compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Serge Larcher,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 21 mai 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Par lettre en date du 22 mai 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat une décision rendue le même jour par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 28 septembre 2014, pour l’élection d’un sénateur dans le département d’Eure-et-Loir.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 22 mai 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 20 et 98 de la loi n° 2014-856 relative à l’économie sociale et solidaire (Information des salariés en cas de cession de leur société) (2015-476 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

3

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

4

Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 22 mai 2015, une décision du Conseil relative aux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la Société UBER France SAS et autre (n° 2015-468/469/472 QPC).

Acte est donné de cette communication.

5

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

révision des valeurs locatives des locaux professionnels et logements particuliers

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1074, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, cinq départements – la Charente-Maritime, le Nord, l’Orne, le Val-de-Marne et Paris – ont été choisis pour tester la révision des valeurs locatives des logements des particuliers, mais aussi de celles des locaux professionnels, ce qui n’avait pas été explicitement annoncé à l’origine.

Les premières simulations conduites dans le département du Val-de-Marne ont vite prouvé que la méthode retenue était inadaptée et qu’elle allait privilégier les grandes surfaces au détriment du commerce de proximité.

En effet, cette méthode repose uniquement sur les locaux de moins de 400 mètres carrés, qui correspondent aux commerces de proximité en centre-ville ancien.

Qui plus est, en retenant comme seul critère de la révision le loyer au mètre carré déclaré il y a deux ou trois ans par les propriétaires, on pénalise les petits commerces, dont les loyers sont forcément plus élevés qu’en périphérie, où se concentrent les grandes surfaces.

Dans certaines communes de mon département, les petits commerces sont déjà en difficulté du fait de ces loyers souvent surévalués.

On peut soulever une autre critique : les locaux professionnels vides, parfois depuis longtemps, ne sont absolument pas pris en compte : ni leur nombre ni l’absence de relocation – élément pourtant significatif de la valeur réelle de ces commerces – ne figurent parmi les critères retenus.

En outre, la commission intercommunale des impôts directs n’a eu que trente jours pour rendre son avis, ce qui est beaucoup trop court.

En pratique, il faut compter quinze jours à partir de la date de réception des documents par les villes ou les communautés d’agglomérations, puis laisser trente jours aux services fiscaux pour analyser les demandes de modification avant transmission à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, ou CDVLLP.

Heureusement, depuis que j’ai déposé cette question, le Gouvernement a entendu un certain nombre de critiques et a accepté de retarder d’un an la mise en application de cette réforme.

Je souhaite donc savoir si les critiques déjà émises, en particulier au sujet de la vacance des locaux, vont bien être intégrées et si la nouvelle méthode de calcul sera bientôt soumise à validation, cette fois dans des délais raisonnables.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels résulte d’une volonté des parlementaires, qui s’est matérialisée par l’adoption, avec avis favorable du Gouvernement, d’un amendement à la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013.

Cette mesure est également revendiquée par les associations d’élus et elle est régulièrement rappelée au Gouvernement, comme ce fut le cas lors du dernier congrès des maires de France.

En effet, la révision des valeurs locatives est une mesure de justice fiscale, car ces valeurs résultent à l’heure actuelle d’évaluations réalisées au début des années soixante-dix, qui ne tiennent pas compte de l’évolution de la valeur des biens depuis lors. Il en résulte une injustice flagrante entre les contribuables qu’il convenait de réparer.

Le Gouvernement a pris note de vos préoccupations, madame la sénatrice, et il est lui-même extrêmement attentif aux conséquences de la révision annoncée. Comme vous le savez, mon collègue Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a récemment annoncé qu’il proposerait au Parlement un report de l’entrée en vigueur de cette révision afin de tirer toutes les conclusions des travaux en cours, notamment des expériences dans les départements que vous avez évoquées.

Notre premier souci – je veux là vous rassurer – est identique au vôtre : il est de disposer d’éléments stabilisés pour évaluer précisément, dès cet été, grâce à des simulations, les effets de la réforme sur les territoires. Il ne faudrait pas en effet que cette réforme ait un impact préjudiciable au petit commerce. Seules ces simulations permettront d’avoir une vision claire des effets de transfert entre contribuables qui résulteront d’une réforme qui, je le rappelle, s’effectue à produit fiscal constant.

Toutefois, il ne pourra être procédé à ces simulations qu’une fois les travaux des commissions intercommunales des impôts achevés. C’est pourquoi il est essentiel que ces travaux en cours aillent à leur terme. Quand nous disposerons de tous les paramètres de la réforme, nous pourrons, à partir de ces simulations fiables, proposer des ajustements que permettra le report de l’entrée en vigueur de la réforme.

Soyez assurée, madame la sénatrice, de l’entière mobilisation de la direction générale des finances publiques pour contribuer aux travaux des commissions et pour leur fournir l’ensemble des informations utiles. Cet été, nous serons collectivement en mesure de mieux identifier les incidences précises de la réforme et donc d’envisager les évolutions législatives qui pourraient être nécessaires, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, afin notamment de rendre la réforme soutenable pour les professionnels.

Le Gouvernement s’engage à travailler pleinement avec le Parlement sur ce sujet, comme il le fait d’ailleurs depuis le début du processus.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions et de l’engagement du Gouvernement.

En effet, une telle réforme part de bases établies dans les années cinquante, quand il n’y avait pas de supermarchés en périphérie. Les petits commerces sont donc taxés davantage.

Peut-être aurait-on pu engager cette réforme autrement, sans mettre une telle pression sur les commissions intercommunales des impôts : ne disposant que d’un petit mois pour effectuer leurs travaux, elles se sont trouvées complètement effarées.

Je me félicite de l’intention de M. le secrétaire d’État chargé du budget de proposer le report d’un an de la mise en application de la réforme, et l’en remercie. J’espère que la concertation va continuer.

Je veux aussi profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour évoquer l’inquiétude qui existe quant à la procédure retenue pour la révision des valeurs locatives des logements, seule révision annoncée à l’origine. La méthode retenue pour les locaux d’habitation est en effet elle aussi très lourde.

Des documents ont été envoyés à tous les propriétaires bailleurs, y compris aux bailleurs sociaux, qui sont extrêmement nombreux. On leur demande de remplir une fiche individuelle par logement, alors qu’il n’y a peut-être que deux ou trois types de logements par immeuble ! Les services fiscaux sont eux aussi complètement débordés par cette évaluation, alors qu’il existe déjà des bases de données à ce sujet.

Ce ne sont pas là les mêmes écueils que dans le cas des locaux professionnels, mais un problème d’engorgement existe là aussi. Puisque ces problèmes devront tous être examinés dans le projet de loi de finances, il serait bon d’en tenir compte et, peut-être, de revoir dès à présent la méthode choisie.

information des parlementaires sur la mise en œuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la question n° 1112, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question porte sur les procédures en vigueur concernant l’information des parlementaires quant à la mise en œuvre dans les entreprises du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

En octobre 2014, nos collègues députés Olivier Carré et Yves Blein rendaient, au nom de la mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, un rapport d’information sur le suivi de ce dispositif. Un paragraphe intéressant, que je veux citer ici, avait, à l’époque, particulièrement attiré mon attention : « Le rapporteur a regretté de n’avoir pu recueillir d’informations sur la mise en place du mécanisme de suivi, par les représentants du personnel, des emplois du CICE, auprès de l’administration du travail. Celle-ci, également sollicitée pour une audition, n’a pas fourni les informations demandées par écrit sur cette procédure. »

Le 14 octobre 2014, je décidai d’adresser un courrier à M. le préfet de région afin d’obtenir, pour ce qui concerne le département du Nord, des données chiffrées relatives aux entreprises ayant effectivement bénéficié du CICE, les montants alloués, ainsi qu’une évaluation de l’utilisation du crédit d’impôt choisie par les entreprises.

La réponse, qui ne m’est parvenue que le 19 février 2015, après moult relances envoyées par mon assistante et moi-même aux services de la préfecture, puis à ceux de la direction générale des finances publiques, m’a laissé, je dois le dire, quelque peu pantois : « Les parlementaires ne bénéficient pas, de par leur seule qualité, d’une dérogation au secret professionnel les habilitant à recevoir communication d’informations fiscales nominatives. Dès lors, il ne m’est pas possible de réserver à votre demande une suite favorable. »

Madame la secrétaire d'État, n’y a-t-il pas là une entrave sérieuse aux prérogatives des parlementaires dans l’exercice du contrôle budgétaire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est un engagement en faveur de la compétitivité des entreprises, pour que celles-ci puissent se développer en vue d’investir, d’embaucher et d’exporter.

Depuis l’adoption de cette mesure à la fin de l’année 2012, le dispositif monte progressivement en puissance. Ainsi, dès 2013, 15 000 entreprises ont pu bénéficier du préfinancement à hauteur de 1,9 milliard d’euros. En 2014, les premiers versements au titre des créances acquises en 2013 ont été effectués, atteignant près de 10 milliards d’euros. En 2015, les entreprises bénéficieront de près de 16 milliards d’euros de créances au titre des rémunérations versées en 2014, le taux appliqué étant passé de 4 % à 6 %.

Cette montée en puissance s’inscrit dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui vise à redonner des marges de manœuvre aux entreprises.

Aujourd’hui, nous pouvons l’affirmer, le CICE commence à porter ses fruits. Il ressort des enquêtes de conjoncture réalisées par l’INSEE, qui intègrent depuis janvier 2014 des questions sur le CICE et l’utilisation de ce crédit d’impôt par les entreprises, que les deux tiers des chefs d’entreprise interrogés recourront à ce dispositif pour augmenter l’emploi ou l’investissement, les deux principaux objectifs attachés, je le rappelle, à ce mécanisme.

Mais vous avez raison, monsieur le sénateur, il est légitime et nécessaire que le Parlement puisse remplir sa mission d’évaluation et de contrôle de cet outil. Une mission d’information parlementaire a d’ailleurs remis un premier rapport à la fin de l’année 2014, qui faisait état d’un « bilan d’étape positif » pour un dispositif dont la « nouveauté » était soulignée, en particulier eu égard au mécanisme de préfinancement.

Pour aller plus loin dans la mission d’évaluation, les travaux du comité de suivi du CICE ont été élargis, lors de la conférence sociale de 2014, à l’ensemble des aides octroyées aux entreprises. Ainsi, le comité de suivi des aides publiques, installé par le Premier ministre le 4 novembre 2014 – son existence est donc relativement récente –, associe des partenaires sociaux, des représentants des principales administrations concernées, des experts, mais aussi et surtout des parlementaires. Les travaux de ce comité sont très attendus par le Gouvernement.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à ce que le Parlement puisse mener sa mission de contrôle. Pour établir leur rapport d’information, les députés ont bénéficié de la collaboration de l’administration, dans le respect, bien entendu, du secret fiscal. C’est là où l’exercice se heurte à une limite d’ordre juridique, à savoir la protection et la préservation de la confidentialité des informations individuelles d’ordre fiscal.

Mais, plus généralement, les commissions parlementaires ont un droit d’information et ont des échanges réguliers avec le Gouvernement, et, disant cela, je pense plus particulièrement, s’agissant des sujets fiscaux, aux commissions des finances. Si tel n’était pas le cas, vous auriez raison de continuer à dénoncer une situation anormale, monsieur le sénateur. En l’occurrence, le Gouvernement est très désireux de collaborer avec le Parlement sur ces sujets. C’est bien dans cet esprit que, respectueux des institutions et à l’écoute du Parlement, il agit, et ce pour le CICE comme pour l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, je prends acte de vos éléments de réponse, mais ma question portait davantage sur la forme. Je tenais en effet à pointer deux dysfonctionnements.

Tout d’abord, je veux dénoncer ici le temps qu’il m’a fallu attendre pour obtenir une réponse à mon courrier. Cette situation est tout à fait anormale.

Ensuite, je tenais à exprimer ma très grande surprise à la lecture, dans les pages économiques d’un quotidien de ma région en date du 9 février 2015, des éléments de réponse que j’avais sollicités et qui m’ont été refusés un mois plus tard. Cet article mentionnait en effet ceci : « De fait, d’après LSA et Bercy, les gros employeurs profitent à plein de la mesure, mais sans contrepartie exigée sur l’emploi. Où va alors l’argent du CICE ? La palme à Carrefour avec 110 millions d’euros en 2014, loin devant Système U (40 millions d’euros) et Auchan (55 millions d’euros contre 38 millions d’euros en 2013) ».

Vous comprendrez donc mon étonnement devant le refus qui m’a été opposé alors que ces éléments de réponse figuraient déjà dans un article de presse !

Je tenais donc à souligner ici ces deux dysfonctionnements.

réorganisation des services des douanes du valenciennois

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 1102, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, ma question s’adresse à M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.

Le 19 février dernier, j’ai adressé un courrier à M. Sapin pour l’alerter sur le projet de réorganisation des services régionaux de l’interrégion des douanes de Lille dans le cadre du projet stratégique de la douane à l’horizon 2020.

En réponse à mon courrier, il m’a été indiqué que « le projet de fermeture de la brigade de Saint-Aybert procède d’une démarche d’analyse de sa volumétrie et de son adéquation aux flux et courants de fraude identifiés et tire les conséquences des difficultés d’intervention réelles de son positionnement actuel et permet de renforcer les trois autres brigades situées en aval de Valenciennes ».

Cette réponse, qu’il faut déjà parvenir à comprendre, a bien sûr suscité l’étonnement des personnels concernés. En effet, pour lutter contre la fraude, les services de la surveillance réalisent des contrôles sur les axes autoroutiers et routiers très denses. Sur ces axes, ces services ont toute légitimité pour appréhender les échanges frauduleux entre les fournisseurs et les clients des zones de consommation des produits stupéfiants, de contrefaçons, de tabacs et alcools de contrebande.

Annoncer la suppression de la brigade de Saint-Aybert sur l’autoroute A 2 revient à considérer que cet axe ne serait pas un axe de fraudes important, ce qui paraît surprenant. À la croisée des autoroutes de Bruxelles, Lille et Paris, cette commune est la porte vers l’Europe du Nord, l’une des voies de passage les plus utilisées tant pour le transit économique que pour le trafic des stupéfiants et de la contrefaçon.

Quelle logique y a-t-il à renforcer les brigades en aval, quand on pourrait légitimement penser que les axes en amont devraient être tout autant surveillés ? Dans un tel schéma, quelles brigades seraient-elles renforcées : celles de Cambrai, d’Amiens, de Nogent-sur-Oise ou celle qui est au péage de Chamant-Senlis ?

Quant au bureau de Valenciennes, votre courrier affirme que « l’organisation des bureaux de douane vise à répondre au plus près aux besoins des entreprises pour la satisfaction desquelles la dématérialisation des procédures ne requiert plus la proximité... Dans ce cadre, la baisse prévisionnelle des effectifs du bureau de Valenciennes ne résulte pas d’une volonté de l’administration, mais d’une conséquence de choix prévisibles des opérateurs à la suite de l’entrée en vigueur du dédouanement centralisé ».

Or il ressort d’une enquête réalisée auprès des entreprises que la majorité des opérateurs nationaux et locaux consultés ne souhaitent pas une délocalisation du dédouanement sur Lesquin ou sur Paris et qu’ils apprécient, au contraire, de disposer d’un interlocuteur de proximité et réactif en fonction de leurs contraintes logistiques.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous me préciser sur quelles évaluations, fondées sur quelles sources, repose l’élaboration de ces nouveaux « choix prévisibles » ?

Enfin, comment peut-on croire sérieusement que, comme l’a indiqué M. le ministre, « la réduction prévisionnelle des effectifs douaniers dans le Valenciennois se traduira non pas par moins de douane dans ce territoire, mais par des interventions mieux ciblées, conduites par des structures étoffées, et donc plus efficaces » ?

C’est pourquoi je réitère ce matin ma question du 19 février dernier : le plan de restructuration si intelligemment concocté par les services centraux va-t-il – enfin ! – être réexaminé pour tenir compte des réalités d’un territoire frontalier comme le Valenciennois ? Pour des raisons liées tant à l’économie qu’à la sécurité, cette région a absolument besoin non pas d’une réduction, mais d’un renforcement de ses effectifs.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, le secrétaire d’État chargé du budget a déjà eu l’occasion d’évoquer dans cette enceinte le projet stratégique que la direction générale des douanes et droits indirects a l’intention de mettre en œuvre au cours des prochaines années.

Votre question me donne l’occasion d’illustrer les propos du ministre, en explorant le cas particulier du bureau des douanes de Valenciennes et de la brigade de surveillance de Saint-Aybert.

Comme vous le savez, l’enjeu est de moderniser cette administration dans la durée, en l’adaptant aux besoins nouveaux de l’économie mondiale face à la montée des menaces, tout en donnant de la visibilité aux agents douaniers et en leur fixant des objectifs ambitieux pour l’ensemble de leurs missions : la simplification et la dématérialisation des procédures de dédouanement et en matière fiscale, le renforcement de la lutte contre la fraude et de la protection des consommateurs, ainsi que le soutien à la compétitivité de notre économie.

La mise en œuvre de ce projet, qui doit être pragmatique, participe d’une démarche collective.

Ainsi, une phase de concertation locale est programmée, afin d’engager dans chaque circonscription un dialogue avec les agents, leurs représentants, les élus et les préfets pour aboutir, d’ici à l’été prochain, à un ensemble de déclinaisons interrégionales de ce projet stratégique d’envergure nationale.

Ce travail est nécessaire pour trouver, chaque fois que possible, les solutions les plus cohérentes, mais aussi les moins difficiles au regard de l’organisation des services et de la gestion des ressources humaines sur le terrain.

Dans ce cadre, aucun projet de fermeture ne concerne le bureau de Valenciennes, dont les effectifs seront néanmoins ajustés, afin de tenir compte des choix prévisibles des opérateurs à la suite de l’entrée en vigueur du dédouanement centralisé.

Le positionnement des brigades chargées du contrôle des marchandises en mouvement et la volumétrie de celles-ci sont par ailleurs analysés pour évaluer leur bonne adéquation aux flux et aux courants de fraude identifiés. Le projet de fermeture de la brigade de Saint-Aybert procède de cette démarche : il tire les conséquences des difficultés d’intervention bien réelles de cette brigade liées à son positionnement actuel et permet corrélativement de renforcer les trois autres brigades situées en aval de Valenciennes.

La mise en œuvre de ce projet se traduirait donc non pas par moins de douane dans le Valenciennois, mais, je le répète, par des interventions mieux ciblées, conduites par des structures plus étoffées et, donc, plus efficaces. (Mme Valérie Létard fait un signe de dénégation.) Tel est l’objectif recherché.

À l’issue de la concertation, un schéma définitif d’organisation sera arrêté dans chaque direction interrégionale. En tout état de cause, je puis vous assurer, madame la sénatrice, qu’aucune fermeture ou réorganisation de service ne sera décidée sans avoir été préalablement validée par le ministre des finances, M. Michel Sapin.

La mise en œuvre des mesures définitivement retenues sera progressive : elle sera étalée dans le temps jusqu’en 2018. Les agents concernés bénéficieront de dispositions spécifiques en termes d’accompagnement social, conformes à l’accord majoritaire conclu le 2 mars 2015 avec trois organisations syndicales de la direction générale des douanes et droits indirects.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Madame la ministre, je vous remercie des précisions complémentaires que vous avez bien voulu m’apporter mais ne peux bien évidemment pas me satisfaire de votre réponse.

Aujourd’hui, le sud du département du Nord, et particulièrement du Valenciennois et du Hainaut, qui représente un véritable carrefour européen en termes d’infrastructures tant autoroutières que fluviales, connaît une période industrielle difficile. Pour ne citer qu’un exemple, l’ensemble d’un territoire se mobilise à l’heure actuelle pour trouver les voies et moyens de maintenir l’activité de l’usine Vallourec qui est extrêmement fragilisée.

Compte tenu de la situation présente et de la réalité de ce territoire, nous avons fait le pari d’investir énormément dans le développement de la logistique fluviale et d’améliorer nos infrastructures autoroutières. En effet, nous souhaitons fournir une solution supplémentaire pour maintenir notre industrie et pour développer une économie liée à la logistique.

Or la logistique ne peut se développer que s’il existe des ports à conteneurs ! Les intercommunalités, en lien avec les chambres de commerce, ont donc investi – ce que Voies navigables de France n’est pas parvenu à faire – afin de développer des équipements fluviaux qui, six mois après leur inauguration, fonctionnent à plein rendement ! Ces terminaux logistiques font de notre région la base arrière des grands ports d’Europe du Nord, ceux d’Anvers et de Bruges, pour lesquels nous exerçons un transit douanier qui est en plein développement.

C’est pourtant au moment où nous détenons la certitude que les trafics de drogue passent par cette aire-là, mais aussi au moment où nous développons des solutions alternatives en matière d’économie logistique et d’accompagnement pour une meilleure desserte de notre tissu industriel, que vous nous dites qu’un renforcement des effectifs douaniers n’est pas nécessaire sur le territoire de Saint-Aybert !

Alors que les acteurs économiques nous indiquent que cela fonctionne formidablement, qu’ils sont présents, disponibles et accélèrent les procédures, vous nous expliquez que l’on sera plus efficace, grâce à la dématérialisation, en centralisant les services à plusieurs kilomètres de là !

Permettez-moi de vous dire, madame la secrétaire d’État – tout en reconnaissant que la réponse du Gouvernement doit résoudre une équation complexe –, que vous devriez davantage veiller à ne pas faire les mauvais choix !

Pour terminer, j’ajouterai que les effectifs des douanes de Saint-Aybert et du Valenciennois ont déjà été largement amputés il y a peu de temps. Madame la secrétaire d’État, il faut faire attention à ne pas toujours punir les mêmes services et à ne pas empêcher ce territoire de bénéficier de solutions de bon sens, à l’heure où, précisément, on cherche à lui donner une deuxième chance, à développer des actions efficaces pour lui permettre de rebondir économiquement et à lui préparer un avenir. (M. Jean-François Longeot applaudit.)

gaspillage alimentaire et dates de péremption