », ainsi que vers « la consommation collaborative – seconde vie des objets, vide-greniers, plateforme de troc, covoiturage ou autopartage, prêt de machine à laver, etc. ». Il cherche ainsi à concilier économie et comportement durable, grâce à une démarche qui connaît un fort développement.

Ce changement de comportement de la part des consommateurs s’explique notamment par l’ampleur de la crise économique, qui les conduit non plus à accroître les achats malins – produits aux prix compétitifs, promotions, soldes –, qui restent stables ou diminuent en un an, mais à se satisfaire de peu. Nous évoquions hier ces consommateurs, en particulier, en votant à l’unanimité des mesures contre la grande pauvreté.

Nous touchons du doigt les inégalités économiques criantes entre les consommateurs dont le pouvoir d’achat est resté fort et les autres, qui sont contraints de faire la chasse aux bonnes affaires pour subvenir à leurs besoins.

La loi Hamon sur la consommation a introduit cette distinction entre prix d’usage et prix de vente. Pour nos concitoyens les plus modestes, cette nuance reste toutefois le marqueur de la baisse continue de leur pouvoir d’achat.

Depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se succèdent. La question des salaires et du pouvoir d’achat occupe une place de plus en plus prépondérante parmi les préoccupations des salariés. Le seul moyen de créer les conditions d’une relance durable par la consommation est l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. Du reste, faire progresser les salaires, c’est aussi apporter des ressources supplémentaires à la protection sociale.

Cet article présente, certes, un intérêt pour certains produits, mais il ne résoudra en rien la perte de pouvoir d’achat subie par nos concitoyens.

Quoi de plus efficace que d’augmenter les salaires et les retraites, afin de permettre à des millions de familles de vivre mieux en consommant non pas moins, mais plus ? Voilà l’atout majeur qui conduira à relancer l’activité et la croissance !

Il n’est pas certain que les dispositions contenues dans cet article, comme dans les précédents, conduiront les consommateurs à nourrir un tel espoir.

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 octies.

(L'article 11 octies est adopté.)

Article 11 octies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 nonies (supprimé)

Article additionnel après l’article 11 octies

M. le président. L'amendement n° 334 n’est pas soutenu.

Article additionnel après l’article 11 octies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 11 nonies

Article 11 nonies

(Supprimé)

Article 11 nonies (supprimé)
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Article 12 A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 11 nonies

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 262 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Esnol, Fortassin, Castelli et Collin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 286 rectifié ter est présenté par Mme Schillinger, MM. Anziani, Tourenne, Madec, Patriat, Poher, Duran, F. Marc et Courteau et Mme Claireaux.

L'amendement n° 293 rectifié bis est présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. Laufoaulu, Calvet, Leleux, Lefèvre, Milon, Charon, Pierre, B. Fournier, Laménie et César.

L'amendement n° 858 rectifié bis est présenté par MM. Doligé, Cardoux et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam et MM. Grosdidier, Kennel, Pointereau et Saugey.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après l'antépénultième alinéa de l'article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La reproduction, la représentation et l’adaptation totale ou partielle des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quelles que soient la nature et la consistance de l’œuvre protégée, sous réserve que lesdites pièces ne soient pas conçues et fabriquées par le titulaire des droits sur le produit complexe et qu’elles soient d’origine ou de qualité équivalente. » ;

2° L’article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) D’actes de reproduction, de commercialisation, d’exploitation et d’utilisation de pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quel que soit l’objet du modèle déposé, sous réserve que lesdites pièces ne soient pas conçues et fabriquées par le titulaire des droits sur le produit complexe et soient d’origine ou de qualité équivalente. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2018, un rapport évaluant les impacts économiques et sociaux du I du présent article.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 262 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Alors que ce projet de loi entend mettre fin aux rentes, s’attaquer aux situations monopolistiques et stimuler la croissance, le marché des pièces de rechange visibles en est absent. Utilisées notamment dans le secteur automobile, ces pièces destinées à la réparation des véhicules font actuellement l’objet d’un monopole des constructeurs.

Ces dernières années, leur prix a augmenté nettement plus vite que l’inflation – près de 29 %, contre 14 % entre 2001 et 2009. Cette situation est assez rare en Europe : en maintenant ce monopole par le biais d’une protection de ces pièces dans le code de la propriété intellectuelle au titre des dessins et modèles, la France figure parmi les exceptions.

Par le présent amendement, nous entendons mettre fin à cette situation en excluant la protection de ces pièces de carrosserie pour le seul marché secondaire des pièces de rechange, c’est-à-dire le marché de la réparation.

Cette initiative, qui a reçu le soutien d’associations de consommateurs, est préconisée par l’Autorité de la concurrence dans son rapport d’octobre 2012. Elle permettrait l’ouverture à la concurrence du marché des pièces de rechange visibles, que les équipementiers pourraient alors fournir, ce qui conduirait, in fine, à une baisse de leur prix.

J’ajoute que cette ouverture limitée aux pièces de carrosserie n’aurait aucun impact en matière de sécurité routière.

M. le président. L'amendement n° 286 rectifié ter n’est pas soutenu.

La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour présenter l'amendement n° 293 rectifié bis.

M. Robert Laufoaulu. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 858 rectifié bis n’est pas soutenu.

L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Antiste, Desplan, Cornano, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et S. Larcher et Mme Jourda, est ainsi libellé :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après l’antépénultième alinéa de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° La reproduction, la représentation et l’adaptation totale ou partielle des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quelles que soient la nature et la consistance de l’œuvre protégée. » ;

2° L’article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) D’actes de reproduction, de commercialisation et d’exploitation des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, et cela quel que soit l’objet du modèle déposé. »

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement tend à proposer la libéralisation de la vente des pièces détachées automobiles sur le marché secondaire des pièces de rechange, en excluant leur protection au titre des dessins et modèles comme du droit d’auteur. Il s’agit de laisser le consommateur libre d’accéder à des pièces de substitution et moins coûteuses, s’il le souhaite. Cette proposition ne concerne pas le marché aéronautique.

Le marché français des pièces détachées de carrosserie est structuré autour de monopoles de marques : chaque constructeur décide quel produit sera vendu et dans quelles conditions. Les constructeurs maîtrisent donc la production, même lorsque celle-ci est déléguée, comme la vente.

Par conséquent, non seulement les consommateurs n’ont pas l’occasion de bénéficier de véritables prix de marché déterminés dans un environnement concurrentiel, mais ils se voient également empêchés de choisir le type de pièces à installer dans leurs véhicules.

Cette difficulté est la conséquence d’une utilisation extensive de la réglementation sur la protection des dessins et modèles, qui vise initialement à protéger le dessin des automobiles dans leur ensemble.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le sujet de la libéralisation des pièces détachées est récurrent. Certaines pièces de rechange, en particulier dans le secteur automobile, sont aujourd’hui protégées au titre des dessins et modèles, ainsi que du droit d’auteur.

Une telle protection n’existe pas dans tous les États membres de l’Union européenne. En pratique, les consommateurs français ont une liberté de choix limitée, puisqu’ils ne peuvent se procurer certaines pièces de rechange qu’auprès du constructeur.

Dans son avis du 8 octobre 2012, l’Autorité de la concurrence a critiqué cette situation, en préconisant de mettre un terme à cette exception de notre droit de la propriété intellectuelle, afin de favoriser la concurrence et de faire baisser les prix pour le consommateur. Nos constructeurs bénéficient donc, d’une certaine manière, d’une rente légale, et les équipementiers réclament également la libéralisation du marché.

Le moment est-il toutefois propice à une telle mesure, compte tenu de la fragilité économique de nos constructeurs automobiles et des emplois en jeu ? Quelque 96 % des pièces de carrosserie des constructeurs français sont produites dans l’Union européenne, dont 71 % en France. Les pièces de substitution présentes sur les marchés libéralisés, comme en Grande-Bretagne ou en Belgique, proviennent, elles, majoritairement de Taïwan.

Pour sortir de cette situation par le haut, l’impératif est aujourd’hui d’aider nos entreprises à s’adapter et à s’intégrer sur les marchés internationaux, en les rendant plus compétitives, me semble-t-il. Pour cela, il est nécessaire d’alléger globalement leurs charges et leurs contraintes. Il deviendra ensuite possible d’abroger des dispositions protectrices.

Il me paraît donc souhaitable d’en rester aujourd’hui au droit en vigueur, l’urgence étant d’abord de préserver les emplois du secteur et la sécurité des consommateurs.

La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements, auxquels je suis, à titre personnel, défavorable.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sujet est connu. Comme Mme la corapporteur le rappelait d'ailleurs à l’instant, il a fait l’objet d’un rapport de l’Autorité de la concurrence.

Plusieurs associations de consommateurs, en particulier l’UFC-Que Choisir, demandent régulièrement la suppression des dispositions du code de la propriété intellectuelle qui couvrent les dessins et modèles dans le secteur de l’automobile. Il est vrai que ces protections emportent l’augmentation des prix pour les consommateurs, alors que leur suppression aurait sans doute l’effet inverse.

Qui, dès lors, porterait la propriété de ces dessins et modèles ? Essentiellement les gros équipementiers de premier rang. Plutôt que d’aller acheter chez PSA ou chez Renault un phare ou un rétroviseur à changer, il faudrait aller les chercher chez Valeo ou chez Forecia.

Or la situation de ces sous-traitants de premier rang est aujourd’hui meilleure que celle des constructeurs automobiles. Ils se sont mieux sortis de la crise de ces dernières années : ils ont réduit leur exposition aux dix premiers constructeurs automobiles à quelque 15 % de leur chiffre d’affaires chacun et ils travaillent massivement pour de nombreux constructeurs internationaux.

Je souhaite rassurer Mme la corapporteur : ils sont devenus très compétitifs, c’est pour cela qu’ils se sont consolidés et qu’ils se portent bien.

Les constructeurs automobiles ont subi la crise de plein fouet, alors que le marché européen a vu ses volumes baisser. Cette tendance commence seulement à s’inverser. Le nombre de véhicules produits en France est passé d’environ 3,5 millions à 1,6 million, ainsi que je l’évoquais hier avec M. Jean Desessard au sujet du made in France.

L’industrie automobile est donc affaiblie et fait aujourd’hui face à des difficultés. La disposition proposée par cet amendement, dont la dimension consumériste est légitime, viendrait ajouter aux difficultés de ce secteur, tout en renforçant la chaîne de la filière qui se porte le mieux.

Mme la corapporteur souhaitait savoir si je partageais son avis négatif quant à l’opportunité d’une telle mesure. C’est le cas ! Il n’est pas temps, à mon sens, de procéder à cette réforme. Sans prétendre que le système fonctionne parfaitement, je tiens à noter que seize pays de l’Union européenne partagent nos pratiques de protection de la propriété intellectuelle et industrielle des grands constructeurs d’automobiles, ainsi, à peu de chose près, que les États-Unis.

La compétition internationale entre sous-traitants de premier rang se déroule dans cet équilibre. Si nous venions fragiliser la position de nos constructeurs automobiles dans la bataille contre leurs principaux compétiteurs – Dieu sait que, aujourd'hui, celle-ci est rude –, nous ne créerions ni activité ni croissance et nous déplacerions l’effet de rente économique que vous décrivez vers un secteur bien moins affaibli de la chaîne.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 262 rectifié et 293 rectifié bis.

Mme Nicole Bricq. Je comprends à la fois les arguments avancés par les auteurs des deux amendements identiques et ceux qui ont été présentés par Mme la corapporteur et M. le ministre. Mme Estrosi Sassone a donné son avis à titre personnel, mais je tiens à dire que nous avons eu ce débat en commission : l’un des amendements présentés a été retiré par son auteur et l’autre n’a pas été adopté.

Nos équipementiers se portent effectivement très bien. Avec plusieurs de mes collègues, dont Élisabeth Lamure et Jérôme Durain, nous nous sommes rendus, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, dans le département du Rhône, pour visiter le groupe Saint-Jean Industries. Cette entreprise magnifique, qui, du reste, rencontre des difficultés pour accéder au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles – j’en ai d’ailleurs informé votre cabinet, monsieur le ministre –, travaille beaucoup, y compris pour des constructeurs concurrents des nôtres sur le marché européen notamment.

Toutefois, à l’heure d’internet, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le trafic important de pièces détachées qui se développe actuellement…

Mme Nicole Bricq. … dans les zones frontalières ou en Seine-Saint-Denis ; nos collègues élus de ce département pourront l’attester.

Mme Éliane Assassi. Il n’y a pas qu’en Seine-Saint-Denis !

Mme Nicole Bricq. C’est un véritable problème. Tout se passe au grand jour : il suffit de se promener dans certains endroits pour le constater.

Eu égard à cette réalité, l’argument de la propriété intellectuelle et celui de la sécurité ne tiennent pas. D’ailleurs, si ce trafic existe, c’est parce que le coût des pièces détachées est très élevé.

Mme Nicole Bricq. C’est là un véritable sujet. Le marché des pièces détachées est une rente. On défend, il est vrai, nos constructeurs automobiles. Je comprends parfaitement les arguments avancés par Mme la corapporteur et M. le ministre, mais la vie est ainsi faite que tout ne se passe pas toujours comme on voudrait.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, cette question est récurrente.

La comparaison européenne ne vaut qu’avec les pays qui comptent encore des industries automobiles dont les centres de décision se trouvent en Europe. Or, sur les vingt-sept membres de l’Union européenne, je crains qu’il n’y ait dans ce cas que l’Allemagne, la France et l’Italie ; pour le reste, les centres de décision des constructeurs éminents implantés dans d’autres pays européens sont situés dans l’un des trois pays cités.

Il faut donc comparer les pays européens qui ont des enjeux comparables, c'est-à-dire dont les centres de décision sont localisés en Europe, pour vérifier s’ils respectent comme nous la propriété intellectuelle des modèles et des dessins. On ne saurait en vouloir aux pays qui, n’ayant pas d’industrie automobile, défendront d’abord les consommateurs de ne pas s’intéresser aux constructeurs.

J’évoquerai, ensuite, un problème de principe, avant de formuler une observation technologique.

Le problème de principe concerne la propriété intellectuelle, qui représente un investissement considérable. Lorsque j’étais ministre de l’industrie, j’avais fait réaliser une étude comparative par les services de mon ministère : il apparaît qu’une voiture construite en rassemblant des pièces détachées achetées chez le constructeur coûterait environ cinq fois le prix de la voiture sortie d’usine.

L’observation formulée par l’UFC-Que Choisir est parfaitement pertinente : il n’y a aucun doute sur le fait que la propriété d’un modèle et d’un dessin conduit les constructeurs automobiles à déplacer le bénéfice de la vente initiale de l’automobile vers la réparation de celle-ci.

Pour dire la vérité, ils ne sont pas les seuls à adopter cette attitude. Safran, grand groupe industriel français, dont le succès est mondial, consent, au moment de la vente de ses réacteurs, des réductions pouvant aller – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – jusqu’à 100 %, et ce pour une raison simple : la durée de vie d’un réacteur étant de trente ans, l’acheteur paie deux ou trois fois sa valeur initiale en rachetant des pièces détachées.

Dans le secteur automobile, afin de ne pas décourager le client, la stratégie industrielle consiste à reporter sur l’entretien le coût de l’amortissement de l’investissement, qui est extraordinairement lourd.

Cela me conduit à formuler une observation technologique.

La démarche de libéralisation des pièces détachées, défendue par les auteurs de ces amendements identiques, ainsi que les associations de consommateurs, n’est pas portée – sur ce point, je suis en désaccord avec M. le ministre – par les grands équipementiers, dont la situation financière est plutôt bonne, parce qu’ils travaillent au bénéfice des industriels automobiles, qui, eux aussi, se portent bien du fait de leur présence sur les marchés émergents.

Elle est plutôt portée par les petits industriels, qui, installés dans des pays où la propriété intellectuelle n’est jamais respectée, font preuve d’une très grande réactivité et mettent en place des technologies bien connues, telle que la numérisation des objets et, le cas échéant, l’impression en trois dimensions. Ce sont eux qui profiteront de cette mesure et développeront une industrie qui, en effet, partagera ses marges avec les consommateurs, au détriment de nos industriels.

Se pose donc une question de principe : défendons-nous la propriété ? Personnellement, je défends ce principe, y compris lorsqu’il y a, il est vrai, un transfert au détriment de l’usager et au bénéfice de l’acquéreur. Et pour des raisons de conjoncture, je soutiens plus encore cette démarche de fond. Mes chers collègues, vous n’aurez plus d’industries lourdes si la propriété intellectuelle des modèles et des dessins n’est pas respectée.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je puis comprendre l’argument du pouvoir d’achat, mais il faut savoir si l’on veut conserver nos industries.

Même si la situation de nos constructeurs automobiles s’est un peu améliorée au cours de ces derniers mois, …

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Pascale Gruny. … elle demeure encore compliquée.

Se pose ici la question de l’importation des pièces détachées, qui d’ailleurs ne proviennent pas forcément de l’Europe.

M. Gérard Longuet. Absolument !

Mme Pascale Gruny. Elles sont plutôt fabriquées en dehors des frontières européennes.

Je suis élue d’une région où l’industrie textile était florissante voilà quelques décennies encore. Or nous avons perdu tous nos emplois, simplement parce que nous avons acheté des tee-shirts fabriqués en Chine à un prix bien inférieur. Certes, les consommateurs ont alors eu un pouvoir d’achat supplémentaire. Toutefois, quand il n’y a plus d’emploi, il n’y a plus non plus de pouvoir d’achat.

Certains pays européens ont il est vrai adopté de telles mesures de libéralisation. Néanmoins, la directive européenne en vigueur demeure celle de 1998, parce que le Conseil européen ne s’est jamais mis d’accord pour autoriser la libéralisation des pièces détachées. Si la Commission européenne n’est pas parvenue à un accord en 2004, ni en 2008, c’est bien parce qu’il y a un problème.

Dans un texte dédié à la croissance, il faut privilégier nos emplois, parce qu’ils font cruellement défaut. Or le pouvoir d’achat passe par les emplois, et par des emplois en France.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Je rejoins les propos de Mme la corapporteur et de M. le ministre.

Je note que, lors des contrôles techniques, des problèmes de sécurité sont apparus dans les pays ayant libéralisé le commerce des pièces détachées ou dans lesquels le trafic des pièces détachées est florissant. Même si l’on peut numériser les pièces détachées et recourir à la 3D, se pose le problème de la composition de la pièce détachée. On s’est vite rendu compte qu’il y avait de graves problèmes en termes de qualité – je pense notamment aux plaquettes de frein –, ce qui met en cause la sécurité de l’usager lui-même et des autres. D’ailleurs, plus le prix de la pièce est bas, plus il est légitime de s’interroger sur la qualité de celle-ci.

Restons-en donc à la situation actuelle, qui apporte de la sécurité à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. Il serait, en effet, sage d’en rester à la situation actuelle.

Concernant les pièces détachées, n’oublions pas qu’il existe trois marchés : la première monte, les pièces assemblées sur les chaînes de production ; la deuxième monte, les pièces installées dans le cadre de l’entretien courant du véhicule qui est encore produit en série ; enfin, l’after market, pour remplacer les pièces usagées, telles les plaquettes de frein, un exemple parfait en termes de sécurité.

On ne saurait globaliser le raisonnement sur les pièces détachées, comme le prévoient les auteurs des amendements identiques, car les situations industrielles sont extrêmement différentes. Il faut bien évidemment protéger la propriété intellectuelle, sans quoi il n’y aura plus d’investissement, ni de développement.

Concernant la première monte, ce sont des pièces de série, mais, pour ce qui concerne l’after market, les produits sont généralement fabriqués très loin, en Asie, au moyen, notamment, de la numérisation et d’imprimantes 3D, qui font des petits miracles. Si nous ne protégeons ni nos investissements ni nos emplois, nous nous exposons à des déboires plus grands encore.

N’oublions pas que les Asiatiques sont d’excellents commerçants ; ils mettent en place des politiques tarifaires très intelligentes. Si nous recourons à cette forme de trading, je ne crois pas que les prix baisseront. Au final, ils augmenteront, et nous aurons raté l’objectif économique et détruit encore un peu plus d’emplois.

C’est pourquoi il ne faut pas voter ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je serai bref après tout ce qui a été dit.

Pour ma part, je suis plutôt pour la libéralisation : après tout, un peu d’air ne nuit pas. (Sourires.) Néanmoins, j’entends bien ce que disent mes collègues Gérard Longuet et Pascal Allizard et je reconnais que nos industries ne se portent pas si bien que cela. Ce n’est donc pas le moment d’en rajouter.

Cependant, une fois n’est pas coutume, je suis en accord avec Mme Bricq. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Cela arrive parfois !

M. Roger Karoutchi. C’est vrai, et même sur des points nettement plus importants ! (Nouveaux sourires.) Mais ne refaisons pas notre histoire politique !

Monsieur le ministre, allez sur certains « marchés » à Paris, dans la petite couronne,…