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Droit des étrangers en France

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 10.

Articles additionnels après l'article 9 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit des étrangers en France
Article 10 bis (début)

Article 10

L’article L. 313-11 du même code est ainsi modifié :

1° Au 1°, après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « , de la carte de séjour pluriannuelle » ;

2° Le 3° est abrogé ;

3° Le 11° est ainsi rédigé :

« 11° À l’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Les +médecins de l’office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article appelle en effet quelques commentaires, car il prévoit le transfert de l’évaluation médicale en vue de la délivrance d’un titre de séjour pour raison de santé des médecins des ARS – agences régionales de santé – aux médecins de l’OFII – Office français de l’immigration et de l’intégration –, sujet que j’ai déjà évoqué lorsque j’ai défendu, hier, la motion déposée par mon groupe.

Nous regrettons tout d’abord que la commission des affaires sociales n’ait pas été saisie pour avis sur cette disposition, ainsi que sur les mesures ayant trait au droit du travail. Notre groupe a d’ailleurs adressé un courrier au président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, pour demander la saisine de la commission. Celui-ci a estimé que les dispositions du texte ne nécessitaient pas une demande d’avis et a conclu sa réponse en expliquant que cet avis ne pouvait de toute façon pas être rendu avant l’examen du projet de loi.

Nous intervenons régulièrement pour dénoncer la manière dont est organisée la discussion de certains textes, ainsi que l’accumulation de textes soumis à notre avis. Pour autant, le groupe communiste, républicain et citoyen continue de penser que les commissions du Sénat sont utiles et doivent être saisies pour émettre leur avis et apporter leur expertise sur les textes que la Haute Assemblée est appelée à examiner.

S’agissant du titre de séjour pour raison de santé, je rappelle que la loi Besson du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a été une catastrophe sanitaire et humaine puisqu’elle a entraîné, depuis son entrée en vigueur, un recul de 18 % des délivrances de titres de séjour pour soins.

Aujourd’hui, le sort des étrangers vivant en France et souffrant de graves maladies est loin de s’améliorer, et, d’après les associations de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, les tentatives d’expulsions d’étrangers malades sont en augmentation.

Ce phénomène a pris une telle ampleur qu’une campagne a été lancée en avril dernier pour dénoncer l’expulsion de deux Kosovars et d’un Géorgien vers leurs pays d’origine, alors qu’ils ne pourront pas y bénéficier de la prise en charge médicale que nécessite leur état de santé.

Pour celles et ceux qui partagent les valeurs humanistes, il est intolérable d’entendre ceux qui raisonnent comme si les étrangers venaient en France uniquement pour « profiter » des dispositifs de protection sociale ou des services publics de notre pays. Or, derrière l’opprobre ainsi jetée sur les « étrangers », il y a des femmes, des hommes, des enfants, des familles, et la France s’est toujours trouvée plus grande en accueillant les étrangers sur son sol.

Je crois qu’il était bon de le rappeler, et l’examen de cet article est une très bonne occasion pour le faire.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, M. Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, D. Laurent, Houpert, A. Marc, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Lemoyne, Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 7° est abrogé ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Une fois n’est pas coutume, madame la présidente, je vais écouter M. Kaltenbach. Ce sera la seule fois de l’année ! (Sourires.)

Cet amendement avait pour objet d’abroger le 7° de l’article L. 313-11 du CESEDA, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Je considère que cet amendement n’a plus lieu d’être dès lors que l’amendement que j’avais déposé à l’article 1er A a été rectifié en séance et que la version qui a finalement été adoptée, à savoir l’amendement n° 1 rectifié quater, tend à faire un sort particulier au regroupement familial. C’est pourquoi je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au 7°, les mots : « liens personnels et familiaux » sont remplacés par les mots : « liens personnels ou familiaux » ;

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous retirons cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 74 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 130 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 165 est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5, première phrase

Après le mot : « gravité », rédiger ainsi la fin de cette phrase : « et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. ».

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l'amendement n° 130.

M. Philippe Kaltenbach. Il s’agit d’un amendement extrêmement important puisqu’il a trait à la protection des étrangers malades.

Actuellement, la loi conditionne la prise en charge de l’étranger malade à l’absence d’un traitement approprié dans son pays d’origine. La commission des lois a souhaité en rester à cette rédaction, dont elle ne peut pourtant ignorer qu’elle est totalement inadaptée.

Je rappelle que l’inspection générale de l’administration, l’IGA, et l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans un rapport de mars 2013 sur l’admission au séjour des étrangers malades, ont démontré les limites du dispositif actuel.

Celui-ci prend en compte la situation sanitaire générale dans le pays de renvoi, mais ignore « les particularités de la situation individuelle de l’étranger (éloignement géographique par rapport au centre hospitalier disposant du traitement, absence de prise en charge par une assurance médicale donnant accès aux soins, coût du traitement dépassant les capacités financières de l’intéressé, appartenance à une minorité ethnique, religieuse ou sexuelle excluant de fait le patient, etc.) ».

L’IGA et l’IGAS recommandent en conséquence de procéder à une réécriture de l’article L. 313-11. C’est ce que prévoyait le texte du Gouvernement, aux termes duquel il appartiendrait désormais aux médecins de vérifier que l’étranger, dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas bénéficier « effectivement » – c’est ce mot qui est important – d’un traitement approprié, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays.

La commission a malheureusement choisi de ne pas suivre les préconisations de ces deux inspections et souhaite en rester à la rédaction restrictive issue de la loi du 16 juin 2011.

Or le gouvernement de l’époque, celui de M. Fillon, moins de six mois après le vote de la loi, comprenant que ce dispositif était beaucoup trop rigide, a publié le 10 novembre 2011 une instruction visant à desserrer l’étau dans lequel son application enfermait les étrangers malades. C’est assez dire combien ce dispositif n’était pas satisfaisant !

L’instruction du 10 novembre 2011 relative aux recommandations pour émettre les avis médicaux concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves demande ainsi aux ARS de ne pas fonder leur appréciation sur la seule disponibilité du traitement approprié et de s’assurer que le pays concerné dispose d’une structure sanitaire capable de le mettre en œuvre de manière effective et efficace, compte tenu de ses équipements disponibles, de ses ressources médicales et de leurs compétences connues.

Le texte tel qu’il a été déposé par le Gouvernement vise à traduire dans la loi les recommandations qui figuraient dans l’instruction publiée par le gouvernement de M. Fillon. C’est également ce à quoi tend cet amendement puisque nous proposons de rétablir ce qui a été voté à l’Assemblée nationale.

Sur un sujet comme celui de la santé des étrangers qui viennent se faire soigner en France, notre assemblée devrait pouvoir parvenir à un consensus, même si je crois avoir compris que les contraintes politiciennes avaient tendance à l’emporter sur nos valeurs humanistes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 165.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à rétablir, à l’alinéa 5, le texte initial du projet de loi. Il s’agit de prendre en compte la notion d’effectivité des soins que l’étranger malade pourrait recevoir dans son pays d’origine.

Actuellement, afin de bénéficier d’un titre de séjour pour soins, l’étranger malade doit démontrer que son pays d’origine ne peut lui fournir les soins dont il a besoin, c'est-à-dire que les soins en question y sont inexistants. Or la question essentielle est de savoir si l’étranger considéré est réellement en situation de pouvoir bénéficier de ces soins, y compris s’ils existent dans son pays d’origine.

Nous proposons donc de fonder la décision sur la réalité de l’accès aux soins, et non sur la seule existence de traitements adaptés dans le pays concerné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission ne défend pas le principe retenu en 2011 pour le simple plaisir de s’arc-bouter sur un dispositif législatif voté voilà quatre ans.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bien entendu !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Contrairement à certaines insinuations, nous ne sommes pas dans une logique politicienne. Je vous renvoie à la consultation de deux documents.

D’une part, comme le montrent les éléments statistiques qui figurent à la page 73 de notre rapport, 6 894 titres de séjour pour motif de santé ont été délivrés en 2014, et 33 227 personnes sont actuellement admises au séjour sur ce même motif. Le graphique présenté à cette même page atteste qu’il y a une quasi-constance en la matière.

D’autre part, puisque, monsieur Kaltenbach, vous avez fait référence au rapport de l’IGAS du mois de mars 2013, je me permets de vous en lire quelques extraits :

« Force est de rappeler, en premier lieu, que, même dans sa rédaction en vigueur, le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile constitue la législation vraisemblablement la plus ouverte et généreuse en Europe, voire dans le monde, pour l’admission au séjour des étrangers malades. De même, le récolement statistique opéré par la mission démontre que la loi adoptée en juin 2011 n’a pas eu d’impact significatif sur le volume global des admissions au séjour prononcées en France pour motif de santé, qui poursuit une progression lente et régulière. Les avis favorables délivrés par l’autorité médicale, même appréciés sur une longue période, sont remarquablement stables […].

« Dans ces conditions, la mission est très réservée sur la pertinence d’une abrogation pure et simple de l’article 26 de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dans le seul but de revenir à la rédaction antérieure du texte.

« En effet, une telle abrogation remettrait en vigueur, par voie de conséquence, l’interprétation prétorienne qui a été faite de l’ancienne législation par les décisions de la section du contentieux du Conseil d’État du 7 avril 2010. Dans ces affaires, la haute juridiction a déduit de l’adverbe “effectivement” la possibilité pour l’étranger de contester la possibilité pour lui de bénéficier d’un traitement effectif dans son pays de retour, eu égard à ses moyens financiers propres ou à son éloignement géographique du centre médical indispensable au suivi de ses soins.

« Or ces critères tirés des ressources personnelles ou du choix de résidence dans le pays de retour ne sont susceptibles d’aucune appréciation objectivable pour l’administration et compliquent singulièrement la tâche de celle-ci, alors même qu’elle se heurte déjà, en l’état actuel du droit, à des difficultés importantes en termes de recherche d’information sur l’offre de soins dans les pays de retour. »

Toutes les auditions que nous avons menées dans la perspective de l’examen du projet de loi ont abouti à des conclusions concordantes : un tel changement n’est pas souhaité ; l’administration éprouverait de très grandes difficultés pour apprécier effectivement l’ensemble des critères qui seraient fixés, alors même que la sécurité des soins pour les étrangers malades ne serait pas mieux garantie.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements, je souhaite indiquer à M. le rapporteur que la loi votée en 2011, à laquelle il a fait référence, n’a pas eu d’effets puisque la circulaire qui a suivi l’adoption de cette loi a demandé aux ARS de ne pas l’appliquer tant son contenu était singulier.

Ainsi, le Premier ministre de l’époque, François Fillon, estimant dès 2011 que sa majorité avait fixé des règles inapplicables, a pris une circulaire pour demander qu’elles ne soient pas mises en œuvre. Eh bien, nous avons simplement proposé d’inscrire les principes de cette circulaire dans la nouvelle loi. Voilà la réalité factuelle !

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements, qui visent à revenir à notre version initiale. La délivrance du titre de séjour « étranger malade » doit dépendre de l’accès effectif aux soins dans le pays d’origine, et non de leur simple existence.

Le dispositif proposé renforce donc la protection des personnes concernées. Le fait qu’un traitement médical approprié existe dans le pays d’origine ne garantit pas à lui seul que l’étranger peut en bénéficier. Il peut y avoir des obstacles, par exemple liés à la répartition des soins dans les différents établissements de santé ou aux capacités financières du malade. Le traitement ne doit pas seulement exister ; il doit aussi être accessible. Voilà ce qui définit la réalité de la possibilité d’accès aux soins.

Nous sommes donc favorables au retour au texte initial du Gouvernement, c'est-à-dire au retour à l’esprit de la circulaire que François Fillon avait édictée avec raison pour corriger certains excès du mauvais texte adopté par la majorité précédente.

M. Philippe Kaltenbach. Très belle démonstration !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je n’ai pas l’intention de polémiquer. La question n’est pas de savoir ce que M. Fillon a fait en 2011 et si cela pourrait me placer aujourd'hui en porte-à-faux.

Je vois un avantage au cadre juridique actuel : sur un principe législatif clair, qui correspond à des contraintes et à des enjeux importants, il est possible d’adapter les choses par voie réglementaire, en fonction des circonstances. Une telle souplesse me semble utile. Je pense qu’il faut la préserver, dans l’intérêt de notre administration et, plus généralement, dans l’intérêt du pays ! (Mme Colette Giudicelli et M. Antoine Lefèvre applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le rapporteur, lorsque je reconnais que le Premier ministre ayant dirigé le gouvernement de la France pendant la législature précédente a agi de manière pertinente, j’ai le sentiment non pas de polémiquer, mais de rendre hommage à l’action d’un décideur public qui s’est montré rationnel dans un contexte qui ne l’était pas toujours. Vous en conviendrez, pour un ministre de l’intérieur d’un gouvernement appartenant à une majorité différente, il y a des façons plus offensives de polémiquer !

Je dis simplement que le Premier ministre de l’époque a pris une décision tout à fait rationnelle et sage – je tiens à la saluer, car je suis dépourvu de tout esprit de sectarisme – dans un contexte tel que, faute de cette décision, on aurait connu des situations préjudiciables.

Je dis également, et ce propos n’est pas plus polémique, que la garantie de pouvoir accéder à des soins ne se définit pas seulement par l’existence d’un traitement ; il faut aussi que les personnes susceptibles d’en avoir besoin aient la possibilité effective d’en bénéficier.

Je dis enfin que c’est l’honneur de la France d’accueillir et de soigner correctement des personnes dont la vie pourrait être menacée faute de soins dans leur pays. Cela a toujours été la position française. Le Gouvernement ne souhaite pas que l’on en change. Il lui paraît très positif de faire figurer ces principes dans la loi.

Il n’y a donc là aucune polémique. Le Gouvernement exprime simplement ses choix et veut les inscrire dans la loi, dont l’objet est aussi de réaffirmer des principes auxquels nous tenons.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 130 et 165.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 72, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5, deuxième et troisième phrases :

Rédiger ainsi ces phrases :

La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative, après avis du médecin de l’agence régionale de santé de la région de résidence de l’intéressé, désigné par le directeur général de l’agence ou, à Paris, du médecin chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l’agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. En modifiant l’article L. 313-11 du CESEDA, l’article 10 du présent projet de loi confie l’évaluation médicale aux médecins de l’OFII, désormais compétents pour accorder un droit au séjour pour raisons médicales.

Comme le Défenseur des droits le soulignait lui-même, un tel transfert atteste du désengagement du ministère de la santé et comporte le risque de voir l’OFII, sous tutelle exclusive de ministère de l’intérieur, s’éloigner de l’objectif de protection et de prévention en matière de santé individuelle et de santé publique pour privilégier un objectif de gestion des flux migratoires et de contrôle des étrangers. Aucune garantie d’indépendance des acteurs concernés n’est assurée, même si je sais bien que ces médecins respecteront les règles déontologiques liées à leur profession.

Le rapport de l’IGA et de l’IGAS sur l’admission au séjour des étrangers malades du mois de mars 2013, qui pointait la disparité des avis des médecins des agences régionales de santé, préconisait un travail plus collégial de ceux-ci, et non un tel passage à l’OFII.

La circulaire interministérielle du 10 mars 2014 encourageait elle-même une telle approche.

En 1993, le Haut Comité de la santé publique constatait, quant à lui, qu’il était totalement inapproprié de confier des missions médicales relevant du ministère de la santé à une autre administration. Il dénonçait « l’absence de savoir-faire et de légitimité » de cette administration « à concevoir des politiques de santé et à assurer le repérage systématique des besoins des détenus en la matière ».

En outre, un tel transfert contrevient au principe déontologique d’étanchéité entre médecine de prévention et médecine de contrôle, défini à l’article 100 du code de déontologie médicale.

Afin d’améliorer le dispositif existant, les associations AIDES et Médecins du monde vont jusqu’à proposer la mise en place d’une commission médicale nationale sous tutelle exclusive du ministère de la santé. Votre avis sur le sujet nous intéresse, monsieur le ministre.

Vous l’aurez compris, cet amendement vise au maintien de l’évaluation médicale en vue de l’obtention d’un droit de séjour pour raisons médicales aux médecins des agences régionales de santé, sous la tutelle du ministère de la santé.

Mme la présidente. L'amendement n° 166, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Troisième phrase

Remplacer les mots :

d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État

par les mots :

d’une commission médicale nationale sous tutelle exclusive du ministère de la santé

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

3° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’avis peut être rendu de manière collégiale le cas échéant. La composition ainsi que les modalités de fonctionnement de la commission médicale nationale sont fixées par décret.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Aujourd’hui, les médecins des agences régionales de santé, placés sous la tutelle du ministère de la santé, procèdent à l’évaluation médicale en vue de l’obtention d’un droit au séjour pour raisons médicales. Le projet de loi transfère cette compétence aux médecins de l’OFII, qui est sous la tutelle du ministère de l’intérieur.

Le dispositif d’évaluation médicale a pour objectif exclusif de protéger la santé individuelle et la santé publique. Transférer la responsabilité du dispositif aux médecins de l’OFII reviendrait à éloigner le dispositif de son objectif dès lors que le pilotage exclusif de cet office ne relève pas du ministère de la santé.

Cet amendement a donc pour objet de transférer la mission d’évaluation médicale des malades étrangers des médecins des ARS à une instance collégiale nationale sous tutelle exclusive du ministère de la santé. La mise en place d’une commission médicale nationale sous tutelle exclusive du ministère de la santé contribuerait à l’égalité et à la cohérence territoriale du dispositif. Il est prévu que des avis sur les demandes de titre de séjour pour soins pourraient être rendus, au besoin de manière collégiale.

Il est impératif que le pilotage exclusif et la mise en œuvre de ce dispositif d’évaluation médicale prévu dans le cadre du droit au séjour et de la protection contre l’éloignement des malades étrangers soient confiés au ministère de la santé.

Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5, après la troisième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Sauf si le comportement de l'étranger constitue une menace à l'ordre public ou s'il est établi que sa demande constitue un cas de fraude, l'avis du collège est conforme lorsqu'il conclut à l'impossible éloignement de l'étranger à raison de son état de santé.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Par cet amendement, nous proposons qu’un étranger ne puisse pas être reconduit à la frontière lorsque l’avis du collège des médecins de l’OFII a conclu à la nécessité de continuer à le soigner en France.

L’amendement prévoit deux réserves à ce principe : le cas de menace à l’ordre public, d’une part, en cas de fraude, d’autre part. Dans ces deux cas, l’autorité administrative pourra passer outre l’avis du collège des médecins.

Nous pensons que cet amendement est équilibré et qu’il garantit les droits des étrangers malades, sans priver l’autorité administrative de ses pouvoirs.

En commission, M. le rapporteur nous a expliqué qu’il serait utile de donner le dernier mot au préfet afin qu’il puisse donner un avis différent de celui des médecins. En effet, il convient parfois que l’étranger puisse rester en France pour des raisons autres que médicales.

Cependant nous considérons qu’il s’agit, en l’occurrence, d’une admission au séjour pour des raisons médicales et que cette considération doit prévaloir sur toute autre. Qui mieux qu’un collège de médecins peut apprécier la situation médicale des patients ? C’est aux médecins de donner leur avis et, sauf en cas de menace à l’ordre public ou de fraude, le préfet doit se conformer à leur avis.

Un débat a surgi sur la question de savoir si c’est aux médecins des ARS ou à ceux de l’OFII de rendre cet avis. Pour ma part, je considère que tous les médecins, quel que soit leur ministère de rattachement, ont prêté le serment d’Hippocrate, qui fait passer la réalité médicale avant toute autre consigne. En outre, il a été inscrit dans le projet de loi que les médecins de l’OFII accomplissent cette mission dans le respect des orientations fixées par le ministre chargé de la santé. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir quant au ministère de rattachement des médecins.

En revanche, il faut vraiment que l’avis émis par les médecins soit suivi par le préfet, sauf en cas de menace pour l’ordre public ou de fraude.