M. Philippe Dallier. Ce n’est qu’un constat !

Mme Corinne Féret. Ainsi, les auteurs des deux amendements déposés sur cette mission budgétaire voudraient nous faire croire que les 4 milliards d’euros affectés par le Gouvernement à la prime d’activité lui permettraient d’« afficher » son soutien aux plus modestes, « tout en sachant que la dépense réellement engagée sera inférieure à ce montant ».

Non, la prime d’activité et les crédits inscrits pour la financer au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne sont pas de simples mesures d’affichage !

Nous faisons le pari d’accroître significativement le taux de recours à cette aide par rapport à celui du RSA activité, qui est actuellement autour de 32 %. En effet, nous avons simplifié les démarches et procédures par rapport au RSA activité, nous avons gommé tout effet stigmatisant pour les bénéficiaires et, surtout, nous avons l’ambition de faire davantage connaître aux Français les aides auxquelles ils ont droit.

S’agissant de la jeunesse, qui fait l’objet de l’article 63 rattaché, notre volonté est la même : aider celles et ceux, en l’espèce les 18-25 ans en grande précarité, à s’installer dans la vie active.

Au-delà du RSA destiné aux jeunes actifs, nous faisons le pari des contrats donnant-donnant. Avec la Garantie jeunes, en contrepartie d’une aide financière équivalant au RSA, le jeune s’engage pendant un an à suivre rigoureusement la démarche organisée pour lui par une mission locale. Lancé sur dix territoires pilotes à la fin de 2013, ce dispositif concernera 72 départements en cette fin d’année, pour atteindre un public de 45 000 jeunes. En 2016, la Garantie jeunes sera généralisée à tout le territoire, pour concerner 100 000 jeunes à la fin de 2017.

L’article 63 rattaché permettra, via le Fonds national des solidarités actives, le FNSA, le financement par l’État, en lieu et place des conseils départementaux, des dépenses de RSA versées aux jeunes actifs, et ce de façon permanente à compter de 2016. Le surcoût pour l’État est estimé à 14 millions d’euros.

Rappelons que, contrairement au dispositif de droit commun qui prévoit un partage du financement du RSA entre les départements et l’État, l’intégralité du RSA versé aux jeunes est prise en charge par le FNSA, sur la base de dispositions temporaires votées annuellement dans le cadre des lois de finances.

En ces temps difficiles, où nous avons le devoir de renforcer la cohésion nationale et de veiller à notre jeunesse, les socialistes font le choix d’aider les jeunes déscolarisés, sans emploi ni formation, souvent très isolés. Nous donnons un caractère pérenne, et non plus temporaire, au financement par l’État des dispositifs qui leur sont consacrés.

Pour conclure sur ce programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », je tiens à rappeler que, pour la première fois dans notre pays depuis 2007, la pauvreté recule, de manière toujours insuffisante, certes, mais elle recule, et c’est grâce à l’action du Gouvernement.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je terminerai mon intervention en présentant plus brièvement les deux derniers programmes.

Le programme 124 concerne l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations participant à la mise en œuvre des politiques sanitaires et sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dans notre pays. Il s’agit avant tout d’un grand programme support, auquel nous devons demeurer attentifs, afin de ne pas remettre en cause les missions confiées à ces administrations aux niveaux central et déconcentré.

La nouvelle organisation territoriale qui se dessine doit nous inviter à réfléchir à la question des moyens donnés à l’ensemble des acteurs de la solidarité et de la cohésion territoriales. Aucun territoire – je pense en particulier à nos campagnes – ne doit être laissé de côté. La période difficile que nous vivons doit surtout nous encourager, vous en conviendrez, mes chers collègues, à consolider tout ce qui peut contribuer au « vivre ensemble ».

En tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, j’ai plaisir à conclure mon allocution en évoquant les crédits du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Ils s’élèveront à près de 27 millions d’euros, en hausse de 7 % par rapport à l’an dernier. Ces crédits traduisent la volonté du Gouvernement d’agir pour les droits des femmes. En effet, nous ne pouvons nous résoudre à voir la parité encore si peu respectée et les différences de salaires perdurer, j’oserais même dire s’institutionnaliser.

Nous continuerons à soutenir les actions conduites par les associations chargées de la promotion et de la défense des droits des femmes, de l’égalité professionnelle et de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Ce programme abondera également le fonds consacré aux victimes de la traite des êtres humains et à l’insertion des personnes prostituées, tel qu’il est prévu dans le projet de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, que nous adopterons bientôt.

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de développer, programme par programme, le groupe socialiste et républicain votera avec conviction les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en pleine crise économique et sociale, alors que le chômage et la pauvreté résistent dramatiquement, les dispositifs financés par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont d’une extrême importance pour lutter contre l’exclusion et la pauvreté.

Je soulignerai tout d’abord les points très positifs de ce budget. Certains de mes collègues l’ont noté avant moi, l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens travailleurs migrants, le Fonds pour la prévention de la prostitution et la hausse du budget en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous saluons et qui devrait permettre des actions utiles et nécessaires, sont à souligner.

Je veux ensuite exprimer mon trouble concernant un point important à nos yeux. Il ne nous semble pas acceptable de pallier les manques d’un budget en transférant des crédits d’un programme à un autre et en pariant sur le non-recours aux droits. Parce que nous ne nous inscrivons pas dans une telle logique, nous voterons contre les amendements qui, je le répète, tendent à tabler sur un non-recours aux droits pour financer d’autres dispositifs absolument fondamentaux.

Je partage les inquiétudes exprimées par plusieurs collègues concernant l’insuffisance des dotations en faveur de l’allocation aux adultes handicapés. Je rejoins tout ce qui a été dit s’agissant des difficultés actuelles de ce secteur manifestement sous-doté, qui concerne plus d’un million de personnes en France.

Toutefois, il n’est pas possible de spéculer sur le fait que les personnes extrêmement pauvres, découragées et perdues dans les méandres administratifs, renoncent à leurs droits. Il nous semble, au contraire, qu’il faudrait multiplier les efforts de lutte contre le non-recours, avec des mesures concrètes. Je pense notamment à la mise en place des rendez-vous des droits par la Caisse nationale des allocations familiales, pour tenter d’enclencher un mécanisme de simplification.

Madame la secrétaire d’État, je veux vous dire ma colère devant l’inutilité, depuis plus de deux ans, de mes nombreux appels au Gouvernement pour organiser l’accès aux droits des plus pauvres. Non seulement on n’avance pas en la matière, mais on spécule sur les difficultés, ce qui ne me paraît vraiment pas normal ! Pourtant, dans certains domaines, on a réussi à mettre en place des mesures de simplification, notamment en direction du public et des entreprises.

Puisqu’il semble y avoir des problèmes concernant l’accès à la prime d’activité, pourquoi le Gouvernement n’essaie-t-il pas de les analyser et, surtout, de supprimer la complexité des démarches à effectuer ?

Le non-recours aux droits, ce n’est qu’une économie à court terme, qui satisfait des visions uniquement budgétaires. On sait très bien qu’une telle donnée ne peut pas être une variable d’ajustement, sauf à partager une vision court termiste. En effet, les dégâts sanitaires, sociaux et humains sont tout simplement différés, ce qui débouche sur des dépenses bien plus importantes dans les années suivantes.

En outre, affirmer d’emblée que le budget voté ne sera pas exécuté trouble nos repères républicains. On n’a pas à afficher ce genre de démarches dans la période actuelle.

J’évoquerai plus rapidement, car je l’ai déjà fait en commission, le budget du programme « Économie sociale et solidaire ». Je regrette qu’il ne puisse pas être examiné, au moins pour avis, par la commission des affaires sociales. En effet, l’ESS représente une part importante de l’économie française, puisque les entreprises de ce secteur créent un emploi sur cinq en France. En outre, ses enjeux sociaux et de solidarité sont fondamentaux.

Nous aurions ainsi eu l’occasion de faire un bilan annuel de l’affectation des sommes à ce secteur, afin de savoir ce qu’il peut apporter à la nation. C’est une chose importante, qu’il conviendrait de prévoir dans le cadre du projet de loi de finances que nous examinerons l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Mme Catherine Troendlé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité.

Les crédits de cette mission augmentent de 2,5 milliards d’euros, notamment en raison de la création de la prime d’activité, créée par la loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août dernier, qui vise à remplacer l’ancienne prime pour l’emploi et le RSA activité. Je voudrais donc tout d’abord évoquer cette nouvelle prime, puisque 2016 sera la première année de son fonctionnement.

Diverses études ont conclu à l’intérêt de fusionner deux prestations qui n’atteignaient pas pleinement leurs objectifs. La philosophie ayant poussé notre majorité à créer le RSA est maintenue avec la prime d’activité, ce dont je me réjouis : celle-ci repose en effet sur l’incitation à la reprise d’un emploi, en venant compléter les revenus des personnes aux ressources modestes, si celles-ci travaillent. Comme le RSA activité, la prime d’activité se déclenchera dès le premier euro de revenu d’activité.

Une évaluation sera nécessaire dans les prochains mois, pour observer si les écueils des précédents dispositifs sont évités.

Le RSA activité souffrait d’un taux important de non-recours, puisque deux tiers des personnes éligibles ne bénéficiaient pas de son soutien. La prime pour l’emploi, quant à elle, présentait l’inconvénient de saupoudrer la dépense publique sans guère améliorer le niveau des revenus, le montant moyen étant de 400 euros par an, soit 33 euros par mois.

Si le principe qui préside à la création de la prime d’activité satisfait notre groupe, j’émettrai cependant plusieurs réserves.

Tout d’abord, cette nouvelle prestation fera des perdants, dont le nombre est estimé à 824 000. Elle pose en effet un problème majeur : la prime d’activité remplace un crédit d’impôt, la prime pour l’emploi, pour lequel le taux de recours était par principe de 100 %, ce qui n’est pas le cas du RSA activité. Les perdants de la réforme seront donc nombreux parmi les ménages recevant actuellement la PPE, soit parce qu’ils ne seront pas éligibles à la prime d’activité, soit parce qu’ils ne feront pas la démarche nécessaire pour la percevoir.

Il convient également de noter que les étudiants qui travaillent et qui pouvaient bénéficier de la PPE ne seront éligibles à la prime d’activité que si leurs revenus professionnels excèdent 0,78 SMIC. Cette condition est nouvelle et exclut un grand nombre d’entre eux.

De plus, et surtout, je voudrais dénoncer l’affichage politique qui consiste à annoncer des crédits de 4 milliards d’euros pour le financement de la prime d’activité, alors que ce montant repose sur une estimation manifestement fausse. Les prévisions reposent sur l’hypothèse d’un taux de recours à la prime d’activité de 50 %, alors que le taux de recours du RSA activité n’est aujourd’hui que d’environ 32 %.

Certes, le Gouvernement compte prendre des mesures d’information et de simplification des procédures. Cependant, une montée en charge aussi rapide et importante n’est guère envisageable. Le Gouvernement affiche donc un soutien de 4 milliards d’euros aux revenus d’activité modestes, tout en sachant que la dépense réellement engagée sera inférieure à ce montant.

En conséquence, notre groupe soutiendra l’amendement présenté par la commission des finances, qui vise à diminuer de 650 millions d’euros les crédits consacrés à la prime d’activité.

S’agissant toujours du RSA, et même si cette question ne concerne pas le présent budget, je dirai quelques mots du RSA socle. La dépense liée à son financement connaît une forte progression, évaluée par l’Assemblée des départements de France à 9 % par an depuis 2012.

Selon l’ADF, le reste à charge des départements s’élèverait à 3,3 milliards d’euros en 2014 et à 4 milliards d’euros en 2015. Cette hausse est liée à l’augmentation de 23 % du nombre de bénéficiaires du RSA socle entre 2010 et 2014 et à trois revalorisations de 2 % chaque année en 2013, 2014 et 2015.

Les départements sont contraints de financer une prestation sur laquelle ils ne disposent d’aucun levier, puisqu’ils ne fixent ni les conditions d’éligibilité ni les montants versés. L’ADF a donc demandé la recentralisation du financement du RSA.

M. Philippe Dallier. Très bonne idée !

Mme Catherine Troendlé. Un groupe de travail entre l’État et les départements a été créé sur ce thème en juillet dernier. Il doit rendre un rapport au premier trimestre 2016. Madame la secrétaire d’État, seriez-vous déjà en mesure de nous communiquer certaines de vos conclusions après les premiers échanges ?

Je souhaite enfin évoquer le programme dédié à la politique du handicap et de la dépendance, sujet particulièrement important en matière de solidarité. Je relève deux difficultés.

La précédente majorité avait fortement revalorisé, à hauteur de 25 %, l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, sur la période 2008-2012. Par la suite, les dotations des lois de finances initiales pour 2014 et pour 2015 se sont révélées insuffisantes. Dans son rapport du 24 juin 2015, la Cour des comptes a estimé que le risque d’insuffisance de dotation pour le financement de l’AAH était de l’ordre de 300 millions d’euros en 2015.

Les dépenses relatives au versement de l’AAH paraissent largement sous-budgétées. En effet, alors que le nombre d’allocataires continuera d’augmenter, les montants inscrits dans le budget sont stables par rapport à ceux de l’année dernière. Je me réjouis donc que le Gouvernement, sous la pression des associations, ait abandonné son projet de prendre en compte, pour le calcul de l’AAH, les ressources des bénéficiaires.

Cette décision a permis d’augmenter de 90 millions d’euros les crédits du programme « Handicap et dépendance ». Je rappelle que l’AAH est de 807 euros, alors que le seuil de pauvreté est de 977 euros par mois.

Je dirai un mot également des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Là encore, les départements sont largement mis à contribution pour financer le fonctionnement de ces structures, dans un contexte de baisse importante de leurs dotations. Ces problèmes de financement affectent la qualité des services rendus : les MDPH consacrent une énorme part de leur temps à effectuer des tâches administratives, sans avoir toujours les moyens d’offrir aux personnes handicapées et à leurs proches l’accompagnement dont ils ont besoin.

L’article 21 bis du projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit la création d’un plan d’accompagnement global destiné à éviter les ruptures de parcours, sans qu’aucun soutien financier ne soit engagé à cet effet.

Les directeurs des MDPH ayant fait part de leur inquiétude, notre rapporteur pour avis, M. Philippe Mouiller, s’est emparé de ce sujet et a déposé un amendement tendant à augmenter les crédits du programme de 10 millions d’euros.

Notre vote sera donc conditionné par l’adoption des deux amendements respectivement présentés par M. le rapporteur général de la commission des finances et par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

L’adoption de ces amendements nous semble essentielle, d’une part, pour rétablir la sincérité des comptes, et, d’autre part, pour envoyer un message fort aux familles de personnes handicapées, dont la vie s’apparente trop souvent à un véritable parcours du combattant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la progression des crédits de cette mission, essentiellement due à celle des dotations de la prime d’activité, ne peut masquer l’insuffisance de ce budget au regard des politiques de solidarité nécessaires.

La principale mesure nouvelle de ce projet de loi de finances est le remplacement de l’ancienne PPE, qui était directement déduite de l’impôt sur le revenu, et du RSA activité, par la prime d’activité.

Malgré la campagne d’information menée par le ministère des affaires sociales, il est à craindre que de nombreux bénéficiaires de la PPE ne fassent pas la démarche de demande de la prime d’activité. L’importance du non-recours est d’autant plus probable qu’au nombre des obstacles au recours, les faibles montants versés aux personnes en fin de droits s’ajoutent aux démarches administratives de déclaration des ressources.

Toutefois, le groupe CRC ne partage pas la position du rapporteur général de la commission des finances, qui propose de réduire de 650 millions d’euros les crédits dédiés à cette prime, afin de tenir compte de la réalité du taux de recours, actuellement estimé à 32 % pour le RSA activité. Vous conviendrez, mes chers collègues, que cette proposition manque franchement d’ambition, pour ne pas dire plus, puisqu’elle parie sur un non-recours à des droits ouverts !

En outre, il importe de revoir le financement et de recentraliser la gestion de cette prestation, qui relève de la solidarité nationale. Depuis 2004, en effet, les départements gèrent et financent le versement du RSA, mais aussi les dépenses d’insertion. Avec la crise, cette compétence est devenue leur premier poste de dépense.

En 2014, ils ont versé 9,8 milliards d’euros ; ce chiffre a presque doublé en dix ans. Or l’État n’a compensé ces frais qu’à hauteur de 6,4 milliards d’euros, laissant aux collectivités un reste à charge croissant. Pour le département du Val-de-Marne, que je connais le mieux, cette non-compensation représente 92,5 millions d’euros. Cette saignée des départements doit cesser !

Mes chers collègues, la mission de solidarité de l’État est d’autant plus importante que, en 2013, quelque 8,6 millions de personnes, soit 14 % de la population, vivaient en France sous le seuil de pauvreté.

Dès lors, nous devons mettre en place de nouveaux dispositifs de soutien, à l’image de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine. Nous soutenons cette mesure prise en faveur des Chibanis.

Les dotations du programme « Handicap et dépendance », quant à elles, connaissent une quasi-stagnation. Elles ont certes failli diminuer, puisque le Gouvernement avait initialement prévu de modifier les critères de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, ce qui aurait conduit à pénaliser 210 000 allocataires de l’AAH à taux plein. Devant le tollé suscité par cette injustice, il a fort heureusement dû se ressaisir, comme l’a souligné notre rapporteur spécial Éric Bocquet. Il importe désormais que les différentes barrières d’âge en matière de droit à compensation soient supprimées, comme la loi du 11 février 2005 l’avait déjà prévu.

Toujours s’agissant du handicap, les efforts sont également trop mesurés en matière de financement des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT. Nous en avons beaucoup débattu au sein de la commission des affaires sociales.

La participation de l’État progresse de 8,5 millions d’euros seulement, alors que le nombre de places est gelé depuis 2012. Ce gel, l’instauration de tarifs plafonds et le transfert, prévu pour 2017, du financement des dépenses de fonctionnement vers l’assurance maladie fragilisent l’équilibre financier des ESAT.

Nous nous inquiétons du faible investissement de l’État dans ces structures, au moment même où, en raison d’un manque de places d’hébergement spécialisé, quelque 6 000 personnes handicapées françaises sont prises en charge dans des établissements situés en Belgique.

Le Gouvernement, conscient de ce problème, a lancé pour y remédier, en octobre 2015, un plan d’aide de 15 millions d’euros, mais, selon l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, 47 000 personnes handicapées seraient en attente de placement en France. Nous sommes donc loin du compte : le développement de solutions de proximité doit faire l’objet de moyens accrus, afin de répondre aux besoins des personnes handicapées.

C’est pourquoi, bien que nous soyons favorables au renforcement des moyens des maisons départementales des personnes handicapées, qui sont chargées de gérer les différents dispositifs à l'échelon local, nous nous abstiendrons sur l’amendement présenté par notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, qui vise en effet, à enveloppe constante, à opérer un simple transfert de moyens.

Cette mission, au travers du programme 137, prévoit également l’augmentation de 6,6 % des crédits destinés à la promotion de l’« égalité entre les femmes et les hommes », avec la création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, abondé à hauteur de 2,8 millions d’euros. Nous soutenons totalement la création de ce fonds et resterons vigilants, afin que les moyens nécessaires soient effectivement au rendez-vous.

Je regrette que les crédits de cette mission ne permettent pas de lutter de façon plus percutante en faveur de l’égalité professionnelle. Je salue néanmoins le fait que les entreprises de plus de 50 salariés qui ne respectent pas leurs obligations en la matière soient privées d’accès à la commande publique.

Toutefois, est-ce trop que demander, au XXIe siècle, que les lois sur l’égalité salariale soient enfin appliquées ? Je rappelle que, comme l’a montré une étude de l’INSEE publiée en 2008 et portant sur les salaires versés en 2007, quelque 124 milliards d’euros par an, dans le secteur privé, ne sont pas versés aux femmes, pour la simple raison qu’elles sont des femmes ! Cela représente, selon la même étude, quelque 52 milliards d’euros de cotisations en moins pour le budget de la sécurité sociale. Lorsque l’on cherche de nouvelles sources de financement, on en trouve !

Enfin, le Gouvernement réduit encore les dépenses de personnel de la direction générale de la cohésion sociale et des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, ainsi que la contribution de l’État au fonctionnement des agences régionales de santé.

La fédération des centres sociaux et socioculturels de Bretagne nous a alertés sur les conséquences des baisses de moyens. Alors que ces centres bénéficiaient, jusqu’à présent, d’une dotation du ministère des affaires sociales, celle-ci sera désormais gérée par la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative du ministère de la ville, ce transfert étant au passage agrémenté d’un coup de rabot de 700 000 euros.

Le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » permet certes d’intervenir auprès des plus fragiles, mais il ne nous donne pas les moyens de réduire significativement les inégalités sociales.

Pour cette raison, notre groupe votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tâcherai, au cours des vingt minutes que vous m’attribuez, de répondre à quelques-unes des questions soulevées à la fois au sein de votre commission des finances et ici même aujourd’hui.

S’agissant, tout d’abord, de la situation des personnes handicapées françaises en Belgique, qui n’est pas nouvelle, une première étape, comme le rappelle le rapport spécial de la commission des finances, a été l’entrée en vigueur, en 2014, de l’accord-cadre signé entre la France et la Wallonie.

Cet accord permet de contrôler, par des audits conjoints, la qualité de l’hébergement, de l’accueil et de l’accompagnement dans les établissements belges. Je proposerai prochainement que des règles soient également instituées, afin d’interdire le démarchage publicitaire des familles, des associations et des départements au profit de ces établissements situés en Belgique.

Marisol Touraine et moi-même avons pris l’engagement de donner la priorité aux réponses de proximité sur le territoire français, afin qu’aucune orientation vers la Belgique ne soit plus subie.

Néanmoins, l’accueil des personnes handicapées ne donne pas simplement lieu à un système de vases communicants. Malgré l’ouverture, chaque année, de 4 000 nouvelles places en France, on compte toujours 6 000 personnes hébergées dans des structures belges : 1 500 enfants et 4 500 adultes.

La raison en est simple : il s’agit d’un problème d’organisation. Lorsqu’une maison départementale des personnes handicapées oriente un patient vers ce genre d’établissements, elle se contente d’ouvrir un droit : c’est à la famille de trouver une place dans sa région. Ni les maisons départementales des personnes handicapées ni les agences régionales de santé ne peuvent imposer à un établissement l’accueil d’une personne. Celui-ci est libre d’accepter ou non un candidat, en fonction de son handicap et de son profil.

Vous le savez, certains types de handicaps entraînent des troubles du comportement. Or peu d’établissements sont volontaires pour accueillir les publics concernés. Ce sont donc essentiellement ces personnes – certes, il peut aussi y en avoir d’autres – qui sont orientées vers la Belgique. Notre objectif est d’arrêter ce flux.

L’article 21 bis du projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont il a déjà été fait mention, donne aux maisons départementales du handicap le pouvoir de construire des solutions d’accompagnement global pour toutes les personnes sans solution. Nous pourrons ainsi réorienter les crédits « assurance maladie » vers les agences régionales de santé de la région du candidat à partir des demandes de financement adressées en Belgique, avec l’accord de la famille, afin de construire une solution sur mesure, par exemple une extension de places dans un établissement existant.

Les 15 millions d’euros que nous consacrerons dès 2016 correspondent donc bien à un fonds d’amorçage. Le cas échéant, celui-ci pourra être abondé par des moyens complémentaires. Cela permettra de soutenir les établissements qui, ayant une place disponible, auront besoin de recevoir des renforts, compte tenu de la complexité de la situation de la personne, mais également de procéder à des créations ou à des extensions de places sur mesure, en fonction des attentes. La création de places sera nominative, pour la personne qui aurait dû être orientée en Belgique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite de l’initiative du président de votre commission des affaires sociales, M. Alain Milon, de mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Cela vous permettra d’évaluer la situation et de formuler des propositions. En effet, je suis preneuse de toutes vos idées.

Le transfert des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, à l’assurance maladie était fortement attendu par les acteurs du secteur. En effet, ces établissements sont aujourd'hui financés par le budget de l’État, alors que le financement de l’ensemble des autres établissements ou services d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées relève de l’assurance maladie.

Un transfert des crédits de l’État vers l’assurance maladie est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Il s’opérera progressivement, à compter de 2017.

Une telle mesure était réclamée par les gestionnaires et les associations de personnes handicapées. Elle permettra aux différents types d’établissements gérés par un même organisme de bénéficier d’un seul financeur. Cela ouvrira la possibilité de mieux adapter les ressources au sein des établissements en fonction des parcours des personnes handicapées, de favoriser les passerelles entre différents types d’établissements, d’aider à l’accès et au maintien en milieu ordinaire et de soutenir le parcours des personnes handicapées vieillissantes.

En effet, comme cela a été souligné, il faut faciliter le travail à mi-temps ou à temps partiel pour les personnes handicapées vieillissantes qui sont toujours en ESAT, à partir de quarante-cinq ans ou de cinquante ans. Le système global permettra d’adapter les parcours des personnes.

Je le rappelle, l’objectif fixé par le Président de la République est d’ouvrir le milieu ordinaire aux personnes handicapées.

Soyons clairs : on ne résoudra pas le chômage des personnes handicapées – quelque 460 000 personnes sont concernées – par l’ouverture de nouvelles places en ESAT. En effet, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de personnes se retrouvent sans travail à la suite d'un licenciement ou du fait de leur invalidité ; elles ne correspondent donc absolument pas au profil des personnes qui travaillent en ESAT. Il y a un contingent important des personnes handicapées sans travail du fait d’un problème de santé, d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail lorsqu’elles avaient un emploi, de troubles musculo-squelettiques…

Il me paraît important d’y réfléchir avec les partenaires sociaux. Nous devons envisager la reconversion de toutes ces personnes vers des métiers qu’elles peuvent exercer malgré les accidents du travail, les maladies professionnelles ou le handicap. C’est tout l’enjeu de la table ronde qui se tiendra au ministère du travail avec ma collègue Myriam El Khomri et les partenaires sociaux. Nous espérons aboutir à des accords de branche. Si nous voulons une société inclusive, nous devons favoriser l’ouverture du milieu ordinaire aux personnes handicapées !

Bien entendu, je suis consciente que les personnes handicapées ne pourront pas toutes travailler en milieu ordinaire. Toutefois, nombre d’entre elles en ont la capacité. Globalement, notre société doit s’ouvrir plus aux personnes handicapées.

C’est le sens de la politique que nous menons. Nous voulons aussi favoriser les ESAT « hors les murs », c'est-à-dire l’accompagnement, par du personnel médico-social, au sein des entreprises, pour que le milieu ordinaire s’ouvre. Il y a bien une compensation du handicap, mais ces personnes travaillent à l’extérieur des ESAT.

Je souhaite ajouter quelques précisions sur les personnes handicapées vieillissantes, qui ont été placées en priorité dans la circulaire budgétaire relative au financement adressée aux agences régionales de santé l’an dernier ; ce sera encore le cas pour 2016. Nous faisons remonter les multiples expériences du terrain.

Comme cela a été rappelé, un certain nombre de personnes handicapées vieillissantes vont en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, c'est-à-dire en maisons de retraite. Néanmoins, il y a aussi énormément de foyers d’accueil médicalisés qui ouvrent des places pour les personnes handicapées vieillissantes, sur des crédits de l’assurance maladie.

Faisons remonter les expériences du terrain ! Je ne suis pas favorable à la création de nouvelles obligations, ce qui réduirait le champ des possibles. En revanche, il faut peut-être donner de nouvelles recommandations pour généraliser les pratiques. Ce sera l’objet du travail qui sera effectué en 2016.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à vous exprimer sur la budgétisation de la prime d’activité. Je vous répondrai plus précisément lors du débat sur les amendements.

Le nouveau dispositif devrait bénéficier dès 2016 à 2 millions de foyers, sur 4 millions de foyers éligibles correspondant à 5,6 millions de personnes. Parmi celles-ci, un million de jeunes seront éligibles à la prime d’activité. Je vous rappelle que 5 000 jeunes seulement percevaient le RSA activité. C’est donc un progrès énorme pour les jeunes.

Avec cette prime d’activité, nous faisons le pari d’un effet de levier : soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes pour lever les freins à l’emploi. Nos concitoyens nous le disent : prendre ou reprendre une activité salariée, cela coûte de l’argent ! Il faut payer les transports ou la garde de son enfant, on doit payer des transports... En plus, les aides sociales diminuent, ce qui est normal quand le revenu augmente.

La prime d’activité doit y suppléer. Cet effet de levier est rendu possible par les montants élevés de la prime. L’enveloppe consacrée à la réforme permettra de redonner une dynamique à ce soutien aux salariés modestes.

Au SMIC, un travailleur isolé pourra toucher plus de 100 euros par mois, contre seulement quelques euros avec le RSA activité. Or, comme c’était seulement quelques euros, les travailleurs ne faisaient pas l’effort de demander le RSA activité, qui correspondait à une démarche très compliquée pour un bénéfice insuffisant. Avec la prime d’activité, ce sera différent : plus de 100 euros par mois de gain pour un travailleur au SMIC.

Nous faisons le pari d’une amélioration des taux de recours par rapport au RSA activité, grâce aux progrès apportés par la prime.

J’en conviens, c’est un pari ambitieux : le taux de recours est de 32 % pour le RSA activité ; nous parions qu’il sera porté à 50 % en moins d’un an. Cependant, notre analyse est réaliste : une fois qu'il sera allocataire de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, le demandeur n’aura qu’à indiquer ses revenus du trimestre en ligne ou via une application spéciale pour les smartphones. Ce ne sera plus tous les mois ; ce sera figé pour trois mois. Il y aura donc moins d’indus.

Le salarié pourra connaître en quelques clics le montant de sa prime, figé pour trois mois, et la date du prochain versement. Nous allons mettre en place une communication ambitieuse. Les caisses d’allocations familiales préparent des outils permettant de toucher les bénéficiaires potentiels, c'est-à-dire tous ceux qui étaient au RSA activité, mais elles examinent aussi s’il peut y avoir des bénéficiaires au sein de leurs publics.

Un simulateur dédié sera en ligne dès le mois de décembre prochain sur le site des caisses d'allocations familiales, afin que chacun puisse savoir s’il a droit au dispositif et dans quelle mesure. Il y aura des mails ciblés des caisses d'allocations familiales et des kits de communication de la CNAF à destination des associations, pour leur permettre d’informer les personnes qui viennent les voir.

En outre, il y aura une information générale dans les formulaires de déclaration d’impôts qui seront envoyés au début de l’année 2016. La case « prime pour l’emploi » n’existera évidemment plus. Les publics concernés seront avisés que, la prime pour l’emploi n’existant plus, ils doivent penser à demander leur prime d’activité. L’information s’adressera donc bien à l’ensemble des Français. Ensuite, chacun pourra se rendre sur le site de la caisse d'allocations familiales et utiliser le simulateur, puis le service d’inscription en ligne.

Simplification, dématérialisation, communication très développée, droits figés pour trois mois… Nous ne manquons pas d’instruments pour réussir notre pari ambitieux : arriver à 50 % de recours pour la prime d’activité.

Je le répète, la lutte contre le non-recours est une priorité du Gouvernement. Telle est ma feuille de route. Tel est l’objet du plan d’action en faveur du travail social que j’ai présenté voilà quelques semaines en conseil des ministres avec Marisol Touraine.

Moi aussi, je souhaite supprimer la complexité ! Tout le Gouvernement œuvre en ce sens. Il y a même une secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)