M. Didier Guillaume. C’est exagéré !

M. Mathieu Darnaud. Quel respect a-t-on pour le citoyen quand on demande à ce dernier de se prononcer afin de confier des mandats à des candidats dont on n’a toujours pas arrêté les prérogatives ?

On ne peut donner à nos concitoyens l’envie de s’approprier les affaires de la cité en leur donnant le tournis, en créant des modes de scrutin dont certains sont pour le moins baroques et en évoquant même le retour de la représentation proportionnelle aux élections législatives.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ça, c’est vrai !

M. Mathieu Darnaud. Comment prétendre que les assemblées de nos exécutifs locaux sont réellement représentatives alors que les communes rurales sont consciencieusement étouffées et que leurs habitants sont privés de représentation ?

Je suis donc favorable à cette proposition de loi de bon sens, même si elle est loin d’être suffisante face au défi qui nous attend.

Contrairement à une idée en vogue, je pense que, avant d’aller dresser procès-verbal à nos concitoyens coupables d’avoir boudé les urnes, notre devoir est désormais d’inciter ces derniers à se prononcer sur des enjeux lisibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner la proposition de loi de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Bruno Le Roux.

Ce texte vise à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle – c’est peut-être l’un des enjeux du débat – sur le principe de la révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral.

Cette proposition de loi, qui a été adoptée à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une « niche » socialiste à l’Assemblée nationale, s’appuie sur les conclusions du rapport établi par Mme Pochon et M. Warsmann, lequel a permis à l’opposition et à la majorité d’aboutir à des conclusions communes. Il faut le souligner, car, sur ces questions, plus la majorité et l’opposition seront d’accord, moins il sera possible ensuite d’accuser quiconque de faire du tripatouillage électoral.

De manière consensuelle, les auteurs de ce rapport ont estimé que les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales et sa complexité étaient l’une des sources déterminantes de l’éloignement de certains électeurs potentiels des urnes. Il est vrai que cette raison n’explique pas à elle seule l’abstention, mais – cela a été dit – les 6 millions de Français mal inscrits pèsent sur le taux d’abstention, dans lequel ils sont comptabilisés. En permettant de réduire le nombre de personnes mal inscrites, on diminuera le taux d’abstention. Surtout, on favorisera la participation de nos concitoyens aux scrutins. Un tel objectif est d’ailleurs partagé, je l’ai constaté, sur toutes les travées de notre assemblée.

Favoriser l’inscription des citoyens sur les listes électorales et leur participation aux élections sont des enjeux essentiels dans un système démocratique. Il s’agit de faire en sorte que les citoyens soient bien au cœur du processus démocratique, et donc électoral.

Les auteurs de la proposition de loi ont considéré – mais nous le savions – que l’année électorale 2015 allait être particulièrement difficile, compte tenu du report des élections régionales au mois de décembre.

Lorsque nous avons débattu de la loi portant redécoupage des régions, nous aurions pu pressentir que ce report allait poser des difficultés d’inscription sur les listes électorales. Il aurait été plus simple de trouver une solution à l’époque et de l’intégrer dans le texte de loi.

Malheureusement, ni le Gouvernement – nul n’est parfait ! –, ni les députés, ni les sénateurs n’ont perçu ce problème. C’est pourquoi la présente proposition de loi revêt aujourd’hui un caractère essentiel pour régler ce problème ponctuel.

En outre, au-delà de ce cas particulier, le Gouvernement comme le Parlement souhaitent pouvoir régler cette difficulté d’inscription de manière pérenne. L’exécutif sera ainsi à l’écoute des propositions formulées par Mme Pochon et M. Warsmann, et une proposition de loi sera déposée avant la fin de l’année devant le Parlement pour revoir les modalités d’inscription sur les listes électorales, avec l’objectif défini par le Président de la République de permettre l’inscription jusqu’à un mois avant l’élection.

La proposition adoptée en commission des lois, que je n’ai pas soutenue, permet elle aussi d’aboutir à une solution pérenne, mais en s’appuyant sur l’article L.30 du code électoral, dont l’objectif est de gérer dans l’urgence quelques cas très particuliers. On dénature donc le fondement de cet article en voulant l’utiliser pour régler une difficulté ponctuelle liée à une modification d’ores et déjà connue du calendrier électoral. Essayons donc de trouver la meilleure solution pour régler le cas précis des élections régionales et, si nous voulons régler de manière pérenne la question de l’inscription sur les listes électorales, attendons plutôt la proposition de loi qui prolongera le rapport de Mme Pochon et de M. Warsmann.

Si nous partageons déjà tous le même objectif politique – permettre à nos concitoyens de s’inscrire jusqu’en septembre pour participer aux élections régionales –, il ne nous restera qu’à trouver une réponse technique à cet objectif politique.

J’ai été sensible aux arguments avancés par M. le ministre : techniquement, la proposition avancée par la commission des lois sera en effet difficile, voire impossible à appliquer.

Une fois la loi votée, les opérations de communication seront nombreuses et nos concitoyens vont se présenter en nombre à la rentrée pour s’inscrire sur les listes électorales. Dès lors, le système de l’article L.30 du code électoral, qui a été calibré pour des flux d’électeurs limités, risque d’être engorgé.

Si les communes doivent encore gérer jusqu’à dix jours avant la date du scrutin des flux importants d’électeurs, elles seront confrontées à de grandes difficultés, et je sais combien nous sommes sensibles sur ces travées aux problèmes que peuvent rencontrer les collectivités.

Par sa fonction de contrôle des demandes d’inscription et de radiation, l’INSEE constitue le pivot du dispositif de révision des listes électorales de droit commun. À l’inverse, dans le système exceptionnel de l’article L.30 du code électoral, les mairies se transmettent directement les demandes d’inscription et de radiation. On va donc faire peser sur les maires une lourde charge de travail et une grande responsabilité, pour gérer un afflux qui risque d’être important.

Il est en effet exceptionnel que des élections se tiennent en décembre : le dernier exemple remonte ainsi à 1965. De surcroît, la mobilité est beaucoup plus importante aujourd’hui que dans les années soixante. D’ores et déjà, nous pouvons noter que nos concitoyens sont nombreux à se renseigner en mairie sur les possibilités d’inscription pour le vote de décembre prochain. Si les efforts de communication sont importants – ils le seront vraisemblablement –, les demandes risquent d’être nombreuses et les maires pourraient se trouver en difficulté. Cet aspect doit aussi être pris en compte.

Nous devons réfléchir à un système qui ne conduise pas à l’inscription des électeurs n’étant pas en capacité de voter ou à des doubles inscriptions. Nous avons aussi la responsabilité d’assurer la sincérité du scrutin régional. Nous ne pouvons pas balayer d’un revers de main les difficultés techniques évoquées par M. le ministre. Ne nous contentons pas d’une approche cosmétique qui laisserait croire que l’on veut favoriser l’inscription alors que tel ne serait pas notre objectif en réalité.

Si l’on veut véritablement permettre à tous ceux qui ont déménagé dans l’année de s’inscrire – cela pourrait concerner quelques millions de Français –, nous devons mettre en place un système qui tienne la route, qui s’appuie sur l’INSEE et qui ne mette pas en difficulté les maires et les communes.

C’est pourquoi, en commission, j’ai défendu au nom du groupe socialiste des amendements visant à revenir à la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.

Je félicite M. le rapporteur d’avoir recherché une solution pérenne qui lui a semblé plus pertinente. Toutefois, un examen attentif montre qu’elle risque de ne pas être opérationnelle et de poser de grandes difficultés. Au-delà de notre accord sur l’objectif, nous devons mettre à plat tous les éléments techniques afin de trouver la meilleure solution dans des délais très contraints.

Nous sommes déjà en mai, et les élections auront lieu en décembre. Les commissions devront contrôler les listes électorales en octobre ou en novembre pour des inscriptions en septembre. D’ici là, la loi doit être votée, un décret d’application doit être pris et les mairies doivent se préparer pour recevoir les inscriptions. Tout le système administratif doit être mis en place, puisqu’il s’agit de gérer non pas quelques cas particuliers, mais une masse d’électeurs.

Nous devons donc aller vite pour voter la loi, communiquer auprès des électeurs et permettre aux équipes qui vont organiser le scrutin sur le terrain de préparer cet afflux massif de nouveaux électeurs.

C’est pourquoi nous proposons de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui permettrait un vote conforme et une promulgation très rapide de la loi. À défaut, il faudrait passer par la commission mixte paritaire, voire par une dernière lecture à l’Assemblée nationale. Ce n’est sans doute pas impossible – nous pouvons voter des lois jusqu’à fin juillet –, mais ce sera très difficile, et cela risque de poser des problèmes aux maires et aux services appelés à gérer le processus d’inscription sur le terrain.

Nous avons donc déposé plusieurs amendements visant à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Sur cette question, il me semble opportun de dépasser les clivages politiciens. Nul ne peut savoir pour qui va voter un nouvel électeur qui s’inscrit et, comme l’a dit M. le rapporteur, ceux qui veulent jouer à la Pythie se trompent fréquemment ! Puisque nous sommes tous républicains, à défaut d’être des Républicains (Sourires sur certaines travées de l'UMP.), permettons à nos concitoyens de s’inscrire sur les listes électorales et de voter pour les candidats de leur choix.

Nous devons, par une démarche commune, encourager cette inscription pour favoriser ensuite la participation et le vote. À mes yeux, la proposition initiale votée à l’Assemblée nationale le permettra, tout comme la proposition de loi qui sera déposée à l’automne pour permettre une révision des listes électorales jusqu’à un mois avant l’élection. Voilà qui nous permettra de régler de manière pérenne les difficultés d’inscription. Mais travaillons par étapes, et, d’ici là, trouvons une solution technique, pratique et opérationnelle qui nous permette de régler la difficulté occasionnée par les élections régionales de décembre 2015, difficulté que, collectivement, nous n’avons pas vue lors du vote de la loi sur le redécoupage électoral.

Des parlementaires ont commencé à travailler sur ce chantier lancé par le Président de la République, et je suis sûr que les membres de la commission des lois, sous la houlette du président Philippe Bas, pourraient former un groupe de travail pour préparer le débat quant aux meilleurs moyens de permettre une inscription tardive sur les listes électorales, en tenant compte des problèmes techniques que peuvent rencontrer ceux qui appliquent les lois sur le terrain, à savoir les maires et leurs équipes.

Nous avons un enjeu commun qui est de favoriser l’inscription sur les listes électorales et la participation électorale.

Je suis content de constater que nous sommes tous d’accord sur l’objectif.

Mais nous savons tous que le mieux peut-être l’ennemi du bien. La solution pérenne proposée par M. le rapporteur risque d’être inefficace et de poser des difficultés opérationnelles et des difficultés de calendrier.

Soyons raisonnables et pragmatiques : tenons compte des difficultés techniques et permettons réellement à nos concitoyens de s’inscrire sur les listes, en facilitant le travail des mairies et en permettant à ces dernières de bénéficier de l’appui de l’INSEE.

Sous couvert de la recherche d’une solution plus pertinente, qui se révélerait en fait inopérante, ne créons pas un écran de fumée qui aboutirait in fine à mettre en grande difficulté cette faculté d’inscription sur les listes électorales jusqu’en septembre pour les élections régionales.

Je suis certain que, sur ces travées, nous pouvons débattre des considérations techniques, écouter les spécialistes et les personnes qui gèrent ces listes électorales sur le terrain comme à l’INSEE, et trouver une solution qui nous rassemble.

Quel que soit le vote qu’ils émettront en décembre prochain, nos concitoyens souhaitent que l’on facilite ces inscriptions. Ne privons pas ceux qui ont déménagé de la faculté de voter et montrons que le Sénat sait faire preuve de pragmatisme pour soutenir les communes.

Le groupe socialiste votera donc les amendements qu’il a défendus en commission afin de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue député Bruno Le Roux visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales.

Comme vous le savez, nous avons décidé, au sein de la Haute Assemblée, consécutivement à la modification de la délimitation des régions, de reporter de mars à décembre 2015 l’élection des conseillers régionaux, des conseillers de Corse et des membres de l’Assemblée de Martinique et de Guyane.

Sans modification du droit existant, ces élections devraient être organisées sur la base des listes électorales entrées en vigueur le 1er mars 2015 et comportant les inscriptions déposées au plus tard le 31 décembre 2014. Il ne fait aucun doute que de très nombreux électeurs auraient, de facto, été momentanément exclus du processus électoral.

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale le 30 mars dernier, la proposition de loi socialiste prévoyait, afin de permettre au plus grand nombre d’exercer son droit de vote lors des prochaines élections régionales, de procéder à une révision exceptionnelle des listes électorales en 2015, en permettant l’inscription jusqu’au 30 septembre 2015. Faut-il le rappeler, à l’issue du second tour des élections départementales, le constat fut amer : non seulement la crise démocratique perdure, mais elle s’accentue dans notre pays, et les taux d’abstention record ne peuvent plus être ignorés.

Il faut – c’est également notre devoir de législateur – nous poser les bonnes questions et réfléchir aux causes de l’abstention, aux causes politiques comme aux causes institutionnelles. Nous nous devons de tout mettre en œuvre pour encourager nos concitoyens à retourner aux urnes.

De nombreuses propositions ont été faites, notamment dans le rapport d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, dont je veux saluer ici le travail.

Au premier rang de ces propositions figurait la prise en compte, dans les opérations de révision et d’établissement des listes électorales de l’année 2015, du report programmé de mars à décembre 2015 des élections régionales.

Les membres du groupe écologiste regrettent que seule cette proposition soit ici défendue. Nous aurions aimé pouvoir débattre des autres propositions contenues dans ce même rapport, notamment celles relatives à l’accompagnement des démarches d’inscription, celles visant à garantir une mise à jour optimale des listes électorales ainsi que celles proposant de rénover les conditions d’attache avec la commune d’inscription.

Permettez-moi, mes chers collègues, puisque nous parlons du droit de vote et de la nécessité de garantir son exercice, de rappeler que les gens du voyage, citoyens français pour l’immense majorité d’entre eux, ont dû attendre la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 pour pouvoir exercer normalement leur droit de vote. Il est urgent de nous saisir de cette question et de tout mettre en œuvre pour garantir l’effectivité de ce droit si fondamental.

Nous regrettons la rédaction adoptée par notre commission des lois, car nous la considérons, elle aussi, comme réductrice. Il nous semble opportun de revenir à l’esprit initial de la proposition de loi, qui est d’accorder à l’ensemble des citoyens français en âge de voter un délai supplémentaire pour s’inscrire sur les listes électorales en 2015. Le groupe écologiste apportera donc son soutien aux amendements déposés par le groupe socialiste et le Gouvernement, et, in fine, à la proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par faire quatre remarques.

Première remarque : il est un petit peu gênant de répondre à une certaine urgence maintenant – en mai 2015 pour des élections qui auront lieu en décembre 2015 –, alors que la date des élections régionales est connue depuis juin 2014.

Deuxième remarque : eu égard aux problèmes de délais, aux problèmes techniques – ils ont déjà été évoqués, notamment par Philippe Kaltenbach –, il serait dommageable de ne pas améliorer la situation en termes d’inscription sur les listes électorales dans la perspective des élections régionales.

Troisième remarque : le rapport d’information présenté l’an dernier par nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann est riche d’idées, même si nous ne souscrivons pas totalement aux vingt-trois propositions. Il nous semble constituer une bonne base de réflexion pour un débat de fond en vue d’une réforme ambitieuse.

Quatrième remarque : il est clair que c’est plutôt en 2016, année sans élection, qu’un tel débat de fond pourra se dérouler de manière sereine.

Le sujet est central. De nos pratiques en matière de listes électorales dépend aussi le bon exercice démocratique. Comment pouvons-nous tolérer que, de manière délibérée ou à cause des rigidités administratives, 3 millions de nos concitoyens ne soient pas inscrits sur les listes électorales et que 6,5 millions d’entre eux soient mal inscrits ?

Certes, l’ouverture permanente de l’inscription sur les listes électorales ne permettra pas de créer un raz-de-marée de participation au scrutin, mais elle offrira cependant de nouvelles conditions d’accès au vote. De fait, le système de révision annuelle des listes électorales empêche de nombreux citoyens de voter, même si le peu d’intérêt pour notre fonctionnement démocratique dépasse largement la problématique de l’inscription sur les listes électorales.

Il nous paraît beaucoup trop restrictif de conditionner l’inscription sur une nouvelle liste électorale aux justificatifs prévus par l’article L. 30 du code électoral. J’en veux pour preuve la situation de nos jeunes ; vous l’avez évoquée, monsieur le ministre. Aux dernières élections départementales, pas moins de 64 % des moins de 35 ans ne se sont pas déplacés. Cette tranche d’âge réunit environ la moitié des citoyens mal inscrits. Permettre la réinscription sur les listes électorales dès le changement de domiciliation, c’est permettre de suivre efficacement nos concitoyens et leur garantir de bonnes conditions d’exercice démocratique.

Vous l’aurez compris, la situation actuelle ne peut pas nous satisfaire. Nous partageons la volonté de mener une réforme profonde de nos listes électorales pour redynamiser la participation. Nous sommes cependant pressés par le calendrier : une mesure doit donc être prise immédiatement pour que les listes électorales soient correctement actualisées d’ici aux élections régionales de décembre prochain. Cela peut justifier le « minimum », c'est-à-dire la réouverture des délais d’inscription jusqu’au 30 septembre et la mise en place rapide des modalités pratiques, y compris par voie réglementaire.

Nous restons néanmoins persuadés qu’une réforme en profondeur de l’exercice démocratique doit être réalisée. J’ai bien noté l’engagement de M. le ministre et du Gouvernement, ainsi que l’adhésion de presque tous nos collègues à ce principe. Il serait utile que l’engagement gouvernemental soit mis en œuvre rapidement et de manière ambitieuse, en termes non seulement de simplification et d’élargissement des modalités d’inscription, mais aussi d’accès à l’inscription ; je reviendrai sur ce point.

Nous sommes au cœur de la question de la citoyenneté, à plusieurs égards. La montée des extrémismes et la perte de confiance dans notre système politique – vous les avez évoquées, madame Benbassa – sont aujourd’hui des préoccupations incontournables. Il y a les annonces de bonnes intentions, et il y a les actes.

Concernant la réforme en profondeur de notre système de gestion électorale, et donc de notre système d’accès à l’expression démocratique, de manière technique mais aussi sur le fond, je peux vous assurer de l’engagement sans faille des sénateurs du groupe CRC pour défendre une mutation profonde de nos principes de citoyenneté et d’expression populaire, afin d’assurer un exercice démocratique et républicain le plus développé possible.

Ainsi, nous travaillerons sans relâche – avec certains d’entre vous, j’en suis sûr – à la reconnaissance entière du vote blanc. L’étude de sociologie électorale de Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen rappelle que l’abstention peut être vécue comme une expression politique. La reconnaissance du vote blanc doit entrer dans cette dynamique.

En parallèle, nous nous engagerons en faveur du développement de la démocratie participative, notamment au niveau local et en particulier dans cet espace de citoyenneté extraordinaire qu’est la commune. Ce n’est pas ici que je devrai faire beaucoup d’efforts pour convaincre mon auditoire... Il s’agit d’organiser des consultations populaires et de faciliter le recours au référendum, tout en conservant à la commune son importance dans notre système institutionnel. Nous serons vigilants sur ce point lors du débat sur l’élection directe des conseillers communautaires.

Enfin, la question de la définition de la citoyenneté est centrale. L’histoire de notre république et de notre pays a été marquée par l’élargissement du corps électoral, du suffrage universel en 1848 à l’abaissement de la majorité électorale à dix-huit ans en 1974, en passant par le droit de vote des femmes en 1944.

Lorsqu’il était encore candidat, le Président de la République avait fait du vote des étrangers aux élections locales l’un de ses chevaux de bataille. Cette mesure a aussi fait l’objet d’une proposition de loi socialiste déposée à l’Assemblée nationale en 2010. Pour nous, il s’agit d’une question d’égalité et de justice. Comment justifier que des individus participant depuis de nombreuses années à la vie de leur collectivité par leur travail, leurs impôts et, souvent, leur engagement associatif, ne puissent pas prendre position sur les décisions qui les concernent au niveau communal ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par répondre à Patrick Abate.

Ah ! La montée des extrémismes...Vous ne risquez pas, quant à vous, de connaître une montée électorale, au vu des « claques » que vous recevez en ce moment. Je m’en félicite, d’ailleurs : c’est heureux pour notre pays !

M. Patrick Abate. No comment !

M. David Rachline. Grâce au travail en commission, la proposition de loi a changé de nature, devenant par là même cohérente. En effet, que demandait au départ le groupe socialiste de l’Assemblée nationale ? Il souhaitait permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle sur le principe de révision annuelle prévu par l’article L. 16 du code électoral.

Quelles sont les raisons avancées ? La procédure d’inscription sur les listes électorales serait « véritablement moyenâgeuse », nous dit le directeur du département de science politique de l’université Montpellier I dans Libération ; le rapporteur y a fait référence tout à l’heure. Nous laissons à ce directeur la bêtise de sa formule et lui proposons d’aller travailler au ministère de Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui se fera un plaisir d’écouter sa logorrhée « historiquement correcte ».

Il est cocasse de constater qu’un parti socialiste aux abois après les résultats électoraux désastreux qu’il a obtenus lors des derniers scrutins cherche à limiter tant bien que mal la casse en permettant la réouverture des listes électorales en vue des régionales de décembre prochain.

La volonté de lutter contre l’abstention a tout de même été avancée comme argument de départ. Si certaines modalités d’inscription, trop complexes en effet, peuvent compliquer les démarches d’une partie de nos concitoyens pour voter, il est illusoire – le mot est faible ! – de prétendre lutter contre l’abstention au moyen de ces mesurettes.

Le texte simplifiera la vie d’une minorité, celle qui déménage et souhaite s’inscrire sur les listes électorales de sa nouvelle commune. Dans la situation actuelle, si elle fait les démarches nécessaires, cette partie de la population manquera peut-être un scrutin, mais verra son dossier régularisé pour le suivant. Avec le nouveau dispositif, les choses iront un peu plus vite et seront plus simples. C’est pourquoi je voterai la proposition de loi.

Néanmoins, contrairement à ce que vous essayez de faire croire, ce texte n’aura absolument aucune incidence sur l’abstention structurelle massive. L’argument est donc totalement fallacieux. Notre pays est en crise démocratique, car le discrédit de la classe politique est abyssal. Grâce à vos talents, tous bords confondus, dont nous profitons depuis quarante ans, le personnel politique a perdu toute crédibilité. Non seulement les résultats ne sont pas au rendez-vous, mais aussi, et surtout, le mensonge et le non-respect des promesses sont devenues monnaie courante. Vous savez, les uns et les autres, de quoi vous parlez !

N’oubliez pas, lors de vos grandes déclarations de démocratie, qu’un électeur sur trois en moyenne ne se déplace plus pour voter. Et pour cause, puisque, la plupart du temps, les électeurs ne sont pas représentés. C’est encore un engagement qui n’a pas été tenu par le Président de la République. Il était ainsi prévu d’instaurer une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale, ce qui serait le minimum pour rétablir, même partiellement, la démocratie dans notre pays.

Probablement est-ce par une vieille nostalgie du totalitarisme soviétique que vous avancez l’idée de rendre le vote obligatoire. Cela ne m’étonne pas de votre part !