M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion des débats budgétaires ou législatifs, voilà plusieurs années que l’on dresse à cette tribune le constat des difficultés rencontrées par l’agriculture et les secteurs associés. Or force est de le constater, malgré les textes successifs, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée.

En vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de plus de moitié. Ce sont les petites et moyennes structures des territoires ruraux, déjà fragiles, qui en ont le plus souffert.

Le secteur agricole est régulièrement touché par des crises et doit faire face à la concurrence grandissante non seulement de pays émergents, mais aussi de certains voisins européens.

Or, tandis que les questions de l’attractivité des métiers agricoles et de la modernisation des exploitations se posent avec force, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » témoignent d’une vision étriquée et inadaptée de notre agriculture, alors que celle-ci a besoin de perspectives d’avenir.

Les mesures d’urgence annoncées par le Gouvernement cet été ne trouvent pas leur traduction budgétaire dans la mission. Par exemple, il avait été prévu que le Fonds d’allégement des charges, le FAC, soit augmenté de 50 millions d’euros, mais les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 sont de 1,56 million d’euros seulement… Il en est de même pour le soutien à l’investissement.

Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter, en particulier, sur l’accumulation de normes et de réglementations parfois ubuesques à laquelle agriculteurs et éleveurs sont confrontés, et qui entrave leur action.

Cette inflation normative, que l’on doit aux gouvernements successifs, quelle que soit leur tendance politique, résulte non seulement des dispositions et réglementations nationales et de la transposition de directives européennes, mais également de la surtransposition exagérée de ces règles communautaires par les autorités françaises.

En effet, la France surtranspose les textes européens sans toujours examiner le degré de transposition retenu par les autres États membres, et sans utiliser les dispositifs communautaires permettant de moduler l’application de ces textes.

Cette propension française à aller bien au-delà de ce qui est utile et nécessaire a conduit, par exemple, à des normes plus sévères en France qu’en Allemagne en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.

Lorsque j’étais député, j’ai eu l’honneur de commettre, en 2013, avec Germinal Peiro, un rapport sur l’élevage dans lequel les difficultés de ce secteur étaient mises en exergue, en particulier l’inflation normative.

Ainsi, alors que les textes européens ne l’imposent pas, la France a mis en place un seuil d’entrée dans le régime d’autorisation des ICPE en élevage bovin fixé à 50 vaches laitières et 100 vaches allaitantes, faisant peser sur tout projet d’agrandissement un risque de refus, au terme de procédures longues et coûteuses.

Cette inflation normative aboutit à des contraintes juridiques toujours plus lourdes et plus complexes qui brident la compétitivité de notre agriculture. Comment les exploitants agricoles français peuvent-ils exercer sereinement leur activité quand ces normes les écrasent en permanence ? Une simplification apparaît indispensable !

Henri Cabanel disait précédemment à juste titre que nous sommes dans une compétition mondiale. Alors, monsieur le ministre, faisons en sorte de ne pas prendre le départ de la compétition avec des boulets aux pieds !

Enfin, et surtout, je veux mettre l’accent sur la nécessité de redonner à notre agriculture son caractère « d’excellence à la française ». Les secteurs qui y sont associés doivent redevenir des moteurs de croissance pour nos territoires ruraux.

Personnellement, je doute que ce projet de budget en baisse, ni très ambitieux ni très volontaire, y contribue vraiment. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture est une activité absolument essentielle dans notre pays où, rappelons-le, plus de 450 000 exploitations agricoles emploient un peu moins de 1 million de personnes. C’est une activité extrêmement importante, qui a de surcroît l’avantage d’irriguer les territoires.

Jean-Jacques Lasserre et Pierre Médevielle comptent tous deux sur l’agriculture pour le développement de leur département respectif que sont les Pyrénées-Atlantiques et la Haute-Garonne. Or, vous le savez plus que d’autres, monsieur le ministre, cette activité connaît de fortes crises, qui ne cessent de se succéder, phénomène qui nous inquiète.

Le budget que vous nous présentez est-il de nature à restaurer la confiance de l’ensemble des professionnels agricoles ?

M. Daniel Raoul. Bien sûr !

M. Michel Canevet. Non, hélas, contrairement à ce que vous estimez, monsieur Guillaume.

M. Didier Guillaume. C’est dommage !

M. Michel Canevet. Ne l’oublions pas, la situation est particulièrement grave.

Ainsi, il faut savoir que plus d’un tiers des 5 000 éleveurs du Finistère, ce département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, est en très grande difficulté. Imaginez les conséquences si leur situation financière ne s’améliore pas ! Or votre projet de budget ne présente pas les éléments de nature à leur apporter le soutien dont ils ont besoin pour surmonter cette crise, qui, dans certains secteurs d’activité en difficulté, comme ceux du lait ou du porc, ne cesse de se prolonger.

En réalité, comment examiner ce budget ? Nous devons l’examiner à l’aune tout d’abord des mesures d’urgence que vous proposez, puis de la compétitivité nécessaire de ce secteur d’activité, enfin des questions de traçabilité, essentielles à nos yeux pour que ce secteur retrouve, demain, plus d’allant.

S’agissant des mesures d’urgence, force est de constater que les aides financières que vous proposez dans ce projet de budget ne sont pas à la hauteur des besoins : les crédits dédiés tant au FAC, à hauteur de 1,5 million d’euros, qu’au dispositif Agridiff, pour 1,85 million d’euros, sont notoirement insuffisants.

Par ailleurs, des mesures fiscales plus accentuées devraient être mises en œuvre.

Si la déduction pour aléas, par exemple, a permis d’aider 11 400 entreprises pour quelque 39 millions d’euros en 2014, ce dispositif mérite d’être très significativement amplifié, car il est de nature à apporter de la sécurité et à permettre à des exploitations de surmonter les crises agricoles répétées que nous connaissons.

Nous souhaitons donc que vous puissiez formuler des propositions en matière fiscale, afin que des mesures soient prises de façon que les entreprises puissent sortir de ce contexte extrêmement difficile.

Quant à la compétitivité de nos entreprises agricoles, il s’agit d’une question essentielle pour nous. Or, on le sait, confronté à la concurrence internationale et à ses prestations à bas coût, notre secteur agricole n’est pas suffisamment compétitif. La lecture des chiffres de la balance commerciale agricole suffit à le constater : sans les vins et les spiritueux, celle-ci est, hélas, déficitaire. Pourtant, la France est un grand pays agricole et agroalimentaire. Cette situation est donc préoccupante, car la population, qui ne cesse de croître, devra toujours se nourrir.

La compétitivité de nos exploitations agricoles passe notamment, monsieur le ministre, par une baisse significative des charges sociales que doivent acquitter les agriculteurs. Certes, des dispositifs existent déjà s’agissant des travailleurs occasionnels, mais ils sont insuffisants.

Par conséquent, nous souhaitons qu’un effort soit réalisé à ce sujet. Nous ne méconnaissons pas le contexte budgétaire actuel, mais nous considérons que, par une politique responsable d’augmentation des taux de TVA, les charges sociales que doivent acquitter les professionnels du secteur primaire, en priorité, pourraient être réduites.

Ce projet de budget doit également traduire la capacité à accompagner les investissements que les professionnels agricoles souhaitent réaliser pour obtenir de la valeur ajoutée.

Par ailleurs, de manière récurrente, les professionnels que nous rencontrons évoquent la simplification administrative, absolument nécessaire au regard de toutes les contraintes auxquelles ils sont soumis aujourd’hui : nos agriculteurs ont bien du mal à répondre à toutes les demandes de documents qui leur sont adressées.

J’en viens à la traçabilité des produits.

En la matière, le groupe UDI-UC considère comme essentielle la question de l’étiquetage. Il importe que le consommateur soit parfaitement informé de l’origine des produits, à laquelle il est, nous semble-t-il, extrêmement sensible, ainsi qu’à la valorisation des produits de France.

Certes, l’on nous oppose en permanence la position de Bruxelles, qui mettrait son veto à l’inscription d’une meilleure traçabilité. Dès lors, comment expliquer que, le 11 novembre dernier, la Commission européenne ait imposé que, désormais, les biens et denrées produits dans les colonies juives de Cisjordanie soient étiquetés comme tels ? Si on peut le faire pour des produits de cette origine, pourquoi ne peut-on le faire, et de façon extrêmement précise, pour l’ensemble des produits alimentaires fabriqués en France et en Europe ? On doit pouvoir avancer sur ce sujet. Il n’y a aucune raison que le traitement diffère des uns aux autres.

Cette question de la traçabilité est aussi liée à la capacité de nos moyens de contrôle sanitaire. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez obtenu 60 postes supplémentaires à cette fin. Néanmoins, les moyens dédiés aux contrôles sont globalement en baisse. Notre préoccupation est que les services de contrôle puissent réellement assurer leur mission.

En conclusion, monsieur le ministre, la devise de ma commune est Neb ne had ne ved ket, ce qui signifie « qui ne sème ne récolte ». Pour pouvoir récolter demain, il faudrait que le budget soit amélioré ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2016 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’inscrit dans une trajectoire qui conjugue trois objectifs étroitement liés.

Deux sont propres à la politique agricole. Le premier est l’amélioration structurelle de la performance économique, sociale et environnementale de l’appareil de production, dans la coexistence de modes et d’organisations de production différents, mais complémentaires pour répondre à la variété des besoins des marchés. Le deuxième est la réponse immédiate aux crises que traversent certaines filières qui, pour paraître conjoncturelles, n’en ont pas moins un caractère structurel. Le troisième, enfin, commun à toutes les missions du présent projet de loi de finances, est la contribution à la restauration progressive des comptes publics de la nation.

Cependant, l’appréciation du budget consacré en 2016 à la politique agricole de la France ne saurait se limiter à l’analyse des quatre programmes de la présente mission.

Je veux tout d’abord rappeler l’enjeu, relevé avec succès par le Président de la République en 2013, qu’a constitué le maintien du niveau de la PAC à 9,7 milliards d’euros sur la période allant de 2014 à 2020. En prenant aussi en compte le financement de l’équilibre du régime des retraites, la France consacrera, en réalité, 19,9 milliards d’euros aux politiques agricoles en 2016. Pour faire écho aux propos d’Henri Cabanel, pour 100 euros de production agricole ou agroalimentaire française sont versés un peu plus de 25 euros d’argent public.

Au périmètre de l’ensemble des fonds publics consacrés au secteur agricole, la contribution budgétaire au redressement des comptes publics est donc de 1 %.

En matière de soutien à la compétitivité de l’appareil productif, trois dispositifs contributifs sont à souligner.

Tout d’abord, 1 milliard d’euros seront consacrés en 2016 à la modernisation des exploitations. Ces aides sont revalorisées de 350 millions d’euros par an pendant trois ans, dont 86 millions d’euros en provenance du ministère, en hausse de 35 % par rapport à 2015. On peut noter que, entre 2014 et 2016, les fonds du ministère dédiés à la modernisation ont été triplés, puisqu’ils passent de 30 à 86 millions d’euros.

Ensuite, dans le cadre du pacte de responsabilité, seront opérés des allégements de charges sociales et fiscales, pour 1,7 milliard d’euros en 2016 – soit une augmentation de 13 % par rapport à 2015 et de 70 % par rapport à 2013. Ces allégements bénéficieront, pour 734 millions d’euros, aux exploitations et, pour 966 millions d’euros, aux coopératives et entreprises agroalimentaires. Par le biais de ces mesures d’allégement, nous avons résorbé notre différentiel de coût du travail avec l’Allemagne, résorption qui est aussi due, soyons objectifs, à des raisons qui tiennent à la politique sociale allemande.

Enfin, le dispositif relatif aux travailleurs saisonniers est reconduit à hauteur de 410 millions d’euros.

Au total, l’ensemble de ces mesures d’allégement concernant le domaine agricole et agroalimentaire est passé de 2,42 milliards d’euros en 2013 à 4,216 milliards d’euros en 2016.

M. Didier Guillaume. C’est énorme !

M. Franck Montaugé. Et entre 2013 et 2017, ces allégements auront été doublés.

En matière de soutien conjoncturel, le présent budget est marqué par des mesures visant à apporter un soutien financier et fiscal immédiat à l’ensemble des éleveurs : allégement de trésorerie pour 600 millions d’euros ; restructuration des dettes ; remboursement accéléré de TVA ; mobilisation du Fonds d’allégement des charges ; accompagnement des prêts auprès des banques. L’ensemble de ces mesures représente plus de 1,1 milliard d’euros.

La prise en compte de la dimension structurelle des crises s’est aussi traduite par 300 millions d’euros de mesures supplémentaires contribuant à répondre à cinq objectifs majeurs : assurer des prix rémunérateurs ; alléger les charges ; lutter contre l’endettement ; moderniser les outils de production – le PIA y contribue ; et simplifier les normes. Au total, en trois ans, 3 milliards d’euros seront investis dans l’agriculture et l’élevage.

Notons que tous les moyens de financement de ces mesures ne relèvent pas du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’appréciation stricte des programmes de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne permet pas d’en rendre compte, mais je vous invite, mes chers collègues, à les considérer pour apprécier le soutien à l’action menée.

Dans cette intention, je souligne l’exonération, à partir de 2016, de la taxe sur le foncier non bâti et de la cotisation foncière des entreprises accordée pour les projets pionniers de méthanisation agricole, la pause dans le prélèvement des chambres d’agriculture effectué par la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti – la baisse sera plafonnée à 2 % alors que, initialement, elle devait progressivement atteindre 6 % d’ici à 2018 –, ainsi que l’extension aux associés des coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, du dispositif de suramortissement, dispositif qui n’était accessible jusqu’à présent qu’aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu.

Monsieur le ministre, le suramortissement pourrait aussi très utilement servir la compétitivité de nos coopératives, dont les plus grandes sont engagées dans la compétition internationale et contribuent très positivement à notre balance du commerce extérieur. En disant cela, je pense à des caves vinicoles comme celle de l’union Plaimont, dans le Gers, que vous connaissez bien !

Pour terminer, permettez-moi, mes chers collègues, de faire un zoom sur les actions nos 13 et 14 du programme 154.

L’action n° 13, Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles, vise à assurer la pérennité de notre agriculture. Après une augmentation de 2 % en 2015, elle enregistre une hausse de 19,7 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cela démontre l’engagement du Gouvernement en faveur du renouvellement des générations. En deux ans, les moyens consacrés à l’installation et à la modernisation des exploitations agricoles ont augmenté de 27 % et, cela a déjà été dit, l’objectif est de 6 000 installations en 2016.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je le disais au début de mon propos, l’appréciation du budget consacré en 2016 à la politique agricole de la France ne peut se limiter à l’analyse des quatre programmes de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

L’ensemble des fonds nationaux et européens qui seront dédiés en 2016 aux enjeux structurels de transformation de l’appareil productif, à la réponse aux crises des filières et au développement, tant qualitatif que quantitatif, de nos productions – soit, nous l’avons vu, près de 20 milliards d’euros – démontre la volonté forte du Gouvernement, et du ministre dont je salue l’action, de restaurer la compétitivité de ce grand secteur de notre économie nationale qui caractérise plus que tout autre, et ce depuis longtemps, l’excellence française.

Dans la durée, l’efficience de l’action menée dépendra, filière par filière, d’un juste partage de la valeur ajoutée et de l’implication de toutes les parties prenantes : l’État, bien sûr, dont on vient de mesurer l’engagement, les agriculteurs et leurs organisations, de manière tout aussi essentielle, mais aussi la grande distribution.

La représentation nationale devra y prendre sa place. Je vous invite donc d’ores et déjà, mes chers collègues, à approuver, sur la base de cette analyse, le budget pour 2016 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme la présidente de la commission des finances applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Très belle argumentation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le maintien et le développement de l’agriculture dans ses formes collectives.

La crise structurelle, qu’ont illustrée les manifestations de l’été dernier, nécessite de trouver des solutions pragmatiques et de simplifier règles et normes pour la profession agricole.

Dans de nombreuses régions, en particulier dans les terres d’élevage, l’agriculture a besoin de regrouper ses moyens, de constituer des formes collectives permettant de partager les matériels, le temps, l’espace et les investissements.

Les groupements agricoles d'exploitation en commun, les GAEC, constituent ces structures collectives et mutualisées où se croisent la solidarité et l’efficience économique, tout en améliorant les conditions de travail et de vie, notamment familiale.

Monsieur le ministre, vous avez signé un décret permettant l’application de nouveaux critères européens de transparence en matière de calcul des aides de la PAC pour les GAEC. Malheureusement, certaines régions, pour des raisons plus militantes qu’économiques, en limitent la portée. Ainsi, dans la région Poitou-Charentes, les aides sont plafonnées à 35 000 euros, dans la limite de trois associés. Un GAEC de trois associés ou plus, hypothèse qui n’est pas rare, se trouve donc pénalisé par cette disposition.

Une évolution du calcul de ces aides doit être négociée avec les régions et admise par celles-ci, afin de ne pas rendre caduque l’avancée en droit européen et français que vous avez bien défendue et que vous avez bien voulu rendre effective.

D’autres interrogations demeurent sur ces formes collectives.

Je pense aux 11 545 CUMA, qui représentent 224 300 adhérents.

Monsieur le ministre, vous indiquiez dernièrement que « la mutualisation du matériel agricole par l’intermédiaire des CUMA concourt à l’objectif de limitation de la consommation des espaces agricoles, avantage auquel s’ajoute l’intérêt économique pour les exploitations, qui peuvent ainsi réduire leurs charges opérationnelles ». Nous ne pouvons que souscrire à ces propos.

Toutefois, comme vous le savez, l’installation des CUMA, pourtant implicitement liée aux besoins de l’activité agricole, est toujours contrainte par leur statut juridique – et par lui seul. En effet, ces coopératives sont considérées, en droit, comme des prestataires de services, et non comme des entreprises agricoles, et leur installation dans les zones agricoles de nos communes rurales n’est pas possible. Alors que ses adhérents sont des exploitants agricoles, la CUMA ne peut pas construire ou étendre des bâtiments pour stocker le matériel dans des zones agricoles.

Au mois de mars dernier, dans un courrier, vous m’indiquiez que « les services déconcentrés étaient sensibilisés à cet enjeu ». Vous souligniez également qu’« une jurisprudence récente avait considéré que les projets des CUMA visant au stockage de matériel agricole étaient bien nécessaires à l’activité agricole et pouvaient donc être implantés dans des zones agricoles ». Vous confirmiez également que « les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL, mis en place par la loi ALUR, permettaient ces installations ». Enfin, vous précisiez que, « afin de limiter toute ambiguïté sur l’interprétation du code de l’urbanisme (...), un travail était en cours de finalisation avec les services du ministère chargé de l’urbanisme, conduisant à une modification réglementaire. »

La jurisprudence récente n’est pas source de confiance et de stabilité. Elle suscite de l’incertitude et conduit à un climat non apaisé dans les relations entre administrations et pétitionnaires. Dans ces conditions, il est nécessaire de confirmer des choix politiques.

Quant aux STECAL, vous le savez, ils demeurent exceptionnels et limités. Ils nécessitent de revoir des documents d’urbanisme, ce qui peut être long en ces temps de révisions générales tous azimuts – nouveaux périmètres des intercommunalités, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, schémas de cohérence territoriale, autres schémas divers…

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger de nouveau sur le sujet : qu’en est-il de l’évolution réglementaire entérinant la jurisprudence que l’on attend depuis si longtemps et dont tout le monde convient qu’elle est nécessaire ? Celle-ci pourra-t-elle être étendue aux silos des coopératives ? C’est une question que se posent les acteurs du monde de la coopération. En effet, considérées comme des entreprises de négoce, les CUMA ne peuvent s’installer que dans des zones artisanales, consommant en cela du foncier viabilisé et coûteux du fait de leur périmètre de protection. Cette situation entraîne souvent des déplacements d’engins agricoles inappropriés dans lesdites zones économiques. Nous avons donc tout intérêt à permettre l’installation des CUMA en zones agricoles, diminuant, ainsi, leurs incidences foncières et environnementales !

Toujours dans le domaine foncier, et dans la continuité de l’activité agricole, de nombreux exploitants cherchent à développer et à diversifier leurs activités, mais en restant dans le cadre agricole : création d’hébergements touristiques, transformation et vente sur leurs exploitations… Afin de diminuer les risques financiers, ils créent souvent des sociétés distinctes de l’entreprise agricole.

En agriculture, ce choix interdit la réhabilitation et la construction de bâtiments en secteur agricole pour accueillir cette diversification. Pourtant, cette dernière est bien en lien direct avec l’activité principale et la nature du site !

Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de mener une réflexion sur cet enjeu, en associant les représentants du monde agricole, afin de trouver des solutions pertinentes.

Soyons pragmatiques ! Simplifions notre droit sans le galvauder pour faciliter le développement de nos activités agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il nécessaire de rappeler l’importance de l’agriculture dans notre pays ? Si celui-ci vit des moments très difficiles, notre agriculture connaît elle-même des difficultés sur le plan économique.

Au-delà de l’importance économique de la grande entreprise agricole française, en amont comme en aval, c’est aussi l’indépendance alimentaire que nous défendons – je rappelle que nous bénéficions, dans notre pays, d’une sécurité sanitaire incomparable.

L’agriculture est également une vitrine importante de produits et une incitation à entretenir l’ensemble de nos territoires. En cela, elle est à l’origine de 50 % du chiffre d’affaires de notre tourisme.

Monsieur le ministre, vous avez la responsabilité de cet ensemble, mais, nous en sommes bien conscients, son budget vous échappe en partie. En effet, le ministre est un chef d’orchestre et le ministère doit appliquer au mieux l’ensemble des politiques, qu’elles soient européennes ou françaises. À cet égard, on ne saurait détacher le budget de l’agriculture française du budget de l’agriculture européenne, qui avoisine les 10 milliards d’euros.

Au-delà des crédits de la mission que nous examinons ce soir, le budget de votre ministère s’élève à environ 4,4 milliards d’euros. Autrement dit, il accuse une baisse de 2,8 %. Vous allez certainement me dire que vous êtes l’un des bons élèves du Gouvernement et qu’il s’agit de redresser le pays ! Toutefois, il y a quelques années, les membres du groupe socialiste tenaient, dans cette enceinte, un tout autre discours : après nous, on criait à l’assassin, alors même que le budget de l’agriculture ne baissait que légèrement – en tout cas, sa diminution était moindre qu’aujourd'hui ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle, d'ailleurs, que depuis 2012, les crédits alloués à la seule présente mission ont baissé de 1 milliard d’euros.

M. Didier Guillaume. De combien la PAC a-t-elle augmenté dans le même temps ?

M. Michel Raison. Je veux toutefois souligner quelques points positifs.

Le budget de l’enseignement agricole, qui ne figure pas dans le périmètre de cette mission, est maintenu.

Autre point important, les crédits correspondant à l’ICHN, instrument indispensable d’aménagement du territoire pour compenser les inégalités, climatiques ou géographiques, existant dans notre pays, connaissent une légère augmentation.

Ces éléments n’empêchent pas l’inquiétude sur d’autres dossiers.

J’ai évoqué, tout à l'heure, notre sécurité sanitaire incomparable, légendaire. Prenons garde à ne pas y porter atteinte, car, si l’ANSES voit ses crédits maintenus, elle se voit aussi confier des missions complémentaires, de plus en plus complexes.

Notre inquiétude porte également sur le domaine de la recherche : pour maintenir le dynamisme de notre agriculture, nous devons relancer notre recherche. Or, dans ce secteur aussi, les crédits subissent une baisse importante.

Autre source d’inquiétude sérieuse, notre agriculture est une grande entreprise économique dont la balance commerciale est positive, certes, mais seulement si l’on intègre les vins et autres alcools ! J’observe que les crédits liés à l’exportation connaissent une diminution de 42 %. Soit, les crédits ne font pas tout, mais cette évolution m’inquiète fortement !

À cela, il faut ajouter les baisses des dotations perçues par les différentes collectivités, régions ou départements. Alors que ces derniers aidaient beaucoup l’agriculture dans un certain nombre de domaines, ils ne pourront plus le faire. Veillons à ce que la grande ferme qu’est la France ne perde pas de sa compétitivité !

Bien évidemment, tout ne dépend pas de vous, monsieur le ministre. Une partie de la compétitivité agricole dépend également des agriculteurs eux-mêmes, de leurs coopératives, de leur aval, mais aussi des parlementaires.

Dans le contexte de fluctuation des prix, un certain nombre d’adaptations sont nécessaires. D'ailleurs, monsieur le ministre, avant même que vous ne vous soyez vraiment rendu compte qu’il y avait une crise ou, du moins, que vous ne l’ayez fait savoir, le Sénat avait pris le problème à bras-le-corps, en organisant une table ronde, mais aussi en rédigeant une proposition de loi pour essayer de remédier à un certain nombre de difficultés qui peuvent anéantir notre compétitivité.

Ainsi, nous avons récemment porté de cinq à six ans la durée de l’exonération de charges sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs, qui sont beaucoup plus fragiles que les autres. En effet, dans l’agriculture, la rotation des capitaux, donc l’amortissement, est très lente.

Monsieur le ministre, nous espérons que vous soutiendrez une grande partie, si ce n’est la totalité, de la proposition de loi que je viens d’évoquer. Vous le voyez, nous prenons aussi nos responsabilités !