Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 191 rectifié et 631.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 ter est rétabli dans cette rédaction.

Article 12 ter (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 12 quater A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 12 ter

Mme la présidente. L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Calvet et Charon, Mme Deromedi, M. Houel et Mmes Hummel et Mélot, n’est pas soutenu.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Après l’article 12 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 632-1 est complété par les mots : « et les former à l’exercice de la médecine ambulatoire, en favorisant leur immersion précoce dans un environnement professionnel » ;

2° L’article L. 632-2 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La validation du deuxième cycle des études médicales est subordonnée à la réalisation d’un stage d’initiation à la médecine générale. Un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé en détermine les modalités et la durée et précise les mesures visant à favoriser l’accueil des étudiants en stage d’initiation. » ;

b) Au dernier alinéa, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « troisième alinéa » ;

3° Au premier alinéa du III de l’article L. 713-4, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « troisième alinéa ».

La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement tend à renforcer la professionnalisation des études de médecine en leur fixant explicitement pour objectif de former à l'exercice de la médecine ambulatoire et de favoriser l'immersion précoce en environnement professionnel.

Cet amendement vise également à rendre obligatoire la réalisation d'un stage d'initiation à la médecine générale au cours du deuxième cycle. Le pacte territoire-santé prévoit un tel stage, mais ne le rend pas obligatoire. L'arrêté du 8 avril 2013 prévoit quant à lui un stage ambulatoire obligatoire, mais ne cible pas spécifiquement la médecine générale. Il s'agit simplement de fusionner les deux, afin d’obliger les universités à promouvoir cette voie. En effet, de façon empirique, nous faisons le constat suivant : plus les étudiants pratiquent la médecine générale, plus ils l’aiment et plus ils la choisissent.

Il convient par conséquent de surmonter l'obstruction de certaines universités qui considèrent que la médecine générale n'est pas une spécialité et font fi des stages pratiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. Monsieur Longeot, la réalisation d’un stage en médecine générale au cours du deuxième cycle des études médicales est déjà prévue par l’article 14 de l’arrêté du 8 avril 2013.

En outre, le premier engagement du pacte territoire-santé est de généraliser le stage d’initiation à la médecine générale dans un cabinet de généraliste en ville. En réalité, si un peu plus d’un tiers seulement des étudiants en médecine bénéficient d’un stage auprès d’un généraliste avant l’internat, c’est non pas faute d’une possibilité d’accomplir un tel stage, mais en raison de la difficulté à trouver un maître de stage. Il semble dès lors inopportun de prévoir une obligation qui ne pourra être tenue.

La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur pour avis. À défaut, je serai obligé d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet sur cet amendement le même avis que la commission des affaires sociales, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement a été voté à l’unanimité par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Nous le savons, beaucoup de choses sont à revoir sur la formation des futurs médecins. Aujourd’hui, nous formons davantage de futurs praticiens hospitaliers que de futurs médecins, puisque, très tôt dans leur cycle de formation, les étudiants en médecine sont amenés à travailler en service hospitalier et à assumer, parfois, de lourdes responsabilités pour des jeunes. En revanche, leur présence chez un médecin généraliste ou un médecin de ville est beaucoup plus aléatoire.

L’objet de cet amendement à mon avis pertinent est donc de mettre en place un système d’apprentissage, comme cela se pratique dans certains pays tels que le Canada et comme cela a été expérimenté dans le département de l’Aveyron, avec des résultats positifs puisque trente-cinq médecins se sont installés à la suite de cette initiative. Les jeunes étudiants découvriraient ainsi le plus tôt possible autre chose que le monde hospitalier.

Lorsque la commission de l’aménagement du territoire avait, en 2013, effectué un rapport sur ces problèmes de déserts médicaux, elle avait déjà suggéré de s’intéresser de plus près qu’aujourd’hui à la formation des futurs médecins, afin que celle-ci ne se déroule pas uniquement à l’hôpital.

Lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, nous avions déposé des amendements en ce sens. Comme souvent, cela s’est traduit par un article de la loi, en l’occurrence l’article 41, prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport formulant des propositions en termes de formation des futurs médecins. Et comme d’habitude – ou presque –, ce rapport n’a pas été rendu !

Il est donc très important que nous votions cet amendement pour manifester notre souhait que les études de médecine permettent, davantage qu’aujourd’hui, aux futurs médecins de s’orienter vers la médecine de ville.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. De mon point de vue, cet amendement, même s’il est intéressant, s’appuie sur de fausses données et ne tient pas compte des évolutions des textes récents traitant de la formation des médecins. Le chiffre d’« environ 25 % de médecins diplômés d’une faculté française » qui décideraient « finalement, au terme d’un long cursus d’études, de ne pas s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins pour exercer d’autres professions » est inexact. Il comprend non seulement les étudiants qui changent effectivement d’orientation, mais également les redoublants qui, au terme d’une année supplémentaire d’études, s’inscriront bien au tableau de l’Ordre. En réalité, les dernières données indiquent que 12 % seulement des médecins diplômés ne s’inscrivent pas à l’Ordre.

Il est ensuite indiqué que la société financerait « en pure perte » les études des étudiants qui, finalement, choisissent de s’orienter vers le journalisme ou l’administration. Au contraire, je pense qu’on ne peut que se féliciter que des étudiants en nombre raisonnable modifient leur projet professionnel. C’est cela qui permet de diversifier les profils et d’irriguer la société d’une culture médicale permettant notamment d’éviter des contrevérités dans les commentaires.

Peut-être faut-il d’ailleurs à l’inverse favoriser les passerelles vers les études de médecine, comme c’est déjà le cas avec un nombre significatif de diplômés de niveau master qui choisissent de reprendre des études de médecine.

À raison, il est demandé que les étudiants soient immergés dans le milieu médical en amont, bien avant d’effectuer leur choix de spécialisation, c’est-à-dire au cours du deuxième cycle. Pour autant, il y a me semble-il une erreur : le deuxième cycle, depuis la réforme « licence, master, doctorat », ou LMD, s’entend non plus de la troisième à la sixième année d’études, comme l’indique l’objet de l’amendement, mais de la quatrième à la sixième année.

Plus loin, il est dit que « la France accuse un véritable retard en matière de professionnalisation des études de médecine », ce qui est faux. Pour preuve, c’est dès la fin de la première année que les étudiants en médecine doivent réaliser pendant un mois un stage infirmier à l’hôpital, stage qui fait l’objet d’une évaluation. Ensuite, dès le début du deuxième cycle, appelé aussi « externat », les étudiants sont quasiment formés en alternance. En effet, pendant ce cycle de trois ans, les étudiants ont l’obligation de réaliser trente-six mois de stage à mi-temps, qu’ils peuvent aussi regrouper en plein temps. Durant ces trente-six mois, l’étudiant a l’obligation de réaliser de douze à seize semaines à mi-temps de stages en médecine ambulatoire. L’immense majorité des étudiants, lesquels ont donc le choix entre un stage chez un spécialiste libéral et un stage chez un médecin généraliste, choisissent la médecine générale, et y prennent goût, comme l’a précisé Mme Génisson tout à l’heure.

Aussi, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013 a ouvert la possibilité de réaliser des expérimentations pour rénover la première année commune aux études de santé, ou PACES.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Gillot.

Mme Dominique Gillot. L’université d’Angers, par exemple, a choisi d’expérimenter les entretiens individuels pour chaque étudiant.

Ces expérimentations ont pris d’autres formes dans certaines universités et débutent simplement cette année. Laissons le temps à ces établissements de les mettre en œuvre et de les évaluer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Je voterai l’amendement n° 13 rectifié.

La réalité est là, elle résiste : on manque de généralistes et, lorsque l’on écoute les professionnels dans différentes régions, il apparaît que beaucoup d’étudiants connaissent très mal le métier de médecin généraliste, ce qui explique aussi pourquoi ils ne s’engagent pas dans cette filière.

Cet amendement n’est sans doute pas parfait, il ne résout pas tous les problèmes, et j’entends les difficultés à trouver aujourd’hui suffisamment de médecins généralistes volontaires pour être tuteurs.

Je voterai toutefois cet amendement, fruit d’une proposition positive adoptée à l’unanimité par la commission du développement durable. On ne peut pas toujours refuser des dispositions au motif qu’elles sont impossibles à mettre en œuvre. À un moment donné, il faut avancer et tenter de régler cette question de façon que le métier de médecin généraliste soit mieux connu des étudiants et davantage valorisé. Je ne suis pas médecin, mais il apparaît clairement qu’il s’agit d’un métier extrêmement précieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Si je partage l’objectif des auteurs de cet amendement n° 13 rectifié, j’ai été interpellé par l’intervention de notre collègue du groupe socialiste.

Si les affirmations de Mme Gillot sont exactes, nous pourrions être amenés à légiférer sur des données qui ne correspondent pas la réalité, ce qui ne manquerait pas de m’ennuyer.

Il est donc important que le Gouvernement et la commission nous éclairent afin que nous puissions voter en toute connaissance de cause.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai déjà eu l’occasion précédemment dans le débat de remercier M. le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour le « focus » qu’il a fait sur la conduite des études médicales.

Il me semble en effet qu’il existe une très grande distorsion entre l’enseignement de la médecine et l’exercice de la profession médicale par les actuelles générations de médecins généralistes.

Il est très important que la médecine générale soit enseignée sous un angle à la fois théorique et pratique, et, sur le fond, nous souscrivons donc totalement aux propositions de notre collègue.

Madame la secrétaire d’État, il me semble surtout fondamental que vous interpelliez le ministre en charge de l’enseignement supérieur. En effet, nos doyens de facultés de médecine sont plus ou moins sensibles à l’enseignement de la médecine générale, que ce soit dans les amphithéâtres ou auprès des médecins généralistes, et je souhaite que les ministères de l’enseignement supérieur et de la santé puissent aller conjointement de l’avant sur cette question d’importance.

Au vu de ces explications, nous suivrons l’avis de la commission et du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Je ne voterai pas cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.

Il me semble que l’apprentissage de la médecine se fait d’abord à l’hôpital et à l’université. Ensuite, comme l’a expliqué Mme Gillot, des dispositions existent déjà sur les stages que les étudiants peuvent accomplir ici ou là. N’oublions pas non plus que ces stages peuvent poser des problèmes pratiques : qui prend en charge les frais de logement et de déplacement des étudiants ? Toutes ces contraintes ne se résoudront pas simplement par une déclaration d’intention, aussi louable soit-elle.

Je profite également de cette intervention pour revenir sur un point figurant dans l’objet de cet amendement. Il est scandaleux d’écrire que « ce sont autant d’années d’études de médecine coûteuses qui sont financées en pure perte par la société ». Les étudiants en faculté de sciences, de lettres ou de droit coûtent aussi de l’argent : considère-t-on pour autant qu’il s’agit de dépenses « en pure perte » ?

L’université forme des jeunes dans diverses disciplines, et il est scandaleux de vouloir obtenir une espèce de retour sur investissement uniquement pour les études médicales. Je m’insurge contre cet argument que l’on voit fleurir de plus en plus.

Depuis longtemps, des études sont suivies dans notre université française sans aucune obligation d’implantation ou d’exercice, et je ne vois pas pourquoi on voudrait instaurer une telle obligation uniquement dans le domaine de la médecine.

Mme Catherine Procaccia. Bravo, monsieur Barbier !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Il est vrai que l’on entend un peu partout que les études médicales sont longues, qu’elles coûtent cher à l’État et qu’il faudrait en contrepartie que les étudiants consacrent une partie de leur vie professionnelle à la collectivité.

Dans ces réflexions, on oublie souvent de mentionner que l’étudiant en médecine, à partir de la troisième ou quatrième année, non seulement apprend son métier à l’hôpital, mais rend aussi des services parfois énormes qui ne sont pas comptabilisés dans les dépenses de personnel de l’hôpital. (M. Alain Vasselle acquiesce.) Si ces services n’étaient pas rendus par les étudiants, davantage de salariés devraient être employés, ce qui entraînerait une augmentation du budget de fonctionnement de ces établissements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Je partage moi aussi pleinement le point de vue de Gilbert Barbier. Il est vraiment injuste de considérer que le coût élevé des études de médecine est un scandale. Ou alors, il faudrait appliquer le système proposé à l’ensemble des étudiants, dans tous les cursus !

Les études de médecine sont très difficiles et les étudiants en médecine travaillent dur. L’entrée en deuxième année d’études est particulièrement exigeante. Certains considèrent que les étudiants en médecine coûtent cher à la nation ; mais, quand on voit travailler ces derniers pour financer leurs études et faire tourner les hôpitaux, on doit faire attention aux formulations employées.

M. Hervé Maurey. Personne ne dit cela !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce n’est sans doute pas ce que vous pensez au fond, mais c’est quand même une réflexion que l’on entend beaucoup, et je trouve qu’elle est injuste, d’autant que les étudiants en médecine sont tout sauf – permettez-moi cette expression – des « glandeurs ».

Ces étudiants « bossent » du début jusqu’à la fin de leurs études ! Par conséquent, dire que le coût élevé des études de médecine serait un scandale – et c’est un propos que l’on entend souvent – est vraiment injuste.

Je sais bien que tel n’était pas l’esprit de votre intervention, mais cela ressort de certaines phrases que l’on peut lire ici ou là. Si vous ne le dites pas dans ce sens-là, en revanche, beaucoup ne s’en privent pas. (Mmes Catherine Procaccia et Patricia Morhet-Richaud applaudissent.)

M. Alain Vasselle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Dans ce débat, nous esquivons la question que soulève la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au travers de cet amendement : pourquoi si peu de médecins, ou pas suffisamment, s’orientent-ils vers la médecine générale ?

L’amendement tend simplement à proposer que les étudiants puissent effectuer un stage pour découvrir les contours de leur futur métier, ce qui ne me semble pas totalement aberrant.

Pour ce qui concerne les chiffres, madame Gillot, citez vos sources ! Mon collègue Jean-François Longeot a mené des auditions et rédigé ce rapport avec les administrateurs du Sénat. L’accuser de communiquer de fausses données en vue d’orienter ce débat me semble par conséquent tout à fait déplacé ! Quoi qu’il en soit, il va vous répondre sur ce point.

Enfin, le président Alain Milon a parfaitement posé le problème : aujourd’hui, les étudiants en médecine assument au sein des hôpitaux des fonctions qui devraient bien souvent relever d’autres personnes. Si ces étudiants n’y travaillaient pas, les hôpitaux devraient embaucher ! Or, cette voie détournée ayant été choisie, nos étudiants ne s’orientent pas vers la médecine générale.

Ne détournez pas le débat du véritable problème de fond auquel sont confrontées les zones rurales comme les zones urbaines, et qui, je le répète, est le suivant : pourquoi si peu de médecins s’orientent-ils vers la médecine générale ?

M. Alain Vasselle. Il ne faut pas dire que les études de médecine coûtent cher...

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. Je suis quelque peu troublé par ce débat. À entendre les précédentes interventions, ce que je dis serait totalement faux.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, lorsque l’ordre des médecins nous a donné ce chiffre de 25 %, j’ai été très étonné.

Madame Gillot, vous ne pouvez pas laisser planer le doute sur la véracité de mes propos ! Ou alors, à votre tour, donnez-nous des chiffres et des informations. Les miens proviennent de l’ordre des médecins ; je ne les ai ni inventés ni trouvés un matin sous mon oreiller. Et de manière générale, je n’ai pas l’habitude de fabuler !

Il y a quelque chose d’inquiétant dans ce dossier. Mieux vaudrait que vous nous disiez que tout va bien : au moins, ce serait clair et nous serions contents. Vous nous feriez croire qu’il n’y a pas de problème, et le sujet, une fois de plus, serait esquivé...

Prenez vos responsabilités : dites que vous n’avez pas envie que des médecins fassent des stages d’immersion sur le terrain. Mais n’inventez pas une réalité qui n’a rien à voir avec les chiffres que l’on m’a communiqués !

Si nous ne disposons pas des mêmes chiffres, il y a effectivement un vrai problème. Mais je tiens à vous dire que je réfute vos propos car, quant à moi, je ne me fonde pas sur de fausses données !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Je suis d’accord avec M. Longeot. Cependant, je voudrais répondre à Mme Jouanno sur la question des stages.

Les étudiants en médecine, dans le cadre de leurs études, travaillent à l’hôpital mais ne sont pas des salariés de ce dernier. Qu’on le veuille ou non, c’est ainsi ! Ce service rendu n’est donc pas comptabilisé dans les budgets des hôpitaux. Pour autant, il s’inscrit dans l’évolution normale des études de médecine puisque, en travaillant à l’hôpital, ces étudiants apprennent leur métier. Vous n’avez donc pas tort, ma chère collègue, mais j’ai aussi raison.

M. Longeot a eu raison de dire qu’il faudrait augmenter le nombre de stages. Or un problème se pose, dans la mesure où les maîtres de stage sont des médecins généralistes qui prennent en stage, dans leur cabinet, des étudiants en fin d’études de médecine. Mais la plupart d’entre eux – j’en parle d’expérience, car j’ai longtemps exercé ce métier, et j’ai encore des collègues dans la ville dont j’étais maire – ont tellement de travail qu’ils n’ont pas le temps de former un stagiaire.

La question, pour ces praticiens, n’est pas de vouloir ou de ne pas vouloir prendre en stage ces étudiants qui, étant formés à l’hôpital, ne disposent pas – Catherine Génisson l’a dit fort justement – de la formation nécessaire pour exercer à l’extérieur, c’est-à-dire en médecine générale. Le problème est que les médecins généralistes en exercice ont bien souvent trop de travail pour assumer cette tâche de formation.

Dans ma ville – je prie ceux qui n’aiment pas que l’on cite son expérience personnelle de bien vouloir m’excuser ! –, laquelle compte quatorze médecins généralistes dont cinq vont partir à la retraite d’ici à l’année prochaine, seuls deux acceptent d’être maître de stage et prennent le temps nécessaire pour assumer cette fonction. Le stage durant six mois, ils forment quatre stagiaires par an. Les autres médecins, quant à eux, nous disent qu’ils n’ont pas le temps, sauf à travailler le dimanche, un jour qu’ils préfèrent consacrer à d’autres activités qu’à la médecine.

Le problème de la reconnaissance des maîtres de stage et de la médecine générale au sein des facultés de médecine – on le sait, des problèmes majeurs se posent dans certaines universités – reste donc entier. En outre, il faudrait faire en sorte qu’il y ait davantage de maîtres de stage et que les étudiants puissent travailler avec des médecins généralistes.

Enfin, je rappelle, après l’avoir déjà indiqué hier soir, qu’un changement du numerus clausus ne produirait des résultats que dans dix ans.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 515 rectifié, présenté par Mmes D. Gillot, Espagnac et Khiari et MM. Raoul, S. Larcher, Antiste, Duran, Manable et Cornano est ainsi libellé :

Après l’article 12 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 4131-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-… – Un décret pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins fixe la durée maximale du remplacement et les conditions de sa prorogation éventuelle. »

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à réguler une pratique qui semble se généraliser et a pour effet de mettre en difficulté la permanence de la médecine de ville et d’accélérer la désertification médicale, y compris dans des secteurs urbains ne présentant pas de problèmes de pratiques particulières : des médecins généralistes, donc des médecins de famille, qui veulent prendre leur retraite ne trouvent pas de repreneur pour leur plaque et leur patientèle, même de façon non onéreuse. En revanche, ils trouvent sans difficulté parmi les jeunes praticiens des remplaçants disponibles qui souhaitent renouveler et garder leur statut de remplaçant.

La montée en puissance des remplaçants dans les effectifs médicaux s’est spectaculairement accélérée. Chaque année, leur nombre augmente de façon régulière. Dans son Atlas de la démographie médicale, l’ordre des médecins comptabilisait ainsi, au 1er janvier 2014, une augmentation de 3,3 % pour cette seule année 2014.

Les missions temporaires de remplacement ne favorisent l’implication ni dans un territoire ni dans un pacte territoire-santé, pas plus qu’ils ne favorisent la connaissance des maladies ou pathologies spécifiques à une population donnée, ou relevant de prédispositions génétiques, ou encore le suivi sur le long terme des malades qui, pourtant, doivent s’inscrire dans un parcours de soins avec un médecin référent.

Les réserves qui pourraient être émises quant à ces remplacements successifs réitérés, sans reprise de cabinet, tiennent aux obligations déontologiques de continuité des soins et de réponse aux urgences, assumées par tout médecin installé vis-à-vis des patients qu’il prend en charge.

Parce qu’il connaît l’ensemble d’une famille ou parce qu’il suit un patient depuis longtemps, le médecin est sensibilisé, alerté, et sa connaissance empirique de la famille ou de son patient lui permet une meilleure exploitation de ses connaissances scientifiques.

En 2011, la Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, suggérait que le remplacement soit « un mode d’exercice transitoire et exceptionnel », et non « une alternative à l’installation ». Tel est l’objet de cet amendement, par lequel nous en appelons à un décret qui limiterait la durée des remplacements assurés par les jeunes médecins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. Cet amendement tend à prévoir l’intervention d’un décret en Conseil d’État pour fixer la durée maximale de l’autorisation d’exercice de la médecine à titre de remplaçant, ainsi que les conditions de progression éventuelle.

Votre amendement, ma chère collègue, est déjà satisfait par le dernier alinéa de l’article L. 4131-2 du code de la santé publique. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, le phénomène que vous observez et dont vous souhaitez que nous débattions constitue un véritable sujet, qui doit retenir notre attention au niveau tant statistique que qualitatif. Nous constatons en effet tous une augmentation du nombre de médecins faisant du remplacement une forme d’exercice de la médecine.

Le code de déontologie médicale mentionne clairement que le remplacement est, par principe, temporaire, mais il ne prévoit pas pour autant d’en encadrer la durée. Cet exercice de la médecine relève donc du choix personnel du médecin. Cette pratique permet, par ailleurs, d’assurer une présence médicale dans certains territoires que sa limitation pourrait obérer.

Les médecins remplaçants ont en effet un rôle à jouer en termes de présence médicale dans les territoires à faible démographie. À ce titre, Marisol Touraine a souhaité ouvrir aux praticiens hospitaliers la possibilité d’exercer en qualité de remplaçant.

Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement et vous propose que nous continuions à étudier ce phénomène, ses effets tant positifs que négatifs, et la manière dont nous pouvons mieux l’encadrer.